Internet ou les nouveaux intellectuels

 

Et soudain l’autre jour, ce devait être mardi ou mercredi, j’ai eu cette révélation que si aujourd’hui Emile Zola publiait son J’accuse, si Camus nous disait son sentiment sur des guerres proches ou lointaines, ils recevraient en retour une bordée d’injures venues de cette masse de charmants anonymes qui inondent de leurs commentaires fétides les pages des journaux mises à leur disposition.

De ceux qui, à l’aide de leur compte Facebook, peuvent tout à leur aise répandre la substantifique moelle de leur pensée atrophiée, interpeler du haut de leurs savoirs microscopiques et de leur langue exsangue, des historiens, des écrivains, des philosophes, des journalistes coupables d’avoir donné leur avis sur un quelconque sujet d’actualité.

A l’heure d’Internet, tout le monde désormais s’imagine un destin de grand intellectuel.

N’importe quel clampin à même d’éjaculer deux phrases écrites dans un français de bouillabaisse vient en tout bien tout honneur déposer son étron au bas d’un article, et tout content de ses basses œuvres, humant la bonne odeur de son savoir ainsi étalé, se repaît d’avoir dit ses quatre vérités au rédacteur d’un article ou d’une tribune qu’il a à peine lu et encore moins compris.

C’est qu’Internet a tout brouillé.

Autrefois le lecteur de France Dimanche lisait tranquillement son torchon sans embêter personne, sans se douter un seul instant qu’il puisse exister en ce bas-monde une presse capable de s’intéresser à autre chose qu’aux hémorroïdes supposées de Lady Di ou aux amours clandestins d’une chanteuse avec son majordome.

Egaré dans le brouillard de sa propre incontinence mentale, il cavalait solitaire sur les champs arides de sa parfaite et sublime insignifiance délimités par un périmètre bordé par la Roue de la Fortune, le tirage du loto, la centième rediffusion des Sous-doués passent le bac, la retransmission épisodique d’un match de l’Equipe de France et la grande finale d’Intervilles.

Il ignorait qu’un autre monde pouvait exister.

Aujourd’hui ce même ahuri, ce même pétomane, ce même unijambiste de l’intellect, grâce à la gratuité offerte par l’internet, peut en toute tranquillité lire par exemple une tribune de Robert Badinter et se fendre d’un commentaire aussi perspicace que ” Sérieux c est histoire d anti semitisme commence a gonffler, perso chui française, agnostique, mais ce que font les israéliens est insupportable “.

(Je n’aborde pas ici le fond du sujet, c’est encore une autre histoire.)

Ou bien : ” Les vrais musulmans ne sont pas antisemistes car croient en Moïse et en tous les prophètes ils sont plutôt anti sionistes qui sont eux mêmes anti judaïsme ”

Hein ?

Alors certes j’entends bien que, puisque le suffrage universel existe, tout le monde a le droit à la parole.

Qu’après tout on pourrait se réjouir que désormais les frontières aient volé en éclats, que la lecture du Monde ne soit plus réservée à l’élite intellectuelle de ce pays, que quiconque possédant un ordinateur, puisse intervenir et donner son avis au sujet des grandes questions travaillant la société française.

Qu’on n’assiste là à la dernière étape de la démocratisation du savoir.

Ce serait seulement oublier le tonneau d’insultes, d’injures et de menaces qui accompagnent ces commentaires célestes. ” Il devient gaga le papi anti peine de mort.”

Toute cette haine diffuse qui se répand désormais au détour de n’importe quel papier, ce dégueulis immonde du racisme ordinaire, cette façon d’exprimer au grand jour l’expression de son éternel ressentiment, cette affolante propension à dénigrer l’autre sans l’ombre d’un début de raisonnement, cette capacité à cracher son venin sans jamais se remettre en question, cette appétence à tenir des propos si inconsistants qu’ils sont à peine compréhensibles.

Pas l’ombre d’une réflexion mais juste une diarrhée verbale ânonnée par des esprits manchots capables par exemple dès qu’un essaysite tente un rapprochement avec la période nazie afin d’expliquer la montée d’un parti politique de caqueter comme des perroquets borgnes ” Point Godwin! Point Godwin ! Point Godwin “, alors que leur connaissance de la seconde guerre mondiale doit se résumer à la prestation de Bourvil dans La Grande Vadrouille.

 

Bien sûr le plus simple serait de ne pas les lire.

Ce serait pourtant se priver d’une radiographie d’une certaine France encline à chercher ailleurs les raisons de son déclin et manquer à son devoir de vigie quand insensiblement une partie de plus en plus conséquente de la societé s’enfonce dans les sables mouvants d’un nationalisme fourbissant ses armes à l’ombre de la République.

 

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Riche et con à la fois

 

Décidément l’argent rend sublimement idiot.

Et quand de surcroît la richesse s’accoquine avec un soupçon de célébrité, elle provoque alors des tsunamis de bêtise bien grasse qui dégoulinent jusque dans les caniveaux de l’obscénité.

Ainsi donc, pour une cause évidemment tout à fait noble et respectable, en l’occurrence la lutte contre la maladie de Charcot, des grands carnassiers de la nouvelle économie, bientôt rejoints par des trépanés de la musique ou du sport, se sont laissé asperger la figure d’un seau d’eau glacée avant de s’empresser de diffuser sur les réseaux sociaux la vidéo de leur aquatique exploit.

Tout en se fendant d’un chèque qu’on espère substantiel à un organisme chargé de la lutte contre cette maladie.

Quelle largesse de cœur et d’esprit de la part de ces esprits bénis des dieux, s’extasiera le couillon de service en se paluchant les rétines devant le journal de 20 heures.

Reste que l’on éprouve quelque difficulté à comprendre pourquoi a-t-il fallu attendre l’apparition providentielle d’un seau d’eau et du défi l’accompagnant pour que ces messieurs dames de la haute célébrité, entre deux créations de start-up et trois rachats d’entreprises prometteuses, daignent débourser quelques-uns de leurs précieux dollars.

Après tout il me semble exister encore des virements bancaires qui ne nécessitent rien d’autre à leur bon fonctionnement qu’un compte à créditer et un autre à débiter.

Certes, il est bien difficile, au beau milieu de l’été, de résister à l’appel d’un seau d’eau, surtout lorsqu’il s’agit de relever un défi lancé par une personnalité aussi brillante et sémillante que Monsieur Zuckerberg, l’homme qui a permis à l’humanité de connaître la marque préférée du shampoing du neveu de ma tante.

Certes, on comprend tout à fait qu’il eut été des plus inconvenants de se démarquer de ses camarades de promotion en boudant cette joyeuse initiative tout en envoyant, dans l’anonymat le plus total, une somme rondelette au-dit institut.

C’eût été d’une grossièreté sans nom.

Il est des comportements qui ne se font pas entre des gens de même rang.

Car dans cet âge d’or de l’humanité auquel nous assistons et parfois même participons, il nous faut non seulement secourir la veuve et l’orphelin mais aussi mais surtout que le monde entier soit au courant de nos bonnes actions.

Montrer au cul de notre bonne vieille planète l’étendue de notre drôlerie, la modestie de nos coutumes, la générosité de nos agissements.

Voyez donc à quoi nous sommes prêts à consentir afin d’aider notre prochain.

Rien n’est jamais assez quand il s’agit de venir en aide à des malheureux qui n’ont pas connu notre fortune.

Nous sommes prêts à toutes les extravagances pour rendre ce monde un peu meilleur : sauter en élastique, se payer un repas sans vin, passer une nuit à la belle étoile, enfiler un kilt, sodomiser une mouche, laver sa voiture, avaler une cuillerée de moutarde ordinaire, péter dans la soie, sortir ses poubelles, tondre sa pelouse, baiser sa femme de chambre, tapoter le crâne d’un asthmatique.

C’est si drôle et en même temps tellement utile, hélas.

Nous sommes de la race des philanthropes, de ceux qui pensent à l’intérêt général avant la satisfaction de nos propres désirs.

Ne croyez pas ce que disent les mauvaises langues et les esprits aigris de jalousie : au fond de nos palais, à l’arrière-cour de nos villas, dans le grenier de nos châteaux, à l’ombre de nos bateaux, continue à battre le cœur d’un homme qui sait la valeur des choses, la douleur de vivre, la cruauté de l’existence.

Nous sommes à vos côtés, ô frères humains.

Et nous le démontrons en diffusant ces vidéos qui nous montrent sous un jour si commun.

Car qu’est-ce donc qui différencie un milliardaire d’un pauvre gueux lorsqu’il se retrouve à recevoir l’offrande d’un seau d’eau glacée ? Rien, absolument rien.

Devant un seau d’eau glacée, nous sommes tous égaux.

Le plus étonnant dans toute cette tartufferie c’est que l’institut en question prétend avoir reçu, grâce à ses généreux bienfaiteurs, 5 millions de dollars.

Considérant leurs revenus, cela apparaît au final bien peu.

Il arrivera un jour où, lors d’un sommet du G20, un président d’une quelconque république défiera ses collègues de se mettre une plume dans le cul devant les télévisions du monde entier pour dire sa solidarité aux déshérités de la planète et lutter contre la faim dans le monde.

Et nos gouvernants, l’un après l’autre, n’auront d’autre choix que de venir se défroquer au balcon de nos téléviseurs.

 

Rassurez-vous, là aussi ce sera pour la bonne cause.

 

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Robin Williams ne s’est pas suicidé, il a juste devancé sa mort

 

Vivre ne va jamais de soi.

Le suicide de Robin Williams est encore là pour nous le rappeler.

Il nous faut à chaque matin recommencé nous convaincre de la nécessité de se lever, de trouver en soi les forces suffisantes pour affronter une nouvelle journée, de taire ces écœurements qui nous murmurent de leur refrain morbide la vanité des choses, la mesquinerie des hommes, la veulerie des femmes.

Jusqu’au jour où l’on décrète que le jeu n’en vaut plus la chandelle.

Que cette vie que nous avons patiemment construite nous apparaît sous un jour tellement blafard qu’il vaut mieux tirer sa révérence au lieu de continuer à mener une existence où chaque heure s’apparente à un chemin de croix, chaque minute à un calvaire ininterrompu, chaque seconde à une torture mentale que rien ne parvient à apaiser.

Ni l’alcool, ni les drogues, ni l’amour des siens, ni l’orchestration de notre vie domestique, ni le semblant de sécurité que nous apportait jusque-là notre travail routinier, ne pèsent face à ce sentiment de l’irrémédiable inanité de notre existence, de toute existence.

Je ne sais pas ce qui a conduit Robin Williams à mettre fin à ses jours.

Personne ne le saura jamais vraiment.

Il se peut que lui-même ne l’ait pas vraiment su.

Il avait juste acquis la certitude que cette fois la fête était vraiment finie, que l’avenir ne lui réservait plus qu’une litanie de jours désespérants de monotonie blême, si prévisibles dans leur implacable mastication qu’il fallait mieux achever là la comédie de sa propre vie.

Il était dépressif comme nous l’avons tous été un jour ou l’autre.

De cette dépression qui embastille l’âme dans une prison si cadenassée de partout qu’elle ne parvient même plus à entrevoir la possibilité de retrouver un jour le doux chemin de l’espoir et de la lumière.

La force tellurique du désespoir qui nous anéantit, nous broie, nous écrase, ne nous laisse aucun moment de répit, nous emmène au bord du précipice où miroite enfin la possibilité d’échapper à toute cette souffrance en se fiançant avec cette mort qui nous sourit de toutes ses dents et nous invite à la rejoindre.

Nous sommes tous des suicidés en puissance.

Qui n’a jamais songé, suite à un chagrin d’amour, à une contrariété de trop, à un deuil impromptu, à franchir cette mince et si fragile frontière qui sépare la vie de la mort, à enjamber cette passerelle et à s’enfoncer à tout jamais dans la grande nuit de l’infinie solitude ?

La pensée que plus jamais aucune joie ne viendra nous visiter, que nous sommes condamnés à vivre une vie si terne, si triste et si convenue que par avance elle nous dégoûte, que nous refusons d’être complices de ce simulacre où il nous faudra continuer à donner le change alors que hurle en nous l’envie d’en finir avec une existence qui ne nous concerne plus.

Naît alors dans les marécages de notre âme désolée l’idée que seule la mort saura redonner un sens à notre vie.

Et quand cette idée devient une obsession, qu’elle ne cesse de jour comme de nuit de ricaner de nos efforts entrepris pour lui échapper, qu’elle revient sans cesse à la charge et nous houspille sans relâche, il arrive parfois que les digues sautent et avec elles le fil ténu qui nous rattachait à la vie.

 

Le suicide n’est qu’une mort anticipée.

Une invitation qu’on devance et à laquelle on ne peut se soustraire.

Et un ultime bras d’honneur lancé à la face d’un monde qui a fini de ne nous intéresser.

 

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Serais-je atteint de transphobie ?

 

J’avoue au risque de passer pour un affreux réactionnaire, j’ai un peu de mal avec les personnes dites transgenres, terme générique qui englobe, à ce que j’ai pu comprendre, une infinité de possibilités allant du transsexuel à l’androgyne.

Dire qu’elles m’intriguent est peu dire.

J’ai beau essayer de domestiquer mon cerveau, le câliner dans tous sens, le supplier de se dégourdir ses neurones, je n’arrive toujours pas à concevoir qu’on ne puisse être ni femme ni homme mais autre.

Tout simplement autre.

Comme si on venait de lancer sur le marché un produit révolutionnaire prêt à conquérir de nouvelles parts de marché mais qui ne trouverait sa place sur aucun rayon existant.

Et puis sitôt que j’essaye de m’informer un tant soit peu sur le sujet, je me perds dans une nébuleuse d’informations si étourdissante à consulter que je dois m’inspecter le bas-ventre pour m’assurer que je suis toujours celui que je crois être.

Entre la personne qui se sent femme dans un corps d’homme ou inversement mais qui conserve ses attributs féminins, celle qui au contraire opère un changement radical de sexe, celle qui continue à jouer sur les deux tableaux, celle qui se réclame d’une identité encore à inventer, je barbotte dans un océan de confusion.

Et évidemment, intérieurement, je ricane comme un imbécile quand il m’arrive d’en croiser une et que, malgré mes regards détournés mais appuyés s’attardant sur les moindres détails de son anatomie, je me retrouve dans l’impossibilité quasi métaphysique de dire si je viens de croiser le fantôme de l’opéra ou la cantatrice chauve.

De ce rire gras, épais, idiot de l’analphabète qui, plein d’une ignorance crasse, confronté à une situation qui le dépasse, déstabilisé par l’apparition d’un objet dont il ne saisit ni l’essence ni la raison d’être, préfère en ricaner que de se remettre en question.

Le ricanement bête de l’amateur de peinture qui, pris de court par l’émergence d’un nouveau courant artistique venant chambouler l’ordre établi, ne sait que se gausser, incapable qu’il demeure de se remettre en question, englué dans ses certitudes d’un autre siècle, inapte au changement ou à la modernité.

Au Canada, il est désormais sérieusement question de généraliser la création d’un nouvel espace dans les toilettes publiques : un endroit pour les hommes, un autre pour les femmes et un troisième pour les transgenres.

Ah.

Appliquant mes vieux réflexes de mâle mal dégrossi, voilà que je me perds dans des raisonnements si tarabiscotés que rendus publics ils pourraient me valoir la castration par pendaison des testicules sur la place de l’hôtel de ville.

Je n’en dirai donc rien mais je ne peux m’empêcher de penser que ce monde va un peu trop vite pour ma pauvre personne même si, rimbaldien dans l’âme, je conçois qu’il faut être absolument moderne.

Après tout, aux toilettes, il ne s’agit que de se séparer de quelques centilitres superflus d’un liquide qui, atteint d’une crise de claustrophobie dans le confinement d’une vessie devenue trop étroite pour le contenir, réclame à cor et à cri un bon de sortie.

Ce n’est pas comme si, pénétrant dans ces lieux insalubres, on exigeait du nouvel arrivant de se livrer à un numéro d’acrobatie onaniste.

Il paraît pourtant que c’est une question d’intimité.

Que ces personnes à l’identité indécise se sentiraient agressées par le regard de l’autre, ce malotru qui, considérant la présence même de cet individu en ces lieux propices à l’introspection urinaire, l’amènerait à l’adopter comme un compagnon de bidet alors que non.

Que tout au contraire, cette personne ne se reconnaissant ni homme ni femme mais d’une identité que je ne saurais définir avec exactitude, voudrait que la société accepte son appartenance à un nouveau genre, disposant de droits propres à sa condition, et partant, réclamant en toute logique des lieux d’aisance destinés à elle-seule.

Rien que de l’écrire j’en ai comme le vertige même si je comprends tout à fait la raison et la pertinence de cette démarche.

Sauf que quand contraint et forcé je me retrouve à hanter ces sanitaires collectifs, je suis tout à ma tâche consistant à me débarrasser à tout prix des dernières gouttes récalcitrantes à s’émanciper de leur mère patrie, et partant, tout à fait indifférent au sort de mon voisin.

 

Décidement, il n’y a rien de meilleur que de pisser contre un arbre.

 

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Juifs de France, venez immigrer au Canada

 

Le Juif de France doute.

Dans sa traversée de Paris, il lui arrive parfois, au détour d’une manifestation, simple rassemblement de pacifistes en grenades courtes, d’entendre de gentils et somme toute innocents quolibets appelant à sa disparition prochaine.

Pour se rendre à sa synagogue de quartier, il doit se travestir en drag queen afin de ne pas susciter la désapprobation de passants scandalisés qu’on puisse encore se balader dans les rues de la capitale avec une kippa sur le crâne pour cacher sa calvitie naissante.

Sur les réseaux sociaux, des jeunes gens désœuvrés, entre le visionnage de deux films de cul et un match du PSG, jouent à ” Dieudonné a dit ” et prennent le temps, en des termes circonstanciés, de confier leur haine tranquille du juif que, du haut de leur savoir encyclopédique, ils jugent tout à la fois victimaire, complotiste, esclavagiste, ennemi du genre humain, responsable du désordre ambiant et coupable de la déréliction du pays.

Et avec la résurgence du conflit israélo-palestinien, voilà qu’on l’associe désormais à un être sanguinaire attendant de recevoir par la poste sa – excusez-moi un instant d’interrompre ici ma logorrhée  (et je n’invente rien !!!!!!) mais je viens de recevoir à la seconde même un charmant commentaire au sujet d’un de mes derniers papiers : “Les juifs sentent la puanteur, la nausée et l’odeur de la putréfaction, parce qu’ils sont maudits et bannis des européens et n’ont trouvé refuge qu’en Palestine. Et voilà ce qu’ils font ces déchets d’Hitler, ces gazés, ces singes et cochons élus de Dieu. Les européens les soutiennent parce qu’ils se sont débarrassé d’eux et les ont rejetés en dehors de la civilisation ces sauvages. Speculateurs, qui vénèrent l’argent même s’ils tuent leurs mères, ces batards qui ne reculent devant rien.”

Merci Zioua2004 pour ce chaleureux message, même si je me permets d’apporter une petite précision : nous ne tuons pas nos mères, c’est elles qui nous mangent. Crus. Avec une pointe d’Harissa.

Je disais donc que le Juif de France, pour des raisons qu’on ne s’explique pas, mais alors vraiment pas, se demande parfois si après tout il ne serait pas bon de ressortir les valises du placard histoire de voir si le couscous n’est pas meilleur ailleurs.

Comme en Israël par exemple.

Il est de mon devoir de le mettre en garde.

Israël n’est pas ce pays de lait et de miel qu’il prétend être.

Ce serait plutôt une contrée sauvage où l’on vous force à bouffer du houmous au petit-déjeuner, où sous des températures caniculaires, des jeunes filles nubiles se promènent au bord de l’eau en manteau de fourrure, où sur des plages tout sauf abandonnées, d’abominables sépharades trimballant des étoiles de David de la taille d’un pamplemousse passent leurs journées à hurler des plaisanteries douteuses.

Où les automobilistes confondent encore leur klaxon avec leur auto-radio, et où grouillent un si grand nombre de juifs que vous finirez bien vite par éprouver des envies de pogrom.

Bref, un pays à éviter.

Aussi je ne saurais trop vous conseiller de choisir comme destination à votre exil temporaire ou permanent ce Canada de cocagne où personne n’aura l’idée de remettre en cause votre identité de bâtard de juif.

Une destination de rêve, avec à sa tête un premier ministre tellement pro-israélien qu’on se demande si un beau jour il ne va pas décréter Hava Nagila comme nouvel hymne national, et troquer le légendaire sirop d’érable contre une louchée de Hamas heu de Houmous voulais-je dire.

Position qui fort heureusement n’est pas partagée par tout le monde, laissant à prouver que décidément l’idée d’un possible paradis terrestre n’est qu’une supercherie. Une de plus.

Un pays apaisé, ouvert, tolérant, où (pour l’instant) personne n’a encore eu l’étrange idée de sécuriser à outrance des synagogues et où, pendant toute la durée de Hanoukka, une immense mézouzah fleurit au beau milieu du centre-ville, où vous pourriez vous balader coiffé d’un Schtreimel sans que personne ne s’en émeuve, un pays assez sûr de ses valeurs communes pour que cohabitent en toute intelligence une mosaïque de communautés venues des quatre coins de la planète.

Un pays où même un mécréant comme moi, agnostique et divorcé de Dieu, misanthrope et atrabilaire, arrive à ne pas haïr complètement son prochain.

 

Un pays un peu à part où, s’il existe sûrement des Zioua2004, ils doivent à cette heure réclamer à l’Ambassade de France l’asile politique afin de rejoindre leurs frères de combat.

 

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Ca suffit des selfies !

 

Ainsi donc, en ce début de XXIème siècle triomphant, les historiens se souviendront avec émotion qu’apparut dans ses primes années, faisant suite au dadaïsme, au surréalisme et à l’existentialisme un nouveau courant de pensée philosophique intitulé le selfisme.

Lequel consistait à se prendre en photo à l’aide de son téléphone dit intelligent mais tout aussi encrassé de bêtise que son nigaud de propriétaire, puis une fois le cliché réalisé, de l’envoyer dans la seconde à la terre entière afin qu’elle puisse commenter et admirer la performance artistique du photographe enamouré de sa propre personne.

La plupart du temps ladite photo montrait un hurluberlu certifié et approuvé conformément couillon selon toutes les conventions internationales existantes, occupé à mirer dans l’œil de sa caméra le champ infini de son immémoriale crétinerie, en tâchant d’exprimer de la manière la plus éloquente qui soit son étonnement de découvrir sur l’écran de son téléphone l’expression même de son étonnement.

photo

Mise en abyme vertigineuse où se reflétait toute la puissance intellectuelle de l’époque, versée dans une quête de l’absolu rarement entrevue dans l’histoire de l’humanité, magnifiée à travers l’apparition de ces selfies dont s’enticha à une vitesse sidérante la quasi-totalité de la population mondiale.

Aussitôt le mouvement lancé, on ne compta plus ceux qui, au beau milieu d’une manifestation sportive, artistique ou festive (concert, feu d’artifice, rencontre de football, anniversaire de Tata, circoncision du chat) tournaient subitement le dos à l’événement afin d’apporter aux heureux destinataires du selfie la preuve éclatante et intangible de leur présence en ces lieux.

Laquelle preuve consistait à se prendre soi-même en photo, en tenant du bout de son bras allongé son propre téléphone, transformé pour l’occasion en caméra, tout en tâchant de laisser apparaître en arrière-plan, au-delà du reflet de sa propre bouille, les vagues traces de l’événement en train de se dérouler.

Evènement auquel la plupart du temps le photographe amateur ne s’intéressait guère, préoccupé qu’il était d’accumuler les clichés afin d’en extraire le plus éloquent d’entre eux capable de figurer en tête de sa page Facebook.

Sans compter les innombrables moments de sa vie personnelle, repas au balcon, visite de sa salle de bain, exploration de la chambre à coucher où, pris d’une impulsion subite, considérant l’incroyable opportunité d’apparaître lui-même dans ce décor pourtant ô combien familier, notre photographe en goguette n’hésitait pas à s’auto-mitrailler en multipliant les prises de vue.

Le tout afin d’obtenir un selfie voué à échouer quelques millièmes de secondes plus tard dans la carcasse du téléphone de sa compagne occupée à cette heure à arroser les fleurs à l’autre bout de l’appartement.

selfie

C’est ainsi que le monde moderne se révéla à lui-même : une vaste entreprise d’auto-glorification narcissique où l’individu en mal de repères, balloté dans un siècle sidérant de complexité, se rattachait à la dernière valeur à laquelle il croyait : sa propre personne.

Jusqu’au jour où un singe eut la saugrenue idée d’imiter son lointain descendant et à son tour, s’emparant d’un appareil photo, s’amusa à se prendre en bobine dans les poses les plus diverses et variées.

 

Peu après cette cinglante déconvenue, la mode du selfie disparut, remplacée bien vite par celle du telfie qui consistait à s’appeler soi-même à l’aide d’un logiciel approprié et d’entamer une conversation animée et souvent interminable avec sa propre personne, finissant la plupart du temps en engueulades mémorables, le moi se révoltant contre le surmoi au beau milieu d’un ça en pleine déconfiture.

 

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Du soutien à Israël et de ses conséquences

 

Etre juif n’a jamais été de tout repos.

Depuis la création de l’Etat d’Israël, c’est même devenu une activité à haut risque.

Se risque-t-on à le soutenir même du bout des lèvres qu’on vous regarde comme si vous veniez d’avouer que vous aviez un faible pour les petites culottes d’écolières prépubères.

Dire son soutien à Israël, même en le minorant par la critique de la continuation imbécile et mortifère des colonies, c’est s’exposer à recevoir en retour une bordée d’injures, tir nourri de toutes les composantes de la société, venant vous expliquer à coups d’arguments cinglants que vous vous rendez complices d’un état pratiquant un apartheid infâme, un état sanguinaire sans foi ni loi, spécialisé dans l’extermination de masse, expert dans l’annihilation de peuplades sans défense.

Comment peut-on défendre un pays qui s’en prend de la sorte à de malheureux enfants, qui dégomme à escient des hôpitaux, qui détruit par plaisir des habitations, juste pour apaiser sa soif inextinguible de domination ?

Devant une telle avalanche d’accusations qui sont in-dis-cu-ta-bles puisque ont été vus et revus à la télé les cadavres d’enfants, les hurlements de douleur des mères, les pleurs des pères, on préfère prendre la tangente sachant d’avance que se battre contre des émotions nées de la vision d’images insoutenables ne peut que renforcer ce sentiment de déshumanité prétendument inhérente à la société israélienne.

Les idées les plus censées, les raisonnements les plus fondés, les explications les plus rationnelles ne peuvent rien face à la toute-puissance de l’image.

La télévision, le flux continu d’informations, la prolifération des réseaux sociaux ont rétréci d’une manière si drastique la capacité réflexive de l’être humain qu’il se comporte désormais comme un nourrisson interagissant avec son environnement au seul gré de ces instincts primaires.

J’aime/J’aime pas. C’est bien/ C’est mal. Victime/Bourreau. Coupable/Innocent.

Tenter d’expliquer que le Hamas ne se sert de sa population que pour mener à bien sa mission d’islamiser la Palestine, toute la Palestine, Israël compris, afin d’établir une sorte de califat où serait appliqué, avec un rigorisme implacable, la charia, ne pèsera d’aucun poids au regard de la photo d’un enfant enterré dans son linceul encore suintant de sang.

Redire pour la centième fois qu’on ne peut tout de même pas reprocher à Israël d’avoir pris des mesures afin que les roquettes lancées de la Bande de Gaza restent inopérantes relève de l’attentat intellectuel.

Affirmer que du point de vue de la justice humaine l’intention vaut l’action, que si demain je voulais abattre mon voisin en lui tirant une balle en plein cœur, je resterais coupable d’homicide quand bien même ma tentative aurait échoué, mon voisin averti de mes dispositions ayant eu la précaution de se vêtir auparavant d’un gilet pare-balles.

Argument balayé de la main puisque ces potentielles victimes n’existent pas, d’ailleurs pour preuve on ne les voit jamais, elles n’apparaissent pas dans le hit-parade des morts à déplorer, argument imparable qui vous renvoie dans vos cordes.

Essayer de rappeler que depuis le jour de sa naissance, Israël s’est retrouvé sous le feu continu de ses voisins, qu’il a déjà dû essuyer à maintes et maintes reprises l’agression d’un conglomérat de pays arabes résolus de balancer les juifs à la mer se heurtera à la seule réalité d’aujourd’hui où domine exclusivement l’impression que c’est l’Etat hébreu qui, fort de sa supériorité militaire, cherche à en découdre avec son plus vieil ennemi.

Avancer que même des figures aussi importantes et respectables qu’Amos Oz ou Abraham Yehoshua, des écrivains d’une parfaite rectitude morale qui ont toujours soutenu avec force la création d’un état palestinien, en viennent à justifier dans une certaine mesure l’intervention à Gaza, ne vous sera d’aucune utilité, l’époque n’étant plus à l’écrit mais à l’image.

 

Alors, à nouveau, vous vous retrouvez seul.

Vous contemplez la une des journaux, vous lisez ici et là les commentaires des internautes, vous écoutez le grondement de la populace et vous comprenez pourquoi vous n’avez jamais pu vraiment accorder  votre confiance à l’autre.

Que vous appartenez à un peuple qui, tant qu’il continuera à exister, ne pourra jamais prétendre à la normalité. Qu’on la lui refusera sans cesse. Que quelle que soit la suite des évènements, on trouvera encore et toujours des motifs pour le honnir.

 

Il n’y a pas plus grand bonheur et de plus grande malédiction que d’être né juif.

 

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Revoir Manhattan un soir d’été

 

C’est dimanche.

Il doit être sept heures passées.

Il y a dans l’air cette atmosphère de fin de semaine quand l’allégresse du week-end arrive à son terme, remplacée par la perspective de recommencer dès le lendemain une nouvelle virée dans la morne routine d’un carnaval de jours passés à l’ombre d’un bureau solitaire.

A l’intérieur de votre appartement, malgré les volets tirés et le murmure du ventilateur, la chaleur rôde, l’esprit s’engourdit, le corps s’alourdit, les paupières se ferment, c’est l’été, le chat dort d’un sommeil profond et désœuvré comme jamais, voilà que vous feuilletez d’un air distrait la gazette de la ville et découvrez que Manhattan passe à la cinémathèque du coin.

Vous revoyez encore l’affiche du film qui trônait dans votre chambre d’étudiant, cette image d’un New York en noir et blanc, avec deux ombres assises sur un banc, tout à côté d’un pont, devant une balustrade, dans un clair-obscur propice à toutes sortes de rêveries.

Comme vous ne l’avez pas revu depuis un certain temps, vous décidez, malgré la chaleur, malgré la pesanteur de la ville figée dans la torpeur de l’été, de vous rendre à la projection.

La salle est presque comble, ce qui ne manque pas de vous étonner.

Il y a là des jeunes gens, des gens de votre âge, des gens plus âgés.

Dès les premières images, à vrai dire dès le premier plan panoramique sur New York suivi bientôt d’une succession d’instantanés montrant la ville sous tous aspects, les rues enneigées, Central Park au printemps, le stade des Yankees un soir de match, la sortie d’un cinéma, la musique virevoltante de Gershwin, vous savez que vous avez eu raison de quitter la touffeur de votre appartement pour revisiter ce film qui a tant compté pour vous.

Que vous avez dû voir la première fois dans un cinéma du Quartier latin.

Ou alors à Montparnasse.

Au Lucernaire peut-être.

Ou bien dans ce petit cinéma tout près de la rue Vavin qui ne doit plus exister aujourd’hui où vous avez visionné les premiers films de Cassavetes,  ceux de Wenders et de Jarmusch qui ont formé votre amour pour l’Amérique, Stranger than Paradise, Alice dans les villes, Husbands, Annie Hall, Manhattan…

Et même si vous n’avez jamais été un grand cinéphile, que les films n’ont jamais occupé dans votre vie la même place que les livres, vous vous souvenez que ces films ont compté lors de vos inquiètes années adolescentes quand le monde vous débordait de toutes parts.

Le film a commencé, vous redécouvrez ces personnages qui sont comme des membres d’une famille lointaine mais pourtant proche que vous n’avez pas vu depuis longtemps mais auxquels vous repensez sans cesse avec émotion et nostalgie.

Vous retrouvez la parfaite orchestration de la mise en scène, l’alignement de scènes aussi cocasses que tendres, ces personnages pris au piège de leurs passions et de leurs pulsions, leurs amours aussi fragiles qu’incertains, l’âpreté de la vie, la légèreté aussi, la drôlerie des dialogues, l’adorable minois de Mariel Hemingway dans l’un de ses tout premiers rôles, la loufoquerie irrésistible de Diane Keaton, celle plus inquiète de Woody Allen.

Ce ballet de personnages scandant la vie intellectuelle de New York, la vie d’avant quand on prenait encore le temps de se disputer au sujet de Bergman ou de Norman Mailer, les machines à écrire, les cigarettes, les téléphones manuels, le portrait d’une ville tumultueuse, indomptable, romantique à sa façon, vibrionnant de mille pulsations, véritable Vienne des temps modernes.

Un autre monde.

Celui d’autrefois.

Quand la technologie n’avait pas encore tout envahi et que les vies se faisaient et se défaisaient lors de conversations interminables, de ballades impromptues dans la ville endormie, au détour d’une exposition, d’une visite au musée, le temps béni où les existences se détricotaient à l’allure d’une voiture décapotable filant lentement sur un pont de Brooklyn plongé dans la nuit merveilleuse et intemporelle de l’Amérique.

 

Le film fini, vous rentrez chez vous, le velours de la nuit vous accompagne; dans les rues désormais désertées par les touristes, il fait bon, une brise légère tourbillonne le long des avenues redevenues paisibles, la musique de Gershwin tonne dans vos oreilles, et vous n’avez plus qu’une seule envie : être la semaine prochaine.

 

Stardust Memories est au programme de la cinémathèque.

 

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Et pourquoi pas un deuil perpétuel ?!

 

Les temps sont durs.

Vraiment durs.

Cette impression de dévaler à tombeau ouvert les sentiers de l’incontinence intellectuelle sans plus pouvoir actionner le frein à main et arrêter cette course infernale de l’universelle bêtise, où chacun rivalise d’initiatives afin d’apparaître encore plus crétin que son voisin.

A ce petit jeu, notre Président de la République, a une nouvelle fois fait résonner le gong de son incroyable propension à adopter des décisions d’une telle extravagance qu’on se demande parfois s’il ne souffre pas d’une sorte de syndrome de Tourette venant altérer, à intervalle régulier, le bon fonctionnement de son esprit.

Après l’invraisemblable saillie Léonardesque, voilà qu’il s’en est venu proclamer trois jours de deuil national afin d’honorer la mémoire des victimes de l’accident d’avion Ouagadougou-Alger.

Il est vrai qu’il n’est jamais drôle de mourir.

A fortiori dans un accident d’avion.

Que de telles tragédies collectives, à chaque fois qu’elles surviennent, nous frappent toujours en plein cœur, nous atteignent au plus profond de nos êtres, nous rappellent avec une cruauté infinie la fragilité de toute vie humaine.

Nous nous mettons à la place de ces malheureux ou de leurs familles et nous pleurons sur leurs infortunes tout en éprouvant une sorte de peur rétrospective comme si nous avions réchappé de peu à cette épouvantable catastrophe.

Les morts en avion sont toujours des morts anormales.

Des morts scandaleuses.

En apprenant leurs nouvelles, nous mourrons nous aussi un peu.

Nous imaginons l’incroyable douleur des proches, leur désespoir d’avoir à reconnaître un corps atrocement défiguré, leur agonie d’apprendre que la dépouille de l’être aimé ne sera jamais retrouvée, leurs cris, leurs sanglots, leurs tristesses infinies que rien ne pourra jamais consoler.

Il est alors du devoir du Président de la République de dire, en notre nom, notre chagrin, d’adresser aux familles nos condoléances les plus sincères, de tout mettre en œuvre afin de tenter d’expliquer la raison de cette catastrophe.

Mais aussi atroces que ces morts puissent être, elles demeurent jusqu’à nouvel ordre des morts accidentelles, dues à une combinaison de facteurs qui mis bout à bout ont provoqué la chute de l’avion.

C’est du moins à ce jour l’hypothèse retenue comme la plus vraisemblable par nos ministres.

Dès lors qu’il n’existe pas de volonté de s’attaquer à la France par le biais d’un attentat qui aurait visé ses ressortissants, on ne comprend pas bien la nécessité de proclamer un deuil national de trois jours.

Tous les jours, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, sur nos routes nationales, des vies sont fauchées dans le fracas de tôles froissées.

Des gens chutent dans des escaliers. Des homicides sont commis. Des incendies surviennent.

La mort ne prend pas de vacances.

Au nom de quoi va-t-on décréter que des morts sont plus importantes que d’autres ?

Parce qu’elles sont simplement plus spectaculaires?

Parce qu’elles envahissent à satiété nos écrans de télévisions ?

Parce qu’elles suscitent un émoi considérable ?

On demande à un Président de la République de précisément ne jamais verser dans la dictature de l’émotion, cette engeance des temps modernes synonyme de la défaite de la pensée, de prendre de la hauteur et d’eviter d’adopter des mesures putassières juste déclenchées parce qu’on suppute qu’elles vont rencontrer l’adhésion de la population meurtrie à juste titre par ce drame.

La mort n’est pas un argument électoral.

On ne peut pas transformer une simple catastrophe aérienne en une démonstration de pathos national aussi lourdaude qu’inappropriée.

Mettre les drapeaux en berne signifierait que d’une manière ou d’une autre on a tenté de porter atteinte à l’intégrité de la nation.

Qu’on a voulu la blesser. La souiller. La meurtrir.

Que des Français sont morts parce qu’ils étaient Français.

Et que la nation meurtrie, touchée dans son identité menacée, prenne le temps de se rassembler pour mieux communier avec la mémoire de ses enfants tombés au champ d’honneur.

 

On ne déclare pas la guerre au hasard ou à la malchance.

Sinon, on se condamne à plonger le pays dans un deuil éternel…

 

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Je m’étais juré de ne pas écrire sur Israël

 

Je m’étais juré sur les moustaches de mon chat que mon prochain papier ne porterait pas sur Israël.

J’avais déjà dit ce que j’avais à dire.

Je ne ressentais pas la nécessité d’en remettre une couche même si plus d’une fois en lisant un article dans un journal ou en écoutant la réaction d’un de nos édiles, ébaubi par leur mauvaise foi crasse, j’avais dû serrer les dents, encaissant en silence ces tartinades d’approximations historiques et ces partis-pris écœurant de mauvaise foi.

Mais une promesse étant une promesse, je m’étais résolu à taire, du moins le temps de la rédaction de ce papier, ces énervements et à déverser ma mauvaise humeur sur un sujet tout autre.

Jusqu’à 12 heures, François Fillon tenait la corde.

En apprenant la nouvelle du crash de l’avion Ouagadougou-Alger, il avait senti l’impérieux besoin de se fendre d’un tweet destiné à rester dans les annales nationales : ” Que s’est-il passé ? Quelles leçons tirer de cet accident ? Tout doit être entrepris pour avoir des réponses rapides ”

J’avais été soufflé tout à la fois par la profondeur de sa réflexion, la puissance évocatrice de ses interrogations, le délicat ourlet de sa prose aussi elliptique que descriptive.

Bref un poète était né et je n’allais pas manquer de lui régler ses comptes.

Une sieste plus tard, comme à mon habitude, avant de me mettre à crachoter mon venin, je décalottais le libé de demain (oui avec le décalage horaire c’est possible, si vous êtes sages, je vous expliquerai un jour comment), histoire de me tenir au courant des dernières affaires du monde.

J’enfilais les pages sur l’accident d’avion, Israël, la fiscalité écologique, le Tour de France, avant de tomber sur une tribune intitulée : Si j’étais né à Gaza…, signée par Michael Smadja, présenté comme étant philosophe, auteur et comédien.

Ah.

On connaît tous un fils Smadja autour de soi mais celui-là je l’avoue en toute humilité je n’en avais jamais entendu parler.

Ce qui m’étonnait quelque peu, considérant qu’avec des attributs si triomphants, j’aurais dû être familier de l’ensemble de son œuvre.

Après tout, être à la fois sépharade et philosophe ne va pas forcément de soi. (Oui Maurice je taquine).

Curieux d’en savoir un peu plus – ce n’est pas tous les jours qu’on découvre au détour d’un article un fils Smadja doté de talents si multiples – je convoquai dans la foulée un moteur de recherche et j’appris que le dénommé  Michael Smadja, né en 1977, était effectivement philosophe puisqu’il avait enseigné cette matière à des lycéens et que partant il pouvait se vanter d’être l’égal de Michel Foucault. La preuve, un jour, lui ou son homonyme, avait écrit un article pour Philosophie magazine.

Tout comme n’importe quel professeur de mathématiques a le droit de se prétendre mathématicien, tout professeur de physique, physicien et tout professeur de gymnastique, gymnaste.

C’est bien connu.

Auteur ? Tout aussi parfaitement exact. Il a participé à la rédaction des répliques de Miss Météo de Canal plus et tient aussi une chronique hebdomadaire dans Grazzia.

Comédien ? Oui. Il a décroché un rôle (le premier il paraîtrait) dans un court métrage signé par Massimiliano Camatti.

Il se dirait aussi qu’il cuisine comme personne le couscous, auquel cas il pourrait ajouter maître-cuisinier à ses titres de noblesse.

On comprend bien donc là qu’on a affaire à la fine fleur de l’intelligentsia juive française.

Un mélange d’Emmanuel Levinas, de Tristan Bernard et de Roger Hanin.

D’ailleurs ses propos l’attestent : ils sont tout aussi éloquents de naïveté adolescente que ceux de Jean-Jacques Goldman dans la chanson la plus confondante de niaiseries jamais écrite de la musique française, j’ai nommé le légendaire Si j’étais né en 17 à Leindenstat.

Bref pour résumer (lisez l’article si vous pouvez) s’il était né à Gaza, Michael il n’aurait pas aimé les juifs : ” En réalité, si, aujourd’hui, j’étais palestinien et que je considérais l’Etat d’Israël comme terroriste (au sens d’une organisation qui provoque la terreur en ciblant indifféremment civils et combattants, créant une insécurité permanente) je n’aurais pas tort. ”

Je tiens à dire que moi si j’étais né chien, je n’aurais pas aimé les chats.

Et si j’étais né à Rome, à l’époque de César, je n’aurais pas aimé la Gaule.

Tandis que si j’étais né à Alésia, je n’aurais pas aimé les Romains.

Bref, Libé, après l’avoir longtemps cherché, a trouvé son ” con “ de juif.

La caution intellectuelle dudit Michael Smadja démontrant que, même dans les plus hautes sphères du judaïsme français, des voix, et quelles voix !, s’élèvent contre le sort réservé à la Bande de Gaza.

J’ai déjà écrit ici combien, en tant que juif français, je trouvais maladroit et illégitime de dire sur la place publique aux Israéliens ce qu’ils doivent accomplir.

Je suis persuadé que Michael avait des intentions plus que louables.

Je suis convaincu par ailleurs que c’est un charmant garçon et je m’excuse d’avance si mes propos ont pu le heurter d’une quelconque manière.

Mais il me semble que de jouer ainsi au juif de service qui du haut de son nulle part vienne écrire ” Moi, palestinien, je n’aurais connu que le visage militaire d’un Israël construit dans un état de siège permanent, et dont la population s’est fabriqué un pragmatisme de survivant, aujourd’hui changé en virilisme froid. Je saurais seulement que les terres de mes aïeux sont occupées par d’autres. Je saurais que l’Etat d’Israël, loin de tenter de m’aider à construire un pays aux côtés du sien, au contraire, par la division, l’humiliation, le contrôle et la colonisation, rendrait pour les miens un avenir prospère impossible ” me semble, pas nécessairement faux, mais pour le moins inapproprié.

Pour la simple et bonne raison que cette oraison, au lieu de convaincre les Israéliens de la nécessité de changer de paradigme, ne fera que redonner du crédit à ceux qui, en France, seul endroit où cette tribune sera éventuellement lue, voient en Israël l’incarnation du mal absolu.

Je suis un Juif de la diaspora.

Je vis dans le douillet confort d’une société occidentale où jamais je n’entends résonner des sirènes d’alerte, où je n’ai pas perdu d’amis dans des attentats commis dans des bus, où mes éventuels enfants n’auront pas à accomplir leur service militaire.

A ce titre, je réserverai mes éventuelles critiques au sujet d’Israël à la seule sphère privée.

 

Simple question de décence.

 

P.S : Si Michael Smadja n’est pas celui que je crois qu’il est, s’il a publié sous pseudonyme sa Phénoménologie de l’Esprit en trois volumes, s’il a joué sans le savoir dans des films posthumes d’Ingmar Bergman, alors je me confonds en excuses et je reprends mon sceptre du ” con ” de service. Ce qui ne me changera guère.

 

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