L’anniversaire du chat


Dans les jours prochains, mon chat va avoir seize ans.

Si j’en crois son vétérinaire attitré, rapporté à échelle humaine, il s’apprêterait à fêter ses quatre-vingts balais.

Le petit con est dans une forme insolente, il trimballe sa vieillesse avec une effrontée verdeur, il ne manifeste aucun signe de déclin, il ruisselle de santé : parfois, en le regardant détaler comme un dératé dans les couloirs de l’appartement, grimper au lustre du salon, rebondir de fauteuil en fauteuil, je me demande s’il ne souffre pas d’une maladie neurologique régénérative.

Ou s’il n’a pas avalé un élixir de jeunesse lors d’une de ses escapades nocturnes.

A moins que sans que je m’en aperçoive, depuis des années, il sirote en cachette mon porto préféré et n’ait jamais vraiment eu le temps de dessaouler, promenant son ivresse de chambre en chambre avec l’aplomb d’un consul anglais sous le soleil du Mexique.

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Il me fait peur, quelque fois je me dis qu’il est peut-être éternel, qu’il va finir par m’enterrer, qu’il viendra pisser sur ma tombe et survivra à toutes les catastrophes, cataclysmes, dérèglements climatiques, guerres thermonucléaires, restant le dernier témoin de la vie terrestre sur cette fichue planète.

Ou alors, le Messie, c’est lui et personne d’autre. Dieu dans sa grande sagesse l’a choisi pour nous guider. Un de ces quatre matins, au lieu de chasser les souris, il ira grimper sur le Mont Sinaï et annoncera à l’humanité la venue de l’espérance pour tous, la fin des conflits, l’avènement d’une période de paix longue d’un milliard d’années, l’éradication de toute maladie, l’entrée dans une ère nouvelle placée sous le signe de la débauche sexuelle et du dérèglement des sens.

Je ne dénote chez lui aucun signe de vieillissement ou de ralentissement cérébral : il me réveille toujours à quatre heures du matin pétantes, il mange avec la même égale gloutonnerie depuis le premier jour où j’ai lié ma vie à la sienne, il n’a aucun mais alors aucun problème de sommeil : il peut très bien s’endormir dans la baignoire sans en ressentir une quelconque gêne, il a conservé la simplicité de sa prime jeunesse et s’enthousiasme encore à l’idée de se brosser les moustaches dans le confort d’une anonyme boîte à chaussures.

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Quand je l’ai connu, j’avais encore des cheveux, des dents, des désirs ; je me couchais à pas d’heure, j’étais insouciant, léger, gai comme un pinson, il m’arrivait même de sourire à des inconnues dans la rue. Tandis que maintenant, c’est tout juste si je me supporte, je ressemble à un abat-jour, je suis devenu un sans-dents, un sans-cheveux, un sans-rien.

Sous l’auguste règne de Sa Majesté le Chat, j’ai composé quatre misérables romans, rédigé des centaines de billets aussi abscons les uns que les autres, je me suis marié six fois, divorcé sept, j’ai épuisé une douzaine de psychanalystes, j’ai changé trois fois de rabbin et tous les deux, sans jamais être séparés plus d’une semaine, nous avons vécu dans une trentaine d’endroits différents.

Il est moi.

Je suis lui.


A deux, nous formons un couple invincible.

                                                                                                                                                                                    Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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J’en ai marre qu’on me regarde avec commisération parce que je suis français


Avec la répétition des attentats perpétrés sur le sol hexagonal, je suis devenu, aux yeux de la population de ma ville d’adoption, une espèce à protéger et à chérir.

Autrefois, quand le Français s’établissait à l’étranger, il ne suscitait que méfiance et réprobation. Il puait, il prenait des douches une fois l’an, il ne se lavait jamais les dents, il ne pensait qu’à baiser et à regarder sous les jupes des filles, il se prenait pour le nombril du monde, il débordait d’arrogance, il était paresseux, il piquait la femme des autres, il rechignait à apprendre la langue de son nouveau pays, il comparait toujours tout avec la France.

Et il était aimable comme une porte de prison.

Quand il disait être originaire de Paris, on le regardait avec des grands yeux envieux. Ah Paris, j’y suis allé il y a 26 ans, c’était merveilleux, ah Paris, je voudrais tellement que mon mari m’y emmène, ah Paris, c’est si romantique, ah Paris, ma ville préférée au monde, ah Paris, ah Paris, ah Paris.

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Je laissais ces braves gens à leurs rêves.

Je ne leur disais jamais que Paris c’était l’enfer, que j’avais vivoté pendant des années dans un vingt mètres carrés avec vue sur le périph pour lequel je payais un lingot par mois, que Paris puait, que les Parisiens étaient des têtes de nœud, que Paris c’était juste un musée, un décor de carte postale tout juste bon à épater le touriste de passage mais que derrière ce n’était que saleté et désolation.

Depuis les attentats tout a changé. Tout.

On prie pour moi, la concierge me demande toutes les deux secondes si je n’ai besoin de rien, si tout va bien chez moi, si tout le monde est hors de danger ; je suis à peu près certain que si demain, je venais lui annoncer que dorénavant, je m’abstiendrais de lui verser l’argent du loyer, elle me dirait ” ce n’est pas grave, je comprends, vous me payerez quand vous pourrez”.

Le voisin qui d’habitude ne m’adressait jamais la parole, me croisait dans les escaliers comme si j’étais le fantôme de l’opéra, se débrouillait toujours pour me piquer ma place de parking, désormais, il m’invite à venir dîner chez lui, il débouche des bouteilles de vin hors de prix ; avant-hier il m’a même présenté sa femme qui elle aussi, le lendemain, a tenu à me consoler mais à sa manière.

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Dans la rue, au supermarché, à la banque, tout le monde me regarde avec commisération. On est avec vous. Je suis tellement désolé de ce qu’il vous arrive. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas. Je prie pour vous, vous savez. Vous êtes tellement courageux. Je me tiens à vos côtés. Vous êtes libre pour un barbecue ? Je réunis quelques amis et j’aimerais tellement vous compter parmi nous.

J’ai honte. Je n’en peux plus. J’ai l’impression d’être devenu un SDF, l’ombre de mon ombre, un paillasson sur lequel tout le monde pleure. Je ne fais plus peur à personne. Mon arrogance a comme disparu. On me laisse tout passer. J’ai tous les droits. Si je lançais une collecte dans l’immeuble, je suis sûr qu’à l’heure actuelle, je serais déjà millionnaire. Ma place de parking n’est plus jamais occupée. Quand je descends mon linge à la buanderie, on s’empresse de ranger ses affaires pour me laisser une machine de libre.

Je suis Français putain, j’ai envie de crier, pas Yougoslave ou Rwandais. J’ai du sang bleu qui coule dans mes veines. Je possédais des colonies, la moitié de l’Afrique. Je régnais sur les océans. J’envahissais l’Europe. Je semais la terreur. Je résistais à l’envahisseur nazi. J’étais le centre de l’univers. J’étais le soleil de ce monde.

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Maintenant, je ne suis plus rien.

On marche pour moi, on colore l’hôtel de ville de mes couleurs, on me montre à la une des journaux, en pleurs, à genoux, entouré de cadavres, on me plaint du matin au soir et toutes les églises de la ville prient pour moi.

Encore un attentat et je rentre au pays. La comédie a assez duré. Je m’inscris aux primaires de droite, je triomphe, je m’installe à l’Élysée et je rétablis la France dans son honneur bafoué.


Et, mon devoir une fois accompli, je reviens ici et repars culbuter la femme du voisin !

                                                                                                                                                                              Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Le premier qui me rentre dedans à cause de Pokémon Go, je lui explose le cervelet


C’est quoi encore cette nouvelle occupation dont la terre entière s’est entichée, le dernier bidule à la mode, la dernière couillonerie mise à disposition de notre belle jeunesse pour qu’elle s’ennuie un peu moins, ne ressente pas la pesanteur de l’existence, se divertisse et oublie le poids des chagrins et des rêves morts-nés ?

Pokékoi ?

J’ai quand même essayé de me renseigner, j’ai lu un, deux articles, vu à la va-vite des reportages et soudain j’ai eu envie de me pendre. Là. Sur-le-champ. Sans plus tarder. D’ouvrir grande la fenêtre et de me jeter dans le vide. De m’offrir en sacrifice pour excuser le genre humain auprès de Dieu. De m’oublier dans le néant afin de ne plus subir cette dictature de la bêtise de masse.

J’ai eu honte aussi.

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Je veux bien concevoir que des enfants éprouvent un réel plaisir à traquer des créatures virtuelles dans les moindres recoins de nos villes, à les capturer afin d’engranger des points, à se servir de téléphones portables pour partir à la chasse aux fantômes.

Après tout, quand j’avais quatre ans, j’ai bien dû chercher dans le jardin de la voisine un trésor que ma sœur m’aurait dit avoir caché. Chacun son truc. Si ça les amuse. On ne va quand même pas les obliger à lire Proust alors qu’ils ne savent pas encore parler.

Bon, ceci dit, j’aurais un gamin, un coup comme cela, je le dépose directement à l’assistance publique et j’entre dans le premier hôpital venu procéder à une vasectomie radicale.

Passe encore que des ados qui ne savent pas à quoi employer leurs journées, qui glandouillent dans leur chambre et s’emmerdent comme des rats morts au cœur de l’été, trouvent dans cette cueillette des temps modernes un moyen de passer du bon temps entre amis. Après tout, quand j’avais treize ans, j’ai bien dû passer des après-midi entiers à effeuiller des magazines de charme. Autant qu’ils prennent l’air. On ne va quand même les obliger à réciter du Rimbaud alors qu’ils savent à peine écrire. 

Bon j’aurais un ado, un coup comme cela, je porte plainte auprès de sa mère et je demande la restitution complète et intégrale de mon sperme responsable d’une pareille déconfiture.

Mais les autres, tous les autres, les plus de seize ans mettons, qu’est-ce qui cloche chez vous ?

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Vous êtes tout de même censés posséder à votre âge un minimum d’intelligence, deux sous de raison pour occuper votre temps d’une manière un tantinet plus intéressante que de traquer des bébêtes prétendument perchées au haut d’un abri-bus, non ?

Vous vous rendez compte que la vie c’est précieux, que le temps qui passe ne reviendra pas, que vos parents n’ont pas sué sang et eau pour que parvenus à l’age adulte vous partiez en croisade contre des lapinous couleur canari, qu’au lieu de vous livrer à ce genre d’activités d’une bêtise abyssale, vous pourriez lire, aimer, rêver, créer, jouer au foot, errer sans but, réfléchir, vous ennuyer même ?

Être vivant.

En même temps, vu le nombre d’adultes atteints d’incontinence mentale, considérant la sidérante proportion de circoncis du cerveau promenant en bandoulière, jour après jour, année après année, leur effarante connerie, on se doute bien que leurs progénitures ne vont pas, par la grâce de Dieu, côtoyer l’Olympe de la connaissance.


C’est la faute à personne j’imagine. Ou à tout le monde. C’est le lot de toute société humaine. Il faut de tout pour faire un monde. On le sait bien.


Bon, ceci posé, comment on fait pour l’installer ce foutu jeu ?

                                                                                                                                                                              Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Le monde est en deuil perpétuel


En ce moment, la Tour Eiffel en voit de toutes les couleurs.

Après s’être bariolée des couleurs du drapeau gay pour la tuerie d’Orlando, des couleurs de la Turquie pour un attentat survenu en juin dont on a déjà tout oublié, des couleurs tricolores pour le carnage de Nice, hier soir c’était au tour des couleurs du drapeau allemand de figurer sur la structure métallique du Champ-de-Mars.

Et demain ce sera peut-être Kaboul, Milan ou Madrid.

Ce n’est plus un monument notre bergère aux jambes interminables et à la tête perchée dans les nuages, c’est une urne funéraire à la hauteur de la désolation du monde.

On en arrive à se demander ce qui se passera lorsque deux villes seront ensanglantées le même jour. Faudra-t-il alors passer à l’allumage alterné, une minute pour souligner notre solidarité avec Sydney, une autre pour marquer notre effroi face à l’attentat survenu à Manchester ou à Lisbonne, dans une sorte de clignotement funèbre visible à des kilomètres à la ronde ?

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Vu désormais la fréquence des attentats, leur répétition presque quotidienne, les endroits éparpillés sur la planète où ils se déroulent, le plus sage serait alors de peinturlurer notre géante de fer des couleurs de l’arc-en-ciel  afin de parer à toute éventualité.

D’être déjà attifée pour la prochaine tuerie de masse.

Ou d’opter tout bonnement pour un noir définitif, le noir de ce monde qui semble être rentré dans une période de deuil perpétuel.

La mort colle aux basques de nos téléphones portables, de nos écrans de télévision, de nos journaux.

Voilà que nous passons désormais nos soirées à écouter s’égrener le nombre exact de décès, de blessés graves, légers, opérés, à faire le tri entre les fausses rumeurs et les vérités vraies, à regarder en boucle des images vides, à attendre de connaître la nationalité et des assaillants et des morts, à guetter les premières déclarations de nos gouvernants, du Ministre de l’Intérieur, du Procureur de la République, les premières mesures prises, l’intervention du Chef de l’État au milieu de la nuit ensanglantée.

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C’est comme une série noire qui ne finirait jamais et repasserait en boucle, soir après soir, dans une procession funèbre, adoptant seulement à chaque fois des décors différents, ici une boîte de nuit, là une promenade, un autre jour un centre commercial, une liturgie macabre à laquelle, malgré nous, on prendrait goût.

De la mort, des taches de sang sur le bitume, des victimes en pleurs, des témoins anéantis, des ambulances, des policiers, polizei, policemen, des gens qui courent, filment, se cachent, des corps recouverts de drap, les cris, la panique, les rues désertes, les restaurants transformés en hôpitaux de fortune, les appels au calme, l’attente, le nombre de morts qui augmente à chaque nouvelle dépêche, cette impression d’irréalité que nous ressentons alors comme si nous étions propulsés au cœur des ténèbres.

L’Histoire en Live, la Mort en Direct.

Vendredi soir, c’était au tour de Munich de passer en prime-time. Cela promettait. Un centre commercial, des morts, trois tireurs en vadrouille. On en salivait d’avance. Une ville entière à l’arrêt. Des rumeurs de prises d’otage. La possibilité d’un massacre de grande ampleur. Avec un peu de chance, on aurait le droit à une fusillade avant la tombée de la nuit. On verrait des hommes tomber. On entendrait le bruit des balles. On serait au cœur de l’action.

Et puis, tout est parti en couilles.

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Les tireurs demeuraient invisibles, le bilan ne dépassait même pas la dizaine de morts – tu parles d’une tuerie – et surtout on ne voyait rien ; quand finalement on a su que le tireur s’était suicidé, qu’il était seul à avoir agi, que de complices il n’en avait jamais eu, on a été comme déçu. Tout cela pour ça. Décevant, les Allemands, on s’est dit avant d’éteindre le poste.

Petit bras.

Le lendemain on apprenait que ce con n’était même pas islamiste mais juste dépressif. Ce qui nous promet des lendemains heureux. Parce que si tous les dépressifs du monde commencent à jouer au Ball-trap dans des Mac Do ou à l’intérieur de centres commerciaux, on ne va pas s’ennuyer.


Que la fête commence.

                                                                                                                                                                              Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Face à ce terrorisme-là, il n’y a pas de solution


Et si effectivement, le terrorisme allait perdurer, s’inscrire dans le marbre de nos vies d’une manière pérenne, être au cœur de nos préoccupations quotidiennes, non pas dans les semaines à venir, non pas dans les mois prochains, mais durant des années et des années comme une maladie que nous serions incapables de combattre ?

Si tel était le cas, si d’aventure ce terrorisme s’enracinait dans le cœur de nos cités et bouleversait nos existences de la plus radicale des manières, ne serait-il pas plus sage, au lieu de partir dans de grandes déclarations d’intention sans lendemain, de prévenir la population que confrontés à une pareille menace, nous nous trouvons hélas sans aucune solution miracle ?

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Qu’après chaque attentat perpétré, il ne sert à rien de partir dans des disputes stériles, d’essayer par tous les moyens de faire retomber la faute sur l’un ou l’autre, de cesser de vouloir à tout prix qu’il existe un responsable auquel nous serions en droit de demander des comptes.

Qu’il vaut mieux essayer de comprendre où nous avons failli afin de ne pas répéter nos erreurs au lieu de passer notre temps à s’accuser à tort et à travers de tous les maux de la terre, offrant aux commanditaires des attaques le triste mais sûrement jouissif (à leurs yeux) spectacle de nos divisions.

Exactement comme on se sert de l’expérience des tragédies aériennes afin d’améliorer encore un peu plus la sécurité dans nos avions.

Que nous devons admettre, quels que soient les efforts déployés, les mesures adoptées, l’arsenal judiciaire ou policier mis en œuvre, nous échouerons à repousser toutes les tentatives de semer la terreur ou le chaos, que c’est dans la nature même de ce terrorisme perpétré par des individus ayant rompu tout lien avec la civilisation de se situer parfois hors d’atteinte.

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Non pas parce que nous serions faibles ou désorganisés ou naïfs mais plus parce que empêcher une personne résolue à mourir de monter dans sa voiture et de foncer dans la foule ou de se servir d’un couteau pour poignarder un passant relève tout simplement de l’exploit ou du hasard. Ou des deux à la fois.

Il faut apprendre à vivre avec le terrorisme comme les malades apprennent à vivre avec le cancer. En étant conscient de la gravité de la chose mais en restant convaincu qu’on peut, qu’on va s’en sortir. Admettre les rechutes, les pertes de cheveux, la fatigue, les désillusions tout comme nous accueillons les rémissions, les accalmies, les regains de forme.

Conscient que tant que la maladie loge au plus profond de notre corps, nous irons ainsi, chancelants, instables, parcourus d’humeurs changeantes mais obstinés à garder en nous l’espoir d’une future guérison.

Et surtout sans s’en remettre à des marabouts ou autres vendeurs d’espoir qui face à notre détresse nous vanteront des remèdes improbables, des recettes toutes faites, des solutions fantasques qui ne contribueront qu’à nous rendre encore un peu plus malade.

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Ce n’est évidemment pas gai- mais qui a prétendu que cela le serait ? – ce sera long, ce sera ardu, il y aura des moments de découragement, des envies de trouver un coupable, des désirs de justice, de vengeance mais tant que nous resterons soudés, il ne pourra rien nous arriver.

Oui c’est insupportable de devoir compter des morts et de savoir qu’il en existera encore d’autres demain ou après-demain. Oui c’est nous demander des efforts sur nous-mêmes prodigieux de rester stoïque face à cette avalanche de malheurs. Oui accepter de vivre de la sorte, dans une sorte de danse endiablée avec la mort, sur une période dont nous ignorons la durée, se situe à la limite de l’humain mais nous n’avons pas le choix.

Nous avons vaincu les grandes épidémies des siècles passés, nous avons triomphé de bien des maux, nous avons su trouver la parade à des problèmes d’une complexité inouïe, nous triompherons un jour ou l’autre du terrorisme pour la simple raison que l’homme a toujours trouvé en lui les moyens de se relever, a toujours cru en son génie, a toujours puisé au plus profond de lui les forces nécessaires pour continuer le métier de vivre.


Nous sommes éternels.

                                                                                                                                                                                      Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Et si on réhabilitait directement la délation ?


Ah les sagouins.

Cette fois, cela n’a pas traîné.

On en était encore à dénombrer le nombre exact de victimes, à tenter de remonter le fil des événements, à vérifier l’identité du présumé terroriste et de ses possibles complices, qu’Alain Juppé – chassez le naturel, il revient toujours au galop – de nouveau droit dans ses bottes comme à la belle époque, vitupérait ” si tous les moyens avaient été pris, le drame aurait pu être évité ”

Autrement dit, la gauche gouvernementale, par son inaction, le manque d’ambition de sa politique sécuritaire, son laissez-aller, a laissé se perpétrer un effroyable massacre et doit être tenue responsable de cette tragédie. Ces morts ce sont d’abord les siens.

Tandis qu’avec moi président, taratata, tu verras, tu verras, les terroristes marcheront au pas, tu verras, tu verras, la police c’est fait pour cela, tu verras, tu verras.

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Et hier soir, Nicolas Sarkozy, pour ne point laisser Juppé remporter le bonnet d’âne de la réplique la plus incongrue, sortait la grosse artillerie et dézinguait lui aussi à tout-va : ” Tout ce qui devrait être fait depuis dix-huit mois n’a pas été fait ”.

Avant de nous sortir son inventaire à la Prévert pour lutter contre le fléau du terrorisme : approchez mesdames, messieurs, et hop, suffit d’ouvrir des centres de déradicalisation par ici, et houbahop, d’enferrer les malfrats avec des bracelets électroniques par là, et zou, de balancer à la mer les fauteurs de trouble nés hors du territoire, d’interdire la fréquentation de sites djihadistes, et le terrorisme il est où, il est où je vous le demande ? Dis-pa-ru. On n’en parle plus. Éradiqué je vous dis. Circulez, il n’y a plus rien à voir.

Quant à l’autre, j’entends la Castafiore du renouveau national, n’en parlons même pas…, de tout temps, elle entretient avec le principe de réalité des relations fort compliquées.

Bref, l’année à venir sera longue. Très longue.

Et d’ici la présidentielle, il va falloir tenir bon sur ses acquis, ne rien céder à ces populistes d’opérette qui, pour une voix, pour s’attirer les faveurs de quelques électeurs justement déboussolés par cette violence insensée, n’hésiteront pas à rivaliser de propositions aussi fantaisistes les unes que les autres, à mentir effrontément, à se perdre dans des considérations vaseuses où la morale élémentaire sera bafouée.

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Et vous verrez, un jour, ils oseront l’innommable.

Après tout diront-ils, qui est le mieux placé pour dénoncer aux autorités des individus au comportement suspect ? Qui d’autre que ces braves français seraient à même d’aider la police en distribuant des bons et des mauvais points à leur voisin de palier ? Qui d’autre les fréquentent au quotidien ces gens étranges aux mœurs si singulières, ces demi-portions de Français dont on va finir par se demander s’ils sont vraiment loyaux aux valeurs de la République, ces troglodytes qui tapinent aux alentours des mosquées avant de s’en aller semer la terreur ?

Le terrorisme est une question infiniment complexe qui nécessite une approche multi-directionnelle, exige de travailler dans la durée, réclame de la société une patience que bien souvent elle ne saurait accorder.

C’est aussi une façon d’accepter l’inacceptable.

D’avouer que confronté à un individu sorti de nulle part dont rien dans l’attitude ou le comportement ne laissait présager un saut dans la barbarie la plus immonde, l’État demeure parfois démuni.

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Au lieu d’agiter des recettes toutes faites qui seront non seulement inopérantes mais contribueront à semer le poison de la désunion au sein de la population, à instaurer l’ère du soupçon, prélude à toutes les dérives sécuritaires dont on sous-estime toujours les mortifères conséquences.

Quand on commence à ouvrir des centres, au fond peu importe leur nom, rétention, déradicalisation, on connait la nature des premiers arrivants ; avec le temps, avec la répétition des attentats, on finit par revoir à la baisse les critères d’admission et bien vite on enferme n’importe quel quidam au nom du principe de précaution.

Et on finit par tous devenir des suspects en puissance…

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L’horreur de répétition


Le pays se réveille groggy ce matin. Comme sonné. Avec à nouveau ce goût de cendres dans la bouche. Cette impression d’être plongé dans un cauchemar qui ne cesse, à intervalles réguliers, de venir nous hanter, de nous propulser dans le cœur des ténèbres, au plus profond d’une nuit noire comme la mort.

De cette impression que cela ne finira jamais, que quels que puissent être les moyens engagés, les mesures adoptées, les forces de sécurité mobilisées, en n’importe quel endroit du territoire voire même du monde entier, l’on peut passer désormais de vie à trépas en l’espace d’une seconde, sans comprendre ce qui nous arrive, sans réaliser que nos existences s’achèvent là dans une salle de spectacle, ici lors d’un défilé du 14 juillet, ailleurs au terminal d’un aéroport.

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Alors la peur, la peur tout le temps, la peur partout, la peur pour tous, la peur pour soi, la peur pour les autres, la peur qui empêche de penser, la peur qui paralyse et étreint le cœur, la peur qui malgré nous, malgré notre détermination à ne point la laisser abîmer nos vies, parvient tout de même à se frayer un chemin jusqu’à nos consciences et nous condamne à vivre aux aguets.

A vivre à reculons.

Des vies brisées nettes par l’action de sanguinaires dont, et c’est bien là le plus effroyable, on ne perçoit pas vraiment les motivations, si ce n’est celle de frapper les imaginaires, de répandre la terreur, de provoquer l’effroi et la stupeur, de semer le chaos dans le pays.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit et seulement de cela.

De mettre à bas l’esprit de concorde nécessaire à toute démocratie et de dresser les communautés les unes contre les autres, dans un affrontement sanglant qui au final affaiblira l’état de droit et offrira à des forces obscures l’opportunité de s’emparer du pouvoir déclenchant des mouvements de révolte auxquels répondront des mesures de répression.

Et ainsi de suite dans une escalade meurtrière qui mettra le pays à genoux.

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C’est contre quoi les morts du Bataclan comme ceux de Nice comme ceux de Charlie Hebdo nous obligent.

Ce sont à eux que nous devons montrer que leur mort si scandaleuse, si lâche, si écœurante, n’aura pas été le prélude à d’autres tragédies.

C’est au souvenir de ces femmes, de ces enfants, de ces hommes tombés un soir d’été, le long d’une promenade fréquentée, que nous devons présenter le visage d’un peuple uni dans la douleur mais aussi dans l’adversité, prêt à tous les sacrifices pour empêcher les forces de la désunion de triompher.


Montrer le visage serein et déterminé de notre inexpugnable solidarité, c’est la seule tâche qui nous incombe aujourd’hui, par-delà nos divisions, nos différences et nos croyances.

                                                                                                                                                                              Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Dallas, son racisme impitoyable


Faut-il encore le rappeler mais le racisme, l’antisémitisme, toute forme d’ostracisme, de discrimination basée sur la couleur de peau, les croyances religieuses ou les orientations sexuelles, constituent le pire de l’humanité.

Quelque chose qui dégrade, souille, rabaisse l’âme et nous laisse exsangue de tout espoir quant à l’avenir même du genre humain.

S’attaquer à une personne pour ce qu’elle est et non point pour ce qu’elle a commis constitue la pire des saloperies imaginables.

Ce qui se déroule aux États-Unis est encore là pour nous le rappeler.

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L’Amérique a beau être une démocratie avancée, être à la pointe du progrès technologique, s’enorgueillir de former les universitaires les plus accomplis, présenter toutes les facettes d’une société prospère et sûre de ses valeurs, elle n’en demeure pas moins cette contrée où le racisme prospère, où les démons du passé esclavagiste n’ont jamais été vraiment terrassés, où l’on peut encore se prendre une balle dans la tête pour le seul motif de ne pas être assez blanc.

Où l’on meurt d’être noir.

Simplement noir.

Évidemment la tuerie perpétrée par Micah Jonhson à Dallas la semaine dernière ne peut-être que condamnée. Le recours à la violence ne saurait être la réponse appropriée quand bien même constitue-t-elle une réaction à des manquements à la morale fondamentale.

Et pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que cet homme-là est tout autant une victime qu’un criminel.

Qu’il existe un moment dans la psyché humaine où lorsqu’elle se retrouve confrontée à la pire des injustices, elle ne peut refréner cet instinct primaire qui réclame vengeance, qui ne tolère plus la répétition de meurtres perpétrés sur ses frères de couleur, qui dit, de la plus radicale des manières, qu’on ne saurait continuer de la sorte sans réagir.

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Que de rester les bras ballants à voir semaine après semaine, parfois même jour après jour, des hommes et des femmes être abattus comme des chiens, être traités de la même façon dont on traitait encore au siècle dernier ses ancêtres, s’apparente à une acceptation de ces injustices répétées.

Une résignation à servir de cible à des policiers jamais assez prompts à dégainer leurs armes de service quand ils se retrouvent face à des citoyens issus de la population afro-américaine.

Il faut alors une force morale hors du commun pour résister à cette envie de s’emparer du premier fusil venu et de se venger par soi-même.

Avoir foi dans la justice de son pays dont on sait pourtant que bien trop souvent elle condamne avec plus de sévérité des citoyens de couleur, qu’elle ne répare pas ou peu les bavures commises par les forces de l’ordre, qu’elle manque à son devoir sacré de rester en toutes circonstances impartiale.

Il faut le répéter encore et encore : en Amérique, de nos jours, comme dans les pires des dictatures, on peut mourir pour être ce que l’on est. On peut ne jamais rentrer chez soi parce que des représentants de la force publique auront décidé que votre vie ne vaut rien ou pas grand-chose. On peut se retrouver au cimetière le corps criblé de balles sans jamais avoir commis le moindre forfait.

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Et face à ces monstruosités qui renvoient l’homme à ses pires démons, il est tentant de répondre au mal par le mal. D’en arriver à la conclusion que pour garder sa dignité d’être humain, pour continuer à vivre debout, pour ne pas s’écœurer de sa propre faiblesse, ne demeure que le recours à une violence entrevue comme la seule réponse appropriée à ces crimes destinés à rester impunis.

Quand dans une société moderne la mort répond à la mort, c’est que les hommes n’ont plus confiance dans la démocratie et dans sa capacité à résoudre les conflits.


C’est aussi bien entendu le premier pas vers la guerre civile.

                                                                                                                                                                              Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Encourager cette Équipe de France ? Jamais !


Soutenir une équipe de foot, une actrice de film porno, un cheval dans une course hippique ou un chanteur lors d’une compétition internationale au seul motif qu’il serait né sur le même terroir que le mien m’est toujours apparu comme le sommet de la crétinerie.

Je n’ai pas la fibre nationaliste.

J’exècre ces adorateurs du drapeau, ces thuriféraires des chants patriotiques, ces gueulards de l’identité nationale toujours prompts à défendre le premier clampin venu juste parce qu’il se trouve appartenir à la même tribu que la leur.

Raisonner de la sorte c’est comme agrafer des barreaux à son cœur, cloisonner son esprit dans un périmètre si étroit qu’il en perd toute capacité à raisonner, à évaluer, à mettre en perspective le spectacle auquel il assiste.

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Un suicide philosophique et esthétique, la négation même de toute intelligence, le triomphe de la bêtise bien crasse, quand les hommes aiment à s’imaginer des terroirs de pensée là où ils ne sont que des passagers clandestins d’une terre qui consent à les abriter le temps d’un instant, avant de les renvoyer dans la grande nuit de l’éternité, bien assez vaste pour se foutre du nom de leur village natal.

Toute cette fastueuse introduction pour vous dire que l’autre soir, moi le pourfendeur halluciné du pangermanisme, l’homme qui voit en chaque Allemand un nazillon en puissance, je me suis retrouvé à soutenir cette équipe teutonne.

Je connais tout de même assez mon football pour me rendre compte que le jeu pratiqué et mis en place par les coéquipiers de Toni Kroos possédait, sans être exceptionnel, plus d’allure, d’ambition et d’entrain au regard de celui pratiqué par les Bleus.

Et ne parlons pas de cette merveilleuse Italie qui m’aura réconcilié, durant cet Euro, avec l’idée même du football.

Je ne vais quand même pas m’identifier à une équipe certes valeureuse, certes solidaire, certes vaillante, certes généreuse dans l’effort, mais fort limitée dans ce qui constitue l’essence même du jeu, la circulation de balle, la fluidité dans les mouvements, l’aisance à créer des espaces ou des décalages, sous prétexte que je serais né sous les mêmes cieux qu’Olivier Giroud, ce narcisse ahuri semblant sorti tout droit d’un mauvais film de cul.

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Il existe des limites à l’amour de sa terre natale tout de même, je n’ai pas l’adoration aveugle, je ne suis pas encore gâteux, je ne vais pas renoncer à ce que je suis juste pour être en conformité avec la couleur de mon passeport.

Je me fous que les Français soient français ou qu’ils fussent hongrois, australiens ou martiens, leur façon d’évoluer sur un terrain ne correspond pas à mon esthétique, ne satisfait en rien mon amour de la chose footballistique, n’entretient aucune correspondance avec mon idéal de la pratique de ce sport, au contraire de leurs brillants aînés des années quatre-vingt qui, par leur panache et leur brio offensif, illuminèrent ma jeunesse.

Bien sûr il y a Griezmann, ce Fanfan la Tulipe des surfaces de réparation qui m’enchante à chacune de ses apparitions mais le reste, voyons, voyons, sachons rester lucides, c’est assez moyen, c’est même parfois un peu tiré par les cheveux, c’est sans éclat, sans grande idée, sans inspiration, sans fluidité bon sang, sans rien qui permette parfois au football d’être aussi enchanteur qu’une aria de Mozart, un ballet collectif où vit un ballon aussi léger qu’une ballerine tourbillonnant dans l’espace infini de sa propre démesure.

Tout comme au fond je me fous un peu du résultat, je veux juste avoir vibré, non pas parce que mes couilles auraient tressauté de joie de voir mes compatriotes triompher, mais plus pour avoir vu par instants une grammaire footballistique à la hauteur de mes attentes.

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Cette équipe de France ne m’enthousiasme guère, c’est tout.

Je dois être un mauvais Français.

Maintenant, vu que le Portugal réussit l’exploit d’être encore plus terne et laborieux que la bande à Deschamps, je te supporterai, brave équipe de mon pays natal.

Ou alors j’irai à la pêche.


Allez les Bleus.


Et que le meilleur perde.

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Moi Monsieur, le bac, je l’ai raté et du premier coup !


Bientôt, à ce rythme-là, il sera plus difficile de rater le bac que de trouver un chat qui n’a pas sa vidéo sur Youtube.

Ce n’est même plus un examen, juste une convocation pour s’assurer que le candidat a toutes ses dents : ouvrez la bouche en grand, tirez la langue, dites trente-trois. Parfait. Admis.

Suivant.

Suffit de ne pas manquer son métro le jour du contrôle, de ne pas se tromper de centre d’examen, de présenter une pièce d’identité valable, de griffonner deux, trois bafouilles sur une collante, de ne pas oublier de la déposer sur le bureau de l’examinateur et le tour est joué.

Tout inscrit se verra décerné à la fin des épreuves un diplôme attestant sa réussite à l’examen.

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Et s’il a été bien sage durant l’année écoulée, s’est montré capable de rendre une copie avec moins de cents fautes d’orthographe, n’a pas confondu Victor Hugo avec Hugo Boss ni la Chine avec le Guatemala, l’heureux élu décrochera une mention bien voire très bien et repartira chez lui avec l’impression d’avoir le monde à ses pieds.

Bienvenue à tous et bonne chance, rendez-vous à Pôle emploi dans cinq ans, vous verrez c’est spacieux, lumineux, ouvert toute l’année, la bouffe est pas extraordinaire mais c’est à volonté, vous pouvez même avoir du rab jusqu’à pas d’âge.

Oui j’avoue, je suis énervé, jaloux même quand je vois que plus de 90% d’une classe d’âge décroche son baccalauréat du premier coup, c’est une honte, une infamie, une insulte que me lancent à travers les âges les nouvelles générations, moi qui ai raté piteusement mon bac à ma première tentative, moi qui l’ai raté sans même avoir le droit à l’oral de rattrapage, moi qui ai connu l’amer goût de l’échec à l’âge où je commençais à peine à articuler mon nom sans anicroches.

J’ai quand même regardé les statistiques : en 1985, soit l’année où si je me souviens bien, je me suis rétamé en beauté à mon examen de fin d’année, seuls 65% de ma classe d’âge ont obtenu leur diplôme.

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Soixante-cinq pour cent, c’est tout de même autre chose que quatre-vingt-dix où, si on exclut d’emblée les trépanés du cerveau, les cancres de naissance, les exilés du savoir, les ceux qui sont partis en Syrie jouer à la bombe humaine, ceux qui ont confondu leur bahut avec le bowling de la zone commerciale, ceux qui ont vomi leur quatre-heures la veille de l’examen et ont fini aux urgences, les accidentés des passages piétons, les suicidés du Pont Mirabeau et les fugueurs du périphérique, on doit dépasser les cent pour cent de réussite.

Il faut dire, pour ma défense, que si j’ai ainsi échoué, c’est avant tout la faute au système.

On avait dit à mes parents ”si vous voulez que votre crétin de fils ne finisse pas à la soupe populaire, il faut le mettre en terminale C, sinon le terminal c’est exactement ce qui attend votre crétin de fils si vous l’inscrivez en A, B, D, E, F, G, H, I, J, K…Z. Compris ? Rompez. ”

Moi qui savais à peine compter, qui quand on lui parlait de géométrie dans l’espace regardait le tableau avec autant d’intelligence qu’un poisson rouge à l’heure de prendre son bain de minuit, qui prenait Cosinus pour une marque de barres chocolatées, du jour au lendemain, je me suis retrouvé parmi une armée de conscrits tous dévoués au Dieu Mathématiques et Physique Associés.

Du premier jour des cours jusqu’au dernier, j’ai traversé l’année comme un fantôme écossais, si bien que lorsque, début juin, j’ai lu l’énoncé de l’épreuve de mathématiques, je me suis demandé si durant la nuit je n’avais pas déménagé dans un pays exotique à la langue encore inconnue.

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Et quand je suis allé chercher ma collante, j’avais la mine d’un violeur récidiviste à l’heure où le jury pénètre dans la cour d’assises pour délivrer son verdict : recalé, sans circonstances atténuantes, condamné à repasser l’année suivante par la case prison.

L’année d’après, je me suis exilé sur le terminal B, j’ai navigué en père peinard, et je l’ai enfin eu ce fichu bac à sable.

Avec mention assez bien.


La classe.

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