Paris n’est plus une fête

Encore deux jours à traîner et je m’en irai de ce beau pays de France. Sans regret. Je quitterai Paris sans me retourner. Sans même lui dire à bientôt. Mais en lui souhaitant bonne chance tout de même. Je ne suis pas si ingrat.

Les rues de Paris me sont apparues comme les allées d’un cimetière qui afficherait complet.

Tout est si vieux par ici. Si figé. Si immobile.

Ce poids du passé qui dégouline de la façade de ces immeubles Haussmanniens où à tout moment on s’attend à voir surgir les fantômes de Fréderic Moreau ou d’Odette Swann.

Cette ville-là est bien un roman mais alors c’est un roman d’un autre siècle.

Celui des cœurs sensibles et des amours avariés.

Le passé ici se sent comme chez lui.

Il prend ses aises.

Il se vautre le long d’avenues où chemine d’un pas maussade une foule résignée. Il étrangle de son héritage vorace des quartiers qui n’en peuvent plus d’agoniser. Il pèse de son poids séculaire sur les faubourgs où passent et repassent des cortèges funéraires qui transportent des cercueils sans cadavre.

C’est Paris.

C’est sûrement la plus belle ville au monde.

Mais pour moi elle possède le charme de ces vieilles comtesses à la beauté fanée qui pour se croire encore belles et séduisantes interrogent un miroir qui ne sait plus que mentir.

Rien ne me plaît par ici.

Ni la rudesse exaspérée de ses habitants, ni le faste de son architecture impériale et hautaine, ni la laideur de ce ciel où s’encrassent les illusions perdues d’une population qui ne croit même plus en son avenir.

A trop fréquenter l’océan Pacifique, à trop admirer les montagnes rocheuses, à trop vivre dans une ville aussi grande que Paris mais dix fois moins peuplée, j’en viens à ressentir physiquement l’étroitesse de cette cité dont le cœur a fini de tambouriner depuis bien longtemps maintenant.

Je m’aperçois que le spectacle de la Nature qui toujours se suffit à elle-même m’est indispensable pour continuer à vivre, que le réconfort qu’elle m’apporte jour après jour m’est bien plus précieux que cette cohorte de musées prestigieux où à défaut de la voir de ses propres yeux, on essaye d’apprivoiser la beauté le long de couloirs bondés où sont appendus les trésors du génie national.

Par nature, je n’évoque pas là ces parcs rabougris jetés au hasard d’un carrefour anonyme où des enfants, sous le regard fatigué de leurs parents épuisés, tentent malgré tout de s’amuser.

Ni de ces parterres de verdure situés en périphérie de la ville qui s’essayent à donner le change et où l’on se donne l’illusion le temps d’une marche buissonnière que d’autres horizons sont encore possibles.

Les promeneurs du dimanche sont comme des prisonniers d’un quartier de haute sécurité à qui l’on accorde de temps à autre l’autorisation de vagabonder dans la cour de prison afin de ne pas oublier que le ciel existe encore.

Je ne suis pas fait pour Paris.

Ce n’est pas grave.

Le monde est vaste.

Les ailleurs existent pour de vrai. De nouveaux continents ne sont pas que des chimères qui ne hantent que les livres d’enfants. Ils évoluent simplement sous d’autres latitudes.

Plus loin.

Plus loin que quoi ?

 

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Voir Marc Levy et mourir

Ils sont venus, ils sont tous là.

Personne ne manque à l’appel.

Les familles au grand complet, les veuves onanistes, les célibataires transis, les divorcés quinquagénaires, les collégiens niaiseux, les étudiants boutonneux, les thésards appliqués, les rescapés des maisons de retraite, les échappés de l’enfer conjugal, les bedeaux et les badauds, les curieux et les furieux, les envieux et les culs-terreux.

Ils se promènent dans les allées du salon, l’air pénétré, le visage fermé, le regard
sévère : ils sont en mission.

Ils ont rêvé cet instant depuis tellement longtemps.

Voir Marc Levy et mourir.

Regarder Amélie Nothomb et tomber en pâmoison.

Serrer la patte du dernier Goncourt et ne pas se laver la main pendant des semaines en espérant que le talent soit contagieux.

Échanger quelques furtives banalités avec Guillaume Musso et s’imaginer le destin d’un grand d’Espagne.


Recueillir l’élégante signature de Didier van Cauwelaert et la montrer le soir venu devant toute la famille estomaquée avant de ranger le précieux sésame dans la bibliothèque familiale à coté des œuvres complètes d’Émile Zola achetées à la farfouille un soir d’ivresse.

Prendre en photo la tronche impeccable de n’importe quel tâcheron vu à la télé afin de la mettre en arrière-plan de l’écran de son ordinateur  avant de se palucher devant, tout à son aise, les yeux mi-clos en psalmodiant à l’infini le nom de la vedette sacralisée.

Attendre des heures dans une queue qui s’étire jusqu’au bout de l’enfer pour confier à un troufion d’écrivain égaré dans le limbes de sa propre glorification que «  vous savez moi aussi j’écris, enfin bien sûr, je n’ai pas votre talent, pas encore du moins, mais je crois que j’ai du potentiel. Il m’arrive même de publier des articles dans la revue de mon comité d’entreprise. Et des poèmes pour le bulletin de ma paroisse. Je peux vous envoyer mon manuscrit, je crois en toute honnêteté que cela risque de vous intéresser, on a beaucoup de points en commun vous savez ?«

La tournée des éditeurs, son manuscrit sous les bras, ses rêves de gloire dans sa besace, son désir irréfréné d’appartenir au cénacle des hommes et femmes qui forment la république des lettres. L’académie peut-être.

Ainsi va le monde du salon du livre.

On n’y vient pas acheter des livres, on s’y traîne pour renifler les parfums de la postérité.

Il ne viendrait à l’idée de personne saine d’esprit, possédant toutes ses facultés mentales, aimant vraiment les livres au point d’en lire parfois quelques uns, de poireauter des heures entières pour recevoir l’obole d’un écrivain qui s’aime de trop pour ne pas rester insensible à ces élégiaques flatteries.

 

Et tandis que vous voyez toute cette foule grouillante et jacassante passer et repasser devant vous sans heureusement vous remarquer, sans trop savoir pourquoi, vous vous mettez à penser à Scott Fitzgerald, à ce jour où son cerceuil s’enfonça dans le ventre de la terre sans que personne, absolument personne ne vienne lui dire un dernier au-revoir…

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Le salon du livre ou l’enfer du décor

Votre éditeur vous a dit, tu viens et tu ne discutes pas.

Et comme vous ne pouvez rien lui refuser vu qu’il s’obstine à publier vos romans qui ne rencontrent qu’un pudique succès d’estime, vous obtempérez.

Vous débarquez par une soirée chagrine d’automne Porte de Versailles.

Il y a là un monde fou qui se déverse des trams, des bus, des bouches du métro : c’est la foule des grands soirs venue assister en grande pompe à la soirée d’inauguration du salon du livre, la soirée où il faut être, pour voir, pour être vu, pour revendiquer le droit de se prétendre comme un des acteurs essentiels de la flamboyante vie littéraire des lettres hexagonales.

On vous demande votre invitation, vous la tendez et vous pénétrez dans le hall des expositions là où il y encore deux semaines des bestiaux se réunissaient en conclave pour s’échanger des nouvelles au sujet de leurs conditions de vie dans leurs étables provinciales tout en se faisant tapoter le cul par des mains avides de retrouver l’odeur de la terre qui jamais ne ment.

C’est immense.

Au plafond voltigent des étendards géants de prestigieuses maisons d’éditions. Vous cherchez la vôtre. Vous ne la trouvez pas.

Vous allez hagard de couloirs en coursives, d’allées encombrées en avenues longues comme des corridors d’aéroport, vous croisez des visages familiers qui ne vous reconnaissent pas, vous commencez à vous demander ce que vous faîtes là.

Vous tombez en arrêt devant des stands qui reflètent toute la puissance et la richesse de la pensée française : les Editions de l’Arbre Vengeur, les Editions Lunatiques, les Editions du Porte du Large, les Editions Les Doigts qui Rêvent, les Editions de la Lieutenance.

Finalement une âme charitable vous conduit à votre port d’attache.

On vous présente des gens qui sont ravis de vous rencontrer.

Vous échangez des amabilités qui sonnent à vos oreilles comme des manifestations de votre propre imbécilité. Vous décidez d’adopter un  sourire béat et ahuri pour donner le change. Vous avez chaud. Vous avez soif. Vous avez faim.

Il y a bien un buffet mais le temps que vous arrivez à l’approcher il ne reste plus que des miettes de petits fours et des cercueils d’amuse-bouche.

Vous partez à la recherche de vos livres, après tout il paraît que vous êtes écrivain, vous fouillez dans les présentoirs où s’amoncèlent des quantités pharaoniques de livres, des pièces montées de beaux livres, des cavalcades de polars, de bandes dessinées, de livres pour moutards.

Vous ne le trouvez pas.

Vous êtes pris de vertige.

Vous vous asseyez un moment.

Vous réalisez que vous n’êtes qu’un parmi des milliers. Un infime maillon de la chaîne. Vous commencez à rêver à des autodafés éclatants. Vous fouillez vos poches à la recherche d’un briquet salvateur. Vous pensez immolation, pendaison, strangulation.

Vous partez faire un tour du propriétaire.

Les stands croulent de monde. Les discussions vont bon train. A voir les chiffres de mévente de votre dernière œuvre, vous ne vous doutiez pas qu’il pouvait exister un tel monde qui œuvrait à la perpétuation de la littérature française.

 

Des maisons d’éditions cotées au CAC 40 proposent du champagne millésimé mais un cerbère posté à l’entrée du réfectoire vous empêche d’y accéder.

Soudain, un attroupement se forme, une marée de micros batifolent au-dessus d’un parterre de courtisans qui glapissent de joie d’apercevoir celui qui est la cause de tout ce remue-ménage.

C’est notre président, l’homme qui avoue ne jamais lire de romans.

Vous faites demi-tour.

Vous êtes fatigués.

Vous trouvez refuge sur les marches du palais.

 

Et en voyant toute cette foule grouillante et jacassante, sans trop savoir pourquoi, vous pensez à Scott Fitzgerald, à ce jour où son cercueil s’enfonça dans le ventre de la terre sans que personne, absolument personne ne vienne lui dire un dernier au-revoir…

 

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De la vie de l’écrivain en tournée ( de promotion )

Bon, contraint et forcé, je reprends la route de ce blog.

Je ne suis pas chez moi, d’ailleurs je ne sais pas bien où je suis, quelque part en France je suppose, dans une anonyme chambre d’hôtel où j’aurais cherché refuge après une humiliante séance de dédicace lorsque d’aimables lecteurs m’auront trouvé toutes les qualités du monde, sauf celui d’être un auteur assez sérieux pour que l’on débourse quelques centimes pour s’enticher de son dernier chef d’œuvre.

J’écris ces lignes sur une espèce de bidule minuscule avec un clavier qwerty qui toutes les deux secondes se chope une méchante attaque de panique, me menace de déposer le bilan sans préavis et m’avertit à tout bout de champ qu’il ne répond plus de rien.

J’avoue que c’est de très loin que j’ai suivi l’actualité de ces derniers jours. Pas le temps. Pas de connexion. Pas de journal. Pas grand-chose.

J’ai quand même retenu que les goys s’étaient dénichés un nouveau guide. C’est bien. Je suis content pour eux. Je ne comprends toujours pas pourquoi ils ont besoin d’un gourou pour savoir s’il est de bon ton de marier la veuve de l’orphelin avec le fils du divorcé mais ceci ne me concerne pas.

Je trouve le nouveau pape très avenant. Doux comme un agneau et tendre comme une biche. On lui donnerait le bon dieu sans confession ce qui vu sa charge tombe plutôt bien. Et puis, comme tout argentin, il aime par-dessus tout l’art footballistique ce qui d’emblée vous classe un homme.

J’imagine sans peine que Maradona va bientôt entrainer le Vatican Football Club. Avec François Premier sur le banc pour implorer le seigneur d’intercéder en faveur de ses ouailles.

J’ai essayé de regarder en streaming le Saint-Etienne/PSG d’hier soir mais mon bidule m’a dit, non, non, non, je n’ai pas ça en magasin.

J’ai installé des logiciels improbables, j’ai écrit au nouveau pape, j’ai convoqué le gérant de l’hôtel, j’ai joué au jokari avec le clavier, j’ai viré de l’argent aux restos du cœur, j’ai appelé au secours la maîtresse du rabbin ; en vain.

J’ai suivi le match sur un site moribond, sans images, avec des commentaires écrits en apache.

Je n’ai pas compris grand-chose au déroulé de la rencontre.

Le temps que ma page veuille bien se rafraîchir et Saint-Etienne en avait déjà pris deux. Je suis allé me servir un valium bien frappé. Quand j’ai repris dialogue avec le bidule, les verts avaient réduit le score. Je me suis resservi un autre valium avec cette fois un soupçon d’Effexor.

Mes efforts ont fini par payer. Les verts sont revenus au score. De joie, j’ai tenté un triple salto arrière mais je me suis réceptionné dans la baignoire.

La vie d’un écrivain en tournée n’est pas de tout repos.

Sans vous demander votre avis, on vous déporte aux quatre coins de l’hexagone.

On a une fiche de route, délivrée par l’éditeur, où tout est inscrit : l’heure de départ du train, le portrait-robot de la personne qui va vous réceptionner, le discours à tenir, la tenue à revêtir, les anecdotes à raconter, la buvette où se restaurer, l’heure à laquelle se coucher, les conseils pour ne pas déprimer après s’être rendu compte que la seule personne qui avait acheté votre livre était une lointaine cousine que vous aviez perdu de vue depuis des générations.

Il y a aussi un numéro d’urgence pour les cas les plus désespérés.

Quand vous vous êtes retrouvés à papoter avec vous-même, quand vous vous êtes auto-signé des livres, quand vous avez songé à vous reconvertir dans la vente par correspondance d’aspirateurs asthmatiques.

Je ne les ai pas encore appelés.

J’attends de connaître l’humiliation suprême.

Quand au salon du livre de Paris, un lecteur de passage, me demandera «  vous ne savez pas à quelle heure il signe Jérôme Ferrari ? ”

 

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Qu’on débarrasse la Ligue 1 de toutes ces équipes de ploucs

 

Leonardo a raison.

Paris n’est pas en France. Paris appartient à l’Europe. Au Monde. Au Cosmos.

Le PSG n’a pas vocation à aller épater le paysan de province pour que ce dernier, assommé de mauvais vin et de cidre de contrebande, se rince les yeux en contemplant les belles pouliches qataries.

Le PSG n’est pas une O.N.G dont le mandat serait d’aller divertir les troupeaux de trous du cul d’analphabètes et d’illettrés qui viennent s’entasser comme des bestiaux défroqués dans des tribunes de stade désolés qui empestent la bouse de vache et les relents de bière frelatée.

Le PSG n’appartient pas au peuple.

Le Qatar n’a pas dépensé des galons de millions pour que leurs princes du désert foulent des pelouses hirsutes qui ressemblent à des terres agricoles cabossées tout justes bonnes à servir de terrain de jeu à des cohortes puantes de veaux charolais atteints de dysenteries sévères.

Et que dire de toute cette populace absolument répugnante, habillée comme des moujiks crasseux, ongles sales, haleine fétide, visage buriné,  venant déverser leur litron d’injures à la face de joueurs parisiens qui daignent descendre de leur capitale et de leurs résidences royales pour venir leur rendre une amicale visite ?

Le peuple devrait plutôt se confondre en remerciements, lustrer leurs crampons, révérer leur élégance, s’ébaubir devant leur port altier, applaudir à tout rompre devant la magnificence de leur tenue et s’incliner bien bas en leur offrant le meilleur de leur récolte sous la forme de présents que leurs moutards iraient déposer dans le casier doré de leur vestiaire.

Le peuple est ingrat.

Le peuple est grossier.

Le peuple est veule.

On leur laisse admirer la Beauté dans toute sa splendeur étourdissante et il ne pense qu’à la piétiner et à la ridiculiser.

C’est désespérant.

On essaye de l’éduquer en lui proposant de venir voir évoluer des joueurs de football élevés dans les meilleurs écuries de la planète, éduqués dans les écoles les plus réputées de l’univers, formés au sein d’académies prestigieuses à la renommée internationale, et, comme seule réponse à cette généreuse offrande, voilà que cette immonde populace représentée par des culs terreux de footballeurs ne pense qu’à les tourner en ridicule.

Il est grand temps de rétablir le tiers-état.

Laissons les équipes de nos provinces et de nos campagnes s’amuser entre elles. Elles ne nous méritent pas. Grâce à dieu, nous ne sommes pas de leur monde. Nous ne le serons jamais. Nous sommes d’essence supérieure.

Désormais Paris ne jouera plus que contre Paris. Et sur la pelouse du Château de Versailles. Avec un parterre de spectateurs triés sur le volet.

 

Ce qui devrait leur éviter de connaître le goût amer de la défaite.

Et encore.

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Mais bon sang à quoi ça sert Twitter ?

 

Je comprends de moins en moins mon époque. C’est peut-être malheureux à dire mais c’est la vérité. Plus je vieillis et plus le monde alentour m’apparaît comme de plus en plus en confus, de plus en plus obscur, de plus en plus complexe à déchiffrer.

J’avais pensé que ce serait le contraire, que l’âge venant, l’intellect se développant, la pensée s’affinant, je serais plus à même d’appréhender le monde qui m’entoure.

La réalité est toute autre.

Ainsi, à titre exemple, si j’ai déjà beaucoup de difficultés à cerner le réel intérêt de Facebook, cette incompréhension n’est rien comparée à celle que j’éprouve vis-à-vis de Twitter.

Certes, j’entends bien que grâce à l’apport de cette nouvelle technologie, on puisse accéder encore plus rapidement et d’une manière plus pertinente à des flux d’informations encore plus conséquents.

Je saisis peu ou prou que son fonctionnement permet aux internautes de communiquer des liens qu’ils jugent utiles de s’échanger afin de parfaire leur connaissance de l’actualité.

Je n’en vois pas nécessairement l’utilité mais au moins je comprends sa finalité.

Là où je reste aussi ahuri qu’un poulet de Bresse regardant passer un train corail, c’est devant cette manie que possèdent les utilisateurs de ce nouveau médium de publier à n’importe quel moment de la journée des ersatzs de pensée qui apparaissent comme autant d’éjaculations verbales dépourvues de toute substance.

J’en veux pour preuve la disparition de Daniel Darc qui même s’il  cultivait un côté catho scarificateur et auto-destructeur quelque peu étranger au chaos de mon propre monde intérieur n’en restait pas moins un chanteur intrigant et attachant.

Ce qui m’a réellement stupéfié, ce fut de voir à peine l’annonce de sa disparition révélée l’avalanche de tweets rédigés à la va-vite par des personnalités appartenant de près ou de loin au monde de la culture.

Ici une midinette de la chansonnette écrivait qu’elle espérait qu’il allait enfin trouver la paix, là une actrice de seconde zone confiait sa peine infinie d’avoir perdu un grand frère, plus loin un apprenti musicien se contentait juste d’un très sobre et très classieux R.I.P, expression branchée d’une crétinerie infinie signifiant que le trépassé peut désormais reposer en paix. Juste au cas où il songerait à danser le jerk dans le confort de son cercueil capitonné.

J’entends bien qu’on puisse être peiné par la disparition d’un chanteur, surtout si on se sentait proche de son univers, familier de ses disques, amoureux de ses chansons, mais quel besoin d’aller s’épancher sur son clavier pour rédiger un message d’une confondante banalité ?

A quoi rime ce petit jeu de virtuelles condoléances et de graffitis évanescents ?

Que recherche-t-on lorsqu’on confie ainsi sa tristesse à un réseau social qui va répercuter à l’infini les sanglots longs de votre mélancolie inconsolable ?

Qu’a-t-on besoin de déclamer à la terre entière que cette disparation nous affecte ?

Serait-ce là une tentative de partager sa douleur avec d’autres afin de sentir un peu moins seul ?  Sommes-nous donc dans un monde désormais si déshumanisé, si désincarné et si abstrait que la proximité des êtres réels ne suffit plus à attendrir ce genre de chagrin ?

Ou bien alors sommes-nous devenus tellement égocentriques, tellement avides de reconnaissance, tellement soucieux de faire savoir que l’on existe bel et bien, qu’on ressent comme un besoin irrépressible d’avertir le monde de l’existence du moindre de nos affects ?

Nos vies sont-elles devenues si insipides, si étriquées, si dénuées de sens que l’on ne peut plus supporter l’idée que personne ne puisse être au courant de nos tourments, joies et autres vertiges ?

A-t-on tellement peur de se retrouver seul avec soi-même, seul vis-à-vis de ses propres démons, seul dans sa pauvre solitude, qu’il faut là, tout de suite, dans l’instant, s’épancher sur Twitter afin que les autres, tous les autres puissent fraterniser avec vous jusqu’à que ce sentiment intolérable d’isolement disparaisse ?

Ou alors n’est-ce là qu’un effet de mode qui annihilant notre capacité de réflexion nous amène à agir comme des automates aveugles, respectant à la lettre un principe dont ne sait déjà plus à quoi il peut bien s’appliquer ?

 

Pour tout avis sur la question prière de me répondre à croisillon (elle est où cette putain de touche sur le clavier ?) vieuxconsurledéclin

 

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