Je m’étais juré de ne pas écrire sur Israël

 

Je m’étais juré sur les moustaches de mon chat que mon prochain papier ne porterait pas sur Israël.

J’avais déjà dit ce que j’avais à dire.

Je ne ressentais pas la nécessité d’en remettre une couche même si plus d’une fois en lisant un article dans un journal ou en écoutant la réaction d’un de nos édiles, ébaubi par leur mauvaise foi crasse, j’avais dû serrer les dents, encaissant en silence ces tartinades d’approximations historiques et ces partis-pris écœurant de mauvaise foi.

Mais une promesse étant une promesse, je m’étais résolu à taire, du moins le temps de la rédaction de ce papier, ces énervements et à déverser ma mauvaise humeur sur un sujet tout autre.

Jusqu’à 12 heures, François Fillon tenait la corde.

En apprenant la nouvelle du crash de l’avion Ouagadougou-Alger, il avait senti l’impérieux besoin de se fendre d’un tweet destiné à rester dans les annales nationales : ” Que s’est-il passé ? Quelles leçons tirer de cet accident ? Tout doit être entrepris pour avoir des réponses rapides ”

J’avais été soufflé tout à la fois par la profondeur de sa réflexion, la puissance évocatrice de ses interrogations, le délicat ourlet de sa prose aussi elliptique que descriptive.

Bref un poète était né et je n’allais pas manquer de lui régler ses comptes.

Une sieste plus tard, comme à mon habitude, avant de me mettre à crachoter mon venin, je décalottais le libé de demain (oui avec le décalage horaire c’est possible, si vous êtes sages, je vous expliquerai un jour comment), histoire de me tenir au courant des dernières affaires du monde.

J’enfilais les pages sur l’accident d’avion, Israël, la fiscalité écologique, le Tour de France, avant de tomber sur une tribune intitulée : Si j’étais né à Gaza…, signée par Michael Smadja, présenté comme étant philosophe, auteur et comédien.

Ah.

On connaît tous un fils Smadja autour de soi mais celui-là je l’avoue en toute humilité je n’en avais jamais entendu parler.

Ce qui m’étonnait quelque peu, considérant qu’avec des attributs si triomphants, j’aurais dû être familier de l’ensemble de son œuvre.

Après tout, être à la fois sépharade et philosophe ne va pas forcément de soi. (Oui Maurice je taquine).

Curieux d’en savoir un peu plus – ce n’est pas tous les jours qu’on découvre au détour d’un article un fils Smadja doté de talents si multiples – je convoquai dans la foulée un moteur de recherche et j’appris que le dénommé  Michael Smadja, né en 1977, était effectivement philosophe puisqu’il avait enseigné cette matière à des lycéens et que partant il pouvait se vanter d’être l’égal de Michel Foucault. La preuve, un jour, lui ou son homonyme, avait écrit un article pour Philosophie magazine.

Tout comme n’importe quel professeur de mathématiques a le droit de se prétendre mathématicien, tout professeur de physique, physicien et tout professeur de gymnastique, gymnaste.

C’est bien connu.

Auteur ? Tout aussi parfaitement exact. Il a participé à la rédaction des répliques de Miss Météo de Canal plus et tient aussi une chronique hebdomadaire dans Grazzia.

Comédien ? Oui. Il a décroché un rôle (le premier il paraîtrait) dans un court métrage signé par Massimiliano Camatti.

Il se dirait aussi qu’il cuisine comme personne le couscous, auquel cas il pourrait ajouter maître-cuisinier à ses titres de noblesse.

On comprend bien donc là qu’on a affaire à la fine fleur de l’intelligentsia juive française.

Un mélange d’Emmanuel Levinas, de Tristan Bernard et de Roger Hanin.

D’ailleurs ses propos l’attestent : ils sont tout aussi éloquents de naïveté adolescente que ceux de Jean-Jacques Goldman dans la chanson la plus confondante de niaiseries jamais écrite de la musique française, j’ai nommé le légendaire Si j’étais né en 17 à Leindenstat.

Bref pour résumer (lisez l’article si vous pouvez) s’il était né à Gaza, Michael il n’aurait pas aimé les juifs : ” En réalité, si, aujourd’hui, j’étais palestinien et que je considérais l’Etat d’Israël comme terroriste (au sens d’une organisation qui provoque la terreur en ciblant indifféremment civils et combattants, créant une insécurité permanente) je n’aurais pas tort. ”

Je tiens à dire que moi si j’étais né chien, je n’aurais pas aimé les chats.

Et si j’étais né à Rome, à l’époque de César, je n’aurais pas aimé la Gaule.

Tandis que si j’étais né à Alésia, je n’aurais pas aimé les Romains.

Bref, Libé, après l’avoir longtemps cherché, a trouvé son ” con “ de juif.

La caution intellectuelle dudit Michael Smadja démontrant que, même dans les plus hautes sphères du judaïsme français, des voix, et quelles voix !, s’élèvent contre le sort réservé à la Bande de Gaza.

J’ai déjà écrit ici combien, en tant que juif français, je trouvais maladroit et illégitime de dire sur la place publique aux Israéliens ce qu’ils doivent accomplir.

Je suis persuadé que Michael avait des intentions plus que louables.

Je suis convaincu par ailleurs que c’est un charmant garçon et je m’excuse d’avance si mes propos ont pu le heurter d’une quelconque manière.

Mais il me semble que de jouer ainsi au juif de service qui du haut de son nulle part vienne écrire ” Moi, palestinien, je n’aurais connu que le visage militaire d’un Israël construit dans un état de siège permanent, et dont la population s’est fabriqué un pragmatisme de survivant, aujourd’hui changé en virilisme froid. Je saurais seulement que les terres de mes aïeux sont occupées par d’autres. Je saurais que l’Etat d’Israël, loin de tenter de m’aider à construire un pays aux côtés du sien, au contraire, par la division, l’humiliation, le contrôle et la colonisation, rendrait pour les miens un avenir prospère impossible ” me semble, pas nécessairement faux, mais pour le moins inapproprié.

Pour la simple et bonne raison que cette oraison, au lieu de convaincre les Israéliens de la nécessité de changer de paradigme, ne fera que redonner du crédit à ceux qui, en France, seul endroit où cette tribune sera éventuellement lue, voient en Israël l’incarnation du mal absolu.

Je suis un Juif de la diaspora.

Je vis dans le douillet confort d’une société occidentale où jamais je n’entends résonner des sirènes d’alerte, où je n’ai pas perdu d’amis dans des attentats commis dans des bus, où mes éventuels enfants n’auront pas à accomplir leur service militaire.

A ce titre, je réserverai mes éventuelles critiques au sujet d’Israël à la seule sphère privée.

 

Simple question de décence.

 

P.S : Si Michael Smadja n’est pas celui que je crois qu’il est, s’il a publié sous pseudonyme sa Phénoménologie de l’Esprit en trois volumes, s’il a joué sans le savoir dans des films posthumes d’Ingmar Bergman, alors je me confonds en excuses et je reprends mon sceptre du ” con ” de service. Ce qui ne me changera guère.

 

Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true )

 

15 commentaires pour “Je m’étais juré de ne pas écrire sur Israël”

  1. Ce matin a Tel Aviv on se réveille comme avec une gueule de bois….
    Les sirènes ont encore retentit hier matin , d’abord tout autour de la ville car les missiles visaient le sud et le nord de la ville …. Puis quelques minutes après sur la ville …encore une fois trouver un abris en 90 secondes….on ne sait pas ce qui est le plus dur ..la sirène ou l’attente de la sirène….on dépense notre énergie et calme notre angoisse en organisant des collectes pour les soldats…ils n’ont rien demandé…ils étaient tranquilles boulot famille loisirs et les voilà sur le front dans la chaleur et la poussière et la guerre,ou dans un bunker depuis 3 semaines comme mon fils…laissant derrière eux femmes et enfants…..et on allume l’ordinateur on ouvre face book on voit que Sagalovitch a écrit…chouette sur Israel…. Et on rit!!!!! Et on partage avec tous les copains dépressifs ….
    Si je suis médecin et que je me débrouille en couscous ..je peux signer:
    Bobologue et reine du couscous- boulettes ???????

  2. Et pourquoi pas ?!!!

  3. Et le fils Bensoussan vous l’avez lu ? Il a l’air d’être allé plus loin dans les études :

    http://www.liberation.fr/politiques/2014/07/22/l-extreme-droite-en-a-reve-l-extreme-gauche-l-a-fait_1068401

  4. Je ne sais pas qui de Sagalovitch ou de Smadja joue le mieux son rôle du juif service, vous savez celui qui a travers des papiers débordant de de sarcasme voudrait rendre plus acceptable ce qui ne l’est pas (et ne pourra sans doute jamais l’être)
    Ah, on me dit dans l’oreillette que la réponse est dans le nom du blog.

  5. Mouais, ce qui est étrange c’est de croire que l’humiliation et la peur vont se faire tenir à carreau les peuples. Force est de constater que malgré tout le Hamas a plusieurs milliers de roquettes, et force est d’ajouter que le gouvernement Israélien fait comme ci il n’avait rien vu. Une des rares choses pour laquelle les hommes sont prêt à mourir c’est la liberté, je me demande comment on ne peut pas savoir cela. Pas sur que moins de violence règle le problème mais disons qu’à mon humble avis Israël serait plus digne voir plus légitime à au moins tenté (ou faire comme si) de respecter un peu plus les droits de l’homme et de ne pas s’en servir comme épouvantail et peut être qu’un jour (sans doute quand je serais mort) les choses s’amélioreront, un peu. Parce qu’avec la politique actuelle rien ne changera et les sirènes continuerons à résonner ad vitam aeternam. La passion contre la raison, la peur contre le courage, une douleur face à une autre, pas de tranquillité sans paix, sans haine. Il faut changer de paradigme, critiquer la politique d’Israël ce n’est pas faire preuve de faiblesse, bien au contraire. Parce que ceux qui parce qu’ils vivent loin (de quoi?) à l’abri ne peuvent pas critiquer alors ils ne peuvent pas non plus valider, question d’honnêteté intellectuelle. Dans ce cas qu’ils se taisent et qu’ils ne viennent pas m’admonester si c’est pour ne pas répondre à mes questions et ne pas dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas.

  6. Bon d’accord. Je propose : “Israël reçoit des roquettes sur la gueule et ne répond pas militairement”. Vous avez 30 minutes pour proposer une solution dans laquelle il reste des juifs vivants à la fin.

  7. La réponse est le dôme de fer, je salue votre mauvaise foi.

  8. J’ai dit une solution pas une roquette, je salue votre intelligence.

  9. Oui , Michaël SMADJA – Philosophe, auteur, comédien, et sans doute plongeur avec palmes, masque et tuba, en été – n’est sans doute pas l’éblouissante lumière qu’il croit être.
    Mais il n’empêche que vous n’avez probablement pas bien compris le sens profond de ce qu’il veut nous dire.
    Relisez : “Mais, si j’étais né à Gaza, je n’aurais certainement pas le recul, l’éducation adéquate et la liberté d’esprit…”
    Autrement dit, “dans l’esprit étriqué d’un gazaoui, non ouvert sur le monde et sa complexité”.
    Il faut dès lors comprendre la suite comme le second degré de Montesquieu dans “De l’Esclavage des Nègres”.
    Cela dit, autant Goldman tirait un enseignement de sa prémisse : une mise en garde de ne pas présumer a posteriori de ce qu’auraient été nos choix face à des événements (tous résistants, évidemment) ; autant MS ne donne pas de pistes mais se complait dans l’attitude du bisounours.

  10. après le philosophe interviewé (Smadja),
    l’écrivain bloggeur exilé (Sagalovitsch),
    pourquoi un naïf et confidentiel “petit-poète” auto-proclamé (beni Zeitoun*) n’ajouterait il pas sa voix à cette cacophonie??…..
    *((admirateur de JJG et de “né en 17 à Leidenstaadt”…cela va de soi…)

    ———————-

    jadis, vers la fin du second millénaire
    deux peuples vivaient sur une même terre
    deux peuples pleuraient auprès des mêmes pierres
    et leurs prières avaient la même sonorité,
    ces deux peuples étaient frères ou du moins parentés.
    tous deux n’avaient d’yeux que pour la même belle
    le sanctuaire de Dieu, l’antique Jérusalem
    oasis de beauté , dressé en plein désert
    où ensemble ils vivaient sans aucune barrière
    sinon celle de la haine et du nationalisme
    qui allaient les mener tout droit au cataclysme.
    et aujourd’hui encore sous l’amas de poussière
    reposent leurs vaillants corps couverts par quelques pierres;
    et du cœur du charnier s’élève une prière
    visant à dissuader les hommes de faire la guerre…
    car malgré les discours et malgré les serments,
    les leçons de l’histoire, les nobles sentiments;
    l’instinct l’emporte toujours sur le raisonnement.
    (les journaux du matin l’attestent quotidiennement)

    ça aurait pu s’intituler : “menaces de paix”

    (( si par hasard ça vous a plu, si vous êtes amateur de poésie “naïve” genre Paul Fort, et que vous en souhaiteriez encore….
    http://le-petit-poete.over-blog.com/ ))

    salam, shalom.

  11. Le tweet de François Fillon atteste qu’après le pouvoir, s’oublient ce et ceux qui font somatiser : dans l’opposition, le dos va bien et les objectifs sont aussitôt discernés. Laissons ces vétilles.

    Si, selon Lacan, le psychanalyste « ne s’autorise que de lui-même », ce n’est pas dire qu’il s’improvise. Il en prend la responsabilité, contrôlé par ses futurs pairs. Aujourd’hui, le territoire, les règles & procédures de l’École freudienne de Paris (1964-1980) sont pulvérisés. En maints domaines, on ne s’autorise plus. On s’improvise ceci, ou cela, et même charlatan – avec plaque en cuivre à l’entrée de l’immeuble, ou virtuelle chez Wikipedia. Vous semblez dire que cela n’autorise pas à dire n’importe quoi, surtout sur des questions brûlantes ou importantes. En clair, les propos sont certes libres, mais il est des cas où, sur l’Agora, le silence est d’or.

    Aujourd’hui que maintes licences se prennent, pourquoi tairait-on, mieux : pourquoi ne publierait-on pas, dans quelque gazette « de référence », ce que l’on penserait si l’on était à la place d’autrui ? Comparé à cela, dire ce que l’on pense depuis la place que l’on occupe, est d’un banal…

    Empruntant au carré une place qui n’est pas la vôtre, vous complétez ce que le virtuel Palestinien, « philosophe, auteur, comédien » (dont le patronyme « vous disait », mais point celui-là précisément qui le porte) aurait pu imaginer que les Israéliens éprouvaient de « leur propre » place. Soit. Par delà les propos de ce M. Smadja-là, il ne semblerait pas « con » que chacune de deux parties à un conflit – quoiqu’il soit et parce qu’il est récurrent ! – essaie, à part soi, pour soi seule, de penser du point de vue (au sens panoramique aussi) de l’autre.

    Concluons :

    « Il est temps, dans ce conflit, de penser autrement le “nous” et le “eux”, d’envisager qu’il n’y a pas d’un côté les Israéliens et de l’autre les Palestiniens, mais un “nous” israélo-palestinien qui choisit la paix et la vie, et affronte ceux qui nourrissent la haine et assassinent tout espoir de paix. Lorsque ce “nous” verra tout ce qu’il partage, poser des frontières territoriales sera bien plus évident. … [Plus bas :] … Les discours fondamentalistes habitent tous le même pays ! Un pays où l’on imagine que l’on n’a pas à faire de place pour l’autre, que le monde extérieur ne doit pas “contaminer” nos valeurs et notre univers, un monde où l’on parle fort. Tant qu’on ne sera pas capables de voir à quel point nos cultures respectives ont été fertilisées, enrichies, fécondées par les autres, à quel point on a métabolisé l’altérité dans notre identité, on ne pourra pas dialoguer ». (« Télérama », n° 3367, 26 juillet-1er août 2014, pp. 3 à 6.]

    Laisser la parole à Delphine Horvilleur – 40 ans, rabbin à Paris (quinzième) – paraît décent au non-juif que je suis.

  12. Bon! Parlons de Libération. Je n’ai pas pu l’acheter m’y suis pris trop tard. Cependant de ce que j’en ai vu Le Monde à une couverture du conflit bien plus large, approfondie et disons mesurée que Libé qui se contente de tout un tas de tribunes et d’envoyés spéciaux à Gaza, de ce que j’en ai vu. Celle ci me laisse dubitatif http://www.liberation.fr/societe/2014/07/22/djihadiste-francais-islam-des-banlieues-arretons-le-delire_1068563 Je crois avoir compris pourquoi Joffrin a qualifié Le Monde de “faux cul”, j’aime la critique, ça permet de prendre du recul, mais pour le coup moi j’appelle ça du journalisme. Il a également émis l’idée de réinventer la gauche ou un truc dans ce genre ou plutôt d’être le journal de toutes les gauches. J’ai hâte de voir ça, pour le moment ça me semble toujours aussi bobo qu’avant, genre conte de fée pour branquignole.

  13. Quand j’étais enfant, il y a très longtemps, j’avais un chien et un chat qui s’entendaient si bien qu’ils dormaient l’un contre l’autre et partageaient la même niche. Depuis, il m’est arrivé d’en rencontrer d’autres, des couples improbables, chien et chat, lion et tortue, quadrupède et bipède, bipède et bipède, qui se côtoyaient comme des frères. Alors, frères d’armes, frères de larmes ? Et si, et si… dans un autre temps, sur une autre planète où il n’y aurait plus de feu ni d’huile à jeter dessus ? “Et nous, nous serons morts mon frère…” chantaient, chantaient…

  14. Et si Israel rachetait la palestine aux palestiniens ?
    Genre ils donnent 1000 000 $ à chaque palestiniens et basta !
    Moi je veux bien donner une pièce pour l’opération….
    Passque ça fait 60 ans que ça dure et je commence à fatiguer….

  15. Johnny, je soutiens la quête !

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