Cannes en stock

Comme chaque année, lorsque le mois de mai débarque avec sa promesse de beaux jours à venir et sa parade de décolletés alléchants, le monde merveilleux et enchanteur du cinéma plastronne à Cannes qui, pour l’occasion, ouvre grandes ses cuisses pour recevoir ces messieurs dames, et nous inflige pendant une dizaine de jours une curée sévère d’indigestion cinéphilique.

Au fond, le Festival de Cannes n’intéresse pas grand monde, hormis les professionnels de la profession.

Et le quarteron de journalistes concernés qui désertent leur rédaction parisienne pour s’offrir un quart d’heure de récréation et nous conter par le menu détail le récit de leur débauche désordonnée et de leurs exploits répétés : leurs nuits cannoises étincelantes de stupre, leurs soirées arrosées s’étirant jusqu’à l’aube, leurs baisouilles avec une attachée de presse déchaînée, leurs séances de visionnage au petit matin, leurs imparables gueules de bois.

Sans oublier leurs coups de foudre foutrement foudroyants pour un film thaïlandais d’inspiration hongkongaise où le réalisme poétique du réalisateur ensorcelé flirte avec l’irréalisme onirique des premiers courts-métrage de Jean Cocteau, tout en louchant du côté de la nouvelle vague grecque, pas la première, la seconde, celle incarnée par Rastapapoulos, le divin sorcier de l’école de Sparte qui se distingue par un parti-pris radical de la mise en abyme cinéphilique, dans une approche post-sartrienne de la déconstruction du récit.

Tout ce ballet pornographique orchestré avec maestria par Canal Plus qui investit la croisette comme d’autres fondent sur les collines afghanes  et nous propose des directs aussi intéressants que le climax d’un film porno amateur tourné dans un haras de la banlieue ouest de Damas.

Avec son lot de chroniqueurs ahuris de se retrouver sur le même plateau qu’un Tarantino surcocaïné ou qu’une star hollywoodienne assez putassière dans son comportement pour glisser quelques mots en français, recevant en retour une ovation énamourée de l’ensemble des sbires convoqués sur le plateau.

Le tout sous le regard d’une foule de péquenots de retraités azuréens qui se branlent le manche de leur cervelet à regarder en personne Monsieur Denisot recevoir en grande pompe les sommités de la pensée contemporaine.

Des actrices timides et apeurées qui vous confient que jamais auparavant elles ne s’étaient mises autant en danger mais qu’après tout c’est pour cela qu’elles font du cinéma, pour s’éprouver, pour se défier dans un duel fratricide avec la mort.

Avant de fondre en larmes réconfortée bien vite par le maître de cérémonie qui en profite pour loucher sur sa poitrine
rachitique mais prometteuse.

Des acteurs pré-pubères, en plein stress post-traumatique, encore tout secoués d’avoir avalé leur petit déjeuner juste à côté du sosie de Robert de Niro.

Des réalisateurs réputés complètement lessivés qui se demandent ce qu’ils foutent là au juste, au milieu d’une starlette de films de cul primée pour sa triple pénétration anale à la célébration des Hot d’or de la veille, d’une grande girafe d’actrice en devenir en difficulté avec son rosebud qui lui gratouille la raie des fesses, et d’une chroniqueuse mondaine survoltée venue relater comment elle a passé sa nuit, sautant ou se faisant sauter, de fêtes en sauteries, de yachts en hors-bords, de palaces prestigieux en piscines somptuaires, se prenant pour la réincarnation de Zelda Fitzgerald, la folie en moins, l’hypothalamus raboté en plus.

Sans oublier le trouffion de service en faction devant le tapis rouge qui s’écrevisse de plaisir en disant son émotion d’avoir vu à l’instant Tartempion grimper les marches aux côtés de
Tartampione, d’ailleurs tout à son avantage dans sa parure de robe dessinée par un modiste de renom, tandis que derrière lui, encastrées contre les rambardes métalliques, des vieilles mémés extatiques s’offrent des orgasmes à répétition en mitraillant le postérieur du chien de la nounou de Brad Pitt.

Ainsi va le monde merveilleux de Cannes.

Voulant désespérément ressembler à un roman de Scott Fitzgerald mais oubliant seulement que pour que tendre soit la nuit, il faut avoir lu auparavant la poésie de John Keats.

De l’école du Devonshire Oriental.

 

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Rothko et ses millions

La richesse autorise toutes les folies et légitime les comportements les plus équivoques. Ainsi la semaine dernière, un individu à la fortune sûrement insolente, a cru bon de débourser près de 80 millions de dollars pour s’offrir une toile de Rothko. Son frère jumeau l’a imité en se délestant d’une centaine de millions de dollars pour se pâmer tout à son aise devant Le Cri d’Edward Munch.

On est content pour eux. Voilà de quoi ravir leurs invités, au moment du dessert, dans une sauterie fastueuse disputée dans un de leurs modestes pieds-à-terre avec vue sur l’Arno ou de ravir la mise face une demoiselle, versée dans l’histoire de l’art, qui jusque-là hésitait encore à se donner en pâture à ce vieux grincheux de milliardaire lubrique à la queue mollassonne.

On ne discutera pas ici de la valeur supposée du tableau de Rothko. N’entendant rien à la peinture, je me garderais bien d’émettre un quelconque jugement de valeur qui par essence, vu mon ignorance crasse et totale, s’avèrerait aussitôt caduc. Certes, j’ai beau m’esquinter les yeux devant cette toile, je ne vois devant moi que des bandes de couleur superposées les unes aux autres dans une teinte marron orangé. Mais de cette morne indifférence ressentie devant la contemplation ahurie de ce tableau, j’en suis le seul responsable, partant du principe intangible que c’est moi qui suis l’infirme dans ce dialogue engagé avec cette toile. Et assurément pas l’artiste.

Certaines pièces de génie possèdent ceci de particulier qu’elles ne s’offrent pas d’emblée au tout-venant, qu’elles recèlent une force obscure et mystérieuse, déstabilisatrice en diable, qui exige de la part du spectateur une discipline, une éducation, une connaissance souvent défaillante. Si j’ai encore du mal à percer, malgré mes tentatives répétées, tous les mystères de l’Ulysse de Joyce, je ne m’en vais pas pour autant le rejeter d’un lapidaire, ” ce n’est que de la pose, un galimatias incompréhensible réservé à quelques snobs littérateurs.”

Tout au contraire, je préfère m’accuser d’être le seul coupable dans ce rendez-vous avorté et penser que c’est ma pauvre personne confite de bêtise qui ne se montre pas à la hauteur du livre. Bien souvent quand un roman d’une envergure certaine vous domine et vous écrase de toute sa folie créatrice, le lecteur hagard et déboussolé a plutôt tendance à s’en prendre au romancier qu’à soi-même. C’est humain. C’est méprisable aussi. Et mesquin.

Il est donc entendu que la toile de Rothko demeure, sans contestation possible, une œuvre magistrale et moi un crétin patenté. Je le reconnais sans aucune trace d’ironie.

Reste le problème posé par cette confiscation répétée de ces monuments de l’art contemporain ou des siècles passés. Au nom de quoi va-t-on enfermer un chef d’œuvre façonné par l’esprit humain dans le sous-sol d’une richissime bâtisse où seul le détenteur de ce tableau sera autorisé à s’ébaubir devant la beauté ô combien intrigante de cette peinture ?

Au nom du seul argent, de cet argent qui permet de soustraire au bien public une œuvre d’art qui pourtant apporterait à la masse d’individus ayant eu l’infortune d’être nés sans fortune la possibilité de s’offrir, interrompant la grisaille de leur vie sans relief, une respiration tremblante de beauté et de transcendance.

Imagine-t-on demain qu’un particulier, quelque que soit son rang, puisse demain acheter les droits d’un roman singulier, empêcher sa publication, et ne le garder qu’envers soi ?

Les collectionneurs d’art privé commettent des crimes contre l’humanité en enlevant comme de vulgaires malfrats des œuvres pionnières dont la morale exigerait qu’elles se retrouvent dans les couloirs d’un musée ouvert au public et non planquées à triple tour dans le bureau capitonné d’un capitaine d’industrie qui, allez savoir, possède le Q.I d’une grenouille écossaise et la sensibilité d’une vache oranaise.

De cette même personne qui du vivant de Van Gogh n’aurait pas hésité à le foutre à la porte en cas de loyers impayés. De ce même bourgeois ventripotent qui, sans sourciller, aurait pu laisser crever de faim un artiste tout en se moquant de ses croûtes avant que la postérité ne le consacre comme un contemporain capital.

Ainsi va le monde. La prostitution des œuvres d’art n’est que l’expression de la vulgarité qui, de nos jours, semble avoir tout recouvert.

 

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La vie de râteau

Décidément on n’en sort pas. Après s’être ingurgité des kilomètres de bavardages pré-présidentiels aussi intéressants et instructifs à parcourir que la notice d’utilisation d’une bibliothèque suédoise à démonter à l’envers, voilà venu le temps tout aussi exaltant des joutes du jour d’après.

Où l’on apprend que le nouveau président devra penser à se reloger, à acquérir une nouvelle berline, à renoncer à voyager en train, à changer de crémerie, à se commander une paire de costumes seyants à souhait, à embaucher un cireur de pompes plus efficient que l’ancien tandis que l’autre encore sur le départ se verra attribuer des avantages sonnants et trébuchants afin de repartir dans la vie réelle du bon pied.

La comédie de la passation du pouvoir, extravagante dans sa démesure protocolaire, permet de s’apercevoir que notre beau pays de France adore se comporter comme une midinette écervelée, désireuse de s’amouracher d’une monarchie à jamais recommencée où le bon peuple, cerclé de toutes part par des chinois sanguinaires et des indiens aux dents longues, réclame plus que jamais la protection d’un céleste monarque qui les console et les réconforte.

Notre nouveau régent nous avait promis une présidence normale.

Pourquoi ne pas commencer à songer à déménager de l’Élysée, vendre les bijoux de famille de la rue de Grenelle, et regrouper tous les ministères dans un immeuble sans charme d’une quelconque banlieue parisienne, avec l’ascenseur marchant en mode alternatif, la concierge jamais contente, le courrier confisqué par des petites frappes désœuvrées, l’odeur de shit dans les cages d’escalier et les parterres de fleurs moribondes postés au balcon ?

Quel besoin de s’abriter derrière les ors d’un palais présidentiel vieillissant dont le coût de fonctionnement doit avoisiner celui de la dette grecque, avec sa cohorte d’huissiers laqués dont la seul mission consiste à ouvrir la porte en temps voulu au passage de son éminence ou à lustrer la cantine des cardinaux en visite ; avec toute sa cour de conseillers courtisans se branlant le cerveau pour trouver des solutions introuvables, sans parler des gardes républicains plantés comme des étendards ahuris devant le château d’Elseneur.

Qu’on se débarrasse pour de bon de tout ce faste vulgaire et outrancier.

Que diable, on n’a pas élu Sissi l’impératrice comme chef de famille.

Alors que le pays se meure, que dans les campagnes étranglées par la famine, le peuple se désespère ne pas trouver un écran plat à se mettre sous la dent, que la jeunesse déprime à l’idée que sa retraite sera rognée et qu’il faudra trimer comme jamais pour s’acheter un pavillon à l’abandon, il serait grand temps que ces grands qui prétendent nous gouverner se mettent au diapason de nos quotidiens grisâtres où jamais le parfum de l’espérance ne nous parvient.

Après cinq années de Sarkozie, le pays n’en peut plus. Épuisé par le rythme infernal imposé par ce suppôt de Satan qui a ruiné le pays, a désespéré nos villes et nos cantons, a contribué à rendre le suicide populaire, a permis aux bandits et maraudeurs de se démultiplier et aux criminels de tout bord de s’en prendre à la masse laborieuse des travailleurs exsangues.

L’antisarkozisme primaire constituait une maladie des plus graves. De celle qu’on s’invente et qu’on alimente afin de ne pas se confronter avec la dureté insupportable de l’existence. Un point de fixation psychotique teinté d’irrationnel s’expliquant par la crainte que cette boule de nerfs, incapable de se contrôler, avait comme ambition suprême de chambouler les habitudes tranquilles d’un peuple ronronnant une existence douillette à l’ombre d’avantages dûment gagnés durant toute sa douloureuse histoire.

Il fallait la voir cette jeunesse meurtrie et bafouée paradant du côté de Solferino ou de la Bastille, hurler, la voix ensanglantée, leur soulagement de voir le Monstre enfin terrassé.

Les survivants des camps n’affichaient pas un tel soulagement.

On va pouvoir commencer à revivre, le cauchemar se termine, le soleil peut à nouveau briller.

Une page se tourne, un autre roman commence. Nous n’en sommes qu’à la préface mais on se doute déjà qu’au détour de la page 32, les choses vont commencer à se gâter. En attendant, profitez-en. Le vent mauvais va bientôt se lever.

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Centenaire

Considérant petit un que l’actualité va se goinfrer de l’élection à la présidence de l’homme pour qui j’ai hélas voté, dans un reflexe gidien, mais dont j’aurais souhaité la défaite juste parce que les trains qui arrivent à l’heure, franchement quel intérêt, hein, je vous le demande un peu, me retrouvant dans la situation exacte d’il y a quatorze ans quand cette bande de tâcherons appliqués, par un improbable concours de circonstances, a dérobé la Coupe du Monde alors qu’en toute logique j’eusse souhaité qu’elle revienne à la… Hollande, décidément on ne s’en sort pas,

et que petit deux, en ce dimanche qui n’a rien de pascal puisque c’est François le nouveau roi mage comme quoi un simple régime alimentaire suivi à la lettre vous change un homme et de grenouiller finaud vous le transforme en un prince des élégances élyséennes, je m’escrime à composer ce post, qui par le plus fabuleux des hasards, se trouve être le centième que  je rédige pour nourrir le contenu de ce blog à la noix dont l’audience selon tous les instituts de sondage réunis ne cesse de croître dans des proportions défiant l’entendement, succès que je ne m’explique pas, puisque contrairement au désormais premier des français à qui je prête allégeance, contraint et forcé, de régime aucun je n’ai entamé, ceci n’expliquant pas cela, je disais donc, que disais-je déjà, je ne sais pas, je ne sais plus, je suis perdu

et évidemment les oiseaux se sont cachés pour mourir, d’ailleurs ca meurt de quoi un oiseau au juste, de vieillesse, de fatigue, un jour en pleine traversée transatlantique, voilà que ces ailes commencent à battre de l’aile, que son cœur s’écœure à tambouriner, que sa queue s’offre des queues de poisson si bien que ce sont les poissons qui assistent à sa chute vertigineuse au-dessus des océans ressemblant dès lors à de béantes fosses communes, à des cimetières à eaux ouvertes, ou alors il se cache vraiment pour mourir, il s’en va cahin-caha dans un lieu connu seul de lui, en Amazonie ou en Patagonie,


et si, au moment où j’entame ce deuxième paragraphe, il reste encore ne serait-ce qu’un seul lecteur, je le félicite sincèrement et lui adresse mes prompts vœux de rétablissement parce que ce billet n’a ni queue ni tête mais voyez-vous je m’en moque, c’est mon centième, j’ai carte blanche a dit le rédacteur en chef, et de toutes les façons, personne ne le lira, toute l’équipe est mobilisée pour l’élection, alors sois gentil, fous-moi la paix, raconte ce que tu veux, on s’en tape, voilà c’est comme ça qu’on vous traite, il fallait que vous le sachiez,

 

bon je m’étais promis d’arriver à six cents mots, et pour l’instant, au compteur, je n’en recense que quatre cent quarante-neuf, non je rectifie puisqu’en écrivant quatre cent quarante-six j’ai rajouté quatre mots à mon total ce qui nous donne désormais six cents soixante-douze auxquels j’ajoute les quatre nouveaux que je viens de commettre si bien que désormais nous voilà rendus  à quatre cent quatre-vingt-quinze, presque cinq cents, non, mille excuses, je corrige encore puisque la barre des cinq cents vient d’être dépassée, quel phénomène étrange tout de même, sans avoir avancé d’un iota dans ma démonstration

laquelle démonstration n’a jamais commencé, mais passons, j’accumule les mots, ça s’appelle écrire pour ne rien dire, autant composter un post sur les motards en colère, j’eus au moins contenté l’un d’entre vous, mais non, de nature rebelle, je ne céderai pas, bref tout ceci pour vous dire, et ce sera là ma conclusion à cette intervention qui restera dans les annales, reste à savoir lesquelles, que j’ai resigné pour un bail et que très vite, je reviens vers vous avec un billet plein de haine et de fiel.

 

Vive La France, Vive la république et bon courage

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Vivement lundi

Sûr que Valérie et Carla n’ont pas eu à s’employer de trop cette nuit pour refuser les assauts fougueux de leurs mâles présidents. Ou alors c’est que la dope à laquelle carburent François et Nicolas appartient à une nouvelle génération de médicaments dont il me tarde de connaître la composition afin de l’expérimenter sur ma petite nature.
Et qu’on ne me vienne pas me dire, avec des mines de vierges effarouchées, que la politique n’est pas touchée pas le dopage, que chez ces gens-là, on ne mange pas de ce pain, qu’il existe un cordon sanitaire des plus imperméables qui empêche toute tentative de triche.

Tenir le crachoir trois heures durant à s’affronter dans un débat titanesque, à jongler avec des chiffres aussi mystérieux qu’invérifiables, à se vanter l’un d’un bilan l’autre d’un avenir, à se rendre coup pour coup, à batailler comme des chiffonniers prépubères sur les horaires des piscines municipales, à se balancer à la figure des statistiques connues d’eux seuls, à se perdre en conjectures sur la crise, son début, son futur, son déroulé, et ce sans interruption aucune, sans même prendre le soin de se dégourdir les gambettes ou de succomber à une furieuse envie de grimper sur la table pour administrer une baffe bien sentie à son adversaire, exige des ressources que le corps humain est  incapable de produire par lui-même.

Il est temps que la campagne se termine. Je suis sous les rotules. Je n’en peux plus. Ces trois heures de débat ont fini de m’achever.

Déjà que je commençais à vaciller avec cette cavalcade de meetings, cet enchevêtrement de réunions publiques, cette mixture de plus en plus indigeste d’émissions de télévisions radotant les mêmes sempiternelles rengaines ratiocinant les mêmes pollutions sonores, grand écart, resté lui-même, jouer son va-tout, rester lui-même, attaquer à tout va, rester lui-même.

Je me retrouve dans le même état de délabrement psychique qu’à la fin d’une Coupe du Monde lorsqu’après avoir avalé 63 matchs en mondovision à des horaires des plus incongrus, je n’ai qu’une seule hâte, que la finale s’achève, qu’on remette la coupe au vainqueur, peu importe son nom, que les gerbes de confettis descendent du ciel illuminé et que pendant une période indéterminée, on ne me parle plus de ballon rond. Ni ovale.

Lorsque la seule vue d’un stade municipal me donne des envies de djihadiste et suscite en moi des élans de compassion pour les talibans de tout bord.

Qu’on les achève. Que l’un s’installe à l’Élysée ou que l’autre prolonge son bail, je m’en contrefous. Qu’ils me laissent tranquille. Qu’ils m’ignorent. Qu’ils cessent de surgir sitôt que je m’aventure sur le net. Ou de m’envoyer leurs professions de foi. Ou de parader à la Une des quotidiens nationaux comme autant d’étendards de notre identité nationale.

Et que pour la prochaine élection, ils s’entendent pour tronçonner leurs débats. En trois, en quatre, en cinq. En douze. Ou alors que toutes les quinze minutes, ils s’interrompent pour laisser la place à des majorettes, à des suffragettes, à des maminettes.

Qu’ils nous évitent ce supplice infernal d’assister à un combat aussi inutile que bavard, aussi confus que superflu, aussi étriqué que corseté, avec ce discours formaté qui jamais ne s’autorise la moindre digression, ne dérape sur un mot d’esprit à même de détendre les neurones trop sollicités qui assistent hagards à un échange entre deux fous-furieux qui savent tout sur tout, le pourquoi du comment, le comment du pourquoi, la raison pour laquelle le port de la burqua est responsable de la fermeture des écoles en Allemagne, conséquence de notre engagement en Afghanistan afin d’éviter que la dette contractée par les usines de la troisième génération ne finissent par déclencher un tsunami nucléaire qui mettrait en péril notre modèle social. Menteur ! Non toi menteur. J’ai les chiffres. Moi aussi. Non. Si. Je le dirais à Lionel. Même pas peur.

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Sarkozyste de gauche

 

Nicolas Sarkozy ne m’est pas antipathique. Après une telle introduction d’une carnassière insolence, suis-je autorisé à continuer sur ma lancée ou vais-je être sur le champ déporté sur l’île de la Jatte pour collusion avec l’ennemi et intelligence avec la puissance occupante ?

Quand j’ai l’audace d’écrire que Nicolas Sarkozy ne m’est pas antipathique, je ne dis en rien que j’adhère à ses idées, n’étant même pas convaincu que l’homme se vante d’en posséder, ou que j’applaudis à la mise en œuvre de sa politique, même si je ne trouve rien dans ces cinq années de gouvernement des mesures qui par leur caractère outrancièrement extravagant dans une radicalisation droitière me donneraient des hauts le cœur et des hoquets de dégoûts. Non pas que je les approuve mais elles ne m’apparaissent pas comme infâmantes.

D’un autre côté, suivant les affaires nationales de loin, je puis tout à fait comprendre que je ne saisisse pas vraiment à quel point ce diable d’homme a mis la France à genoux, comment il a orchestré une politique d’une telle bassesse qu’elle déconsidère à tout jamais l’honneur de la patrie.

Mais puisque le pays s’entiche d’antizarkozisme comme d’autres versent dans l’idolâtrie béate du temple mitterrandien, je dois me tromper.

Il me faut quand même avouer que je n’ai jamais bien saisi en quoi fêter son élection au Fouquet’s consistait en un crime de lèse-majesté susceptible d’être traduit en cour martiale ou comme un ignominieux crachat adressé à la face du peuple ? Voulait-on qu’il aille se rincer le gosier Chez Yvette, dans un rade de Bagnolet, avec Raoul et Marcel comme compagnons de débauche ?

Je dois être sûrement d’une naïveté confondante mais j’ai beau chercher une explication rationnelle à ce déferlement de reproches je ne perçois pas bien la gravité de son choix. Se serait-il rendu à la Coupole ou aux Deux Magots qu’il aurait eu le droit à une telle curée ?

Pas plus, tant que j’y suis, que je comprenne qu’on pût être offusqué qu’il se soit offert quelques jours de détente à bord d’un yacht appartenant à un ami ? Voulait-on qu’il s’offre un moment de détente dans un quelconque Center Park à jouer au tennis avec des écureuils ? S’il possède dans son carnet d’adresse des amis à la fortune insolente, tant mieux pour lui. Ou tant pis. Mais en quoi ceci me regarde ?

Une nouvelle fois, afin d’éviter tout malentendu, je pense avoir toujours voté à gauche. Sauf en 2007 mais là hein je n’y suis pour rien. Avoir des convictions, c’est bien ; en faire un dogme inébranlable qui résiste au principe de réalité quand cette réalité se conjugue avec l’expression d’une pensée altérée et exaltée qu’on ne retrouve guère plus que sur le chemin de croix de la voie Dolorosa, est au-dessus de mes forces.

Reste le personnage de Nicolas Sarkozy. Celui qui vient batailler sur les plateaux de télévision. Et là je l’avoue tout net, dans cet exercice ou tant d’autres se contentent d’assurer le service minimum et développent des arguties étriquées et confondantes de conformisme enatiques, je le trouve toujours percutant. Voire séduisant.

Oui je sais bien qu’il maltraite la langue de Katherine Pancol, qu’il rosse le subjonctif passé, qu’il snobe le participe passé du futur antérieur du verbe sustenter mais ces distorsions langagières ne me heurtent pas. Je préfère un homme qui s’exprime avec une réelle vivacité où je perçois une intelligence en mouvement que le maniement irréprochable d’une langue rigide et sèche comme une catéchèse papale.

Sagalovitsch ? Oui votre Honneur ? Pour collusion avec Satan et apologie de crimes contre l’humanité, je vous condamne à 125 ans de travaux forcés.

 

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Libération-ci, Figaro-là

Évidemment on a encore tous en nous quelque chose de Libé. Mais de moins en moins. Voire plus du tout. Comme dans un couple que l’usure du temps abîme voilà venu l’avènement de ces jours sombres où l’autre apparaît dans sa criante et tragique laideur et agit comme un repoussoir au point d’en arriver à songer au divorce.

Tout à coup, sans savoir si ce sont nos capacités mentales qui se sont effritées ou celle de ses rédacteurs, les jeux de mots dans les titres que l’on trouvait hier encore savoureux et subtils nous apparaissent aujourd’hui comme lourds et tronqués.

Les éditoriaux cinglants et inspirés et surtout si précieusement épars de Serge July ont disparu laissant place à des fadettes de commentaires aseptisés et convenus qui tiennent plus de la roucoulade de perroquet piaffeur que de la répartie saillante et pertinente.

Depuis quelques temps maintenant, Libé s’est transformé en un fanzine d’adolescents boutonneux crânant dans la cour de récréation avec ses unes à répétition qui tiennent plus de l’épate futile que du devoir d’information.

Voir s’afficher la tête de Pierre Bourdieu en devanture du journal peut certes être considéré comme un acte courageux visant à relever le niveau des masses abruties mais on ne peut s’empêcher de penser à la tête enfarinée du voyageur de commerce qui dans sa gare de R.E.R parcourant à l’aube falote la Une des quotidiens nationaux reste confondu de confusion devant la figure de commandeur du sociologue.

Et puis, il y a eu cet épisode des primaires socialistes où à chaque entretien réalisé avec l’un des prétendants concourant à la victoire finale, dans les photos prises sur le vif du candidat arpentant l’air concerné et pénétré les coursives du journal, immanquablement, comme un intrépide zelig fellinien, s’immiscait la tête du rédacteur en chef qu’on imaginait rosissant de plaisir à apparaître ainsi aux cotés de la vedette d’un jour.

Avant que ne survienne le temps des élections où d’un coup d’un seul Libé est devenu la Pravda du parti socialiste, la voix fidèle de son maître, le porte-parole méticuleux de ses idées, l’incantateur vociférateur des propositions du candidat, la caisse enregistreuse de ses actes et dires.

Et d’éprouver, même si on partage en partie les mêmes sympathies revendiquées de la tête pensante du journal, comme une certaine gêne devant une telle surreprésentation.

Comme un repas de famille où ce serait toujours le même radoteur de cousin, auréolé par ses succès à répétition dans ses diverses entreprises, qui tiendrait le crachoir tout au long du repas et que toute l’assistance couverait du regard en se disant, “comme il parle bien, comme il est intelligent, comme j’ai la chance d’appartenir à la même lignée.”

Parce qu’un journal qui ne prend même plus la peine de critiquer, de mettre en perspective les défauts et les qualités d’un potentiel futur président de la république, qui ne s’astreint pas à un nécessaire travail de remise en cause, ce n’est plus vraiment un journal, c’est juste un tract borné lancé à la tête de lecteurs et d’électeurs qui ne parvient à convaincre que les convaincus.

Un peu comme si à chaque nouveau numéro des Inrockuptibles, ancienne formule, on aurait eu droit à un entretien avec Morrissey.

A chaque édition du Magazine Littéraire ou de la Quinzaine Littéraire un dossier sur Virginia Woolf.

A chaque nouvelle parution de So Foot, un dossier sur le foot guatémaltèque.

Ca lasse.

Le pire c’est que la maladie se répand. Voilà que maintenant l’Équipe nous balance en Une le visage des deux trublions à l’élection présidentielle.

Serge (July, hein, pas Reggiani) reviens vite, les enfants sont en train de mettre le feu à la baraque !

 

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Français de couche

Jusqu’à quand va-t-on exonérer de leurs funestes responsabilités ces clochards d’électeurs qui en toute conscience déposent dans les urnes des ballots de votes appelant au secours la marine nationale pour soulager leur peine et consoler leur rage de vivre dans un pays qui ne les respecte plus ?

Déjà entend-on d’un peu partout les doctes exégètes de la chose politique, élus, journalistes, éditorialistes de tout bord, nous expliquer à coups de raisonnement boîteux que ces gens-là ne sont d’aucune manière des racistes primaires ou des nationalistes enragés. Du tout. Qu’il faut comprendre que ce sont avant tout des gens qui souffrent. Qui ont mal à être eux.

Des braves gens somme toute, égarés dans un monde qui les dépasse, tétanisés d’angoisse confuse, confrontés à des enjeux débordant la frontière de leur intelligence vérolée, et qui, éperdus de désespoir ombrageux, lancent des appels au secours, en hurlant au loup leur besoin d’être entendus et secourus.

Appels que personne ne consent à entendre si ce n’est la sylphide égérie de la résistance nationale qui seule parmi toutes ose se dresser sur les remparts de la ligne Maginot pour
défendre la patrie en danger.

Des pauvres. Des précaires. Des délaissés. Victimes, victimisés, victimaires. Méprisés, meprisants, méprisables.

Qui en fait, au plus profond d’eux-mêmes, ruissellent d’amour pour leur prochain. Qui, si l’on regarde de près, sont pétris de valeur d’humanisme et donneraient volontiers leur chemise pour défendre la veuve et l’orphelin. Enfin seulement s’ils ont de naissance entachée d’aucune souillure venue de l’autre rive de la Méditerranée. De gentils toutous aux canines inoffensives qui réclament juste leurs doses de caresses et leurs rations de Canigou.

Et qui se fiancent bien malgré eux avec le mouvement national. Parce que tous les autres, hein, ils ne nous comprennent pas, ils ne savent pas la difficulté de vivre dans des contrées reculées où le boulanger s’appelle désormais Mohamed, où l’on enseigne à nos enfants non plus la glorieuse histoire de France mais celle de l’Arabie et de la Mésopotamie, où partout croissent et se multiplient comme des moutons priapiques des musulmans sanguinaires qui en silence, dans l’arrière-cour de leurs abattoirs putrides, affûtent leurs couteaux pour demain mieux égorger nos filles et nos compagnes.

La France, ça s’apprend. Ça se respecte. Ça se mérite. La France, c’est du lourd. Du double millénaire. Des traditions ancestrales qui puisent leurs racines dans un christianisme de bon aloi.

La France est chrétienne et elle n’est pas à vendre. Surtout pas à des hordes barbares qui n’ont de français que leur carte vitale dérobée à des gens sans ressources.

Les français de souche, les français du terroir, les français de nos campagnes arriérées et de nos pastorales bourgardes n’ont pas besoin d’être écoutés.

Ils ont juste besoin de se voir administrer une bonne claque en pleine figure afin de les ramener à la réalité de ce qu’ils sont en train de devenir : des êtres rances, envieux, moisis, dégoulinants de stupidité et de haine, des hommes et des femmes qui, au lieu de se remettre en question et de s’interroger sur les raisons de leur affliction, fuient toute confrontation avec eux-mêmes et désignent d’emblée l’autre, toujours l’autre, le  juif, l’arabe, le parisien, les gens d’en-haut, d’en-bas, du milieu, les notables, les puissants, les édiles, les élites, les médias comme responsables de leur propre malheur.

Jamais eux-mêmes.

Il serait grand temps que les politiques cessent enfin d’avoir pour eux des égards de jeune pucelle et des regards de biches attendries.

Qu’ils osent se permettre de leur rappeller où ce genre de comportement a déjà mené. Dans les bas-fonds de l’Histoire où gisent les cadavres des gens suppliciés au seul motif  qu’ils étaient ce qu’ils étaient.

Les gens qui souffrent de trop se soignent ou se suicident.

Tout ceci hélas demande du courage.

On comprendra dès lors que la partie est loin d’être gagnée.

 

 

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Les chèvres de Mister Ancelotti

La version mille et une nuits du PSG est en train de prendre l’eau au point que la formation parisienne s’apprête à délaisser le mirifique et tant convoité titre de champion de l’hexagone à des petits maquisards montpelliérains bravaches comme des soldats napoléoniens à la bataille d’Austerlitz.

Et les journalistes cocardiers, désemparés et déboussolés devant cette scandaleuse déconvenue, de s’en prendre à la victime toute désignée en la personne de Carlos Ancelotti, ce malotru d’italien fanfaron au palmarès famélique, l’homme coupable de changer de tactique trois fois par matchs, de permuter ses joueurs comme d’autres changent de maîtresses, de prendre un malin plaisir à effectuer des remplacements semblant défier toute logique, de proposer des schémas tactiques jamais encore aperçus sur les vertes pelouses de nos belles provinces françaises.

Les joueurs évoluent hagards sur le pré, et profitent du moindre arrêt de jeu pour s’interpeller l’un l’autre afin de s’assurer d’avoir bien compris les dernières consignes du Mister.

La plupart du temps, ahuris de stupéfaction muette, ils demeurent les bras ballants, se grattent les couilles de dépit, lancent des regards de biche apeurée à leur entraîneur qui leur renvoie un regard courroucé, celui du professeur exaspéré qui a bien du mal à admettre que ses élèves ne parviennent même pas à comprendre les bases élémentaires de la discipline enseignée.

C’est pourtant le cas.

Carlos Ancelotti se retrouve dans la position inconfortable d’un émérite professeur d’un prestigieux lycée parisien qui du jour au lendemain se voit soudain propulsé au beau milieu du chahut d’un bahut situé en zone défavorisée.

Avec son cortège de problèmes afférents : des infrastructures déplorables, des collègues de travail dépassés et démoralisés, des élèves pas au niveau qui ont accumulé au fil des ans de telles lacunes qu’elles empêchent toute compréhension d’un discours élaboré, une anorexie intellectuelle qui vire souvent à la paralysie mentale, une incapacité psychique à assimiler les rudiments d’un enseignement scholastique où la religion et la primauté de l’aspect tactique l’emporte sur le souci  affirmé de l’engagement physique à tout crin.

Ancelotti a du souci à se faire.

Lui qui est passé entre les mains d’Arrigo Sacchi, le sorcier milanais, adepte de séances d’entraînement sans ballon, se heurte à des joueurs dont l’entendement se limite à quelques notions de base apprises lors de leur passage dans des centres de formation où on leur enseigne plus volontiers le maniement des haltères et des barres parallèles que la subtilité et la nécessité du replacement en zone défensive.

Le football est aussi et surtout une affaire de culture et de transmission.

Le Barça s’inspire de la devise prophétique de Saint-Johan Cruyff  qui exige que “ce ne sont pas aux joueurs de courir mais à la balle.”

Les Italiens se sont toujours montrés soucieux et obsédés de réduire au maximum les espaces afin d’éviter que l’adversaire développe son jeu à sa guise.

Les Français, eux, galopent comme des poulets à la tête guillotinée, jouent à la va-comme-je-te-pousse, et développent des méningites aigües dès lors qu’on leur demande de changer de schéma de jeu considérant qu’ils ignoraient déjà qu’ils en appliquaient un.

Ancelotti se pensait propulsé à la tête d’une équipe prestigieuse.

Il découvre horrifié que ses poulains n’entendent rien à ses discours savants, qu’ils font mine durant la semaine d’avoir bien saisi la teneur des augustes leçons divulguées par le Mister mais qui le dimanche arrivé doivent utiliser des antisèches accolées aux manches de leurs maillots pour appliquer les consignes maintes fois ressassées de leur prestigieux coach.

Du coup, pour cet été, Carlos a commandé à l’Émir la collection complète des Passeports, ces précieux devoirs de vacances pour les élèves en grande difficulté.

Oui avec des images.

Et en version audio.

 

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L’homme qui lit à l’oreille du peuple

Je ne sais si le camarade Jean-Luc a des chiffres mais je sais au moins qu’il a des lettres. Et de belles lettres. Sans juger d’aucune façon de la teneur de ses propos, de la pertinence de ses propositions, de la probité de ses intentions, étant forcé à un nécessaire devoir de réserve, je me dois cependant d’avouer que son maniement de la langue française flatte la molasse de carcasse d’écrivain à la noix qui sommeille en moi tout juste susceptible de se réveiller quelques semaines par décennie pour pondre des romans plus ou moins approximatifs.

Ah c’est que cet homme, contrairement à tous les autres candidats sélectionnés pour la course à l’échalote pestilentielle ou présidentielle, c’est selon, à commencer par l’ancien valet de chambre de Ségolène, a lu.

Ca se sent. Ca se renifle. Ca se hume.

Ahuri, je l’ai entendu commencer des phrases par de fracassants et tonitruants “d’aucuns”.

Interloqué, je l’ai écouté recourir à des adverbes juteux et délicieusement désuets comme un “nonobstant ” fleurant bon la compagnie proustienne.

Ébaubi, je l’ai surpris à entonner des phrases amples et aériennes, à la structure quasi faulknérienne, pouvant s’enorgueillir de posséder dans le même élan fougueux un sujet, un verbe, un complément d’objet direct, un complément circonstanciel de lieu, de temps, de manière, là où tant d’autres se contentent d’annonces rédigées en un style si aride qu’il rendrait mélancolique et suicidaire un poteau télégraphique.

Une langue fleurie, articulée, poétique qui s’en va ruisselante de verbes évocateurs chanter l’homme nouveau, savoureuse d’adjectifs flamboyant parler au cœur des hommes bafoués au quotidien dans leur dignité d’êtres humains, élégante d’adverbes puissants s’adressant à la conscience humaine des gens de bonne volonté que le temps a fini par rendre amers et désillusionnés.

Il n’est pas question ici de juger du bien-fondé des discours du camarade Jean-Luc. Je laisse ce soin à d’autres beaucoup plus avisés dans les affaires publiques que mon crétin de cerveau, ramolli par des heures d’onanisme footballistique, à des experts certifiés versés dans l’étude de l’épineux problème de la dette souveraine à laquelle je n’entends rien, ne veux rien entendre, ma vie étant déjà assez compliquée comme cela… tout en demeurant assez lucide pour réaliser que les propositions du camarade Jean Luc aussi pittoresques et parlantes soient-elles se heurteraient de plein fouet à la réalité inflexible du monde moderne.

 

Il s’agit d’autre chose. De cette simple appétence pour la langue française. De ce goût affirmé pour des phrases qui prennent le temps de se dévoiler, de s’effeuiller, de se découvrir, de ces phrases qui ne claquent pas toutes comme des slogans publicitaires dont on s’aperçoit après-coup qu’elles sont vides et creuses comme des urinoirs désaffectés, de ces réparties saillantes qui énoncent peut-être parfois des vérités naïves ou des propos transis d’un romantisme daté mais dont on ne peut nier ni la sincérité ni l’allant ni la force de conviction aussi éphémère cette force soit-elle.

Avec cet accent rocailleux, gaullien, railleur, le camarade Jean-Luc ressuscite la langue de la France éternelle, cette langue vernaculaire qui, de Rousseau à Michelet, de Zola à Katherine Pancol, a toujours su incarner avec superbe l’âme d’un peuple fougueux et indomptable qui n’attend qu’une étincelle pour continuer à écrire en lettres de sang son grand roman national.

 

 

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