Nul en orthographe et fier de l’aitre

                                                                                                                                                                                                                                                        De temps à autre, il arrive que certaines personnes plus ou moins bien intentionnées m’avertissent d’une faute d’orthographe ou de grammaire ou des deux réunies que j’ai pu commettre lors de la rédaction d’un post, et me somment de la corriger faute de quoi ils avertiront en référé la Garde des Sceaux.

Parfois, bonne poire, j’en tiens compte et je rectifie l’erreur et d’autres fois je laisse la faute vivre sa vie de passagère clandestine.(Comme dans le texte de présentation à votre droite)

L’expression de ma nature rebelle, que personne jusqu’ici n’a jamais réussi à dompter.

Mais aussi comme un rappel à l’ordre que je permets de t’adresser Ô intraitable lecteur.

C’est que vous ne pouvez exiger d’un malheureux gratte-papier travaillant tout seul dans son coin de livrer un papier vierge de toute incorrection.

Dois-je vous rappeler, messieurs les censeurs prompts à vilipender à la moindre occasion le bloggeur solitaire, que dans la presse dite traditionnelle, et la plupart du temps payante, il existe à cet effet toute une classe de gens dont l’unique et impérieuse mission consiste à traquer les inévitables fautes commises à longueur d’article par les journalistes maison ?

On les nomme secrétaires de rédaction, ce sont des diplômés de haut-rang et ils sont aussi essentiels à la bonne marche d’un journal que les vigies dans un trois-mâts. Ou qu’une correctrice dans une maison d’édition sans l’intervention de laquelle vous achèteriez des romans illisibles, un écrivain n’étant pas forcément un grammairien émérite.

Seulement ces gens là ne sévissent plus, et c’est bien dommage, sur les sites d’information.

Surtout sur ceux qui vous sont offerts sans que n’ayez bourse à délier, n’est-ce pas ?

Et même si une âme charitable s’esquinte les yeux à traquer mes fautes avant que je ne mette en ligne mon dernier article, il subsiste parfois des fautes.

Auxquels cas cette dernière passe un bien mauvais quart d’heure et ne peut sortir de sa chambre où je la tiens enfermée sans avoir révisée de fond en comble et son Bescherelle et son Littré et son Robert.

Quant à moi, je l’avoue, je suis irréductiblement sourd à l’orthographe, rétif à la grammaire, inapte au bon usage de la langue française que je martyrise avec la délicatesse d’un bûcheron polonais.

Je commets des fautes à la pelle.

Je ne m’accorde sur aucun accord.

Je laisse les accents graves, aigus, circonflexes se livrer à un total dérèglement des sens.

Je mélange les temps, je confonds les participes, je joue à la pelote basque avec les verbes irréguliers, je laisse prospérer des déclinaisons sauvagement erronées, j’entrelace des terminaisons contraires, j’autorise des mariages défiant les règles élémentaires de la grammaire traditionnelle, je martyrise des verbes irréguliers, je maltraite des adjectifs invariables, je cingle des adverbes utilisés à tort et à travers, je provoque des carambolages meurtriers entre des mots orphelins de leur trait d’union.

Je devrais en avoir honte d’autant plus que j’ai été le fils d’une professeure de lettres classiques mais je plaide non coupable.

Je suis atteint d’une étrange maladie : je ne retiens aucun des usages propres à la grammaire française.

Je n’y peux rien.

Elles ne se fixent pas dans mon cerveau.

Elles glissent sur moi comme une sardine sur le dos d’un dauphin.

Ma correctrice a beau me rappeler pour la centième fois les règles mises à l’œuvre dès lors que le complément d’objet direct précède un verbe intransitif surtout quand le sujet de la phrase se tient planqué derrière le pronom circonstanciel, ses mots visitent mon esprit à la vitesse d’un chat poursuivi par une escouade de ratons-laveur déchaînés.

Sitôt entrés sitôt sortis

Je ne parviens pas à les mémoriser.

Ils procèdent d’une logique qui m’échappe.

Et quand bien même j’accèderais à leur règlement interne, à leur parfaite synchronie, à leur sublime ordonnancement, il me faudrait encore m’accoquiner avec les exceptions qui sont légions.

Trop pour un seul homme.

                                                                                                                                                                                                                                                                Je ne sais s’il faut réformer l’orthographe ou commencer par me réformer moi.

                                                                                                                                                                                                                                                      Dans les deux cas, je souhaite seulement bien du courage à celui qui s’y risquerait.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Ces coeurs qu’on dit de gauche

                                                                                                                                                                                                                                                La gauche caviar a encore de beaux jours devant elle.

Ainsi Aurélie Filippeti a cru bon adresser à la veille de la visite de François Hollande à Florange une sorte de lettre ouverte plutôt bien tournée par ailleurs, où s’émouvant du sort réservé à l’usine de Grandrange, elle dit son désespoir d’avoir vu notre Président de la République tourner le dos à ses promesses électorales et lui rappeler que c’était ”un combat à ne pas perdre. Surtout un combat à ne pas jouer perdu d’avance. C’était le sens même de la politique. C’était la confiance dans la parole de ceux dont la mission, le beau et le noble combat était de parler au peuple et au nom du peuple”.

Rien à redire.

D’où vient alors ce sentiment d’assister non pas à de fausses confidences mais plutôt à une sorte de marivaudage de la pensée politique de la part de cette pourtant sincère militante socialiste jamais plus à son avantage quand elle s’affiche avec une constance rare aux bras d’hommes dont l’appartenance aux classes laborieuses ne saute pas aux yeux.

Que ce fut avant-hier avec Thomas Piketty, hier aux côtés de Frédéric de Saint-Sernin, aujourd’hui auprès d’Arnaud Montebourg.

Certes, chacun est libre de s’accoquiner avec qui bon lui semble, de proclamer que le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas, que l’amour est aveugle ou que de se revendiquer de gauche n’interdit pas la fréquentation d’hommes ou de femmes placés tout en haut de l’échelle sociale.

Qu’on peut, après tout, très bien se promener en imperméable Burberry à mille euros pièce, se rincer les dents au champagne, dormir dans des draps de soie, parader dans Gala en tenue de soirée et continuer malgré tout à défendre les classes les plus défavorisées.

Sauf que non.

Quelque chose ne va pas.

Une distorsion trop grande entre un idéal de justice et une manière de conduire sa vie qui respire l’opulence, le luxe, l’argent facile (même si honnêtement gagné), les possibles week-end à Deauville, les probables repas dans les grands restaurants, les escapades amoureuses à San Francisco et autres comportements outranciers dont on devine qu’ils sont plus un mode de vie qu’une obligation imposée par un quelconque ordre protocolaire.

Je rêve un jour de voir un ministre ou une ministre de gauche (ou de droite, soyons fous!) tomber amoureux d’un ouvrier, s’enticher d’une caissière de supermarché, avoir les yeux doux pour une fleuriste ou fricoter avec une infirmière.

Ces gens-là ne seraient-ils pas tout aussi parfaitement fréquentables que ces énarques, ces directeurs de cabinet, ces journalistes, la grande galerie des élites triomphantes vers qui immanquablement nos dirigeants se tournent quand arrive le moment de se choisir un compagnon de route ?

Ne serait-ce pas cela le véritable mal français ?

Cet entre-soi dont on se sort jamais.

Ces gens dont on est censé défendre la cause et qu’on ne fréquente jamais, ni lors de ses années de formation passées bien souvent à l’ombre de lycées privés ou situés dans les beaux quartiers, ni au sein de ces grandes écoles coupables de pratiquer encore trop souvent un rigoriste apartheid social et encore moins quand vient l’heure de se retrouver à la tête d’un ministère entouré de collaborateurs issus très exactement du même milieu que le sien.

A quel moment de leur vies nos gouvernants croisent le destin des gens ordinaires, que peuvent-ils donc bien savoir de leurs problèmes et de leurs préoccupations, de la difficulté d’un quotidien qui se détériore jour après jour, de leurs vies normales et banales, hormis les trop rares moments où ils consentent à venir leur rendre visite quand éclatent des échauffourées, ou surgissent des faits divers exigeant une réponse forte de l’État ?

Même avec la meilleure volonté du monde, il arrive un moment où à force de côtoyer vos semblables, tous issus de ce même moule qui ne connaît ni la diversité sociale ni la mixité républicaine, on en arrive à perdre souvent malgré soi tout contact avec la réalité du pays.

Lequel s’en va confier les clefs de la maison à des pitres de démagogues assez cyniques pour prétendre comprendre leurs aspirations en flattant leurs vils instincts.

On s’était gaussé un jour des chaussettes par trop ordinaires de Pierre Bérégovoy.

N’étant pas du sérail, il dénotait.

Et il le savait.

                                                                                                                                                                                                                                                       C’était pourtant un bien honnête homme.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Avoir vingt ans aujourd’hui

                                                                                                                                                                                                                                                           Je ne me souviens pas bien de mes vingt ans.

Ce fut sûrement une période brumeuse, pleine d’incertitudes et de doutes où, sachant déjà que je ne saurai composer avec ce monde, je m’évertuais à trouver des chemins afin d’échapper à son implacable mastication.

Je barbotais d’ennui à l’université, je buvais des bières fortes comme du métal, j’écoutais de la musique triste et réconfortante comme une pluie d’automne, je tombais amoureux de filles qui la plupart du temps ne soupçonnaient même pas que j’existais, je lisais avec une avidité rageuse la grande et la petite littérature, je tapais dans un ballon jusqu’à m’étourdir.

A dire vrai, je ne suis pas bien certain que j’aimerais revivre cette époque de ma vie.

Tout comme je ne suis pas assuré que j’aimerais avoir vingt ans aujourd’hui.

maxime hauchard djihad

En regardant l’autre jour le visage poupin de ces jeunes gens à peine sortis de l’adolescence, embarqués aux confins de la Syrie dans une noce macabre et barbare, je me demandais avec quelle extraordinaire confusion mentale ils devaient composer pour être parvenus à ce degré d’inhumanité.

Je pense que d’une certaine manière je les plaignais.

Leurs vies n’avaient même pas pris le temps de prendre leur envol qu’elles étaient déjà finies.

Ils ont perdu à tout jamais le lien avec le genre humain, enfoncés dans une nuit si profonde que rien ne pourra plus leur permettre de revoir la lumière.

Certes, jamais je n’aurais de mon temps épousé leur funèbre destin mais je me souviens encore de ces crises de désespoir qui m’accablaient, de cette soif d’absolu que j’avais, de ce besoin d’ailleurs qui battait en moi et de cette impossibilité à trouver une cause ou un combat répondant à ces ardentes attentes.

La société était un monstre froid, effroyablement bien articulé qui attendait de me voir rejoindre ses rangs pour mieux me broyer, me formater, m’écraser afin que j’accomplisse ma pesante besogne de travailleur du quotidien,  le bureau, la voiture, la famille, les impôts, la retraite, le cimetière.

Je rêvais à ces époques pas si reculées où les jeunes gens embarquaient dans des cargos de fortune pour découvrir d’autres mondes, voyager sur les vastes océans, s’enivrer de parfums exotiques, s’étourdir d’aventures plus fantasques les unes que les autres, surtout partir loin, loin du ronronnement d’existences douillettes afin de s’éprouver dans des périples au sort toujours incertain.

Mais ceux-là avaient disparu de la circulation.

On ne partait plus.

On restait à quai avec ses chimères et ses rêves.

Les grandes idéologies n’avaient plus cours, la politique entamait son inexorable déclin, les religions battaient de l’aile, le sida ravageait des corps coupables de s’être donnés l’un à l’autre, tout empestait l’ennui, la routine et la mort.

Et rien n’a changé.

A quoi peuvent donc rêver les jeunes gens d’aujourd’hui ?

Contre quoi peuvent-ils donc se révolter ?

Quels moulins à vent vont-ils aller défier alors que la société n’a rien d’autre à leur proposer que des jeux vidéos débilitants, des séries télévisées tout juste divertissantes, des mondes virtuels dénués de tout vrai sentiment, des célébrités circoncises du cerveau et des hommes politiques sans grand relief ?

Tout doit leur apparaître si uniforme, si plat, si étriqué à ces jeunes gens qu’ils auront beau chercher de quoi exalter leur soif d’absolu, leur envie de bataille, leur besoin de conquête, ils ne le trouveront pas.

Le monde est à la normalité.

Au vertige de l’argent.

Aux mirages de la société de consommation

Aux stock-options et aux grandes marques de distribution.

Les idéaux se sont rapiécés comme peau de chagrin, les révolutions s’accomplissent à l’ombre d’écrans d’ordinateurs, les tables de la loi des marchés financiers sont bien trop lourdes pour être renversées, les grands défis spirituels, les seuls peut-être dignes d’intérêt, ont comme disparu.

                                                                                                                                                                                                                                                     Le monde occidental n’a jamais été aussi pacifié.

La tranquillité n’est pas faite pour la jeunesse.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Scène de la vie conjugale-la dispute

                                                                                                                                                                                                                                                 Ça commence comme ça

Elle est partie tôt travailler.

Lui, il est resté à la maison à traîner son ennui.

D’habitude il écrit des livres mais là il vient de rendre son manuscrit et il attend la réponse de son éditeur qui comme d’habitude va lui dire que c’est sublime mais qu’il faut tout reprendre depuis le début.

Pour le moment, il est au chômage technique.

Il a perdu l’habitude de ne rien faire.

Il tourne en rond, il réveille son chat, il visite le frigo, il range ses livres, arrose les plantes, va à la fenêtre, ouvre son ordinateur, consulte ses mails, se lève, va pisser, réveille son chat, ouvre un livre, le referme, soupire, calcule la distance entre le canapé et la table de la cuisine, change une ampoule, va se raser, réveille son chat ; à dix heures il sort.

Il se promène, il achète un poulet, des carottes, un oignon, des petites pommes de terre, il rentre à la maison.

Il s’assoit à son bureau, il se relève, il appelle son père, prend une douche, réveille son chat, se regarde dans la glace, va à la fenêtre, calcule la distance entre la table basse du salon et la commode de l’entrée, passe le balai, nettoie le four, arrose les fleurs, consulte le baromètre, se coupe les ongles, réveille son chat, va s’asseoir, regarde le plafond.

La journée passe comme ça.

A six heures, il est à la cuisine.

Il sort le poulet, citronne la peau, le sale, le poivre, met du thym, met du romarin, met du laurier, le fait revenir dans une cocotte, deux minutes sur chaque face, l’enfourne, coupe les carottes en rondelles, cisaille l’oignon, nettoie les pommes de terre.

A six heures et quart, il jette les pommes de terre dans la cocotte.

A six heures trente, c’est au tour des carottes et de l’oignon.

Elle rentre à sept heures moins vingt.

Elle se débarrasse de ses affaires, l’embrasse, ne réveille pas le chat, passe sous la douche, met la table.

A sept heures c’est prêt.

Il sort le poulet, récupère le jus, dispose les carottes et les pommes de terre dans un plat, découpe la volaille, donne un morceau de blanc au chat étrangement réveillé, arrange les morceaux sur le plat, pose le plat sur la table, s’assoit.

Une minute plus tard, la dispute éclate : elle n’a pas mis le bon couteau.

Ce n’est pas la première fois.

De tout temps, elle n’a jamais su faire la différence entre un couteau à viande, un couteau à légume, un couteau à poisson, un couteau normal.

Ce soir par exemple, c’est le couteau pour couper les légumes qui tient compagnie à la fourchette.

D’habitude ils en plaisantent.

Pas ce soir.

Il éclate, il rugit, il tempête, il montre le couteau, il montre le poulet, le  poulet, le couteau, le couteau, le poulet, elle le regarde avec deux gros yeux ronds effarés, qu’est-ce qui t’arrive, il se lève, il va chercher dans le tiroir le bon couteau, il le brandit, il les tient chacun dans une main, le couteau à légume, le couteau à viande, il articule, ça légumes, ça poulet, ça couteau pour poulet, ça couteau pour légumes, il éructe, le couteau à légumes c’est pour les légumes, le couteau à poulet c’est pour le poulet, il se rassoit, elle se lève, prend son assiette, va dans sa chambre.

Le chat vient demander s’il peut ravoir du blanc.

Il vole par la fenêtre.

                                                                                                                                                                                                                                                 Le lendemain, ça recommence.

Elle part tôt le matin, il reste à la maison à traîner son ennui.

A la différence près qu’il prépare un couscous pour le soir.

                                                                                                                                                                                                                                                        Les cuillères, elle maîtrise. 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                          Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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En France, tout le monde a été résistant même le chat de ma voisine

                                                                                                                                                                                                                                                 J’avoue, jusqu’à hier, le grand nigaud que je suis ignorait tout de Zaz.

Sa vie, son œuvre et même la taille de ses souliers.

Il a fallu qu’elle se risque à déclarer dans des propos quelques peu tarabiscotés qu”’à Paris sous l’occupation, il y avait une forme de légèreté. On chantait la liberté alors qu’on ne l’était pas totalement” pour qu’elle entre de plain-pied dans le grand livre de l’Histoire de France.

En moins de temps qu’il en a fallu à l’armée allemande pour atteindre le cœur de la capitale lors de la bataille de mai et juin 40, son sort était scellé.

Zaz était une suppôt du zemourisme, la papesse du renouveau national, la porte-parole des Gringoires des temps modernes, la suffragette des marinettes en culotte courte, la dépositaire attitrée de la pensée du Maréchal.

Encore un peu et on la tondait en direct sur le plateau de Vivement Dimanche avec Michel Drucker dans le rôle du barbier de Belleville.

C’est qu’on ne plaisante pas sur un tel sujet en France.

La France a tellement eu à souffrir de l’occupation, elle a été si éprouvée dans son cœur et dans son âme que de prétendre qu’elle eût pu durant quelques temps s’accommoder d’une manière ou d’une autre de la présence allemande en son sol relève désormais du crime de haute trahison.

C’est entendu, la France, toute la France, de Dunkerque à Marseille, de Brest à Strasbourg, de Bordeaux à Nancy, a souffert, la France a combattu, la France a résisté et la France a triomphé.

La collaboration n’a été l’affaire que d’une poignée de crapules attendries par la figure toute paternelle du Maréchal, la milice un rassemblement de quelques écervelés rincés à l’eau de Vichy, les rafles un simple accident de parcours, les dénonciations une fantasmagorie victimaire et la prétendue soumission volontaire à l’Allemagne Nazie un affreux contre-sens historique.

D’ailleurs tout le monde autour de vous jurera sur la tête du Général que ses grands-parents ont caché des Juifs pendant la guerre, que dès le 18 juin ils se sont empressés de rejoindre les rangs de la résistance, que grand-papa pissait à la raie d’Adolf tandis que grand-maman transportait dans son cabas des munitions pour aider à faire sauter les trains.

Personne ou presque ne se reconnaîtra dans ces mots écrits pourtant par un vrai résistant de la première heure, l’un des esprits les plus fins du siècle dernier, un philosophe aussi modeste que savant, Vladimir Jankélévitch, dont je me permets de reproduire ici un extrait publié en 1948 dans La Revue Les Temps Modernes, sous le titre “Dans l’honneur et la dignité” :

 ”Pendant quatre honteuses années, la croix gammée a flotté sur la Tour Eiffel, insultant un paysage aussi vénérable à sa manière que l’Acropole d’Athènes. Et c’est pourtant un fait que le cataclysme n’a atteint dans leur destinée et leur vie privée que les masses patriotes et résistantes de la population. Qui de nous ne se rappelle les après-midi de dimanche de la zone dite libre entre 1941 et 1943 avec leurs jardins publics plein de promeneurs paisibles et de rires d’enfants. La France croupionne du Maréchal était viable, les trains circulaient, les bourgeois allaient en vacances et aux sports d’hiver, les conférenciers faisaient leurs conférences, nos célèbres chefs d’orchestre dirigeaient avec entrain, pour maintenir le prestige de la musique française, des cycles Wagner à rendre jalouses les plus fameuses baguettes Wurtembergoises.

Ah les beaux dimanches franco-aryens du Palais de Chaillot ! Car c’était le bon temps. Le bon temps vous dis-je. La France de Pétain se mettait en gants blancs, baudrier et socquettes blanches. Quand à l’occupation étrangère, c’est là un détail qui n’a d’importance que pour les Juifs et les rouges espagnols. Il faut le dire : le régime de l’État français correspondait aux vœux d’une partie de la France qui se reconnaissait en lui.”

D’évidence il y eut aussi durant ces heures sombres des comportements sidérants de bravoure et de courage.

Nombreux furent ceux qui risquèrent leur peau et celle de leur famille pour sauver la vie de malheureux dont ils ignoraient encore l’existence quelques heures avant de les cacher chez eux.

Et puis, il y eut les autres, tous les autres, cette masse grise d’hommes et de femmes emportés dans le ravin de l’Histoire qui firent ce qu’ils purent.

Avec leurs moyens.

Qui ne furent ni obstinément valeureux ni honteusement lâches.

Ne se situant ni dans le camp des vaincus, ni du côté des vainqueurs.

Pas plus résistants que collaborateurs.

Juste résignés et passifs.

Attendant que la guerre se termine pour pouvoir respirer un peu mieux et reprendre leurs occupations d’avant-guerre.

Il ne nous appartient pas de les juger.

Juste de rappeler que oui, il y eut une certaine frange de la population française qui s’accommoda fort bien de la présence allemande dans nos villes et nos campagnes.

Qui, oui, aimait à frayer dans des cabarets parisiens, célébrer la légèreté de l’époque et fraterniser avec des officiers allemands.

Et qui furent bien heureux d’habiter dans des appartements occupés jusqu’alors par des Juifs dont parfois ils avaient signalé la présence aux autorités compétentes.

Ne pas le reconnaître serait une faute.

                                                                                                                                                                                                                                                 Et atténuer la véracité de ces faits comme certains se complaisent à le faire dans des ouvrages paraît-il à succès, un authentique crime.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Rosetta de malheur

                                                                                                                                                                                                                                                  J’avoue avoir boycotté délibérément tout l’espèce de charivari organisé autour du bitonio répondant au doux nom de Rosetta, les péripéties de son harponnage plus ou moins réussi sur la comète Tchourioumov-Guérassimenko ou la découverte ébaubie des premiers clichés envoyés par le cameraman de service perché là-haut dans l’immensité du cosmos.

M’eût-on donné la possibilité d’assister en direct à la séance de brushing de Mireille Mathieu que j’aurais montré le même égal désintérêt.

Évidemment étant aussi doué pour les sciences que Fleur Pellerin pour la littérature, affichant la même mine ahurie devant une équation du second degré que face au théorème de Pythagore, il m’est quelque peu difficile de me rendre bien compte des extraordinaires défis relevés par les savants afin de mener à bien leur périlleuse entreprise.

Certes, n’étant malgré les apparences que semi-débile, je devine qu’envoyer un bidule de cette espèce traverser en père peinard la Voie Lactée pour s’assurer de ne pas poser un lapin à une comète choisie d’avance et occupée à tracer son chemin parmi une forêt d’étoiles doit représenter un défi d’une difficulté inouïe à réussir.

Déjà que j’ai du mal à trouver ma porte d’embarquement lors d’une escale opérée dans une contrée étrangère, je n’ose imaginer les embûches rencontrées pour s’affranchir ainsi de telles contingences physiques et permettre ce mariage contre nature entre une sonde conçue par des hommes et une comète à l’origine indéterminée.

Pour autant, je suis l’un de ceux (le seul ?) qui pensent que les péripéties de l’univers doivent rester à tout jamais nimbées d’un halo d’incertitude et de mystère, qu’il n’appartient pas finalement au genre humain d’aller farfouiller dans les entrailles du cosmos afin de tenter par ricochet d’expliciter l’origine de la vie terrestre.

Ce qui revient à affirmer prosaïquement qu’il vaudrait mieux commencer par apprendre à soigner les hémorroïdes avant de songer à entamer des périples stratophériques.

D’avoir été capable de marcher sur la Lune ne m’a personnellement rien apporté si ce n’est que je trouve qu’elle a depuis perdu quelque peu de son charme, que sa capacité d’envoûtement a disparu, qu’elle n’interagit plus avec nous avec la même fascination qu’au temps où elle était encore cet astre inviolé, source de perpétuel émerveillement.

Je ne sais si je crois en Dieu mais je n’ai nulle envie qu’on vienne m’expliquer par le menu le mécanisme à l’œuvre dans le positionnement des planètes, l’ordonnancement de la vie extraterrestre ou l’infinie et merveilleuse complexité du système solaire.

Ou qu’on m’explicite que tout Sagalovitsch que je suis, je ne demeure que la résultante d’une lente évolution qui, à partir d’un hypothétique Big-Bang, a permis à un atome de se transformer en un bidule puis en un zboub avant d’émerger un beau matin sous la forme de mon très lointain ancêtre que je me permets de saluer ici bien bas.

Et je ne suis pas convaincu qu’à force de reculer ainsi un peu plus loin les limites du possible, on ne finisse pas par découvrir des vérités si implacables qu’elles mettraient en péril  l’extraordinaire fragilité de l’esprit humain, que confronté ainsi à des certitudes froides et indiscutables explicitant le pourquoi du comment, le cortex cérébral ne vacille alors dans le chaos et la folie.

Ce n’est pas parce que l’homme a la capacité de repousser encore et toujours les frontières de la connaissance qu’il doit nécessairement entreprendre à tout prix ce voyage sans s’inquiéter auparavant de ses conséquences toujours incertaines.

Je préfère rester pour toujours comme le personnage d’Yvonne dans Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry qui regardant le ciel s’interroge de la sorte dans ce qui doit être l’un des passages les plus sublimes de la littérature universelle :

 “Et la terre tournant inlassablement sur son axe tout en accomplissant ses révolutions autour du soleil, et le soleil tournant autour de la roue lumineuse de notre galaxie, et les indéfiniment innombrables galaxies tournant à l’infini en leurs révolutions, leurs majestueuses révolutions, tournant jusqu’à l’éternité et le voyage ininterrompu de la vie à travers toutes ces planètes, longtemps après qu’elle même serait morte, des hommes ne continueraient-ils pas à déchiffrer tous ces mondes du fond de leur ciel nocturne et aussi longtemps que la terre tournerait dans la suite de ces lointaines galaxies…indéfiniment ne se poseraient-ils pas la même sempiternelle et désespérante question : dans quel but ? Quelle force peut donc mouvoir ce sublime mécanisme céleste ?”

                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Fillon-Jouyet, le drame de l’alcoolisme des déjeuners d’affaire

                                                                                                                                                                                                                               En entrée François se sera contenté d’une cèpière au parmesan et à la noix de Muscade. Jean-Pierre lui, n’aura pu résister à l’appel d’un soufflé d’anguille nappé d’un coulis de Cresson pendant qu’Antoine se réservait pour la suite.

Mis en appétit, François se sera jeté sur un homard bleu grillé à la vinaigrette de corail pendant que Jean-Pierre aura réglé son compte à une tête de cèpe en civet tandis qu’Antoine se sera régalé d’une poularde pochée au fumet de vin du Jura.

Il faisait grand beau sur Paris.

On aura ouvert grandes les fenêtres de l’établissement donnant sur le jardin arboré.

C’était le début de l’été.

Sur les conseils du sommelier, Monsieur Paul, on aura débouché une bouteille de Château Lagrange suivie bien vite d’une deuxième.

On se sera enquis du sort des épouses respectives, on se sera gaussé de l’arrestation de la fille et du gendre d’Hélène Pastor, on aura évoqué l’annonce de l’arrivée de Laurent Ruquier aux Grosses Têtes, on se sera réjoui des victoires convaincantes de l’Equipe de France au Mondial brésilien, on aura évoqué les prochaines vacances et l’endroit où on comptait les passer.

Une troisième bouteille apparut sans même qu’on se souvint de l’avoir commandée.

Puis dans la douce anarchie des conversations de fin de repas, quand palpite autour de la table le bonheur de l’amitié retrouvée, au moment où le vin étourdit quelque peu l’esprit, François aura montré sur son téléphone portable la photo de Peanut, le chien qui venait d’être élu chien le plus laid au monde.

Ils avaient ri aux éclats.

Antoine, Jean-Pierre, François.

Ah pour sûr ils s’en souviendraient de ce repas

Au fond, les amis, c’est tout ce qui restait quand l’âge venant, on sentait poindre la lassitude de vivre des existences trop pleines de contrariétés, trop inquiètes, trop soumises aux contingences de la vie publique.

Un cœur de poire rôti à la vanille pour Antoine, un ananas en pavlova au citron pour Jean-Pierre, un palais de crème tendre au chocolat noir pour François accompagné d’une triple tournée de digestifs avait clos ce repas de retrouvailles parfaitement réussies.

Avant de régler son compte à l’addition, Jean-Pierre et François s’excusèrent à l’unisson d’une envie pressante, et, tout heureux d’avoir ressenti la même urgence exactement au même moment, s’en allèrent, bras dessus bras dessous, visiter les lieux d’aisance situés au sous-sol du restaurant.

Mon dieu, ils étaient complètement saouls, ils se retenaient l’un à l’autre pour ne pas trébucher, ils s’esclaffaient de se savoir ainsi aussi gris, ils riaient comme deux collégiens venant de lâcher une boule puante dans le réfectoire, ils descendirent les quelques marches en titubant de plus belle, se retenant à la rambarde pour ne pas partir à culbute.

Ah pour sûr ils s’en souviendraient de ce repas.

Au beau milieu de son occupation visant à soulager sa vessie, François, découvrant intrigué que son jet avait une furieuse propension à jaillir de travers, ne put éviter de sortir l’une de ses blagues favorites ”Jean-Pierre, tu sais à quoi on reconnaît un antisémite ? Il pisse…il pisse…il pisse toujours  sur Jacob et jamais sur Delafon”.

Jean-Pierre partit d’un rire si fracassant qu’il manqua de foutre en l’air son pantalon en flanelle.

Alors François, secoué par un fou rire qui ne voulait pas s’arrêter, les yeux humides de joie étincelante, le corps agité de soubresauts incontrôlables, gagné par une ivresse gargantuesque, arc-bouté contre sa pissotière, n’y tint plus ” Jean-Pierre, tu sais quoi ? Bygmalion, il faut que…il faut que…il faut que tu t’occupes de Champollion ”

Pourquoi, il est antisémite ?  parvint à articuler d’une voix craquelée de rire Jean-Pierre, désormais avachi de tout son long contre le mur, la cravate défaite, le regard exorbité, la main tendue devant lui affairée à tenir en équilibre son téléphone portable requis pour tâcher de prendre un selfie.

                                                                                                                                                                                                                                 Dix minutes plus tard, Antoine, inquiet de ne pas les voir revenir, descendit aux toilettes et trouva ses deux amis chantant, le pantalon aux chevilles “Sarko t’es foutu, Champollion est dans la rue.”

                                                                                                                                                                                                                                                      Ah pour sûr ils s’en souviendraient de ce repas !

                                                                                                                                                                                                                                                                                   Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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L’entrée de la tragédie grecque dans la téléréalité

                                                                                                                                                                                                                                               J’ai d’abord cru que c’était Nutella qui avait essayé de poignarder son fiancé et j’avoue avoir vacillé sur ma chaise, n’étant nullement au courant de ces amours clandestins pratiqués par la pâte à tartiner préférée de mes goûters adolescents.

Mais quand j’ai réalisé qu’il s’agissait de Nabilla et non de Nutella, j’ai cru que les portes de l’Enfer s’ouvraient grandes devant moi.

Toute la journée, au lieu de réfléchir sur le silence de Dieu pendant la Shoah, j’ai papillonné de sites d’actualités en forums d’admirateurs, j’ai traqué le moindre tweet susceptible de m’apprendre les derniers rebondissements de cette sordide affaire, j’ai scruté les entrailles d’Internet afin de comprendre l’exact déroulé de cette soirée qui symbolisera à tout jamais l’entrée de la tragédie grecque dans le monde de la téléréalité.

A l’heure où, d’un clavier tremblant, j’écris ces lignes, la situation demeure encore des plus confuses si ce n’est que nous pouvons tenir pour certain que Thomas, l’amoureux attitré de Nabilla, est tiré d’affaire, ce qui constitue une première éclaircie dans ce maelstrom de mauvaises nouvelles qui se sont abattues depuis ce matin.

Merci aux médecins et que Thomas récupère bien vite, c’est tout le mal qu’on lui souhaite.

On est avec toi Thomas.

Forever.

Il faut maintenant espérer que Nabilla connaisse un sort aussi favorable que celui de Thomas.

Pour le moment elle poireaute en garde à vue et papote avec les policiers au sujet des circonstances entourant ces mystérieux coups de poignard reçus en plein cœur par Thomas.

Il apparaît pour acquis que la première version relayée par la presse, la thèse d’une agression perpétrée par des rôdeurs au moment où Nabilla et Thomas sortaient de leur voiture, ne tienne pas la route et tout laisse à penser que ce n’était là qu’une invention journalistique des plus grotesques.

On en a l’habitude.

Quelque chose s’est donc passé dans l’appartement des deux amoureux mais quoi au juste, nul, à part le couteau responsable des coups portés à Thomas, ne peut encore le dire.

Chœur Antique

Ô Nabilla, de ce poignard que dans ton palais tu gardais

As-tu pu te saisir et pleine de courroux

Sur Thomas, qui hier encore à tes pieds se prosternait,

De son cœur l’auras ensanglanté par la folie de ton joug ?

                                                                                                                                                                                                                                           Pourrait-il s’agir d’une simple dispute qui pour une raison indéterminée aurait mal tourné au point d’en arriver à ce que l’irrémédiable soit commis ?

Il est acquis selon des sources bien informées que Thomas avait promis à Nabilla de laver la vaisselle mais que suite à un échange téléphonique prolongé avec sa mère, il n’a pas été en mesure d’accomplir sa tâche domestique sans prendre le soin d’avertir sa princesse, ce qui aurait eu comme effet de provoquer la stupeur bien compréhensible de cette dernière lorsque, une fois rentrée chez elle, elle a découvert l’ampleur du désastre.

On imagine sans mal le choc engendré par une telle vision.

La cavalcade des assiettes dans l’évier, l’empilement des verres, la cascade de casseroles, l’amoncellement des poêles et là, trônant au dessus de ce carnage  comme l’étendard de la paresse inexcusable de Thomas, la tête effilée d’un couteau pointant son amertume d’avoir barboté des heures durant dans cet océan de crasse et réclamant vengeance?

-

Chœur Antique

Ô Nabilla, enfant de la Grâce et de l’Aube,

Dis-nous que ce couteau parmi le désordre égaré

De lui tu t’es détournée et vers ta chambre tu as cheminé

Pour qu’à ta sainte colère tu te dérobes

                                                                                                                                                                                                                                                           Mais une autre hypothèse semblait retenir l’attention des inspecteurs.

La possibilité que Thomas n’ait pu supporter de lire dans le regard de Nabilla la désillusion de voir la promesse non tenue de laver la vaisselle au point que pour réparer cet impair, sans réfléchir, il se soit emparé du couteau avant de le retourner vers son cœur comme un signe de son inexpiable regret. 

Il est encore trop tôt pour le dire d’autant plus que, toujours selon les inspecteurs, le couteau en question, originaire de la banlieue limougeaude, aurait déjà été impliqué dans des rixes avec des fourchettes de chez Ikea.

Affaire à suivre donc.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                       Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Francois Hollande, futur Premier Ministre du Canada !

 

Au lieu de rentrer bêtement en France se farcir les problèmes d’un pays au bout du rouleau, l’attendant le couteau entre les dents pour le clouer au pilori, François Hollande aurait été mieux inspiré de rester bien au froid au Canada et de piquer le rôle du chef de l’exécutif à Stephen Harper.

Nul doute qu’il aurait accompli des miracles par ici.

Champion hors-pair dans l’art de rassembler les contraires, amoureux du consensus élastique, génie de l’esprit de synthèse, François Hollande eût été tout à son aise dans un pays aussi enclin à la schizophrénie que le Canada.

Il eût su flatter avec la même délicatesse les anglophones et les francophones, ces deux fratries tendrement ennemies continuant à se regarder comme deux ours de faïence, s’ignorant tout en se respectant, chacun défendant son pré-carré avec la même férocité qu’une lionne défend ses lionceaux des dangers alentours.

Afin de ne fâcher personne, de ne pas se compromettre auprès d’une frange ou l’autre de la population, d’œuvrer à ce que le pays continue, malgré ses rivalités internes, à aller de l’avant, il aurait établi son quartier général sur une barge flottante naviguant au gré des humeurs du Fleuve Saint-Laurent, dérivant de l’Ontario au Québec en un perpétuel mouvement de balancier.

Pour réaffirmer son attachement au caractère foncièrement bilingue du Canada, il n’aurait pas hésité à se débarrasser de son prénom à la consonance bien trop Gauloise et l’aurait circoncis d’un simple o afin d’apparaître sous le lustre éclatant d’un Francis Hollande de bien meilleure facture.

Ou inversement de François Netherlands.

Qui aurait épousé en première noce Régine Gagnon, ancienne reine de beauté du village de Bouchette, charmante bourgade située dans La-Vallée-De-La-Gatineau, tout en adoptant comme maîtresse officielle Abigail Clark, originaire de Beaverlodge en Alberta.

Ses discours auraient été baragouinés dans un idiome nouveau, mélangeant allégrement le français et l’anglais, non pas du franglais, mais une langue vernaculaire constituée par la succession effrénée de vocables appartenant aux deux registres linguistiques, formant une bouillabaisse de phrases incompréhensibles, ce qui aurait eu le don de plaire à tout le monde, chacun voulant bien entendre ce qu’il voudrait entendre.

Il se serait converti au régime du délicieux burger au sirop d’érable accompagné de poutine farinée de chair du saumon du Pacifique tout en se rinçant le gosier de bière Molson mélangée à des vins provenant de la province de l’Okanogan.

Comprenant la nécessité de continuer le forage des sables bitumineux afin d’assurer la prospérité et l’indépendance énergétique du pays mais désireux cependant de répondre à la nécessité d’établir le Canada comme tête de pont dans la lutte contre le réchauffement climatique, il eût convaincu les grandes compagnies pétrolifères de reverser la moitié de leurs profits au développement de la pratique des échasses dans les grandes métropoles afin de supplanter l’utilisation des 4×4 tout terrain.

Chantre de la social-démocratie mâtinée de social-libéralisme, il eût trouvé en sa nouvelle patrie l’espace adéquat pour mettre en pratique son pragmatisme économique sans pour autant être qualifié de suppôt du capitalisme.

Grisé par sa popularité, décidé à concurrencer les Etats-Unis dans leur politique interventionniste, il aurait lancé à la surprise générale une guerre éclair sur la France bleue marine, remportant une victoire éclatante sous les acclamations du Peuple de Paris,  tout heureux d’assister au retour de son fils prodigue se trimbalant dans les rues de la capitale à dos de grizzly avant de pénétrer triomphant dans les jardins de l’Élysée.

La boucle eut été bouclée.

La France serait devenue une province du Canada.

Et les Québécois auraient été enfin considérés par les Français de souche comme des maudits canadiens…

                                                                                                                                                                                                                                                                                                    Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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L’horreur de vieillir

 

La semaine dernière j’ai eu 47 ans.

Rien que de réunir ces deux chiffres côte à côte pour désigner mon âge me semble relever d’une sinistre plaisanterie.

Ce ne peut être moi.

Comment, sans même m’en rendre compte, avec une facilité déconcertante, sans produire le moindre effort, ai-je pu déjà atteindre cet âge-là qui résonne à mes oreilles suppliciées comme une entrée fracassante dans l’hiver de ma vie ?

Je sais, j’entends monter les récriminations mi-amusées mi-dépitées proclamant le ridicule d’une telle prophétie, l’assertion que considérant les progrès de la médecine,  je ne serais encore qu’un benjamin au printemps de sa vie, la proclamation indignée de me voir ainsi m’apitoyer alors que mes plus belles années sont encore à venir.

Foutaises, je m’exclame !

Peu me chaut de savoir que la durée de vie moyenne d’un homme atteint désormais les quatre-vingts saisons.

Elle pourrait être de cent-cinquante ans que je n’en ressentirais pas moins ce poids du temps qui a passé et ne reviendra plus, cette impression d’avoir déjà un pied dans la tombe, cette angoisse profonde et sincère que désormais chaque jour passé me rapprochera un peu plus du moment où ma vie ne sera plus qu’un lointain souvenir, une parenthèse à jamais refermée, un simple nom sur une stèle funéraire.

Et tandis que j’écris ces lignes, dehors il pleut, novembre, le plus affreux des mois, frappe à la fenêtre, encore une heure et la nuit sera déjà là, la nuit de toutes les nuits, la nuit triomphante, la nuit glaciale, la nuit humide où les cœurs se mettent à chavirer d’une tristesse poisseuse que rien ne parvient à égayer tandis que les âmes sanglotent de solitude dans la désolation d’un lit transformé en linceul.

Et comme nous sommes dimanche, que ce jour-là, j’ai obtenu, de haute lutte, d’être exempté de cuisine, je sais déjà que je n’aurai ce soir comme repas qu’une assiette de pâtes à peine chaude accompagnées d’une sauce pesto livide servie de mauvaise grâce par la ménagère en chef fâchée de toute éternité avec les arts culinaires.

A un moment j’ai espéré que François Hollande venait au Canada tout exprès pour moi, que mis au courant de mes humeurs mélancoliques, il avait décidé toutes affaires cessantes de me rendre visite afin de me distiller quelques paroles de réconfort, me confier l’inquiétude de ma mère patrie à me voir affligé de la sorte et m’implorer, au nom de la nation toute entière, de me ressaisir, de rassembler mes forces et d’aller de l’avant.

Je me suis laissé abuser.

Le faraud a peine eu le temps de se poser quelques heures à un millier de kilomètres d’ici avant de repartir vers l’est.

Même mon chat a filé je ne sais où, se doutant bien au vu de mon humeur chagrine, qu’il allait encore servir de victime expiatoire à  mes accès de bile et être obligé de subir sans broncher les mille et une perversions de son maître.

Depuis ce matin, j’écoute en boucle le dernier Léonard Cohen que ma compagne, toujours bien inspirée, m’a offert, la semaine dernière, pour me féliciter d’être encore en vie.

Le message était des plus clairs : ne commence pas à pleurnicher avec ton âge, regarde L.Cohen, il vient de fêter ses quatre-vingts-ans et il se porte comme un charme.

Ce qui est vrai.

Sauf que Léonard Cohen n’a jamais été jeune.

Il est né avec des rides au cœur.

Et depuis il ne cesse de rajeunir.

                                                                                                                                                                                                                                             Tout le contraire de moi.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                           Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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