Intermède

Alors oui je sais bien, certains esprits particulièrement retors trouveront bien le moyen de voir dans cette simple vignette musicale une quelconque allégorie concernant Eva Zoly ou Angela Merkel. Il n’en est rien. Je le tenais à préciser, bien assuré que je suis, que quelques esprits chagrins trouveront bien le moyen de m’accuser de m’acharner encore et toujours – en ces jours funestes où la vieille Europe semble renouer avec ses pulsions suicidaires – sur le cas de l’Allemagne, victime désignée de toutes mes diatribes exaltées. Certes, il se peut fort bien que dans le secret de ma pensée tourmentée, je n’en éructe pas moins, que, poussé dans mes extrémités, j’irais jusqu’à me murmurer, que tout de même, c’est un comble de voir un pays qui, il y a encore peu, maîtrisait à la perfection le kamasoutra génocidaire, s’arroger ainsi le droit de donner ainsi des leçons de bonne conduite à leurs cousins européens, et refuser de secourir des économies en péril, en aboyant que la BCE doit rester absolument indépendante et n’a pas vocation d’aider des jean-foutre de peuples paresseux comme des bandes de youtres défroqués, mais non, qu’on se le dise, je ne m’engagerai pas sur cette voie.

Ce n’est qu’un hommage à peine déguisé à Paul McCartney ( que j’ai toujours préféré à son acolyte de révolutionnaire en pyjama ) qui se produit ce soir à Bercy pour engranger quelques royalties afin de payer la pension alimentaire de la jambe gauche de sa précédente épouse.

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La possibilité d’une cohabitation

Parfois, j’ai des fulgurances qui me laissent pantois devant la profondeur insoupçonnée de ma pensée. Des visions étiolées qui se forment dans l’antichambre de mon cerveau, se rassemblent, forment une coopérative solidaire, montent un syndicat, sans que je ne m’aperçoive de rien, avant de se décider à fracasser les portes de ma conscience et envahir le champ de ma pensée. Certains appellent cela du génie. Moi pas. J’attends la cinquantaine pour me convaincre que sans moi le monde irait droit dans le mur. En attendant, pour passer le temps, je me surprends à émettre des hypothèses dont l’audace m’amène à douter si je suis bien le fils de mes parents ou alors le croisement d’un prix Nobel avec le récipiendaire de la médaille Fields.

J’ai donc vu la France, en ce printemps 2012, après avoir longuement hésité, tortillé du séant pour savoir si Hollande devait rimer avec offrande, décider au bout du compte que non, fatigué par les molles approximations du candidat socialiste au sujet de son idée controversée d’offrir une couverture maladie pour tous les canidés nés après 2002, et par sa propension obsessionnelle à vouloir à tout prix se normaliser, en argumentant qu’avec lui, ni une, ni deux, la France rentrera dans le rang et postillonnera désormais en tant que puissance moyenne.

Envolés, les rêves de grande puissance retrouvée, finies les guerres de conquêtes menées au pas de charge hors de la métropole, terminée la croyance chevillée à l’âme du citoyen français que le centre de l’univers se trouve à Paris.

La France donc, terrorisée à l’idée de voir Martine plastroner à Matignon, Ségolène à Bercy, Arnaud à la Justice et Balasko à la condition féminine, à regrets et à reculons, s’agenouille devant l’autel de l’Élysée et dit au Prince Nicolas, je t’en prie notre guide suprême, notre étoile céleste, notre auguste lumière, prends-nous encore une fois, ne sois pas avare de tes gesticulations éjaculatoires, fais-nous voir le ciel, raconte-nous une nouvelle fois combien nous sommes les plus beaux, les plus forts, les plus racés, dis-nous combien les autres peuples nous jalousent et nous envient. Narre-nous l’histoire de notre beau pays sur lequel le soleil ne se couche jamais.

 

 

Pour les esprits étroits et peu habitués à ma prose dévergondée et ensorcelée, le signifiant du signifié du paragraphe précédent que tu as lu dans ton hébétude ahurie, signifie, qu’au soir du deuxième tour de l’élection présidentielle, David Pujadas du bas de son mètre quarante, annonce que Nicolas Sarkozy est réélu. Compris ?

Bon, Nicolas triomphe, s’auto-congratule, se roule une pelle avec lui-même, joue des claquettes sous les lambris du grand salon de l’Élysée tout en chantonnant, le Général avait raison, les français sont vraiment des veaux ; dans la foulée Guéant, grisé par une ivresse dûe à une consommation effrénée d’eau de Vichy, organise une nuit des longs couteaux et boute hors de France tous les faux français nés de parents morts en dehors du territoire national ; Hortefeux en remet une couche, en menaçant de dénationaliser tous les français qui ne pourraient pas justifier de leur allégeance à la Nation par l’exhibition de la croix de guerre de leurs arrières-arrières grands-parents côté maternel, obtenue à la bataille de Sedan de 1870. De son côté, François, désemparé, se la joue à la Domenech, et en direct, demande officiellement la main de Ségolène qui tergiverse et s’en va demander conseil auprès de François Bayrou pendant que dans le même temps Martine convoque dans son bureau Pierre Moscovici pour une séance de martinet.

Un mois plus tard, les français sont invités à voter aux législatives. La veille, l’équipe de France, lors de son match inaugural de l’Euro 2012, (j’ai vérifié, à ce jour, niveau calendrier, c’est possiblement possible) s’en prend quatre contre une équipe d’Allemagne survoltée. Sanction immédiate, le peuple français, dépité, dégoûté de voir que Nicolas a trahi leurs promesses de redevenir la nation phare du continent européen, fait payer le prix de cette déculottée à la droite, et envoie, dans la foulée, une vague rose submerger l’assemblée nationale.

François Hollande devient premier ministre.

Pour celui qui n’aurait pas tout compris, une petite séance de rattrapage en forme de condensé de ma géniale pensée :

Sarkozy se succède à lui-même, la gauche triomphe lors des législatives, la France entre en cohabitation pour cinq longues années.

 

Avec ce post ébouriffant de perspicacité et de sagacité mélangée, je prends rendez-vous avec l’Histoire. Je suis le premier à formuler une telle hypothèse. Je vous l’offre en exclusivité. Si ma prophétie se réalise, lors de mon retour d’exil, je vous veux à genoux à ma descente d’avion, la Tour Eiffel peinturlurée en vert, et je vous donne rendez-vous aux Champs de Mars pour un grand concert gratuit avec Jacques Monty en vedette américaine.

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Lyon, enfin dans la fosse

 

Dans la grisaille de cette semaine mollassonne comme une paire de couilles d’éléphants fatigués, soudain l’éclaircie. La petite nouvelle qui ragaillardit et vous empêche de sombrer dans une mélancolie automnale où les jours sans éclat se suivent et se ressemblent, apathiques et mornes, tristes et courts, chant funèbre d’un hiver qui s’approche, fourbit ses munitions pour mieux nous plonger dans la froideur chagrine de journées pluvieuses et humides. Voilà, si tout se déroule comme prévu, l’Olympique Lyonnais sera bientôt éliminé de la Ligue des Champions et reversé en Ligue Europa, cette compétition  blafarde qui n’intéresse que ceux qui y participent. Et encore.

Et toute la France, hormis la capitale des Gaules, de se réjouir et d’applaudir des deux mains. Fini la pénible dictature de ce tout petit club, situé dans la banlieue de la périphérie de la fourrière de Saint-Etienne, qui chaque année passait l’hiver à plastronner, à jouer à la grande diva du foot hexagonal, avant d’endosser le rôle de la précieuse ridicule sitôt les beaux jours arrivés, sombrant corps et âme face à des équipes qui ne se souviennent déjà plus avoir joué contre elle. Une équipe de fanfarons fantoches, incapables de se surpasser, jouant un football étriqué mais jamais inspiré, un football appliqué mais jamais feu follet, rendant toujours des copies sages, sans aucune trace de fantaisie, dépourvues de toute saveur, fades et tièdes. Une verveine de football.

En douze années de participation en Champion’s League, pas un exploit digne de ce nom à se remémorer. Aucun retournement de situation à évoquer, aucune épopée à même de nous transcender. Une équipe de foot à l’image d’une certaine idée de la France : moisie, rance, résignée, frileuse. Désireuse de jouer dans la cour des grands mais restant toujours dans le préau de leurs espérances mortes-nées. Tout en continuant à afficher une morgue outrancière, de celle d’un premier de la classe d’un lycée de province qui joue les caïds à l’intérieur de son périmètre sécurisé et se dégonfle sitôt qu’elle se frotte à des cadets sortis d’établissement réputés.

A l’image de son président, ce très cher monsieur Aulas qui toutes les semaines, dans le confort douillet de son psychanalyste, passe son temps à fulminer et à courir après le temps perdu, ” regardez-moi,  un peu ces petits branleurs de Stéphanois, pas foutus de gagner un trophée depuis trente ans et pourtant tous ces crétins de français les adorent. Et ces ectoplasmes de Marseillais, hein, une bande de racailles abruties de Pastis, tout juste bons à magouiller et à fanfaronner comme des petits coqs impuissants et pourtant pareil, toute la France s’astique le chibre en pensant à eux. Alors que moi, moi qui ai quand même tout gagné, tout remporté, sept titres de champions de France d’affilée dans la besace, du jamais vu, vous m’entendez docteur, du jamais vu dans les annales du sport français, et je ne parle même pas des participations qui se ramassent à la pelle à la Ligue des Champions, personne, personne dans ce pays de fainéants et d’assistés ne m’a jamais aimé. ” 

Il est vrai que Jean Michel Aulas possède le charisme d’un officier de cavalerie lors de la débâcle de Waterloo, la bonhommie complice d’un proviseur d’internat pour enfants en difficultés, la faconde chaleureuse d’un inspecteur des finances reçu major de sa promotion. En le regardant s’agiter et tempêter, dimanche après dimanche, contre les décisions équivoques d’un corps arbitral forcément inique et partial, s’emporter la bave aux lèvres contre l’état déplorable d’une pelouse suspecte de n’être pas assez tendre pour ses poulains aux chevilles si fragiles, invectiver avec la rigueur d’un majordome de maharadjah l’attitude déplorablement anti-sportive des méchants petits sauvageons de chenapans de supporters adverses, vitupérer le poing levé contre les hasards du calendrier toujours en sa défaveur, se plaindre avec véhémence auprès du soleil de ne jamais briller lorsque son équipe joue à domicile, s’en prendre vertement à la femme de son capitaine coupable d’être trop vorace les veilles de matchs, on en vient à se demander si cet homme, à l’intelligence pourtant aigüe, à la sagacité certaine, à l’autorité affirmée, est un homme qui ne s’aime pas ou un homme qui s’aime trop ? Ou bien alors jouit-il en secret d’être l’homme qu’on aime à détester ?

Apprécie-t-il au moins le football, ce président féroce au charme vénéneux, ou ne voit-il dans cette activité lucrative que le moyen le plus direct d’assouvir ses ambitions qu’on devine grandes mais encore inassouvies ? Se rêvant un jour Empereur d’Europe admis dans les cours les plus courues d’Italie et d’Espagne, invité à partager le souper des grands argentiers anglais ou allemands, il est en passe de devenir le petit caporal d’une équipe lyonnaise aussi bandante à voir évoluer que d’assister à une séance plénière de l’assemblée nationale se penchant sur le sort peu enviable des retraités handicapés.

 

Durant toutes ces dernières années, Lyon a eu  le sex-appeal d’une beauté frigide et congelée, l’allure hautaine d’un ballet de technocrates lors d’une session de travail d’un conseil d’administration d’une entreprise de travaux publics, le charme implacable du boucher cocardier à qui lorsqu’on demande du mou pour son chat vous répond d’une voix à vous glacer les orteils qu’il est boucher pas vétérinaire.

Ah mais qui a fait sa langue si perfide se demandera le lecteur égaré dans cette chronique sentant l’amertume et la jalousie, empestant la frustration de supporter une équipe qui ne gagnera plus jamais rien et se consolant seulement de demeurer avec l’OM le club le plus aimé de France ?

Que voulez-vous, mes chers amis Lyonnais, on a les jouissances qu’on peut.

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Un Crif dans la nuit

Fichtre. Richard Prasquier a frappé très fort. Très très fort. Là franchement je m’incline bien bas. J’avoue, avant de lire sa tribune, jamais je n’aurais eu une telle idée et pourtant Dieu sait que j’ai comme un sixième sens, voire un septième, pour renifler ce genre de sournoises cachoteries. En dénonçant la possibilité d’un relent d’antisémitisme dans le remplacement de certains maires de la gauche parisienne – une belle brochette de patronymes cachetonnant au PS et sentant bon la juiverie internationale, Blisko, Dreyfus, Hoffman-Rispal et Goldberg – par des guignols écolos, Prasquier frôle le génie et mérite un césar pour l’ensemble de son œuvre.

Arriver à imaginer que dans le secret d’un cabinet de l’ombre, dans les sous-sols capitonnés de la Kommandantur de la rue Solferino, des dirigeants du PS rencardés par Pascal Boniface et sponsorisés par Besancenot, aient profité d’un accord désaccordé avec les Verts, pour concevoir un plan diabolique visant à exterminer une bonne foi pour toute de la carte de la géographie politique parisienne, quelques maires soupçonnés, à raison, d’avoir des accointances un peu trop poussées avec la communauté juive, s’apparente à une mise à mort de sa propre légitimité, en parlant au nom des juifs français, qui d’ailleurs la plupart du temps ne lui demandent rien (au CRIF) et ne versent jamais leur obole à cette institution qui, par on ne sait quel tour de passe-passe, a décidé qu’elle représentait la voix du Judaïsme Français. A l’insu du plein-gré de la-dite communauté qui pourtant s’entre-déchire toujours sur l’épineuse question de savoir lequel du couscous tunisien ou marocain est le meilleur ? (Le tunisien bien sûr !)

A titre personnel, étant français, certes par naturalisation, mais ça compte tout de même, non, et juif, par consentement mutuel de mes deux géniteurs, non seulement, on ne m’a jamais demandé mon avis pour que le Crif parle en mon nom, mais de surcroît, je n’ai jamais, jamais, jamais reçu un quelconque carton d’invitation pour participer à son dîner annuel, ce qui ne manque pas, chaque année, de me plonger dans une dépression profonde, vu que le buffet, avec sa dégrindolade de petits-fours, doit valoir le détour, et que ce serait une occasion inespérée de claquer enfin la bise à Marie-Georges Buffet.

   

Et de se demander si la veille de cette déclaration intempestive, Monsieur Prasquier n’avait pas regardé en boucle le chagrin et la pitié, avant de visiter le mémorial de la Shoah en égrenant un par un tous les noms des enfants juifs déportés par la police parisienne lors de la rafle minutieusement préparée du Veld ’Hiv, puis de finir sa journée en relisant le chapitre de la vie de François Mitterrand consacrée à son amitié indéfectible avec René Bousquet ?

Que Richard Prasquier puisse avoir un a priori négatif sur l’amour porté à Israël par une certaine frange des cadors du PS, cela se conçoit et ce n’est pas dénué de tout fondement. N’avait-on pas vu, lors de manifestations en soutien au peuple palestinien, quelques premiers secrétaires se promenant tranquillement, sans sourciller, au beau milieu d’une floraison de pancartes rappelant, à juste titre, que les véritables nazis des temps modernes siégeaient dans le gouvernement israélien, et que d’ailleurs, comme le soulignait fort à propos quelques caricatures bon enfant, Ariel Sharon n’était-il pas le digne héritier de ce cher Adolf ?

Certes, on peut légitimement penser que la plupart des dirigeants du bureau national du Parti Socialiste pencheraient plutôt pour la création d’un état palestinien, posture il faut le rappeler, qui n’est pas contraire à l’esprit  de la déclaration des droits de l’homme, à laquelle n’importe quel démocrate de n’importe quel pays de n’importe quelle confession religieuse adhère peu ou prou. Après, que cela se teinte, parfois, d’un antisionisme endurci qui peut, chez quelques élèves turbulents ayant trop fréquenté l’extrême gauche, tourner à un antisémitisme de bon aloi, ne relève pas forcément de la paranoïa instinctive, sentiment très développé chez le juif qui a une furieuse tendance à voir en tout goy un ennemi du genre humain, à commencer par lui-même. Je parle en connaissance de cause, étant atteint du même mal et refusant de me soigner. Sait-on jamais. Mieux vaut être paranoïaque à l’excès que de croire, en toute confiance, que le voyage organisé pour visiter Varsovie et ses riantes banlieues n’a d’autre visée que celle de parfaire notre connaissance des mœurs et coutumes du plat pays polonais.

Il n’empêche. Prasquier a raté une bonne occasion de sa taire. Certes, ce n’est pas avec Yves Contassot à la manœuvre que Paris se jumellera demain avec Tel-Aviv mais si Paris vaut bien une messe, alors que dire de Tel-Aviv ???

( Si tu trouves un sens à cette conclusion bâclée, écris-moi vite, je la rajouterai à ce post. )

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Laisse béton, Renaud

On ne peut plus se suicider en paix. Renaud, le chanteur à la voix suavement crasseuse, le Rimbaud des classes populo, populaires, populistes, aux textes poético-réalistes, le Germinal au foulard rouge et au blouson clouté, ne va pas trop bien. Partout dans les gazettes, ses amis ou prétendus tels, son frère, son ex, pleurnichent à tout-va, en racontant à l’échotier de passage, que s’il continue ainsi, à danser une valse à deux temps, avec sa bouteille de Pastis, il va droit dans le mur. Et de se demander, les mains sur les hanches, le doigt interrogateur apposé sur leurs lèvres perplexes, le cervelet moulinant dans le vide, mais qu’est-ce qu’on peut faire pour l’empêcher de terminer sa course dans une coursive du Père Lachaise ?

 

On pourrait peut-être commencer par lui foutre la paix, non ? Au lieu de créer des bénitiers de pages Facebook,  appelant le chanteur à se ressaisir, le conjurant de mettre un terme à cette funeste comédie avant qu’il ne soit trop tard, l’implorant de penser à ses enfants, à sa petite fille, qui attendent que leur papa retrouve le chemin des écoliers.

Comprennent pas qu’il est comme fatigué, le Renaud. Qu’il n’a plus goût à rien. Ça arrive dans l’existence. De se lever un matin et d’envoyer tout balader. Le cirque des tournées, la prostitution de la promotion, l’obligation de sortir un album tous les deux ans, pour se prouver qu’on n’est pas encore carbonisé, et venir le prouver, en venant se raconter, sur le canapé de chez Drucker, se taper la visite de son instituteur, convoqué pour raconter une anecdote impayable du temps jadis, se bâfrer au beau milieu de l’après-midi d’un cassoulet mijoté par Jean-Pierre Coffe, tout en s’esclaffant aux pirouettes tordantes de Canteloup. Sourire à la ribambelle de fans qui vous clament leur amour avant de vous laisser seul, face à vous-même, dans la solitude glacée d’une chambre d’hôtel de province, à ressasser une vie qui n’a plus de sens.

Il y en a qui mettent les voiles, pagaient jusqu’aux Marquises, pour papoter avec des bonnes sœurs de passage, des alizés à venir, mettant à l’œuvre le principe de base édicté tout au début de Moby Dick :  ” Quand je me sens des plis amers autour de la bouche, quand mon âme est un bruineux et dégoulinant novembre, quand je me surprends arrêté devant une boutique de pompes funèbres ou suivant chaque enterrement que je rencontre, et surtout lorsque mon cafard prend tellement le dessus que je dois me tenir à quatre pour ne pas, délibérément, descendre dans la rue pour y envoyer dinguer les chapeaux des gens, je comprends alors qu’il est grand temps de prendre le large. Ca remplace pour moi le suicide .”

 

Renaud lui a mis le cap sur la Closerie des lilas, pour se cuiter tranquillement, à l’ombre du Luxembourg, papotant avec les fantômes de Fitzgerald et d’Hemingway, au milieu de la faune bon chic bon genre de bourgeoises désœuvrées et d’artistes attirés par le clinquant de l’endroit, où le prix du verre de Sancerre se décline sur ses deux chiffres. Ce qui, pour un chanteur ayant clamé à longueur de textes sa honte et son dégoût de vivre dans une société bouffie d’égoïsme, acclamant la vermine qui amasse de l’or sur le dos de l’ouvrier, constitue, pour le moins, une faute de goût.

Avant de commencer à essayer de le désalcooliser, il faudrait déjà songer à le délocaliser. Dans un rade bien glauque du côté de Bagnolet ou de Malakoff, avec vue imprenable sur le périph, où le tavernier sert des pastis à la pression à des consommateurs revenus de tout, claquant le reste de leurs économies à coup de Rapidos, gueulant contre le système qui se fout de leur gueule, fumant de colère contre les politicards, les richards de banquiers, les pleurnichards de footballeurs, et les tricards de la télé. Des bistrots qui sentent bon la sueur de l’ouvrier, le désespoir des classes laborieuses et la fatigue du cadre moyen, licencié économique depuis des années, enraciné à son tabouret, occupé à rêver à des Amériques qui n’existent plus ou alors seulement dans les livres d’enfants.

 

Renaud n’est pas en train de mourir, il a seulement ouvert les yeux. Mis ses pas dans ceux de Fitzgerald et de Malcolm Lowry, en  comprenant enfin  que ”  toute vie est un processus de démolition “, et découvrant la vérité ultime de l’alcoolique qui proclame que ” quand je ne bois pas, c’est le monde que je ne supporte pas, et quand j’ai bu c’est le monde qui ne me supporte pas “. Renaud est parti en vacances pour une durée indéterminée. Peut-être ne reviendra-t-il jamais. Mais qu’on le laisse au moins aller, tranquille, au bout de sa descente en enfer, à la fin de son voyage au bout de la nuit, au terminal de ces nuits sans aube qui surprennent les paumés du petit matin, dans la blancheur grisâtre d’un ciel d’enterrement, tellement insupportable à contempler, que mieux vaut s’en servir un dernier, et puis encore un dernier, pour se supporter encore un peu, juste assez pour ne pas terminer toute de suite la partie engagée avec ses merveilleux démons.

Mais non. Les braves gens qui dégoulinent toujours de bons sentiments, ne supportent jamais de voir l’un des leurs, surtout une célèbrité parce que le voisin ma foi…, sombrer sans donner l’impression de se battre. Même si les ennemis ne sont que des moulins à vent. S’éteindre à petit feu, en glougloutant un alcool jaune pisseux, c’est-y pas malheureux tout de même. Alors ils s’assoient à ses côtés et viennent l’emmerder en le sermonnant, ”  écoute, c’est un ami qui te parles là. Si tu continues de la sorte, je te le dis avec toute l’honnêteté dont je suis capable, au nom de notre amitié, tu y vas tout droit. Je sais ce que c’est. Mon paternel est mort d’une cirrhose du foie. Il avait cinquante berges et je te jure, à la fin, il était pas beau à voir. ” 

Hughes Auffray, du haut de ses 82 printemps, s’est même offert de lui organiser une petite tournée rédemptrice. Avec lui pour assurer, la première partie.

Du coup, Renaud, a décidé de passer à la vitesse supérieure. Il s’est mis au mescal.

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La Trahison du Grand Palais

Les jeux vidéos font leur entrée au Grand Palais. Bon. On ouvre le gaz tout de suite ou on attend encore un peu ? Grand Palais, tableaux, sculptures, peintures, art, beauté, transcendance, émotion, Monet, Turner, Rembrandt, poésie, paysages, portrait, représentation… jeux vidéos. Quand Rimbaud écrivait, ” il faut être absolument moderne”, il ne me semble pas qu’il affirmait qu’il fallait être absolument crétin. Qu’il fallait céder, à tout prix, au vent putassier d’une époque si stérile, si désolée, si aride, si triste, si pauvre, si décharnée, si malade que nous voilà réduits à célébrer des objets qui non seulement sont une insulte à l’intelligence humaine, une négation de l’esprit des lumières, un molard craché à la face à de l’art et de ses dérivés mais subodorent aussi que cette fois, nous avons vraiment touché le fond du fond, que nous entrons de plain-pied dans des temps, non pas décadents hélas, mais des temps qui consacrent la victoire totale, complète et absolue de la commercialisation des esprits, des temps de renoncements qui viennent clore quelques siècles inspirés où l’homme, tant bien que mal, s’est efforcé de se surpasser pour se sauver, de tenter de se libérer de sa propre médiocrité et tâcher de s’élever afin de proposer un idéal de vie, de beauté, de tendresse.

 

Voilà, c’est fini. C’est entendu. Ils ont gagné la partie. Ils, ce sont toute cette cohorte de génies, illettrés, analphabètes, incultes, apatrides de l’intelligence, orphelins d’une certaine idée de l’homme, qui nous infligent le spectacle de gamins, d’adulescents, de seniors qui ont renoncé à vivre et à s’affronter, et préfèrent, au lieu d’aimer, de baiser, de se haïr, de se connaître, emprunter des sentiers balisés qui les amènent à se planter comme des sentinelles de leur propre connerie devant des consoles de jeux, où durant des heures, ils branleront leurs joysticks, mastiqueront des minutes à tripoter des manettes, afin de se donner l’illusion là de jouer à la guéguerre ou de se transporter sur un stade foot pour disputer des parties fictives par le biais de figurines animées.

Et qu’on ne vienne pas me dire que les jeux vidéos sont, à leur manière, un art ou quelque chose qui ressemble de près ou de loin à de la création. Non, non et non. Bordel de dieu. Ressaisissez-vous bon sang. Aussi élaborés soient ces jeux, aussi spectaculaires soient leurs graphismes, aussi géniale soit leur façon de représenter le réel, les jeux vidéos ne tendent à rien, ne proposent rien, ne visent à rien, si ce n’est à divertir. Voilà le mot est lancé. Divertissement. La nouvelle religion des temps modernes. Dans un monde déserté par les idéologies, abandonné par les intellectuels, dépourvu de spiritualité, nous avons créé un nouveau veau d’or : l’entertainement, le divertissement, l’amusement à tout crin. Ta vie, à t’amuser, tu passeras. Et on va où comme ça au juste ? Vers le néant ? Vers l’abandon total de toute idée d’accomplissement de soi, d’épanouissement intérieur, de tentative de mieux nous comprendre ?

L’art, avec un petit ou un grand A possède cette vertu cardinale qu’elle permet à chacun, par le biais de la création, qu’elle se nomme littérature, peinture, sculpture… de mieux appréhender l’autre, et par-là, de mieux comprendre sa souffrance à être dans un monde effrayant par nature. Elle nous apprend la compassion. Et sans compassion, nous sommes perdus. Foutus. Si, désormais, nous nous détournons de l’art pour nous réfugier dans des activités exclusivement ludiques, centrés sur le seul divertissement, alors, c’est comme si nous renonçions à être des hommes de chair et de sang, animés d’idéaux et d’espérances. Nous devenons aussi insignifiants qu’une nuée de moustiques, aussi inutiles que des chiures de mouches, aussi transparents que des glaces sans tain. Nous abdiquons. Par peur ou par paresse. Nous nous réfugions dans le confort douillet d’existences calfeutrées, renfermées sur elles-mêmes, repliées sur des cocons de vie d’où sont bannis les sentiments, les conflits du cœur avec lui-même, les envies d’ailleurs et les envolées salvatrices et nécessaires vers un monde meilleur. Avec les jeux vidéos, nous ne sommes plus dans la vraie vie mais dans un monde virtuel qui nous robotise et abrutit notre capacité à appréhender le réel. Nous devenons des morts vivants. Nous devenons aussi prolifiques que des cadavres. Nous ne servons plus à rien.

Un exemple concret. Vous connaissez Zelda je suppose ? Tout le monde connaît Zelda de nos jours. Sauf que, pour la quasi-totalité d’entre nous, ce prénom renvoie à un jeu vidéo en vogue, la légende de Zelda que Wikipédia définit ainsi, “un jeu action-aventure où le joueur incarne un jeune garçon, parfois un jeune homme, nommé Link et doit, armé de son épée et de son bouclier, sauver la princesse Zelda, qui est la princesse d’Hyrule. Le nom de la série se focalise sur « Zelda » c’est le nom de la Princesse. L’ennemi principal est Ganondorf également représenté sous sa forme bestiale, Ganon.”

Sauf que pour moi et pour quelques huluberlus de mon espèce, Zelda, c’est à jamais le nom de la muse de Scott Fitzgerald, son épouse, sa diablesse, sa putain, sa folle compagne qui finira sa vie dans un asile.

En moins d’un siècle nous sommes passés de Gatsby à Ganondorf.   

Les créateurs des jeux vidéos commettent, sans le savoir, des crimes contre l’humanité, des génocides envers l’intelligence de nos cadets ; ce sont des castrateurs de notre capacité à vivre comme des hommes. Ils n’ont pas de sang sur les mains. Pas encore. Juste des éclaboussures de cervelets qui en s’accumulant finiront pas recouvrir les champs autrefois fertiles de la pensée humaine.

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P.S : Pour le lecteur qui me serait encore fidèle, une bafouille de votre serviteur ici: http://www.onlit.be/index.php?option=com_k2&view=item&id=578:la-facture-de-gaz&Itemid=172

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Mars à l’ombre

Les cinq barjots qui s’étaient volontairement auto-cadenassés, à triple-tour, en avalant la clé des champs, dans un caisson censé imiter une fusée supersonique voyageant gaiement vers Mars et sa banlieue, lors d’un trajet aller-retour, avec escale prévue sur la terre battue de la planète rouge, ont retrouvé l’air frais de la liberté. On est content pour eux. Pendant 500 jours, retirés des affaires de ce monde, ils ont joué à se faire peur en répondant au défi de  ” et si on disait qu’on se trouvait dans un vaisseau spatial qui file à la vitesse de la lumière vers Mars et que même personne ne pourrait venir nous secourir et qu’on ferait tout exactement comme si on se trouvait à des années-lumière de la terre ? ”   

Chiche ? Chiche.

Résultat des courses : ils se sont plaints de la nourriture, enfin surtout le français, ils ont trouvé parfois le temps long, ils se sont rarement disputés, et jamais pendant très longtemps, juste chamaillés pour savoir qui avait oublié d’éteindre en dernier la salle de billard ; le chinois a un peu déprimé parce que les gentils organisateurs n’avaient pas prévu de chat laqué pour le repas de noël, le russe a eu du mal à carburer à l’eau déalcoolisée, le français a passé son temps à se renifler les chaussettes pour se remémorer l’odeur d’un brie bien coulant.

A part ça rien. C’est ce qui était prévu. Il ne devait rien se passer et il ne s’est rien passé. Aucune tentative de meurtre n’a été signalée à la police intersidérale et personne n’a essayé de se défenestrer par une fenêtre qui n’existait pas. Personne ne s’est amusé à faire une bite au cirage à son voisin de palier, et chacun a respecté, sans rechigner, les petites manies de l’autre : la furieuse tendance du chinois à cracher toutes les deux minutes, la manie du russe à taper du poing avec sa chaussure sitôt que la soupe n’était pas servie à l’heure, l’aptitude du français à tout critiquer, la déco de la cellule, la qualité de la nourriture, l’éclairage défectueux, les chiottes aseptisés, la pesanteur du temps qui ne passe pas.

Évidemment, cette expérience, car c’en est bien une, qui devait servir de base de réflexion pour de futures expéditions nasaspatiales, n’a servi à rien, puisque l’on a appris hier, en fin de journée, juste avant la fermeture de Wall Street, les agences de notation ont dit niet à toute entreprise visant à dépenser ne serait-ce qu’un soupçon de drachme pour songer à construire le début d’une virgule d’une future capsule martienne. A moins que ce ne soit pour envoyer à perpétuité les petits chenapans de Berlusconi, Papandréou, Fillon, Zapatero, etc, etc,  jouer aux osselets avec des fausses pièces d’un centime d’euro.

Reste que, cette expérience, par essence, n’aurait jamais servi à rien. Psychologiquement s’entend. Il existe un monde entre être enfermé dans une cabine lorsqu’on sait pertinemment qu’en cas d’envie pressante ou d’urgence absolue, une belle âme serait venue ouvrir la porte, et se retrouver à poireauter dans le vide cosmique, seul comme un chien sans collier, avec comme unique compagnon de voyage, la présence terrifiante de l’infini, la visite de trous noirs,  le vertige du vide intersidéral et la ribambelle de questions tordues qui vont avec : est-ce que l’infini rentre dans le champ de la conception de la pensée humaine ou s’agit-il, par essence, d’une pensée méta humaine allant au-delà de la capacité mentale de l’homme à se conceptualiser comme sujet central de sa propre psyché ?  Est-ce que Dieu a profité des promotions d’Optique 2001 pour s’offrir une paire de binoculaires assez perçantes pour nous surveiller là d’où il se repose ? Est-ce que lorsqu’Il a créé l’homme, et le ciel, et le ciel et la terre, il avait prévu, dans son cahier des charges, que ce pauvre demeuré de vermine d’être humain, tout juste bon à croquer dans une pomme pourrie, trouverait un jour le moyen de tromper sa vigilance et s’en irait voir ailleurs si l’herbe n’est pas plus verte ?

Sans oublier tout le contingent de questions métaphysiques auxquelles personne n’a encore apporté de réponses. Et pour cause : que fait-on si l’un des déportés volontaires s’amuse à se distinguer en mourant d’indigestion de pâtés en croûte ? Doit-on garder le corps au frais ou le balancer dans le vide ? Qui va se charger de régler les frais d’obsèques ? Faut-il ouvrir son testament sans présence du notaire dûment mandaté ? Et la famille, elle ne va pas gueuler si on revient sans la dépouille du défunt ? Mais si on consent à le garder parmi nous, on le remise où exactement, dans la cave à vins ou dans la réserve à cigare ? A moins qu’on ne l’attache à la queue de la navette pour s’en faire un super fanion, un vol au vent du plus bel effet giflé par un vent cosmique?

Sans rien dire des turpitudes sexuelles qui peuvent surgir à tout moment. Deux ans sans copuler ça peut être long. Surtout quand on se retrouve dans la force de l’âge. Que se passe-t-il en cas de besoin irrésistible de sentir son membre turgescent être apprivoisé et reçu en grande pompe par un corps aimant ? D’autant plus que rien ne prouve que la durée de vie d’une poupée gonflable en apesanteur se compte en minutes. Sachant de surcroît, que dès que l’un des forçats de la route se met à se livrer à quelques discrètes joutes masturbatoires, il doit être repéré vite fait, vu que le foutre, au lieu de ruisseler, comme il se doit, le long de ses doigts gluants, s’en va jouer les filles de l’air dans toute la cabine. De là à imaginer la nuit venue, un ballet spectral de filets de foutre s’amourachant lors de leurs randonnées dans le vide, s’accolant entre-elles, pour finir par former une boule spermeuse, suspendue dans l’atmosphère et rebondissant sur la tête des cosmonautes endormis…

Pas très romantique.

Et puis que faire, si une fois arrivé sur Mars, l’un des compères décide que finalement, ”  tout bien pesé, moi je me plais bien ici, le climat me convient, c’est tranquille, j’ai repéré un petit coin très sympa près de la rivière, non, tout bien réfléchi, je crois que je vais rester. D’ailleurs pourquoi rentrer ? Telle que je la connais, ma femme a dû me tromper avec le responsable du programme spatial, je dois toujours rembourser les traites de ma datcha et ma Lada, quand je suis parti, commençait déjà à donner des signes de fatigue. Sûrement le carburateur. Non, c’est décidé les gars, je reste “. Et le voilà de se barrer en emportant avec lui la jeep et les réserves de Nutella.

Et si l’un d’entre eux se trouve être un espion d’Al-Qaïda, branche martienne, tendance salami, embarqué pour venger le fantôme de Ben Laden qui, tout à coup, sans appeler l’AFP avant, va prendre en otage le reste de l’équipage et contraindre la fusée à changer de direction pour s’en aller s’écraser contre deux planètes jumelles ?

Et si t’arrêtais d’écrire des conneries et t’allais te coucher?

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Vite! Une bonne guerre.

Israël ne doit plus tergiverser. Il leur faut passer à l’attaque désormais. Impérativement. Peu importe de savoir à quel niveau exact les Iraniens en sont arrivés dans leur mise au point de la bombe atomique. On s’en fout. Tout le monde sait qu’ils sont encore en train de gagner du temps, de grappiller des années pour mieux, demain, nous torpiller. Non, non, fini ces tergiversations infinies, ces interminables réunions de cabinet où l’on se demande, entre deux tasses de café, s’il faut y aller ou pas. Il faut y aller. Point barre. Il n’y a plus à tortiller. Il faut sortir la grande artillerie, la couverture aérienne, les missiles, les tomahawks, les porte-avions, les sous-marins, les mirages, le brouillage électronique, les bombes à retardement, à fragmentations.

C’est vital. Pas pour Israël dont le sort nous indiffère complètement mais pour nous. Oui, pour nous, pauvres occidentaux qui, de semaine en semaine, n’en finissons pas de bouffer de la vache enragée, de décliner des existences moroses comme de l’eau de Cologne fabriquée à Bologne, des vies atones rythmées par des plans de rigueur mollassons, bien trop tièdes dans leur conception pour déclencher des émeutes, des vagues de suicides, des pandémies de pendaisons, des symphonies de défenestrations.

La sinistrose nous gagne.

On n’en finit par être terrorisé par des grandes folles d’agences de notations qui nous traumatisent avec leurs injonctions à répétition. Quel affligeant spectacle nous donnons de nous-mêmes. Nos grands-parents se battaient contre des ennemis, des vrais, avec des véritables gueules de tortionnaires, des anges de la mort, des suppôts de Satan, ça finissait en boucherie, ça se vautrait dans le vomi de sperme ;  à tous les repas, on buvait de la soupe aux viscères, on bouffait de la chair déchiquetée, on s’étripait pour un quartier d’oignon.

Si ça continue à ce rythme de molasse, qu’est-ce qu’on va bien pouvoir raconter de bien glorieux à nos enfants ou à nos petits enfants ? Hein ? Qu’un jour, à bout, on a volé un paquet de Barilla au Franprix de l’avenue Montaigne ? Qu’on a pris le risque insensé de grimper dans un bus par la porte arrière sans prendre la peine de poinçonner son ticket ? Qu’au comble de l’exaspération, emporté par notre élan, grisé par notre courage, nous sentant comme invincibles, nous nous sommes fendus d’un mail anonyme, envoyé à Matignon où, en toutes lettres, nous avons écrit un “flûte” retentissant ?

 

L’époque n’est pas au panache. Nous, enfants de parents nés durant le baby-boom, nous sommes une génération qui ne laissera aucune trace dans les manuels d’histoire. Nous sommes des cancres absolus. Au moins, nos parents se sont plus ou moins révoltés contre l’ordre établi, ont joué au mikado avec des pavés, ont tiré la langue à des CRS, mais nous, nous,  je vous le dis, si on continue ainsi, on va passer pour les plus grands charlots de l’histoire de l’humanité.

Pour la première fois dans l’histoire, l’homme occidental aura passé le plus clair de son temps à rester chez lui, occupé à se gratter les couilles en matant à la chaine des vidéos de cul décharnées, à papoter avec son écran d’ordinateur à la cervelle de moineau, à télécharger des séries abrutissantes de bêtise dégoulinante, à  laisser des messages, sur des pages de réseaux sociaux, d’une “absconnerie” foudroyante, “aujourd’hui à la boulangerie, j’ai mangé un pain au chocolat sans chocolat. MDR. Trop fort, le boulanger avait oublié de mettre le chocolat. Dingue non ?”

Alors, je vous en conjure, messieurs les hébreux, prenez vos responsabilités, et bougez-vous un peu. Après tout, vous avez quand même assez de talent pour savoir nous mijoter de bonnes vieilles histoires qui nous tiendront en haleine pendant plusieurs générations. Ca fait près de soixante-dix ans maintenant que vous n’en foutez pas une. Juste à jouer à chat perché avec des palestiniens aussi inoffensifs que des sauterelles indonésiennes. Dieu ne vous a pas choisi comme peuple élu pour pantoufler dans le confort douillet de vos abris anti-gazaouis. Vous êtes missionnés pour secouer le cocotier de l’histoire surtout quand cette dernière a tendance à s’assoupir. Pour tout dire, depuis votre fabuleux opéra de l’Holocauste, on s’emmerde ferme. Vous avez tellement terrorisé les consciences de nos politiques, avec vos images de cadavre décharné, d’empilements de squelettes, de fours crématoire, que plus personne n’ose se risquer hors de ses frontières et déclencher un conflit pour un oui ou pour un non. Il faut demander l’autorisation à Papa Onu et Maman Otan, un couple sage comme la mort, qui répond toujours “plus tard”.

 

Rassurez-vous,  on vous sera éternellement reconnaissant de nous avoir fait vivre, durant de paisibles décennies, dans une période de paix et de prospérité, où l’homme, après avoir livré, tout au  long d’un siècle ensanglanté, des batailles titanesques, avait besoin de souffler un peu, mais là, c’est bon, je vous jure, il a récupéré. Désormais, regardez-le, il tourne en rond dans la cage dorée de son existence sclérosée. Le malheureux en est réduit à à se passionner pour des zboubs de triple A, pour un premier ministre grec fantôche, pour des Berlusconneries milanaises.

Par pitié, redevenez donc les pestiférés de l’histoire. Les trublions des temps modernes. Nos emmerdeurs capitaux. Relisez votre contrat que vous avez passé avec l’Éternel. Vous avez une responsabilité devant le genre humain. De donner l’exemple. De tracer des perspectives. De secouer l’homme de sa torpeur. De l’amener à se sortir les tripes. De se confronter à lui-même. Respectez votre contrat. Attaquez en premier. Envoyez la sauce. Ne chipotez pas. N’attendez pas qu’ils passent à l’offensive pour réagir. Ils ne le feront pas. Ce sont des Perses. Autrement dit des pacifistes de couilles molles. Des grandes gueules. Très forts pour déclamer du haut du perchoir de l’Onu, des propos hauts en couleur, qui nous promettent des lendemains bien sanglants, mais pas assez couillus pour traduire leurs paroles en actes.

Vous avez rendez-vous avec l’Histoire. Encore une fois. Ne vous dérobez pas à votre devoir tout méphistophélien d’apporter à ce monde un peu de fantaisie, de couleur, de drame.

Le monde vous en saura éternellement reconnaissant. Une nouvelle fois.

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La fin de la sortie de la rentrée littéraire (4)

 

Voilà, c’est presque fini. Encore quelques jours et les romans de la rentrée de septembre chemineront vers le cimetière de leurs espérances non tenues : longue et morne procession de livres invendus, invendables, cancres absolus au palmarès des ventes, encéphalogramme plat, courbe de vente atone, diagramme d’exemplaires achetés traçant une ligne anorexique, tripotée de romans sentant encore bon les effluves de l’imprimerie, dont les libraires se débarrasseront, en versant une larme de phacochère, avec le même soulagement à peine feint que prennent des frères et des sœurs lorsqu’ils déposent, à la maison de retraite, la vieille mémé qui squattait depuis trop longtemps le canapé du salon. Contraints de dégager des espaces conséquents, les libraires laisseront se vautrer en toute quiétude la colonie innombrable de beaux livres et de dictionnaires volumineux qui émigreront fin décembre vers des étagères surchargées de maîtresses de maison débordées, trouvant refuge entre deux pots de confiture à la groseille et trois tubes de crème hydratante, avant d’être à leur tour invités à aller voir ailleurs si j’y suis, au premier frimas de l’hiver venu, afin de laisser place nette à la vague déferlante du carrousel des romans de janvier.

En novembre, il n’y a plus de place au doute pour l’écrivain qui a été boudé par les prix littéraires, ignoré par la critique, condamné par le silence de plomb venu des chapelles littéraires qui ont refusé d’apposer leur label “bon pour la vente” sur la quatrième de couverture : son roman est un four absolu, ses lecteurs sont aussi nombreux que les tentes d’improbables indignés sur la place Tienanmen, plus personne n’ose lui adresser la parole, il reste chez lui, cloîtré, amer, renfrogné, regardant désabusé les premiers feuillets de son nouveau roman éparpillés sur son bureau, en se demandant à quoi bon, à quoi rime toute cette comédie, je suis un imposteur, si j’avais su quelle tournure toute cette ridicule comédie allait prendre…

Pourtant la vie continue, et celle d’un écrivain, connu ou inconnu, est rythmée par les salons, foires, festivals du livre qui se tiennent chaque fin de semaine un peu partout, aux quatre coins de l’hexagone, passage obligé pour le romancier, envoyé de force par son éditeur : remplir sa mission de VRP dans une étable ou sous une tente placée à la va-vite sur la place de la mairie.

Tout commence à l’aube d’un samedi matin, dans la grisaille froide d’une gare parisienne, où une cohorte d’écrivains complètement à la ramasse se retrouvent là, leur billet de tgv à la main, une mince valise dans l’autre, égarés, ahuris, se regardant les uns les autres, en tâchant de reconnaître un camarade de classe, ne reconnaissant personne ou alors seulement un vague collègue de la même maison d’édition que la sienne, qu’il soupçonne par ailleurs de coucher avec l’attachée de presse, sinon comment expliquer son dernier papier dans l’Est Républicain, sans oublier quelques visages connus d’écrivains célèbres et anoblis, chaperonnés par des attachées de presse attentionnées, leur tenant une tasse de café bien chaude, pendant qu’ils s’affairent à se recoiffer dans les toilettes de la brasserie, avant de s’en aller rejoindre leur place dans un wagon de première classe, bien à l’écart du troupeau d’écrivains anonymes, parqués dans des estafettes de seconde zone, à l’étroit, enchâssés sur des banquettes inconfortables, tout au long d’un voyage qui les emmène dans le trou du cul de la France, à Besançon ou à Laval, un voyage silencieux, effectué pour les plus attentionnés d’entre eux à relire leurs œuvres complètes ou à compulser les petites annonces du pèlerin magazine.

Puis, vers midi, ce sera l’arrivée sur le quai d’une anonyme gare d’une sous-préfecture de province où l’attendent, en rang d’oignons, toute une flopée de mères de familles souriantes, convoquées pour l’occasion, afin de vous transbahuter à votre hôtel, juste le temps de déposer votre maigre bagage, avant de repartir au galop pour le mot de bienvenue de monsieur le maire, dans les salons d’honneur de la mairie, un discours circonstancié qui se terminera inévitablement par la citation d’un illustre auteur, histoire de montrer qu’il a longtemps flirté avec la littérature avant de se tourner vers la politique, puis, satisfait de sa prestation, il invitera tout ce petit monde à boire le verre de l’amitié, agrémenté de spécialités du cru sur lesquelles se jetteront les écrivains affamés, avant de s’en aller admirer les tableaux peints par les artistes locaux, madame l’épouse du maire en tête, puis d’être rattrapés au vol par de gentilles organisatrices qui leur tendront leur badge et un petit dossier d’accueil où sera indiqué le numéro de leur stand, l’heure des repas et des départs de la navette pour rejoindre l’hôtel, l’emplacement des toilettes, une petite bouteille d’eau, une barre chocolatée et un pin’s à l’effigie de la ville.

Arrivé à son stand, l’écrivain se retrouve face à une pile impressionnante de ses propres livres, rangés avec délicatesse par le libraire du coin qui ne manquera pas de venir le saluer, en lui confiant qu’il apprécie ses romans,”tout particulièrement le dernier, très réussi, surtout la fin”, et que c’est un grand honneur pour lui de vous rencontrer, et que si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez surtout pas, je compte sur vous, d’accord ? D’accord.

 

Alors débute le supplice interminable de ces heures qui s’écoulent sans se presser, de cette foule qui passe devant vous sans jamais s’arrêter, parce que tout simplement vous n’êtes rien, vous n’existez pas, puisque vous n’avez pas eu le droit de passer au vingt heures ou de concourir à Secret Story ou d’être la maîtresse d’un cuisinier à la mode ou d’avoir eu la chance d’être le majordome d’un acteur maintenant décédé, vous êtes là, transparent, invisible, inutile, il fait chaud, la promiscuité avec d’autres écrivains tout aussi transparents que vous devient vite intenable, vous sortez prendre un verre, un deuxième, vous reprenez votre place, rien n’a changé, un de vos collègues désœuvrés prend l’un de vos ouvrages, consulte la quatrième de couverture avant de le remplacer en murmurant intéressant, par politesse vous lui rendez la pareille, intéressant.

A un moment donné, une personne finit quand même par s’arrêter devant votre pile de livres, lit votre nom, s’empare d’un exemplaire qu’elle parcourt d’un air pénétré avant de le reposer d’un air gêné en vous adressant un sourire contrit puis de repartir un peu plus loin, ou alors, elle vous pose la question que vous redoutiez d’entre toutes, le redoutable “de quoi ca parle ?”

La question qui, d’un seul coup, vous fait tout regretter, d’avoir écrit ce livre, d’être venu ici, de vous être réveillé ce matin, d’être né : vous bafouillez un pathétique “c’est difficile à dire, mais c’est plutôt genre un polar ou carrément un roman d’amour ?” insiste la lectrice potentielle, vous lancez un regard terrifié vers votre ami le libraire qui, manque de bol, s’est justement absenté pour aller pisser, “disons que ce n’est pas si simple, ce serait plutôt un roman qui tenterait de répondre à la question du pourquoi du silence de Dieu pendant la Shoah”,  ah d’accord, très cool, je vois le genre, comme dans la liste de strindberg, bon je vais faire un tour, je dois demander à mon mari ce qu’il en pense, je repasserai peut-être plus tard” ; une autre heure passe, vous avez déjà gribouillé trois pages entières sur les buvards offerts par le libraire pour noter le nom d’un récipiendaire d’une improbable dédicace, vous vous levez, vous parcourez les allées du salon plein comme un œuf, vous êtes fatigués, vous avez faim, vous allez vous en jeter un au bar du coin.

Quand vous revenez, la gentille organisatrice vous avertit que c’est l’heure, le car vous attend pour vous emmener au repas gastronomique prévu à l’auberge du vieux village, vous la suivez, vous somnolez pendant le voyage, vous débarquez au milieu de nulle part, vous vous installez à une table, n’importe laquelle, on vous amène l’entrée, vous buvez plus que de raison, vous échangez des banalités avec votre voisin de table qui se trouve être un illustrateur pour livres d’enfants, intéressant, le vin est bon, vous convoquez une deuxième bouteille, une troisième.

Le lendemain matin, vous vous réveillez avec une gueule de bois longue comme le tunnel sous la manche. A peine descendu dans le hall que votre chaperonne vous attrape par la manche et vous ramène sur le lieu de votre supplice de la veille, vous arrivez à votre stand pour découvrir qu’on vous a parqué tout au bout d’une table, “désolé, il a fallu faire de la place parce qu’une vedette du petit écran est attendue”, il y a comme de la fébrilité dans l’air, les gens commencent à affluer pour tenter d’apercevoir la bête, là voilà, elle arrive, elle vient tout droit de Paris, elle est bien habillée, elle vous salue en passant tout en regardant ailleurs, la foule s’agglutine, les appareils photos crépitent, les enfants écarquillent grands leurs yeux, les dames piaffent d’impatience, les hommes jouent les blasés, on vous demande de vous pousser encore un peu plus, vu que vous gênez pour la photo, vous disparaissez sous la table…

Dans le train du retour, vous vous dites plus jamais ça.

De retour chez vous, vous vous précipitez dans votre bureau, vous vous emparez du début de votre roman, vous vous apprêtez à le jeter par la fenêtre quand votre femme vous demande ce que vous faites, vous explosez, vous lui dites c’est fini, j’abandonne, votre femme compose en toute urgence le numéro du samu littéraire, le standard est bondé, on vous fait patienter, c’est l’heure de pointe du dimanche soir…

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Torah Hebdo

   

Personnellement, de mon lointain Canada, je pensais que Charlie Hebdo avait depuis longtemps mis la clé sous le paillasson. Jusqu’à ce que ce matin, la nouvelle de l’incendie de ses locaux ne me rappelle qu’il sévissait encore. Ce qui ne change rien à ma vie, puisque je le confesse bien bas, je n’ai jamais acheté ce journal de ma vie. Pire, je crains même ne l’avoir jamais lu. Et j’ai beau fouiller dans ma mémoire, je ne me souviens même pas l’avoir tenu un jour entre mes mains. Je pourrais dire la même chose de 30 millions d’amis, 60 millions de consommateurs, 10 millions d’onanistes, le tripoteur magazine, témoignage crétin, ok podium, télé 3 jours, Madame Figaro et sa tripotée d’enfants non désirés : fig mag, fig maison, fig déco, fig divorcés, fig en chaleur.

Quoiqu’il en soit, je tenais à adresser mes félicitations à la direction de ces petits farceurs de Charlie Hebdo. Convenons-en, le coup a été magistralement joué. Mourinho n’aurait pas fait mieux. Lundi, je mets une odieuse et infâme caricature de Mahomet en une, mardi je me fais refaire une beauté aux frais de l’émir, mercredi j’investis les locaux de Libé, et jeudi, ni vu ni connu, comme à la parade, je me retrouve propulsé en une de Libération. Impeccable et imparable.

Avec un peu de chance, leur compagnie d’assurance ira jusqu’à remplacer leurs vieilles bécanes d’ordinateurs, datant des années soixante-dix, par des Asus flambant neufs ; d’anonymes bienfaiteurs leur enverront des bons gratuits pour festoyer, aux frais de la princesse, aux restos du cœur ; Emmaüs leur refourguera une cargaison de vêtements chauds bien pelucheux pour passer l’hiver sans encombre, et des veuves désœuvrées viendront offrir leurs services pour réchauffer gracieusement leur membre transi.

Et en attendant, au lieu de moisir dans un coin fétide du XXème arrondissement de la capitale, les voilà calfeutrés bien au chaud, à deux pas de la place de la République, avec une table attitrée Chez Léon, un usage illimité de la photocopieuse et des pin’s de François Hollande à ramener à leurs bambins. Chapeau bas. Et en plus, ils pourront désormais papoter autour de la machine à cafter avec Nicolas Demorand. Ce qui n’est pas donné à tout le monde.

 

Trêve de conneries et retour à la réalité.

Chacun pourra comprendre que certains musulmans n’apprécient que modérément de voir Mahomet faire le mariole en une d’un journal, satirique ou pas. Encore que. Personnellement, je connais très mal ce Mahomet, si ce n’est qu’un jour, il s’est envolé dans le ciel et que depuis il est porté disparu, et en général, j’ai beaucoup de mal à m’entendre avec les prophètes. Les portes-paroles du Fils de Dieu, avec leurs sermons rigides et austères comme des noyaux de prunes congelés, m’assomment d’ennui ; je ne comprends rien aux palabres entortillés de Bouddha et de Vishnu, n’ayant aucune envie de me retrouver métamorphosé, dans une vie prochaine, en une branche de saule pleureur dépressif ou en escargot, fut-il de Bourgogne. Quant aux prophètes juifs, leurs litanies infinies et leurs suppliques pathétiques adressées à un Dieu obtus et maniaco-dépressif me font méchamment sourire.

Autant dire que le geste de s’en aller brûler le local d’un journal, sous prétexte d’avoir été offensé dans sa foi par une simple caricature, m’est aussi difficile à comprendre et à admettre que de se prétendre être un supporter de l’Olympique Lyonnais, de préférer Robbie Williams à Morrissey, ou de s’enticher des romans de Katherine Pancol.

Pour autant, afin de ne pas me voiler la face de ma burqua personnelle, je me dois, en conscience, de me demander quelle tête j’aurais, si d’aventure demain, un petit plaisantin de dessinateur s’amusait à dessiner Moïse, figure pour qui, je l’avoue, j’éprouve comme une certaine tendresse, en train de jouer au frisbee avec les tables de la loi, être occupé à uriner sur un buisson ardent ou boire la tasse lors de la traversée de la mer rouge.

Franchement ?

Franchement, je pense que je rirais. Jaune.

Franchement, je ne me priverais pas pour taxer le dessinateur d’antisémite primaire, remarque qui s’applique tout autant à mon postier quand il ne prend pas la peine de me monter mon colissimo ou à ma boulangère quand elle n’a plus de baguette moulée.

Franchement, je crois que je serais embêté.

Comme si mon petit cousin, lors du repas de Pessah, se mettait à péter à table.

Il se pourrait aussi que je trouve cela drôle mais je n’en suis pas si certain.

En fait, je ne sais pas trop.

Si derrière ce dessin, je ne décèle aucune intention malhonnête de stigmatiser les travers supposés d’un peuple, si ce dessin n’a d’autre visée que de déclencher le rire, je ne m’en formaliserais pas. Je ne prétends pas que je rirais à m’en fendre mes hémorroïdes mais je jure que jamais, jamais, je n’irai me plaindre au Crif ou à la Licra, et que jamais, il ne me viendrait l’idée de demander à mon neveu de se renseigner sur l’art de composer des explosifs.

 

Maintenant, si le dessinateur se trouve être un fils Benhamou ou Cohen, je lui dirais, fais moi plaisir, viens à la maison, couche avec ma femme et donne moi un fils à ton image….

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