L’indispensable Monsieur Guillemin

 

C’est le genre de découvertes qui vous réconcilie avec Internet si d’aventure vous étiez fâché avec lui.

Une rencontre imprévue lors de la rédaction d’un billet de ce blog qui vous amène à découvrir l’univers d’un personnage dont jusque-là vous ne soupçonniez pas l’existence.

Et dont la découverte depuis vous enchante l’esprit.

Cet homme c’est Henri Guillemin.

Hier encore je ne le connaissais pas.

J’ignorais tout de lui.

Et voilà que grâce à la toile il m’est devenu aussi familier qu’un parent dont je me serais senti proche depuis tout petit.

Avec qui j’aurais eu un plaisir fou à converser, à échanger des points de vue, à rivaliser d’anecdotes, à l’entreprendre sur tous les sujets possibles, à l’écouter disserter des heures entières sur Flaubert ou sur Rimbaud, à l’entendre me raconter sa vision de l’Histoire de France, sa traversée du siècle, son combat pour la vérité, son appétit pour tout ce qui élève l’homme.

Grace aux nombreuses émissions qu’il a enregistrées pour le compte de la Télé Suisse Romande, c’est désormais chose possible.

Depuis qu’il a croisé ma route, j’avoue je lui consacre une grande partie de mes soirées.

C’est un conteur éblouissant, doté d’une verve intarissable, capable de vous parler avec une gourmandise non feinte de Pascal, de Rousseau, de Jeanne d’Arc, de Tolstoï, de Céline, de Flaubert, des auteurs ou des personnages qu’il connaît par cœur, qu’il a lu, étudié, saisi dans leur infinie complexité, dont il sait toutes les faiblesses et tous les vices.

Des hommes et des femmes d’exception qu’il n’a eu cesse d’interroger tout au long de sa vie, aux côtés desquels il a cheminé, avec qui il a entretenu un dialogue incessant, les interpellant sans cesse afin de connaître leur vérité, les contours exacts de leurs pensées, la genèse de leur destin.

Il vous parle comme si vous étiez son copain, de ces copains qui peuplent les chansons de Brel, lorsque les femmes vous ont quitté et qu’il ne reste plus qu’eux pour continuer à chanter l’incroyable douleur d’être en vie.

Lors de ses interventions, Henri Guillemin se tient à son bureau, il n’a presque pas de notes, il a l’air grand, il ressemble à Simenon, il a des grandes lunettes imposantes, il porte cravate et veston, il regarde la caméra d’un œil gourmand, d’un œil malicieux et amusé qui palpite d’intelligence mais c’est à vous qu’il parle avec une franchise bonhomme, toujours sur le ton de la confidence, vous invitant à revisiter la vie et l’œuvre des écrivains qui lui sont chers.

Il n’est jamais dans la pédanterie.

Il ne verse jamais dans l’afféterie.

Il est dans la connivence, on a l’impression qu’il vient de sortir de table, qu’il vous a convié dans son salon afin de vous en raconter une bien bonne qu’il vient d’apprendre sur Gustave ou Arthur tout en veillant à vous resservir de temps en temps un cognac qu’il vient de remonter tout exprès de la cave.

Il ne vous écrase jamais de ses connaissances encyclopédiques, il parle avec une aisance stupéfiante, il est bavard, parfois même il se perd dans ses digressions, mais quelle importance, il pourrait vous lire le bottin que vous resteriez à  l’écouter parler, il a une mémoire phénoménale, il jongle avec les noms et les dates, le voilà qui dépoussière l’Affaire Dreyfus, qui s’attaque à Napoléon, qui convoque Pétain pour mieux le clouer au pilori.

Il séduit autant qu’il charme.

Il s’interroge avec vous, il cherche à comprendre, parfois il ne sait pas, quelque chose lui échappe, il sent qu’il achoppe sur le sens d’un poème, il vous soumet une hypothèse mais il n’est pas sûr qu’elle tienne la route, il emprunte des chemins détournés afin de désosser un roman, il convoque des correspondances pour mieux expliciter les obsessions d’un auteur, il fouille dans l’histoire de sa vie afin d’appréhender son œuvre sous un jour nouveau.

C’est le festin de l’intelligence.

La vraie.

Celle qui ne se regarde pas dans le miroir de ses pensées et se trouve brillante.

Celle qui doute toujours.

L’expression d’un véritable humanisme qui comprend que nous sommes tous conviés de force à une odyssée au long cours dont nous ne connaissons ni la destination ni la durée, entassés sur une embarcation des plus frêles, perclus de doutes et d’angoisses et ne trouvant un impossible salut que dans le rassemblement des hommes de bonne volonté.

 

C’est tout cela qui transpire des échappées télévisuelles d’Henri Guillemin.

Une confiance parfois ébranlée mais toujours renouvelée dans l’être humain, dans sa prodigieuse faculté à ensorceler sa vie, une compassion de tous les instants, une envie de savoir et de comprendre qu’il partage avec vous sans chicaner, tout heureux de vous amener à côtoyer des personnages qui ne sont que le reflet de vos tourments les plus intimes.

 

Allez le visiter de ma part.

Il vous attend.

 

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