Saint-Etienne : Et si c’était pour de vrai ?

Évidemment ça ne va pas durer. Évidemment une fois la saison parvenue à son terme, ils seront encore là à se vautrer dans le ventre mou du classement, égarés quelque part entre la 5ème et la 10ème place. Évidemment qu’ils n’iront jamais au Stade de France disputer une coupe nationale.

Trente années de disette vous rendent un supporter acharné de Saint-Etienne des plus circonspects lorsque s’enchaînent les succès et que monte, monte, monte la rumeur qui les voit déjà en haut de l’affiche et les consacre comme les nouveaux rois de l’olympe.

Certes les plus optimistes d’entre nous, dans l’alcôve secrète de leurs espérances folles, pourront toujours se dire que vu le niveau affiché par les autres équipes de ligue 1, tout redevient possible.

Que dans un championnat léthargique qui se distingue avant tout par l’excellence de sa médiocrité, par ses funèbres journées qui se traînent, interminables, du vendredi jusqu’au dimanche soir, exsangues de tout mouvement d’éclat, déclinant des rencontres moribondes dégoulinantes d’ennui, sauvées seulement d’une mort certaine par quelques extravagantes décisions arbitrales tout juste bonnes à pimenter les commentaires, Saint-Etienne pourrait au final très bien tirer son épingle du jeu.

On reste sceptique pourtant.

Difficile d’avoir cheminé trente longues années dans un désert jalonné de défaites et de soudain s’enflammer d’espoir parce qu’au loin brûle comme une vague lueur d’espérance, comme une promesse d’un avenir meilleur auquel nous refusons encore de croire, désillusionnés d’avoir tellement marché à l’ombre d’équipes plus glorieuses et méritantes que la nôtre.

Nous ne croyons plus aux augures d’un Dieu footballistique qui nous maltraite depuis trop longtemps pour que nous cédions à ses mirages.

Nous sommes blindés.

Nous savons trop le goût des espoirs déchus, des promesses jamais tenues, des soirées blafardes où nous dégringolons au classement, aspirés vers le fond.

Nous sommes revenus de tout.

On nous dit que notre équipe pratique un beau football, qu’elle est généreuse et solidaire, qu’elle va de l’avant. Et il est vrai qu’elle a parfois belle allure.  Qu’elle affiche de temps à autre une flamboyance qui nous procure des frissons d’extase. Que son portier nous rassure. Que son milieu travaille et récupère bien. Et que son attaque a de quoi donner le tournis à n’importe quelle défense de l’hexagone.

Mais ça ne peut-être qu’éphémère, n’est-ce pas ?

Au fond de nous, nous savons bien que cela ne peut durer ainsi.

Que demain ou même ce soir, nous trébucherons et qu’alors  recommencera la litanie des matchs sans victoire, le cortège des rencontres au goût amer où la grâce et la chance nous auront quittés, où nos insuffisances apparaîtront au grand jour, où nous irons de déconvenues en déconvenues, égrenant les défaites atroces, les matchs nuls piteux, les prestations à peine convenues, les victoires étriquées.

Nous sommes des supporters traumatisés. Nous souffrons tous d’un stress post-traumatique qui dure désormais depuis plus de trente ans. L’idée de la chute et de l’échec est tellement ancrée en nous que déjà nous préférons nous préparer à des lendemains qui déchantent que de nous enthousiasmer de trop.

A force, prudence est devenue notre maître mot.

Comme le dit un proverbe forézien bien connu : ” Quand les verts reverdissent à l’automne, c’est au printemps qu’ils pâlissent ”.

Si seulement cette fois on pouvait se tromper…

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Les jeux video ne rendent pas violents, ils rendent idiots

Non malgré mon ardent et légitime désir de défendre une collègue écrivaine, enfin surtout vaine, je ne suis pas encore assez gâteux pour prétendre que la pratique à outrance de jeux vidéo qui proposent de buter des salopards de terroristes par containers entiers puissent d’une quelconque manière provoquer chez leurs utilisateurs une envie féroce de passer à l’acte.

Moi-même, il me faut confesser que pendant mon enfance, je me suis aussi livré à des jeux d’une violence inouïe.

Ainsi, je me souviens encore de ce fusil à pompe qui décochait de redoutables flèches à ventouses s’en allant s’encastrer dans l’œil de mes camarades et leur causant des dommages irréparables.

Et que dire de tous ces mercredis après-midi passés sur le tapis du salon où glapissant d’atroces cris de guerre je m’amusais à terrasser une armée teutonne à l’aide de ma colonie de petits soldats peinturlurés en jaune pisseux d’aspect foutrement repoussant, mes chers fantassins napoléoniens campés solidement sur leurs bases caoutchouteuses dans une posture si agressive qu’à leur seule vue les soldats prussiens tombaient comme des mouches.

Par contre ce dont je suis convaincu c’est que les jeux vidéo qui se proposent de nous initier à l’art de la guerre rendent totalement idiot et irréductiblement crétin. Complètement con.

Je pense très sincèrement que dans l’échelle infinie de la connerie humaine, les jeux vidéos outrancièrement violents doivent occuper de très loin la première place, à peu près à la même hauteur que celle du poker ou du jokari.

Car enfin il faudra un jour m’expliquer quelle part du cerveau est mise à contribution lorsqu’il s’agit, à l’aide d’une manette disgracieuse, de dégommer aussi vite qu’ils apparaissent de patibulaires individus sur un écran de fortune.

Certes, on pourra toujours avancer l’idée que de répondre dans un temps très court à un féroce assaut entrepris par une bande de zombies sanguinaires demande une agilité et une promptitude hors du commun.

Et que conséquemment elle exige du cerveau qu’il jouisse d’une pleine autorité et d’une vivacité triomphante afin d’ordonner sur le champ au doigt en charge de cette périlleuse mission de pilonner le bouton adéquat sur la manette de commande qui, faut-il vraiment le rappeler, n’en comporte que deux, et ce afin de repousser le danger avant qu’il ne soit trop tard.

Ce doit être à peu près cette même intelligence qui commande à une vache de reculer de quelques pas lorsqu’elle s’aperçoit dépitée qu’elle vient de brouter intégralement le carré de gazon étalé sous son museau et réalise, chavirée par la fulgurance d’une pensée foudroyante, qu’elle va devoir se bouger le séant afin de continuer sa séance de broutage.

D’ailleurs la comparaison avec une vache n’est pas fortuite.

Le regard halluciné d’un spécimen de la race humaine occupé à se livrer à une héroïque partie de full contact engagé avec un combattant armé jusqu’aux dents, n’est pas sans rappeler le regard de cette même vache qui contemplant passer le train de 17h54 se demande, soucieuse et pleine de gravité, si ce ne serait pas par hasard l’heure de rentrer à l’étable.

Ce qu’il y a de fascinant dans cette catégorie de jeux vidéos dits violents – je ne parle pas là des FIFA 2028 et autres EA 2056 qui bien entendu exigent des facultés intellectuelles bien au-dessus de la moyenne – c’est leur totale et irréductible vacuité, leur confondante bêtise, leur sublime inutilité.

Certes, je vous le concéde bien volontiers, ce constat pourrait s’appliquer à bien des champs de l’activité humaine, voire à tous.

Et pourtant il m’apparaît que  même regarder une émission de télé-réalité ou de télé-achat me semble demander de la part du téléspectateur une capacité cérébrale plus grande que celle exigée lors de la pratique d’un jeu vidéo qui finalement s’apparente à une brouillonne et furieuse succession de stimulis déclenchés suite à l’apparition soudaine d’un petit bonhomme de quelques centimètres surgissant dans le cadre virtuel d’une guerre tout aussi virtuelle.

 

Disons pour résumer que si la télé rend bête, le jeu vidéo rend con dans l’exacte mesure où la connerie se différencie de la betise en ce qu’elle peut se confondre chez certains individus avec de l’intelligence : c’est ainsi que le bovin de télespectateur passant sa soirée à zapper se doute quelque part qu’il perd son temps tandis que le tueur de vampires imaginaires finit lui par se considérer comme un être d’essence supérieur…

C’est bien là tout le problème.

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Manifeste pour un duel, un vrai, à l’UMP

Cela se passerait à l’aube. Sur le Champ de Mars. Loin des caméras de télévision. A quatre heures du matin, leurs camarades les auraient réveillés. Ils se seraient préparés. Rasés de près. Habillés avec soin. Auraient déjeuné frugalement. Embrassé une dernière fois femmes et enfants. Puis se seraient échappés par l’escalier de service sans se retourner.

Ils auraient retrouvé leurs témoins près d’un troquet de l’avenue de la Motte-Piquet. Pour se donner du courage ils auraient avalé un dernier calva. A six heures, l’aube blafarde surgissant d’un ciel triste à pleurer, ils se seraient dirigés d’un pas lent mais déterminé vers le Champ de Mars.

Une pluie fine les aurait accompagnés.

En les apercevant, Monsieur Juppé serait sorti de sa berline et serait venu à leur rencontre. Leur aurait demandé une dernière fois s’ils étaient bien sûrs de vouloir disputer ce duel. Qu’il était encore temps de se raviser. Que tout cela n’en valait pas la peine. Que tout ceci n’avait pas de sens. Que tout le monde comprendrait s’ils renonçaient. Qu’il se chargerait en personne d’annoncer la nouvelle à la presse.

Ils ne prendraient même pas la peine de répondre.

François aurait dit qu’on en finisse une bonne fois pour toute.

Jean-François aurait répondu cela fait longtemps que tu es fini mon pauvre François.

François aurait eu un sourire triste.

Ils seraient allés retrouver leurs témoins. Valérie et Lionel pour François, Michelle et Xavier pour Jean-François. De leurs mains gantées, les dames, emmitouflées dans leurs manteaux de velours, auraient sorti de leur coffret en acajou les pistolets puis les auraient tendus à leurs deux champions.

Deux beaux pistolets à un coup. Exactement identiques. Achetés la veille chez un antiquaire du faubourg Saint-Honoré.

Monsieur Juppé les aurait réunis pour leur rappeler le règlement du duel. Marcher quinze pas, se retourner et attendre son signal avant d’armer.

Puis tirer une fois qu’il en donnerait l’ordre.

Au loin, un chien se serait mis à aboyer.

Ils se seraient débarrassés de leurs vestons, auraient retroussés la manche de leur chemise puis, avec application, auraient compté leurs pas.

Au moment d’armer leur pistolet, ils auraient jeté un dernier coup d’œil au ciel, à l’école militaire encore endormie, aux arbres décharnés, comme pour leur dire adieu.

Tirez aurait crié Monsieur Juppé d’une voix tremblante.

Sans s’être même concertés, ce dont ils conviendraient par la suite en s’esclaffant d’un rire joyeux, ils auraient dirigé leur tir sur Monsieur Juppé qui se serait effondré, sans même émettre un son, comme si sa stupéfaction d’être ainsi visé l’eût emporté sur la douleur de la blessure poignardant son cœur.

Ils se seraient serré la main. Leurs témoins aussi.

Beau travail aurait dit François.

Je ne te savais pas si bon tireur aurait répondu l’autre.

Tu ignores encore beaucoup de choses sur moi Jean-François.

Ils seraient retournés rue de Vaugirard. Leur problème n’était toujours pas résolu mais au moins ils s’étaient débarrassés de ce pauvre Alain qui n’avait jamais rien entendu à la nature humaine. Au fond c’était un provincial que la violence des moeurs politique rebutait.

Et à l’idée que leur guerre intestine entamée depuis l’autre dimanche allait encore continuer, ils se seraient réjouis que l’autre fût encore de la partie.

 

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Québec : touche pas à mon français

C’est un fait universellement reconnu, les québécois sont les gens les plus adorables qui soient. Ouverts, accueillants, drôles, enthousiastes, serviables, gentils, chaleureux, affables. Des crèmes d’êtres humains avec qui d’instinct on a envie de fraterniser autour d’une bière accompagnée d’une poutine bien digeste tout en matant une bonne partie de hockey.

Il y a une chose, une seule chose avec laquelle il ne faut jamais, mais vraiment jamais plaisanter avec un habitant de la belle province, c’est le respect de la langue française, domaine sur lequel il se montre aussi inflexible et intransigeant qu’un négociateur israélien sur la question de Jérusalem comme capitale de l’état hébreu.

Quand un québécois entend parler anglais autour de lui, lorsque par mégarde son regard s’arrête sur une pancarte rédigée dans la langue honnie, il devient aussi enragé qu’un Mélenchon répondant à une question sur le rôle nécessaire des agences de notation dans l’économie mondiale.

C’est ainsi que tout récemment le tout puissant office québécois de langue française a intimé l’ordre à six grandes marques, Wal-Mart, Best Buy, Costco, Gap, Old Navy et Guess, de modifier leur enseigne afin qu’elles cessent de polluer l’atmosphère avec leurs noms tarabiscotés scandant leur appartenance éhontée à la culture anglo-saxonne.

D’ores et déjà, Kentucky Fry Chicken s’est plié à cette injonction. Désormais, pour bouffer à satiété du poulet bien huileux élevé dans un abattoir sans fenêtres du Michigan et raccourcir ainsi de moitié son espérance de vie, il faut se rendre dans une franchise répondant au doux nom de Poulet Frit à la Kentucky.

Les autorités demandent donc aux dépositaires de marques fleurant bon l’ennemi de toujours, l’infâme empire britannique et ses affidés linguistiques, d’accoler dorénavant à leur nom barbare un substantif impeccablement français : la boutique Gap, le supermarché Costco, la foire à la farfouille Wal-Mart, le café du commerce Starbuck, le fournisseur de chemises à col ouvert Old Navy, l’approvisionneur en pantalons fabriqués en toiles de jute Levis, le fournisseur de petites culottes en soies Etam, le distributeur de viandes en compost haché aplati Mac Donald, le bar à pute Chez Lolotte.

C’est que le Québec se sent bien seul en Amérique du Nord. Abandonné par la France, cerclé par des peuplades insensibles à la langue de Molière, entouré d’hurluberlus sanguinaires éructant dans un idiome n’ayant cours que dans les travées de Buckingham Palace, il se sent menacé dans son identité de contrée résistant envers et contre tous à l’envahisseur anglo-saxon.

D’où cette très légère paranoïa et cette tendance quelque peu soviétique voire stalinienne à vilipender tout ce qui n’est pas d’inspiration gauloise. D’où cette martialité spartiate des autorités prêtes à rétablir la peine de mort pour tout individu surpris à penser dans une langue autre que celle pratiquée dans l’hexagone. D’où cette impitoyable chasse aux sorcières lancée à l’encontre de multinationales pas foutues de posséder un nom de baptême capable de se décliner en français.

On pourrait doucement s’en gausser mais on pourrait aussi s’en féliciter.

 

Ce n’est pas tous les jours que l’on voit des défenseurs de la langue francaise prendre des mesures coercitives pour empêcher la propagation et le déferlement d’une espèce de sous-culture dévouée au seul culte du dieu dollar et promue par des ploucs demeurés venus du fin fond de l’Arkansas.

Quant à moi, couard comme je suis, et condamné à vivre dans une partie du territoire canadien infecté de sujets feignant de ne point comprendre lorsque je les apostrophe d’un très aimable ” tu ne sais pas connard que tu n’es pas obligé de freiner quand le feu  passe à l’orange ” je m’abstiendrai bien de prendre parti.

C’est plus prudent.

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Echenoz ou le vertige de l’esthète

Les romans de Jean Echenoz sont toujours parfaits. C’est bien évidemment leur plus grand défaut. Méticuleuses sans jamais être chichiteuses ou boursouflées, soignées et polies à l’extrême, cousues de fil d’or, ses phrases possèdent toujours cette élégance feutrée, cet impeccable déroulé, cette fortuite justesse propre à tous les grands écrivains.

Chez Echenoz, rien ne dépasse. Tout est sa place. Les adjectifs sont rigoureusement précis, les verbes, choisis avec un soin maniaque, assoient leur autorité sans qu’on puisse jamais remettre en cause  leur présence, l’agencement de la narration possède cette tranquille rigueur  permettant au roman de s’écouler page après page dans une suite de séquences si fluide, si légère, si fine que le livre s’achève comme s’achève une journée bien pleine de satisfaction repue.

Le dernier roman d’Echenoz, 14, illustre à merveille cette parfaite mécanique.

S’emparant du thème de la grande guerre, il trousse sur 140 pages une histoire qui ne brille ni par son originalité ni par ses extravagances romanesques. Des hommes sont dépêchés au front, une femme reste à les attendre, la guerre déroule son lot d’horreur, les tranchées engloutissent les vies, les obus pleuvent et déchiquètent les corps fourbis de fatigue, les cieux sanglotent de gazs qui encrassent les poumons.

Une nouvelle fois, Echenoz nous livre là un véritable un travail d’orfèvre. Si l’on devine qu’il a sué des heures de lecture pour se documenter avec tout le sérieux possible, qu’il a passé ses dimanches à arpenter des bibliothèques désolées à la recherche de livres tombés dans l’oubli, qu’il a engrangé des tonnes d’informations sur la vie dans les tranchées, tout ce laborieux travail d’investigation ne transparaît jamais à la lecture du roman.

Tout est naturel. Tout arrive à point nommé. C’est effrayant de réalisme, c’est extraordinaire de facilité. Comme si Echenoz avait écrit son livre en sifflotant, les deux pieds sur son bureau, en clopant un paquet de cigarette.

Le problème comme toujours avec les romans d’Echenoz c’est qu’il n’a rien à dire. Ou plus exactement que seul le préoccupe la vraisemblance de son récit. Qu’il ne se soucie ni de la psychologie de ses personnages ni de démonter les problèmes du cœur humain qui comme le disait Faulkner ”sont les seuls qui peuvent pousser à bien écrire car c’est le seul sujet sur lequel il vaut la peine d’écrire, le seul digne d’angoisse et de sueur”.

Flaubertien enragé, Echenoz écrit pour écrire. A la rigueur peu lui importe son sujet. Zatopek, Ravel, la Guerre, ne sont que des prétextes à mettre en scène des romans qui prennent toujours un gourmand plaisir à retracer avec une exactitude ensorcelée la véracité des faits contés sans jamais s’encombrer de digressions ou de paraboles.

Echenoz ne juge pas, il décortique la réalité.

C’est peut-être le seul écrivain qui pourrait nous raconter l’exact déroulé d’un passage dans une des douches d’un camp de concentration sans nous arracher un hurlement de douleur.

Echenoz n’a rien à nous dire mais il le fait avec un tel brio qu’il demeure un romancier magistral.

 

Chapeau l’artiste.

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Libé-Hamas

On ne se refait pas. A peine le conflit entre Israël et le Hamas a-t-il recommencé que Libération renoue avec ses vieilles lubies macérées dans les eaux fangeuses de l’extrême-gauche toujours prompte à voir l’état hébreu sous les traits d’un infâme pays colonisateur dont le passe-temps favori consiste à dégommer, en toute impunité, des enfants palestiniens.

Pour illustrer son article sur la reprise des hostilités, Libération a sorti l’artillerie lourde sous la forme d’un cliché montrant un enfant palestinien enveloppé dans un linceul, victime supposée d’un tir israélien. Supposée puisque la légende même de la photo entretient le doute : ” Un jeune palestinien et son frère, tué selon des officiels gazaouis par un tir israélien hier à Khan Younés “.

Selon des officiels gazaouis donc qui comme chacun sait appartiennent tous à la ligue des droits de l’homme et n’ont de cesse de prôner l’amour entre les peuples. Des gens tout à fait incapables de détourner une photo ou de se servir de la mort d’un enfant pour en user comme d’une arme de propagande.

Libération a tout à fait le droit de prendre parti dans le conflit israélo-palestinien.

Libération a tout à fait le droit de penser que les palestiniens sont les seules victimes de ce conflit et qu’Israël a les mains sales barbouillées du sang des enfants palestiniens.

Libération a tout à fait le droit de publier une photo dont rien ne prouve qu’elle ait un lien avec le sujet traité par l’article.

Libération a tout à fait le droit de ne pas publier une photo montrant une des trois victimes israéliennes tombée sous un tir de roquette tirée de la bande de Gaza.

Libération a aussi tout à fait le droit d’écrire des éditoriaux dénonçant les actes de Mohamed Merah en stigmatisant cette propension de certaines têtes brûlées à vouloir exporter le conflit israélo-palestinien sur le sol français.

Il pourrait simplement éviter d’en écrire de nouveaux présentant la réalité de façon partiale et donc trompeuse.

Il se peut tout à fait que cette photo soit vraie. Que ce pauvre enfant ait été effectivement une victime collatérale d’un tir israélien. Il n’y a pas de guerre propre. Et l’on ne pourra que pleurer sur le sort de ce malheureux enfant. Pleurer sans polémiquer, sans chercher à rejeter la responsabilité de cette mort sur une des deux parties engagées dans cette guerre larvée.

Il n’empêche : en agissant de la sorte, en présupposant d’une manière insidieuse que l’armée israélienne est la responsable directe de la mort de cet enfant, sans même prendre le soin de vérifier dans quelles conditions cette mort s’est produite, Libération légitimise avec éclat le discours régnant dans nos banlieues.

De cette haine du juif présenté comme n’hésitant pas à assassiner des enfants pour asseoir son autorité. De cette haine qui sourd dans les cités délaissées de la république. De cette confusion de la pensée où le juif de France se retrouve coupable d’agissements fantasmés conduits par Tsahal.

La prochaine fois que Libération fera sa une sur le nouveau Mohamed Merah qui sera passé à l’acte pour venger ses frères palestiniens tombés au champ d’horreur, on s’en souviendra.

Et on ne manquera pas de rappeler Libération à sa responsabilité : celle d’un journal partisan qui n’hésite pas à jeter de l’huile sur le feu pour étayer la justesse de la cause qu’il prétend défendre.

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Un Club Med pour terroriste

Souad Merah est fière de son frère. Fière de ses actes. Fière qu’il soit passé à l’acte en assassinant de sang-froid de pauvres innocents. Des soldats français. Des enfants juifs. Et ce faisant qu’il ait vengé les enfants palestiniens abbatus par ces chiens d’israéliens.

On eut compris fort bien qu’elle éprouvât encore de l’amour pour son frère. La tendresse qui peut exister dans une famille résiste parfois à tous les égarements de l’un de ses membres et se poursuit malgré soi, dans cet enchevêtrement de sentiments où l’exaltation de l’être disparu prime sur toute autre considération.

Le chagrin n’est jamais une affaire de morale.

N’ayons pas peur des mots : Souad Merah mériterait une bonne paire de baffes. Et encore une autre. Et une troisième.

Déclamer son amour pour son frère défunt est une chose, se sentir fier qu’il fût un monstre d’assassin en est une autre. Surtout quand ces meurtres en séries se teintent d’un antisémitisme enragé et d’une haine féroce envers toute personne qui à ses yeux s’attaquerait à l’islam.

Ce genre d’individu qui prône le recours au terrorisme pour asseoir la légitimité de ses idées n’a pas sa place en démocratie et constitue pour tout état de droit une problématique des plus cruciales : que faire de ces hurluberlus paranoïdes qui n’envisagent leur salut sur cette terre que par l’accomplissement de meurtres barbares et l’anéantissement d’ennemis qui n’existent que dans leur imaginaire dérangé ?

Les vertus du grand air ne sont plus à démontrer. Quiconque a séjourné quelques temps sur une île vous dira combien cette retraite lui a permis de se régénérer, combien l’air marin a contribué à rendre à son esprit toute sa vigueur et son agilité, combien la lourdeur de sa pensée qui l’encombrait sur le continent s’est évaporée au contact d’une nature resplendissante.

Plus qu’un enfermement dans une prison confinée où l’esprit se rétrécit, se contracte, se replie sur lui-même et se laisse contaminer par des sujets qui conversent en toute amitié avec la folie, un séjour sur une île lointaine, perdue en haute mer, posséderait toutes les vertus.

Une île où l’on professerait le respect de toutes les croyances à travers un enseignement apaisé où l’homme reprendrait les commandes de sa propre destinée. Une île sans télévision abrutissante, sans radio communautaire, sans internet sanguinaire, sans rien pour venir contaminer l’esprit si ce n’est la lecture imposée des œuvres complètes de Jean Jacques Rousseau.

Une île sans barbelés, sans mirador, sans cour de prison mais avec des écoles où des professeurs de morale viendraient enseigner l’histoire de la tolérance à travers les âges, où l’on s’occuperait tout autant du corps que de l’âme, où chacun apprendrait à connaître l’autre, où les fanatiques de tout bord se retrouveraient à fraterniser pour construire un phare ou une jetée.

Ce serait la vie au grand air. On resterait sur cette île le temps qu’il faut. A vie si nécessaire. Le temps que l’âme se débarbouille de tout ce corset idéologique qui sur le continent avait fini par l’étrangler.  Le temps que l’esprit comprenne combien il s’était égaré et finisse par reconnaître ses errements.

On l’appellerait l’île des fous furieux ou l’archipel de la rédemption.

Les visites seraient interdites. On y cultiverait son jardin. En toute tranquillité. La lecture du Coran et de la Bible seraient proscrits. Si l’envie de se payer un juif ou un arabe devenait trop forte, on préconiserait dans un premier temps l’adoption de lapins circoncis afin de satisfaire sa soif de vengeance.

Au haut d’une colline verdoyante, il y aurait un cimetière où seraient enterrés ceux qui n’ont pu se résoudre à abandonner leurs vieilles lunes.

On le baptiserait le Cimetière Mohamed Merah.

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A quoi sert un prix littéraire pour un écrivain?

Les prix littéraires sont nécessaires voire indispensables à l’économie du livre. Ne serait-ce que pour aider le lecteur ahuri et occasionnel à choisir le cadeau de fin d’année qu’il offrira en grandes pompes à sa concierge tout aussi ahurie.

Et à la maison d’édition de l’heureux lauréat d’engranger quelques notables subsides afin de les reverser à sa tripotée d’auteurs qui croupissent dans l’anonymat le plus absolu, ou aider à publier à la pelle des écrivains qui à leur tour viendront gonfler l’armée des auteurs condamnés à macérer leur amertume de n’être point reconnus à leur juste valeur, à savoir des romanciers d’exception convaincus de leur génie absolu.

Un prix littéraire de tout premier plan va permettre à l’écrivain couronné de déserter les allées du Leader Price local pour tenter l’aventure dans un lieu de consommation où les caissières ne se tiennent pas debout, emmitouflées à triple tour dans un anorak, leurs mains gantées de disgracieuses mitaines achetées en pack de douze chez Tati.

En des termes plus prosaïques, l’attribution de sa médaille d’émérite travailleur des lettres va  lui permettre de troquer sa bouteille de Gros Plan du Pays Nantais achetée à un euro vingt le litron contre une belle bouteille de Chablis. Et d’augmenter ainsi de quelques semaines son espérance de vie.

Mais un prix littéraire sert aussi à restaurer le statut social de l’écrivain.

Jusqu’alors, sa famille, ses amis, sa femme même le considéraient comme un être tout à fait inutile, presque nuisible à la société, un odieux parasite gribouillant des romans vaseux que personne ne prenait la peine de lire.

Un bon à rien viscéralement paresseux, un brin condescendant qui, sous prétexte d’avoir besoin de solitude et de calme pour créer, restait enfermé chez lui à glandouiller sur son canapé, à jouer avec son benêt de chat, à s’offrir des siestes luxuriantes et pourtant demeurant assez culotté pour déclamer à la fin de sa journée, au moment de renouer avec le monde extérieur, qu’il était crevé, vidé, lessivé mais qu’il avait bien avancé dans son dur labeur.

Affirmation que son entourage, accablé de fatigue après une vraie journée de travail, recevait dans un silence circonspect voire désapprobateur, se demandant si par hasard ce trouffion d’écrivain, avec sa mine reposée et son teint rosé, n’était pas en train de se foutre de sa gueule.

Avant de se mettre à hurler en s’apercevant que non seulement il ne contribuait en rien à l’économie du foyer mais qu’il avait encore une fois oublié de ravitailler le frigo en yaourts bio, de descendre la poubelle, et d’appeler la Sécu pour connaître le taux de remboursement de ses psychotropes de quatrième génération.

A partir du moment où le monde des lettres reconnaît la portée inestimable et universelle de son œuvre, l’écrivain bascule dans une nouvelle dimension.

Du statut de paria, il passe d’un coup d’un seul à celui d’être tout à fait estimable, délicieux, spirituel qu’il est bon de fréquenter.

On admet désormais ses excentricités. Mieux on les encourage.

On comprend tout à fait qu’il n’a pas eu le temps de descendre les poubelles, ce n’est pas là son rôle, d’ailleurs désormais il n’a plus à s’en préoccuper, on s’en chargera pour lui. Le plus important c’est qu’il soit débarrassé de toutes contingences domestiques afin de mieux se concentrer sur son travail.

C’est peut-être ce simple de mot de travail qui va rendre l’écrivain radieux comme une majorette promue au rang de chef d’escouade pour la prochaine année universitaire.

Puisque maintenant il gagne de l’argent, que son compte en banque se ragaillardit à vue d’œil, qu’il va même payer des impôts, c’est donc qu’il travaille pour de vrai, qu’il participe au redressement des finances du pays, qu’il devient lui aussi un fervent supporter du choc de compétitivité. D’ailleurs il se demande si finalement c’est bien raisonnable de laisser, par ces temps difficiles, la gauche gouverner.

 

Et c’est ainsi qu’un soir sa compagne lui déclare, entre une dégustation de Châblis et d’œufs d’esturgeons, au fait, tu sais, j’ai bien réfléchi mon amour, mais ton idée d’avoir un compte commun…

 

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Benjamin Biolay, bâtard* de lyonnais

Dans un entretien paru dans So Foot, Benjamin Biolay a déclaré, entre autres amabilités, que le maillot des Verts le dégoûtait. C’est un soulagement.

Penser une seule seconde qu’un personnage aussi insignifiant, aussi terne, aussi transparent, puisse éprouver un quelconque sentiment de camaraderie envers Saint-Etienne eut provoqué chez moi une crise existentielle, de celle qui sape les fondements de votre identité et vous amène à reconsidérer le bien fondé de vos amours footballistiques.

C’eût été aussi traumatisant que d’apprendre que Vanessa Paradis trimballait dans son sac hermès les œuvres complètes de Faulkner ou que Céline Dion s’endormait tous les soirs en lisant le traité du désespoir de Kierkegaard.

Benjamin Biolay, fait unique dans la longue et riche histoire de la chanson française, peut s’enorgueillir de rencontrer un certain succès tout en n’étant ni un chanteur à texte ni un chanteur tout court. Footballeur, il eût été un joueur qui aurait eu la technique de Franck Lebœuf et le physique de Javier Pastore ce qui l’aurait amené au niveau de Jimmy Briand. Et encore.

Biolay plaît aux jeunes filles en peurs qui dans le couvent de leur mémoire confisquée, rêvent, entre deux cours de catéchisme, d’amours interdits chuchotés avec ce poète de caniveau, parfaite caricature de l’homme tourmenté dont pourtant le seul dilemme intérieur doit être de se demander s’il faut songer à ravitailler son caniche de chien avec des croquettes bio ou continuer à l’alimenter avec des blancs de poulet achetés chez son charcutier de la place Bellecour.

Que ce chanteur puisse être présenté comme le nouvel écusson de la chanson française en dit long sur l’état de désolation de cette dernière. Il y a plus d’élégance et de profondeur dans le buvard du brouillon de l’esquisse d’une chanson de Charles Aznavour que dans les œuvres complètes jamais recensées de Biolay.

Benjamin Biolay n’écrit pas des chansons, il se contente d’aligner des mots, puisés dans l’antre de son imaginaire exsangue, en espérant que ceux-ci par la magie du verbe finissent par s’entendre pour donner du sens à des pensées d’une niaiserie confondante dont la puissance d’évocation n’a d’égale que celle de ses cordes vocales qui ne se sont jamais remises d’une opération mal embouchée des amygdales et des végétations réunies.

Il faudrait songer à joindre aux disques de Biolay un cornet acoustique d’une longueur extravagante tant les minauderies de sa voix ressemblent aux roucoulements  étranglés d’un oisillon qui viendraient de servir d’amuse-gueule à un chat joueur.

Ceci dit Biolay a des circonstances atténuantes.

Passer ses soirées au Stade de Gerland à papoter avec Monsieur Aulas tout en regardant le spectacle affligeant d’une équipe étriquée et pleutre tout juste bonne à s’illustrer dans notre championnat hexagonal sans jamais être capable de s’enflammer les soirs de joutes européennes, a de quoi éteindre dans l’œuf toute propension à développer son intellect.

Sûrement son goût et sa maîtrise des rimes savantes est-il né de l’écoute assidue du chant le plus inepte jamais inventé par un kop de supporter, ” Qui ne saute pas n’est pas lyonnais ” chant d’une profondeur inouïe qui continuera encore longtemps à hanter les professeurs de linguistique comparée cherchant à saisir le sens de cette ritournelle à la métaphysique ensorcelée.

Biolay se rêvait d’incarner le Morrissey de la chanson francaise.

Pour prétendre à l’être il aurait été plus inspiré de fréquenter les travées d’Old Trafford que celles de Gerland.

 

* Je rappelle ici que suite à un chant entamé par quelques joueurs lyonnais à l’encontre des stéphanois les traitant de bâtards, Jean-Michel Aulas a déclaré : ” Je suis un peu surpris de l’emphase qui est mis sur cet incident. Je suis allé voir dans un dictionnaire, un bâtard (ndr: terme employé dans la chanson en question) c’est un enfant issu d’un couple non marié, ce n’est pas une insulte ». Dont acte.

 

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Cause nationale : sauvez le juif de France

J’en rêvais, François Hollande, en l’espace d’un discours, l’a fait : c’est ainsi que moi, juif de France (enfin presque) je suis devenu une cause nationale. J’en rosirais presque de plaisir non feint.

Désormais plus question de me vilipender ou de me stigmatiser,  je suis devenu intouchable. Les ors de l’état tout puissant me protègent à tout jamais.

Après le cancer, la pauvreté, la sclérose en plaque, l’illettrisme, l’obésité, le diabète, l’autisme, l’enfance maltraitée, la solitude, la prévention routière, la lutte contre les violences faites aux femmes,  voilà que le pauvre petit juif tétanisé d’angoisse que je suis est promu au rang de cause nationale.

Je ne méritais pas un tel honneur même s’il est vrai que je souffre de solitude, que mon enfance a été des plus pénibles, que je ne suis guère riche, que j’ai une tendance naturelle à grossir, que je conduis comme un chameau, que parfois bien malgré moi je bats ma femme, que je n’arrive pas à communiquer avec les autres, que mon dos s’affaisse, et que j’entretiens des relations compliquées avec l’orthographe.

Quelle jubilation de voir ainsi la République s’attendrir sur mon cas. De venir à mon chevet me promettre que tout sera entrepris pour que la cause de mes maux soit enfin trouvée. Qu’elle se dépensera sans compter afin de trouver un remède à ce mal insidieux qui me ronge. Qu’elle n’aura de cesse de défendre ma cause afin qu’une bonne fois pour toutes soit éradiquée cette saloperie de virus qui empoisonne mon existence.

Je ne sais pas ce que Netanyahu a pu baratiner à Hollande mais visiblement il a dû trouver les mots justes.

J’attends des actes désormais.

Va-t-on enfin se décider à lancer une vaste collecte de fonds pour venir prêter assistance à la communauté juive de France menacée d’extinction ? Organiser un téléthon géant avec Patrick Bruel et Michel Boujenah comme maîtres de cérémonie suppliant en pleurs le paysan bourguignon de verser quelques euros du fruit de ses vendanges afin de me restaurer dans ma dignité de citoyen appartenant à part entière à la communauté nationale ?

Vais-je donc avoir ma tronche exsangue de pauvre juif perclus de traumatisme s’afficher sur toutes les colonnes publicitaires de l’hexagone avec écrit en gros : VOUS POUVEZ ENCORE LE SAUVER. Suivi d’une adresse internet, sauvezunjuif.com, où les dons pourront être adressés ?

Va-t-on envoyer des tripotées d’écoliers arpenter les rues de nos villes, leur tirelire à la main, supplier le passant pressé de se délester de quelques piécettes pour que je puisse avoir une chance, une toute petite chance, de m’en sortir ?

Le temps presse.

Il faut bien réaliser que si la population ne répond pas à cet appel pressant, si elle ne met pas ses pas dans ceux de notre président, si elle ne sort pas de son apathie criminelle et irresponsable, nous autres Juifs de France sommes fichus. Bons pour la casse. Sans votre aide, bientôt dans chaque village de France sera érigée un obélisque à la gloire de nos juifs disparus.

Et il ne faudra pas venir nous dire que vous n’étiez pas au courant.

A ce rythme, on nous déclarera dans quelques semaines monument en péril. Avant de déclencher un plan Orsec et de dépêcher des secours en haute-mer pour venir nous repêcher.

Ceci posé, si le juif de France est une cause nationale, l’arabe de France il est quoi au juste ?

Une cause perdue ?

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