J.O Calling

Joe Strummer l’a cauchemardé, Sébastien Coe l’a fait. C’est officiel, la chanson emblématique des prochains Jeux Olympiques de Londres sera London Calling des Clash. Paroles: Joe Strummer. Musique: Mike Jones. Producteur: Guy Stevens. Année d’enregistrement: 1979. Lieu: Londres, Royaume Uni. Pochette de l’album éponyme: Paul Simonom fracassant sa basse lors d’un concert au Palladium à New York City shootée par Pennie Smith: Refrain: The Ice age is coming, the sun is zooming in/ Meltdown expected the wheat is growing thin/ Engines stop running but i have no fear/ Cause London is drowning, and I live by the river. ( L’âge de glace s’approche, le soleil s’affaise/ Fusion en vue, les récoltes sont au plus bas/ Machines à l’arrêt mais aucune peur/ Londres se noie et je vis tout prés du fleuve) ( traduction toute personnelle et donc sujette à interprétation)
L’angliciste de service qui a étudié l’intersexualité de la poésie de T.S Eliot à travers l’influence post moderniste de J.K Huysmans et d’Isodore Ducasse, pas besoin de la ramener.

Bien, bien. Donc, l’année prochaine, au beau milieu du mois d’aout, London Calling radotera en boucle sur toutes les radios de la planète, servira de bande son à la con pour des myriades de show télévisés en direct de Buckingham Palace, sera entonnée par des milliards de terriens désœuvrés, suspendus comme des morpions de lampions à leurs écrans ultra-plats achetés la veille à crédit au Carrefour de Gif sur Yvette, et pendant ces deux semaines où le monde se tiendra par la main et se dira nous sommes tous frères, le squelette de Joe Strummer continuera sa longue et inexorable décrépitude dans son cercueil enfoui six pieds sous terre.

Pas vraiment du schmock puisque John Graham Mellor alias Joe Strummer a été incinéré et ses cendres rendues à sa famille. Mais quelle idée! Moi qui était parti pour un paragraphe élégiaque de toute beauté sur la solitude du chanteur ex punk, ex rebelle, ex gaucho, ex toxico, ex alcoolo, ex prolo, ex anar, ex mescaleros, ex acteur chez Jarmusch et Kaurismäki, ex chanteur de substitution des Pogues, condamné à perpétuité à cracher son venin, cette fois bien mortel, dans son cercueil capitonné, croupissant quelque part dans un coin reculé de la campagne anglaise, papotant sous un crachin chagrin avec les fantômes de Ian Curtis et de Sid Vicious. Dommage

London Calling donc. Putain de chanson. La chanson. Une envolée rageuse crachotée au visage de Thatcher, la salope dans toute sa splendeur vénéneuse et desséchée, une chanson qui pue la fin du monde, suinte l’extinction et l’éradication de nos rêves d’enfants, empeste la chute radicale et finale dans le ravin, le basculement dans le fossé de nos espoirs défunts et résignés. Now that War is declared and battle come down/ London Calling to the Underworld. Des paroles ivres de colère désenchantée face à un monde qui fout le camp, appel désespéré à une jeunesse moribonde de se bouger le cul avant qu’il ne soit trop tard, avant l’engloutissement dans le confort d’une bourgeoisie étouffante, synonyme d’égoïsme terminal et de repli radical sur soi. Come out of the CupBoard, all you boys and girls.

Coup de pied dans la fourmilière. Hymne à la révolte, à la prise de conscience, à l’action. Il est peut-être trop tard mais il n’est pas encore trop tard. Aux funérailles des bons sentiments mièvres et niais des sixties, faites l’amour pas la guerre, paix sur la terre, respect pour la mère nature, mais non, les temps n’ont pas changé, All that phony Beatlemania has bitten the dust. London Calling. Appel de Londres. Seconde guerre mondiale. Camp de concentration. Four crématoire. Bombes, bombes, bombes. Villes rasées. Campagnes humiliées. Humanité déporté, jetée par dessus bord. Bon débarras. Mort. No future.

Rapport avec les Jeux Olympiques? Aucun. Zéro. Néant. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Chantez jeunesse du monde entier. Chantez la fin du monde en vous roulant des pelles, le visage bariolé du drapeau de sa gracieuse majesté. Célébrez la fraternité retrouvée des peuples de la terre en vous branlant avec vos Iphone aux claviers martyrisés. Enrichissez la gondole des multinationales en achetant les branloques de produits dérivés pour vos cheminées glacées. Le Clash final.

A vrai dire c’est un peu comme si pour la Coupe du Monde au Qatar, on choisissait Hava Naguilahava comme hymne officiel. Que pour les journées d’été du Medef, Laurent Parisot entonne, du haut de sa tribune, Antisocial de Trust. Ou que pour les jeux olympiques de Paris en 2128, on adoptait le Paris de Taxi Girls comme ritournelle obligée. Pas chiche, Bertrand.

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