Bonne nouvelle : les Smiths ne se reforment toujours pas

C’est le plus grand fantasme de n’importe quel organisateur de festival de musique au monde : annoncer à la planète médusée que le temps d’un concert les Smiths se reformeront.

Le festival de Coachella qui se tient courant avril, en Californie, pensait avoir décroché le pompon. Ils avaient même assuré Morrissey, bouffeur de légumes crus devant l’éternel, que durant les festivités, il ne serait procédé à aucun holocauste de viande.

Evidemment, comme d’habitude, se drapant dans sa splendeur immaculée, le Moz a dit niet. Moi vivant, les Smiths resteront ce qu’ils ont toujours été : le plus grand groupe de pop anglaise depuis les Beatles. Voir d’avant les Beatles.

Au lecteur ahuri qui se gratterait les couilles enfarinées en se disant mais c’est qui les Smiths au juste, je n’aurai qu’une seule amicale parole : dégage de cette page et va te palucher en écoutant Oasis. Les autres peuvent rester.

Pour le fan des Smiths, la possible reformation de leur groupe chéri sonnerait comme un désaveu cinglant et anéantirait à tout jamais l’admiration quasi-religieuse qu’il porte à ce groupe.

Ce serait accepter que finalement, à postériori, les Smiths étaient un groupe comme les autres. Qu’eux aussi, au final, étaient prêts à souiller leur âme juste pour amasser quelques euros de plus.

Prêts à feindre la joie de retrouvailles forcément factices qui sonneraient comme autant de renoncements aux valeurs quasi sacramentelles qui ont fondé l’essence et l’unité même du groupe : la pureté, l’intransigeance, la radicalité, le refus de tout compromis, la promesse de ne jamais tricher, de ne jamais se soumettre aux lois du marché, de tracer leur route sans jamais s’acoquiner avec l’industrie racoleuse et putassière des grands majors imposant leurs diktats à des groupes prompts à accepter tous les renoncements pour s’imposer sur la scène musicale.

Moi je suis intact et ça m’est égal écrivait Rimbaud dans une saison en enfer.

Les Smiths ne peuvent pas se reformer.

Ce serait ressenti comme un crachat lancé à la face de leur étincelante jeunesse.

Un affront à tout ce qu’ils ont pu représenter et incarner dans l’imaginaire de ceux qui continuent à les révérer comme le groupe qui aura su, mieux que quiconque, consoler leur coeur pour mieux leur dire qu’ils n’étaient pas seuls au monde : cette grâce inouïe, cette mélancolie buissonnière, cette tristesse joyeuse et soyeuse que dégageait chacune des chansons composées par Marr/Morrissey/Joyce/Rourke.

Même s’il est vrai que la plupart d’entre nous n’ont jamais vu les Smiths en live.

Et que de temps à autre, dans nos moments de faiblesse, il nous arrive  de penser que de les voir en concert ne serait-ce qu’une seule fois, ce serait comme une apothéose. Ce serait inimaginable d’intensité et d’émotion. Ce serait beau à en chialer. Ce serait comme de remonter le temps et de croire encore tous les lendemains possibles.

Sauf que non.

Une fois le concert achevé,  une fois l’euphorie des retrouvailles passées, une fois ce moment de grâce à jamais évanoui, nous nous réveillerions au petit matin blafard avec un goût amer de cendres dans la bouche.

Ce même goût atroce qui nous étreint le cœur quand après des années de poursuite assidue, la femme de nos rêves se donne enfin à nos envies pour mieux se débarrasser de nous.

Alors l’image de  cette femme devenue par principe inacessible, perchée dans des olympes dorées, s’affadirait.

Alors elle nous apparaîtrait comme soudainement laide et affreusement banale.

Et très vite nous en viendrions à regretter cette virgule de de félicité où durant une nuit brûlante nous avons cru la posséder.

Il faut continuer à rêver qu’un jour les Smiths finissent par se reformer. En priant le ciel pour que ce souhait ne soit jamais exaucé. C’est là le prix à payer pour que les Smiths restent ce qu’ils ont toujours été : le plus grand groupe du monde de la terre.

 

lire le billet

Florence Cassez, après le Mexique, le Panthéon ?

DSK a dû en pleurer de rage.

Voir cette petite effrontée de Florence Cassez être reçue en grande pompe par la patrie reconnaissante là où lui n’avait récolté que quolibets et invectives.

Contempler la République compatissante célébrer le retour de l’enfant prodigue échappé des feux de l’enfer, dérouler le tapis rouge et les flonflons de circonstance, dépêcher en toute hâte son ministre des affaires étrangères pour dire son émotion et sa joie de retrouver celle que la nation suppliciée n’en pouvait plus d’attendre.

Il n’est pas question de minimiser ici les souffrances qu’a dû endurer Florence Cassez. La ténacité et l’obstination dont elle a su faire montre durant toutes ces années de captivité. Son esprit de résistance dans la tourmente. Sa volonté farouche de ne jamais renoncer à hurler, du fond de sa cellule, son innocence. Son implacable détermination à ne jamais céder devant une justice mexicaine obtuse dans sa volonté de la décréter coupable, forcément coupable.

Et pourtant, à voir tout le barnum déployé l’autre jour à Roissy, on ne pouvait s’empêcher de se demander si d’un coup d’un seul la république racoleuse, prête à tous les renoncements pour flatter l’instinct de son peuple, ne s’était pas vautrée dans les eaux fangeuses du populisme.

Avec Fabius ressemblant au fantôme de Jacques Martin, les trémolos dans la gorge, saluant d’une voix chargée d’une émotion feinte le retour du soldat inconnu, revenu blessé mais moralement intact du champ d’horreur, rescapé des geôles ennemies, célebrant la victoire de la liberté sur la tyrannie.

La gauche avait juré que jamais, ô grand jamais elle ne se fourvoierait dans la grandiloquence granguignolesque qui avait entaché le quinquennat précédent.

Que du haut de sa vertu auto-proclamée, de sa morale triomphante, au nom des valeurs qu’elle prétendait incarner, elle tournerait la page de ces années où la république s’était paraît-il abîmée.

Où elle s’était égarée dans cette mise en scène perpétuelle de ses propres agissements, se donnant en spectacle sous l’œil goguenard des observateurs faussement effarouchés par une telle propension à s’admirer dans le miroir des illusions flatteuses.

Florence Cassez, si remarquable a t-elle été dans l’adversité, ne méritait pas de tels honneurs.

Ni vraiment coupable ni franchement innocente, elle restera comme DSK ce personnage d’une nouvelle ou d’un roman de Kafka qui tangue et oscille d’incertitude sur le balancier de la justice.

On voudrait croire à son destin de nouvelle dreyfusarde sacrifiée sur l’autel d’une démocratie mexicaine battant de l’aile et se comportant comme une principauté mafieuse, mais l’on devine confusément que la vérité est ailleurs, que tout comme dans l’affaire du Sofitel, elle nous échappera toujours.

Qu’il manquera toujours une pièce du puzzle afin que la lumière jaillisse et nous éclabousse des accents d’une vérité indiscutable.

Le même jour un sondage nous apprenait que plus que jamais les Français affichent une circonspection de plus en plus grande envers sa classe dirigeante.

On se demande bien pourquoi.

lire le billet

Le jour où j’ai reçu une lettre, une vraie

Je commençais à m’inquiéter.

Voilà déjà plus de deux semaines que j’avais envoyé à un ami un exemplaire de mon prochain roman et depuis, je n’avais toujours pas reçu le moindre mail me remerciant de cette offrande.

J’étais d’autant plus étonné et décontenancé que grâce au numéro de traçage affilié à mon envoi je savais que cette personne avait bel et bien reçu mon colis, qu’il ne s’était pas perdu dans la nature, et que par conséquent, il n’y avait aucune raison qu’il ne se soit pas fendu d’un petit mot pour me dire combien il avait été touché de recevoir mon livre.

Ce qu’il n’avait jamais manqué de faire pour mes précédents romans.

Non pas que je m’attendais à ce qu’il l’ait déjà lu et qu’il se répande en louanges circonstanciées sur la magnificence de mon style pourtant bien réelle.

C’est que cet ami, qui perd son temps de la même manière que moi, à tenter d’aligner des mots pour qu’ils puissent mériter d’être considérés comme des romans, ne parle pas un mot de français. C’est un fichu anglophone qui lors d’un séjour à Paris avait eu l’outrecuidance de refuser de manger des escargots allant même jusqu’à interdire au serveur de remplir son verre d’un vin de Bourgogne bien charpenté.

N’entretenant qu’une relation épisodique avec lui, de simples mails largement espacés dans le temps, et sachant qu’il avait atteint un âge où la mort n’envoie pas de faire-part pour prévenir de son arrivée, j’enquêtai sur Google afin de savoir si par malheur, sans que personne n’ait pensé à me mettre au courant, il n’avait pas eu la mauvaise idée de tirer en catimini sa révérence à ce monde impossible.

Google me confirma que ce n’était pas le cas. Le bougre habitait toujours cette terre.

Je commençais à recenser les possibles raisons de cette apparente cuistrerie, un accès soudain d’Alzheimer l’amenant à déclarer à l’infirmière veillant sur lui qu’il n’avait jamais entendu parler de toute sa vie de ce Stabilovitch, une fâcherie consécutive à l’intervention de la France au Mali, le souvenir d’une parole malencontreuse que j’aurais eu à son endroit et remontant à une époque reculée qui pour une raison ou une autre s’était rappelée à lui.

J’en étais là de mes réflexions quand un matin, en ouvrant ma boîte aux lettres, je trouvai une enveloppe orpheline qui grelottait de froid au fond de son sarcophage argenté.

Au premier coup d’œil, je compris que ce n’était pas une enveloppe comme les autres.

De toute évidence, elle ne venait d’aucun office gouvernemental me réclamant une substantielle somme à verser pour  rembourser mes frais médicaux.

Elle n’avait pas non plus cet aspect austère et martial d’une quelconque administration m’alertant d’un énième retard de paiement.

Pas plus qu’elle ne possédait l’ornement coloré d’une marque de téléphonie mobile me suppliant à gros caractères criards de profiter d’une offre spectaculaire qui ne se représenterait pas de sitôt.

Bref cette enveloppe lisse et blanche n’avait aucune raison de se trouver là, dans ce cercueil métallique où atterrissent d’ordinaire les courriers anonymes, les lettres impersonnelles et les publicités putassières.

En la retournant, je découvris qu’un hurluberlu avait eu l’étrange et déconcertante idée d’inscrire mon nom, non pas en ayant recours au  service d’une quelconque et usuelle imprimante, mais en se servant d’un vulgaire stylo qui avait dessiné des arabesques déclinant d’une manière parfaitement cohérente mon identité.

Je remontai inquiet et perplexe vers mon logis.

Je n’avais plus reçu ce genre de lettre depuis des temps immémoriaux. C’était tout simplement inouï. Une maîtresse récalcitrante voulait-elle me faire chanter ? Un fils oublié se manifestait-il pour réclamer une somme rondelette afin de payer sa psychanalyse, conséquence de mes années d’absence ? Une lointaine tante se rappelait-elle à mon bon souvenir et me demandait si j’acceptais de devenir le parrain de son neveu ? Une admiratrice énamourée me demandait-elle en mariage ? Dieu en personne m’écrivait-il pour me dire qu’il était temps que je me ressaisisse ?

Car enfin qui, de nos jours, vivant dans une contrée civilisée, perdrait son temps à écrire une lettre, à l’affranchir, à s’en aller dans le froid humide la glisser dans une boîte aux lettres alors que tout le monde, absolument tout le monde, possédait au moins une adresse internet, si ce n’est plusieurs, et s’en servait aussi naturellement qu’il tirait la chasse après avoir pissé ?

Hein ? Qui donc venait rompre ainsi la douce monotonie de ma paisible vie en fracassant ainsi les portes de la normalité ? Qui s’arrogeait le droit de m’interpeller de la sorte ? Un sadique ? Un fou ? Un illuminé ? Un homme des cavernes ? Un condamné à mort ? Un désespéré ? Un internaute malveillant ?

Même pas.

C’était bien sûr ma truffe d’ami anglophone qui pour une raison dont je peine à comprendre encore les réelles motivations avait décidé cette fois de me remercier de ma délicate attention en se fendant d’un mot écrit de sa propre main. Enfin pas tout à fait puisque possédant encore un sou de raison il avait quand même pris la peine de recourir aux soins d’une imprimante pour rendre sa missive lisible.

J’en fus tout chamboulé.

C’était comme si soudain j’effectuais un bon dans le passé.

Je me revoyais adolescent, attendant fébrilement la venue du facteur qui cette fois c’était certain allait m’apporter une lettre de celle que je courtisais depuis des mois et à qui la veille j’avais enfin envoyé un poème en prose brûlant de mots doux et tendres. Une lettre qui n’arrivait pas. Qui n’arriverait jamais.

Je me souvenais de cette attente fébrile, de cet espoir fol qu’elle m’eût déjà répondu et que oui, oui, oui, elle aussi se consumait d’amour pour moi, de cette atroce déception de ne découvrir dans la liasse de lettres destinée à mes parents aucune trace de la missive de ma bien-aimée, de ce désespoir soudain qui tombait sur moi, cet accablement, cette tristesse infinie avant que ne naisse dans le délabrement de mon esprit tourmenté cette certitude que demain, oui bien sûr, ce serait demain que je la recevrais cette lettre tant attendue, oui demain, dans quelques heures maintenant, je tiendrais entre mes mains cette lettre où toute en délicatesse feutrée elle me chuchoterait son amour.

Cette fois ce n’était pas une lettre d’amour mais c’était tout aussi délicieux.

C’était une lettre d’amitié. Une vraie lettre. Que j’avais dû décacheter. Que j’ai relu à satiété. Et qui parade désormais sur mon bureau.

Je compris alors combien ce monde moderne nous avait abîmé, combien malgré nous, nous avions renoncé à vivre une existence réelle, nous contentant d’évoluer dans un univers décharné et désincarné, automate imbécile d’une vie où les sentiments vrais avaient été remplacés par une guirlande de faux-semblants, simulacre d’une vie s’enfoncant dans la nuit profonde et incertaine de l’implacable modernité.

 

lire le billet

Je commente donc je suis

Et soudain, tout le monde eut un avis sur le Mali. Ce sont les avantages de notre monde moderne. On ne sait rien mais on sait tout. A peine la nouvelle de l’intervention française était-elle annoncée que déjà florissait dans la blogosphère, sur les réseaux sociaux, au beau milieu du florilège des commentaires postés sur des sites d’actualités, un fleuve tonitruant d’avis qui ne souffrait d’aucune contestation.

L’un qui hier encore confondait le Mali avec la Mauritanie applaudissait des deux mains en affirmant que vu la menace représentée par la branche armée du Rami, il fallait aller au charbon et se charger de la sale besogne sinon demain ca finirait par nous péter à la gueule.

Un autre qui la veille soutenait mordicus que le Mali se situait en Amérique du sud trouvait l’opération bien risquée vu que combattre dans le désert n’allait pas de soi, d’ailleurs on l’a bien vu en Afghanistan, les Talibans Tchoutchounes, grâce à leur connaissance intime du pays, ils ont tenu tête aux américains.

D’autant plus que les combattants djihadistes sont tous sauf des enfants de chœur et qu’au regard de la configuration du pays vachement piégeuse et de la faiblesse endémique de l’armée malienne qui rame pour former des cadres de haut-niveau, ils avaient sûrement pensé à planquer leurs armements dans des crevasses et là bonjour aux forces spéciales pour aller les déloger. Ça va être coton.

En même temps répondait l’autre, encore sous le coup de l’émotion d’avoir appris que Tombouctou existait pour de vrai et n’était en rien une ville fantasmée par des aventuriers exaltés, tu peux être sûr qu’avec l’aide des drones des américains, à mon avis, on va les repérer vite fait. Faudrait juste qu’ils le fassent avant la saison des pluies parce que sinon ça risque de mal tourner cette affaire. Attention à l’embourbement, moi je dis.

Pas faux intervenait un troisième mais faudrait pas oublier que se battre dans le désert, c’est toute une aventure. Pas franchement à notre avantage comme terrain d’opération.  Et puis, d’expérience, ce genre de conflit, tu sais toujours comment ça commence mais tu sais jamais où ça finit. Et avec ce qu’on a largué comme armes en Lybie, quelle connerie d’ailleurs quand on y pense, on aurait mieux fait d’opérer en sous-main, je peux te dire que les gars en face ils ont du répondant.

Evidemment l’immense voire la totalité de nos chers internautes qui encombrent de leurs savants commentaires les non moins savants forums de discussions n’ont jamais foutu les pieds en Afrique si ce n’est lors d’un séjour à Hammamet, où ils auront tâté de la faune locale en discutant avec Aziz, le responsable en chef du buffet à volonté.

Et que si d’aventure on leur tendait une carte du continent africain sans mentionner le nom des pays, ils seraient tout à fait capables de positionner la Côte d’Ivoire à côté de la Somalie, l’Afrique du Sud au Nord du Sénégal, et le Congo Belge à l’ouest du Zaïre.

C’est là le grand mérite d’Internet. Donner à voir au grand jour l’immensité effarante de la connerie humaine. Se rendre compte des ressources infinies de bêtise que chaque être humain possède en lui. Cette propension à vouloir donner son avis sur tout alors qu’on ne sait rien. Ce délicieux vertige de voir son commentaire apparaître au bas d’un article et par là même le légitimer puisque tout le monde peut le lire et même, consécration ultime, y répondre.

Je commente donc je suis.

Avant Internet, les cons de tout horizon se donnaient seulement en spectacle chez Janette, entre deux détartrages de gosier opérés à coup de calvas rances.

Aujourd’hui ils peuvent parader en toute décontraction dans les pages de Libé, du Figaro ou du Monde. Ce qui constitue sûrement une grande avancée pour la libération de la parole confisquée jusqu’alors par une élite hautaine et arrogante.

C’est aussi et surtout la confirmation éclatante que… ( A toi de conclure, camarade internaute, je sais que tu peux le faire)

 

lire le billet

Lance Armstrong, crime et châtiment

Convoqué chez la proviseure en chef, Madame Oprah, Lance Armstrong a tout déballé : ses mensonges, ses remords, sa honte. Oui j’ai triché. Oui je me suis dopé. Oui j’ai menti.

Et a humblement demandé pardon d’avoir trahi la confiance de millions de couillons d’américains qui pensaient encore qu’on pouvait gagner le Tour de France en baptisant son vélo avec de l’eau fraîche.

La belle affaire.

On sait depuis belle lurette qu’il n’existe pas de coureurs propres. Et c’est tant mieux. Manquerait plus que d’assister à un Tour de France avec des champions gravissant des cols à la vitesse d’un escargot asthmatique, franchissant la ligne d’arrivée bien après le journal de 20 heures, obligeant le cuistot de l’hôtel à enfiler des heures supplémentaires pour servir sa patée de pâtes au coureur extenué.

Ce sont les organisateurs de ces Tour de France qui exigent des efforts que le corps ne peut fournir qui sont les seuls responsables de ces tricheries avérées.

De véritables tartuffes d’opérette pris dans un fol engrenage médiatique où seul compte le nombre de téléspectateurs convoqués chaque après-midi devant leur poste.

De splendides faux-culs qui  tout en réclamant aux coureurs un impossible devoir d’exemplarité, n’hésitent jamais à rajouter l’ascension d’un énième col afin de reculer encore un peu plus les limites de l’impossible.

Reste à comprendre comment un homme peut arriver à vivre en se sachant être un imposteur de ses propres triomphes ?

Comment parvient-on à continuer à affirmer être irréductiblement étranger à toute accusation de dopage, s’en défendre avec fracas devant la terre entière, puis de se retrouver dans l’intimité effroyable de sa solitude, dans ce face à face terrible engagé avec soi-même où l’on ne peut plus se dérober, où au détour d’une pensée anodine, surgit l’aveu fracassant de sa propre tromperie ?

Part-on alors dans un grand rire carnassier en se délectant d’avoir pu ainsi une nouvelle fois tromper son monde ? Jouit-on de l’infinie crédulité des autres qui, transis d’admiration, continuent benoîtement à vous accorder leur confiance, leur amour, leur adoration ?

Ressemble-t-on à ces hommes qui de retour d’une escapade amoureuse avec une de leurs maîtresses jouissent une deuxième fois de voir la béate confiance que continue à afficher leur épouse cocufiée ?

Ou bien alors finit-on par chavirer dans une sorte de douce démence, une schizophrénie apaisée où se succèdent à tour de rôle les différents versants de sa personnalité, où cohabitent plusieurs moi qui se respectent les uns les autres, dans la plus parfaite des harmonies, pour ne pas mettre à mal cette identité morcelée  ?

A-t-on parfois si mal à soi que de temps à autre on rêve de pouvoir tout déballer, de confier au premier micro tendu l’étendue de ses forfaits, de dire ses impostures, de se soulager de toute cette vie de faux-semblants afin de ne plus avoir à supporter le poids de cette existence tronquée qui se fissure de partout ?

Ne finit-on pas par ressembler à ces héros malades hantant les romans de Dostoïevski qui soudain pris de convulsion subite décident brusquement de tout révéler, là, maintenant, sur-le-champ, avant de se raviser la seconde suivante, de se reprendre, de frissonner d’une peur rétrospective en songeant aux conséquences qu’une telle révélation eut engendré puis d’éclater dans de longs sanglots silencieux en appelant la mort à la rescousse pour que cesse enfin cette existence impossible, que se taisent à jamais ces tiraillements incessants qui supplicient l’âme et la plongent dans d’impossibles tourments ?

” Mais là commence une nouvelle histoire, l’histoire du renouvellement progressif d’un homme, l’histoire de sa progressive régénérescence, de son passage progressif d’un monde à l’autre, celle de son entrée dans une réalité nouvelle et jusqu’alors entièrement insoupçonnée “.

C’est ainsi que se clôt Crime et Châtiment et c’est ce que l’on souhaite qu’il advienne, par delà les possibles rancoeurs et les légitimes déceptions, à Lance Armstrong, ce champion métaphysique.

 

lire le billet

Rien à foutre de l’environnement

C’est la nouvelle jacquerie des temps modernes : la terre tu respecteras. Tu la câlineras. Tu la chouchouteras. Tu prendras bien soin d’elle afin qu’elle continue à être ce navire amiral sur lequel nous autres pauvres misérables frères humains nous voguons.

Et tu t’appliqueras à la respecter sinon gare à toi un jour ou l’autre elle prendra sa revanche et te fera basculer la tête la première dans le fossé.

Moi la terre je l’emmerde.

Amicalement, mais je l’emmerde tout de même.

Tendrement.

Et je me contrefous de savoir que mon comportement délétère aura comme conséquence que les océans se hisseront de colère, que les températures piqueront un fard, que les banquises s’évaporeront ou qu’à ce rythme-là les kangourous n’auront plus que leurs pattes pour pleurer.

Je collectionne les sacs en plastique, je glougloute dans mon bain, je ne recycle pas mes déchets ménagers, je ne trie pas mes ordures, je laisse mes lumières veiller toute la nuit, je ne retiens pas ma respiration pour économiser de l’oxygène, je roule au kérosène, je balance mes cartouches d’encre direct dans ma poubelle, mes ampoules aussi, mes piles idem.

Je suis un assassin.

J’assume.

Je me fiche complètement de savoir qu’agissant ainsi je bousille l’avenir des générations à venir. Que je maltraite Mère Nature. Que je contribue au grand délabrement des équilibres climatiques. Que je suis en train de donner un coup peut-être fatal à notre environnement qui risque de ne pas s’en remettre.

Tant mieux.

Tant pis.

Je ne me sens investi d’aucune mission. Je ne ressens aucune responsabilité quant à la possible dégradation de la planète.  A mes yeux, je ne suis ni responsable ni coupable. Et d’avance je lance un bras d’honneur posthume à mes cadets qui pleurnicheront sur l’état lamentable dans lequel je leur ai laissé leur pré carré où ils ne pourront plus s’ébrouer en toute décontraction.

Qu’ils se débrouillent. Ca les occupera.

Seul le sort de ma petite personne m’intéresse. Et considérant que selon toute probabilité je ne survivrai pas à ma mort, je ne vois pas en quoi je devrais prendre soin d’une terre que je n’habiterai plus.

Je payerai mon tribut en ce que redevenu poussière je garantirai à la vache qui viendra brouter au-dessus de ma tombe une herbe de qualité tout à fait correcte.

Je ricane quand j’entends ces grands discours alarmistes qui nous prédisent que si nous ne réagissons pas dès maintenant, nous participons à la destruction inexorable de la planète.

Grand bien lui fasse.

Qu’elle meure donc de sa belle mort.

Après moi le déluge.

Je vomis toutes ces niaiseries dégoulinantes de fadaises qui fleurissent dans les pages imbéciles du Petit Prince.

Tout ce prêchi-prêcha de mère supérieure qui ” compassione ” la terre et moralise le citoyen coupable de tous les maux.

Je préfère consoler un ami qui se remet d’un chagrin d’amour, tendre la main à un homme qui ne va pas bien, m’attendrir sur le sort d’un camarade accumulant les infortunes que de veiller à respecter l’environnement en suivant des consignes ineptes ordonnées par des tripotées d’écologistes qui se sentant investies d’une mission divine prêchent à tout-va comme des prédicateurs hallucinés détenant la vérité suprême.

Et qui s’en vont balancer leur poulet bio à la tête de leur compagne parce que cette connasse ne sait toujours pas qu’ils ne goûtent la volaille que lorsqu’elle a cuit à 218°. Pas à 211°.

Moi, je m’occupe de moi.

Que la terre fasse pareil.

 

lire le billet

De la supériorité du chat sur le chien

Le chien est le meilleur ami de l’homme. Et c’est bien normal. Vu le degré d’intelligence affiché par un brave toutou, comment ne pas comprendre combien cela peut être rassurant pour l’homme d’avoir trouvé un compagnon envers lequel il peut pour une fois afficher une indéniable supériorité intellectuelle.

Le chien est bête.

C’est un fait. Et ce n’est pas de sa faute.

A part lever la papate, redresser le museau quand on l’interpelle, ramener la baballe aux pieds de son maître, aboyer comme un dératé au moindre son inconnu de son répertoire linguistique, japper à fissurer les murs quand on le laisse seul, pisser au pied d’un arbre, un chien a l’intelligence d’une carpe farcie.

Sans oublier cette insondable tristesse que dégage son déchirant regard. Cette désespérance transie qui transpire de ses yeux mouillés de chagrin, cette supplication adressée vers son maître de ne point l’abandonner, cette attitude de renoncement, d’abdication, d’asservissement, autant de signes qui prouvent scientifiquement que si la vie ne vaut rien, le chien vaut encore moins.

Le chat lui, étincelle d’intelligence et de malice.

Le chat sait.

Les mystères de l’existence n’ont plus de secret pour lui. Il connaît de toute éternité la veulerie de l’homme, son infinie insignifiance, sa féroce médiocrité. Il nous toise de son regard perçant qui nous met à nu et semble nous dire ” mais comment fais-tu pour être aussi crétin ? Tu as pris des cours du soir ou c’est de naissance ? ”

Le chat ne répond jamais à nos attentes. Ce n’est pas son rôle. Il n’est pas de notre monde. Il lévite à des latitudes si élevées qu’il nous est par essence inaccessible. Il représente le mystère absolu, la quintessence métaphysique de nos errements existentiels, la preuve irréfutable qu’il existe d’autres mondes auquel notre intelligence rapiécée ne peut prétendre accéder.

Et quand il consent à venir nous visiter, c’est plus par commisération envers notre triste sort que par souci de trouver du réconfort. S’il se laisse caresser, c’est pour nous rassurer et nous prouver que nous ne sommes pas complètement des bons à rien. S’il feint de ronronner d’aise, c’est juste pour qu’on puisse s’attendrir sur nous-mêmes et nous dire que l’on est encore capable de dispenser un peu d’amour.

Le chien lui n’a pas de vie intérieure. Entre deux absorptions de pâtés, il se vautre dans un sommeil lourd comme une porte de prison. Et s’il claque parfois de la langue dans sa torpeur endormie c’est juste pour tenter d’attraper sans succès une mouche qui passait par là.

Le chat lui, possède un imaginaire enflammé.

A le regarder se tortiller pendant ses plages de repos, à voir ses moustaches frémir, son museau frissonner, on se doute bien qu’il n’est pas en train de se demander ce qui pourra bien faire plaisir à cette andouille qui se prend pour son maître.

Dans ses rêves toujours tourmentés, le chat redevient ce chasseur qu’il n’a jamais cessé d’être. Un vrai chasseur. Pas un prédateur de balles de tennis comme l’autre corniaud de basset mais un véritable félin usant de mille et unes malices pour s’emparer de sa proie.
Le chat à une vie intérieure si intense qu’il arrive même pleinement réveillé à se persuader que le salon où on l’a condamné à vivre n’est en fait qu’une jungle déguisée hantée de dangereux carnassiers qu’il s’en va pourchasser toutes griffes dehors.

Il suffit de voir un chat piquer un sprint soudain entre la cuisine et la salle de bain, grimper au rideau, prendre d’assaut la commode de l’entrée, se faufiler sous le lit de la chambre à coucher, repartir explorer les catacombes du placard à chaussures, pour comprendre qu’il souffre d’un mal encore plus profond que celui de Raskolnikov.

Le tout sous le regard ahuri du toutou bonnasse qui ne comprend que goutte à ses fulgurances et s’en va vers sa gamelle voir si le miracle de la multiplication des croquettes ne s’est pas opéré.

Dieu a donné aux hommes le chien pour qu’ils se sentent un peu moins seul. Le chat lui, a crée Dieu pour nous consoler de n’être que des hommes.

 

lire le billet

Messi, le voleur de ballon d’or

Et de quatre à la suite !

Ni vu et à peine connu, le nabot céleste vient encore de confisquer un ballon d’or et de le ramener dans son château en Espagne. Il est temps de réagir. A ce rythme-là, il est capable d’en posséder un jeu de quilles complet avant d’atteindre la trentaine.

Et de se demander mais Messieurs les défenseurs vous attendez quoi au juste pour lui tronçonner au moineau catalan son tibia péroné en mille morceaux ? Une autorisation papale ? Un blanc-seing d’Obama ? L’assurance d’être accueilli en héros par Hugo Chavez ou de se voir accorder l’asile politique par Bachar Al-Assad ?

Il y eut un temps pas si reculé que cela, lorsque la télévision d’état ne s’occupait de retransmettre que des rencontres de prestige, où un stoppeur débordé par la malice tout en vice d’un vilain garnement haut comme trois pommes, pouvait tout tranquillement lui cisailler la cuisse gauche sans que personne ne s’en émeuve outre-mesure. C’était les risques du métier.

Où un arrière gauche défait lamentablement par un dribble assassin et sournois décroché par un ailier virevoltant pouvait sans vergogne rattraper le coup en sodomisant à coups de crampons bien affutés le genou du misérable qui s’était aventuré à confondre son entre-jambe avec le pont des soupirs.

Où l’entraineur pouvait aboyer à sa teigne de milieu défensif  de s’occuper de Machin afin de lui proposer une amicale visite auprès du service d’urgence de l’hôpital universitaire de la ville d’à côté.

 

C’était monnaie courante.

Personne ne s’en offusquait et le défenseur trucideur s’en sortait tout juste avec une réprimande arbitrale. Et encore.

Maradona en sait quelque chose.

Sauf que désormais avec cette saloperie d’internet et toute sa flopée de mouchards collabos, You Tube, Facebook, Twitter, celui qui oserait s’aventurer à amputer par inavdertance Messi de sa jambe gauche serait un homme mort.

Mais vraiment mort.

L’arbitre n’aurait même pas eu le temps de sortir sa biscotte écarlate que la terre entière serait au courant de l’infâme attentat.

L’infortuné joueur serait à peine rentré dans le couloir menant à son vestiaire que déjà il se serait créé par le monde un million de pages Facebook réclamant sa crémation sur le champ.

Il n’aurait même pas eu le temps de déchausser ses crampons dégoulinant encore du sang de cette chochotte de Messi, que sa tête serait mise à prix, que son épouse aurait décampé avec ses moutards au fin fond de la Patagonie, que ses maîtresses auraient effacé de leurs disques durs toutes traces compromettantes, que sa lettre de licenciement serait déjà partie, que sa convocation au tribunal sportif l’attendrait sur le pare-brise de sa Ferrari, et que le conseil de sécurité de l’Onu, réuni de toute urgence, aurait voté son extradition vers le tribunal international de la Haye au motif de génocide et de crime contre l’humanité.

Il ne faut pas se leurrer.

Messi est vraiment un génie. Un génie certes coiffé par un apprenti sorti dernier de sa promotion de l’école de coiffure de Buenos Aires mais un somptueux génie tout de même.

Même si c’est entendu, vu son gabarit de koala pygmée de la pampa, il n’aura jamais l’élégance inouïe d’un Van Basten ou d’un Berkamp.

Mais s’il est génial c’est bien parce que l’internationale des défenseurs cosmopolites s’est mise d’accord pour qu’il puisse exercer son génie en père peinard.

Tout juste si désormais les lignes arrières ne lui déroulent pas le tapis rouge en lui demandant au passage si ça ne serait pas possible de leur signer un autographe pour faire plaisir à leur bambin.

Messi dans une défense adverse ressemble à un poisson rouge frétillant de la queue dans une mare remplie de piranhas anorexiques ou mis à la diète forcée qui applaudiraient de leurs deux nageoires ses exploits à répétition.

Pour que cesse enfin le règne de Messi Premier, je ne vois plus qu’une seule solution : engager un brave défenseur djihadiste, formé par les brigades des Martyrs d’Al-Aqsa, sorti tout droit major de l’école militaire de l’armée du Mollah Omar, et prêt à se sacrifier pour la plus noble des causes : l’intérêt supérieur du ballon rond.

lire le billet

Gérard van Depardiovitch

 

Décidément songeait Sagalovitsch, Gérard van Depardiovitch ne cesse de me poursuivre. C’est à croire qu’il a décidé de mettre ses pas dans les miens. Ça commence à friser le harcèlement. Ou le vol d’identité. Jusqu’où est-il donc capable d’aller ? Avec son fichu caractère, il serait à même de venir s’installer dans notre bonne ville de Vancouverevol. Peut-être même dans cet immeuble. Qui sait si en ce moment n’est-il pas en train d’emménager dans cet appartement qui vient de se libérer après le départ des Stepanovitch ?

Tout avait commencé lorsque Gérard van Depardiovitch avait décidé de quitter la France pour la Belgique, avec le vague espoir de décrocher un jour ou l’autre la nationalité belge. Or il se trouvait que, belge, Sagalovitsch l’avait été entre l’âge de sa naissance et ses dix-huit ans, son père né en Anvers, ayant toujours refusé de demander pour d’obscures raisons sa naturalisation.

Sa mère, née comtesse Moattivorvoka de la Harrisa, étant elle férocement tunisienne, ne parvenant à acquérir la nationalité française que sur le tard, Sagalovitsch fut donc, dans sa prime jeunesse, un vrai bâtard de belge et à vrai dire assez fier de l’être. Il appartenait tout de même à la même patrie que l’immense Brelovitch. Ce qui n’était pas rien.

Ceci n’aurait pas prêté à conséquence et n’aurait point alerté outre mesure Sagalovitsch, si Gérard van Depardiovitch, étudiant de près sa biographie et découvrant ses origines russes, ne s’en était allé réclamer sur-le-champ à Wladimir Poutine l’octroi d’un passeport russe.

Ca ne pouvait plus être une simple coïncidence.

Sagalovitsch avait appendu à son mur l’original d’un passeport délivré à son arrière-grand-mère qui  disait ceci : ” Par Oukase de sa majesté Nicolas II, Empereur et Autocrate de toutes les Russies prions toutes les Hautes Puissances ainsi que les officiers civils et militaires chargés de maintenir l’ordre public de laisser passer librement…etc, etc ”.

Nicolas II, Gerard van Depardiovitch!

Un empereur. Pas un plouc de président démocratiquement élu s’exclama triomphant Stabilovitch. Pas une petite frappe de judoka d’opérette mais un véritable autocrate désigné par Dieu en personne pour conduire les affaires de la Sainte Russie.

Sagalovitsch exultait. Lui était un vrai russe! Lui était un vrai belge! Et bientôt avait-il bon espoir un vrai canadien.

Mais si Gérard van Depardiovitch se mettait aussi à convoiter la nationalité canadienne, que me resterait-il comme autre alternative, pensait Sagalovitsch, que de fuir encore et de trouver un pays où jamais Depardiovitch ne puisse venir m’importuner ?

J’irai donc en Israël ricana Sagalovitsch.

Là au moins je serai sûr que Depardiovitch ne viendra pas me harceler. Avec sa tête de paysan castelroussin, il ne réussira même pas à obtenir un visa d’entrée.

Ne se doutant pas que Depardiovitch, jamais trop prudent, avait déjà pris rendez-vous avec le célèbre professeur Torretonovitch, de l’Académie de Médecine de Moscou, pour une opération visant à ratiboiser son pénis.

lire le billet

Ma vérité sur l’Affaire Joël Dicker

Mais qu’est-ce donc que ce patachon d’écrivain génevois qui, sorti des trous de gruyère de son canton vaudois, vient ravir la vedette à nos auteurs consacrés de notre littérature hexagonale ?

On aura tout vu.

Un petit blanc-bec, à peine sorti des jupons de papamaman, qui collectionne trophée sur trophée et parade insolemment en tête des ventes de livre donnant le tournis à nos écrivains du boulevard Saint-Germain qui n’en peuvent plus de se voir reprocher d’écrire des romans nombrilistes et centrés uniquement sur leurs petites personnes.

Ceci dit, après avoir lu l’ouvrage de monseigneur Dicker, je crois mieux comprendre la raison de cet engouement qui espérons-le ne sera que passager.

D’abord l’histoire est tellement complexe, les péripéties si nombreuses, les rebondissements si soudains, les changements de direction si multiples que personne, une fois le roman achevé, n’osera affirmer qu’il n’a rien compris à l’intrigue au risque de passer pour l’idiot de la librairie.

D’où cette avalanche de compliments, allant ” d’un roman époustouflant incertain jusqu’à son dernier souffle qu’il vous sera impossible de lâcher en route au risque de manquer l’intersection avec la highway 61 revisited  ” à ” un récit étourdissant de virtuosité qui prend plaisir à nous perdre pour mieux nous égarer avant de nous retourner à l’envers “.

L’éditeur prend le soin de nous alerter sur la quatrième de couverture sur le fait que  ” c’est aussi une réflexion sur l’Amérique, sur les travers de la société moderne, sur la littérature, sur la justice et sur les médias “.

Il a bien fait, ceci ne sautant pas aux yeux.

Z’êtes sûr que ce n’est pas aussi un roman sur la décadence du monde occidental après la mort de Dieu, un traité sur la mise en abyme présenté comme le reflet du tropisme de nos tourments intérieurs, une mise en perspective de la philosophie quantique revisitée par le prisme d’une pensée résolument freudienne ?

Ceci posé, si le lecteur consent à accepter que la littérature sert aussi à le divertir sans pour autant le désarçonner, s’il entrevoit la littérature comme un aimable passe-temps, s’il envisage l’acte de lire comme un acte innocent nécessitant juste une bonne paire d’yeux et un canapé confortable, alors on peut dire que le roman tient toutes ses promesses.

Qu’il ne dérange pas.

Qu’il se lit même avec un certain plaisir.

Même s’il n’a pas cette odeur de souffre du Maitre des Illusions de Donna Tartt pour rentrer dans notre panthéon personnel. Qu’il manque d’originalité et d’excentricité pour souffrir la comparaison avec Twin Peaks. Que la langue employée est bien trop simple, bien trop polie, bien trop sage, bien trop neutre, bien trop convenue, pour rivaliser avec n’importe quel bon roman américain.

Mais qu’importe !

Evidemment l’énorme raté du roman tient en le personnage de la mère du héros qui heureusement n’apparaît que fort rarement.

Déjà passons outre le fait que Dicker ait choisi comme narrateur un écrivain juif qui ressemble autant à un écrivain juif que Franck Ribery ressemble à Marco Van Basten.

Bon sang quand on choisit, pour une raison qui m’échappe totalement, hormis the référence à l’autre andouille de Philip Roth, un romancier sémite, on envoie la cavalerie lourde : la Shoah, Dieu, le psy, le sexe, le désespoir, l’angoisse, l’autodépréciation, l’autodénigrement, le complexe de supériorité, d’infériorité. Sinon à quoi bon ? On l’appele Michel Marin ou Michael Marine et on n’en parle plus.

Un juif qui pendant 667 pages ne s’interroge jamais sur sa qualité de juif s’apparente à une énorme erreur de casting.

Mais ceci ne serait rien sans la caricature de mère juive que nous sert Dicker.

Rarement ai-je lu autant d’avalanche de clichés éculés et boursouflés sur la reine de toutes les mères.

La vérité, c’est que sur ce coup-là il m’a fait de la peine le Dicker. Il est tellement à côté de la plaque que je me suis dit c’est pas possible Maurice, ce schmock il a vu les films de Woody Allen sous-titrés en vaudois ou quoi ?

Moi je serais le Crif, au nom de toutes les mères juives bafouées, je porterais plainte.

 

lire le billet