Le bonheur d’un mondial sans juif

 

Depuis que je regarde le Mondial, j’ai honte d’être juif.

Alors que d’habitude nous n’avons pas notre pareil pour nous retrouver sous les feux de la rampe, éblouissant de notre génie intemporel les diverses activités du champ humain, récoltant ici et là mille et unes gratifications prouvant la fulgurance de notre pensée, là, depuis le début des rencontres, nous n’existons plus.

J’ai eu beau décortiquer le pédigrée des 736 joueurs convoqués pour cette compétition, tâter de leurs arbres généalogiques, traquer le moindre indice d’une possible ascendance juive, interroger la structure de leurs visages, scruter leurs morphologies nasales, étudier leurs bulletins scolaires, consulter leurs professions de foi, nulle part je n’ai trouvé la trace d’un joueur portant son judaïsme en crampons.

Grace à Google, j’ai quand même fini par en débusquer un : Kyle Beckerman, milieu de terrain dans l’Equipe américaine.

C’est peu.

En pourcentage, on obtient donc 0.00135689565 et des poussières de présence juive au Mondial brésilien.

Un chiffre qu’on pourrait éventuellement doubler, considérant que Mario Balotteli, le fantasque et déconcertant avant-centre de la Squadra Azzura, a été adopté par une famille juive mais j’ignore si le rabbin serait d’accord, la Torah à ce sujet – j’entends l’adoption de footballeurs – restant, pour une raison mystérieuse, des plus élusives.

Quelle déconfiture.

Je ne m’en remets pas.

La faute bien évidement à ces satanées et obtuses et castratrices mères juives qui, à chaque fois qu’un de ses enfants émet la simple hypothèse d’abandonner ses études afin de se consacrer pleinement à une activité sportive, menacent soit de se défénestrer, soit de le déshériter, soit les deux à la fois.

Combien de carrières prometteuses ont été ainsi brisées dans l’œuf, à commencer par la mienne qui pourtant s’annonçait sous des auspices plus que favorables.

Le jour où j’ai annoncé à ma mère que j’ambitionnais très sérieusement de devenir le nouveau Rocheteau, que je me sentais plus disposé à fréquenter des vestiaires que des cabinets d’expert-comptables, elle m’a pris par les cheveux et m’a dit textuellement :

” Mon fils, si tu me fais un coup pareil à moi ta propre mère qui t’a engendré dans la douleur et la souffrance, moi qui t’ai tout sacrifié pour t’élever, absolument tout, moi qui t’aime comme la prunelle de mes yeux, ce four (oui on était dans la cuisine lorsque j’ai suggéré de me métamorphoser en Rochetalovisch), tu sais quoi, je l’allume, je règle le thermostat au maximum, je me glisse dedans, je referme la porte et je me laisse fondre “.

C’est ça que tu veux ?

Non maman.

Du terrorisme émotionnel capable de défootballiser n’importe quel gamin ayant eu le malheur d’être né dans une fratrie juive, de l’obliger à échanger sa paire de crampons contre la collection complète du code des impôts, de renoncer à gambader sur des pelouses verdoyantes pour mieux moisir d’ennui dans des prétoires confinés à défendre le gendre de Madame Boutboul, d’abandonner ses rêves d’entendre son nom scandé par une foule en délire pour le plaisir de revitaliser les dents en perdition de Monsieur Abecassis.

Avec comme résultat, un seul malheureux footballeur juif présent au Mondial.

Toutefois, comme toujours dans l’histoire juive, même à ses heures les plus sombres, il demeure une lueur d’espoir.

Le brillantissime entraîneur de la Colombie, José Pekerman, ancien international argentin, se trouve être le fils de parents juifs venus tout droit d’Ukraine.

A dire vrai, j’aurais dû m’en douter.

Il suffit de voir évoluer l’équipe colombienne pour comprendre son essence profondément juive : sa roublardise, sa capacité à transformer du plomb en or, sa façon de monopoliser le ballon comme d’autres phagocytent les banques mondiales, son âpreté au gain, sa manière de constamment venir se plaindre à l’arbitre de fautes qui n’ont jamais été perpétrées, cette inclinaison à se victimiser sans cesse pendant 90 minutes, ce penchant à manipuler les règles du jeu afin qu’elles abondent dans leur sens, sa sournoiserie à œuvrer toujours dans l’ombre de leurs adversaires.

 

Pourvu seulement que la Colombie ne remporte pas la Coupe du monde, sinon on va encore dire que…

 

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Le Mondial, ma femme et moi

 

Tous les quatre ans c’est la même histoire qui recommence.

Quand survient le Mondial, Madame se surprend à avoir des engouements footballistiques.

Elle qui jusqu’alors boudait avec une obstination rare la retransmission de matchs dont je me gavais avec ostentation, qui considérait ma passion pour le ballon rond comme une déviance plus que suspecte, comme l’expression d’un dérèglement cérébral avéré, là voilà encline à réviser ses jugements sitôt le Mondial entonnant de nouveau sa petite musique de chambre.

Pour une raison qui m’échappe, le folklore, la communion des supporters, l’internationale du bonheur, le sourire de Sepp Blatter, l’organisation de cette compétition provoque chez elle des débordements d’enthousiasme qu’elle réservait jusqu’alors au visionnage des photos du dernier moutard engendré par sa meilleure camarade de promotion.

Evidemment comme elle a tout oublié des règles pendant ces quatre longues années où sa passion aura hiberné sous des couches d’ignorance, il me faut reprendre à zéro son éducation footballistique qui souffre de lacunes si béantes qu’elle nécessite de ma part un considérable effort intellectuel afin d’expliciter d’une manière aussi simple et pédagogique que possible les retorses lois du roi des sports.

Le nombre de joueurs par équipe, la durée d’une rencontre, la définition exacte d’un coup franc direct, la différence entre un carton jaune et rouge, le champ d’intervention de l’arbitre, la raison de l’existence du point de corner, le pourquoi du sifflement d’un penalty, l’explication relative à la nécessité ou pas d’effectuer un changement, les règles du calcul du goal-average, l’intérêt de porter des protège-tibias, le nom du coiffeur de l’entraîneur.

Explications qu’il faudra répéter match après match, d’une manière quasi continue, dans le même infini ressassement qui finira toutefois toujours par achopper sur la délicate question du hors-jeu, échec patent qui se traduira pas l’exclamation forcenée et répétée de ” mais c’est pas possible il y avait hors-jeu là ” au moment d’une passe en retrait du défenseur à son gardien.

Des couples se sont déjà délités sur la question du hors-jeu de position.

D’autres ont fini par divorcer.

Certains se sont écharpés au point d’en venir aux poings.

C’est le moment que je redoute le plus lorsque le jeu s’interrompt suite au lever du drapeau du juge de touche.

Son regard alors qu’elle m’adresse, ce regard plein de perplexité inquiète, d’étonnement scandalisé, de remontrance outrée, de soif d’explication que je tâche de lui fournir mais d’une manière si abrupte que sa confusion va  s’agrandissant avant de se transformer en une colère froide qu’elle retourne contre le chat qui s’en mange une avant de valdinguer du canapé.

Mais aussi ses glapissements quand un tir pourtant anodin, destiné à décoiffer un abruti de supporter posté derrière les buts, appelle chez elle une excitation qu’elle ne sait contenir, certaine d’assister à un évènement d’une portée universelle.

Ces petits couinements à répétition servis tout au long de la rencontre à propos de faits de jeux discutables qui m’amènent à me demander si en cas de meurtre perpétré à la hache suivi d’une trépanation opérée à la scie sauteuse,  je pourrais attendrir un jury populaire en plaidant la torture mentale comme circonstance atténuante.

Ces exclamations extatiques sur l’arrière-train d’un avant-centre colombien, ses évanouissements devant l’exposition des pectoraux d’un milieu portugais, ses feulements face aux cuisses d’un ailier nigérian, ses soupirs d’épouvante quand un joueur interprète le rôle du malade imaginaire en éructant de douleur feinte.

 

Ces remarques parfois pleines de bon sens qui me laissent interdit de surprise et m’amènent à me demander si en douce elle n’aurait pas ajouté la lecture du site de l’Equipe à ses favoris.

Ses encouragements à des équipes en bois au seul motif qu’ils portent beau leurs nouveaux maillots.

Son obstination à supporter des formations pratiquant un jeu contraire à ma conception du football où l’élégance du beau geste, la fluidité entre les lignes, la grâce d’une passe exécutée dans le dos des défenseurs, priment sur tout autre considération.

 

Encore deux semaines à tenir.

 

Pas gagné.

 

P.S :  Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

 

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Lire en version originale c’est pas de la Tartt

 

Comme vous aviez bien aimé ses précédents romans même si vous n’en avez gardé aucun souvenir, quand vous apprenez que Donna Tartt publie un nouveau livre, vous tournicotez autour de la possibilité de le lire, quand bien même, vous-même plongé dans l’écriture de votre œuvre immortelle, vous rechignez d’habitude à lire des œuvres par trop contemporaines.

Juste question d’hygiène mentale.

Comme vous vivez dans une ville étrangère, vous ne trouvez évidemment nulle part le roman dans sa version traduite.

Aussi, comme vous n’avez guère envie de débourser ce qui vous reste d’économies, préférant à la place offrir à votre chat un nouveau grattoir, en demandant à une amazone de venir vous le livrer à domicile, le livre, pas le grattoir, vous finissez par l’acheter dans sa version originale malgré son titre, The Goldfinch qui, considérant votre niveau d’anglais des plus chaotiques, vous évoque plus le titre d’un film de James Bond que le nom d’un oisillon.

Lequel nom, une fois que vous apprendrez sa signification en français, le “chardonneret”, vous laissera également perplexe, vos connaissances ornithologiques étant tout aussi sommaires que vos compétences en verbes irréguliers déclinés dans la langue de Morrissey.

Qu’importe.

Le roman comporte plus de 700 pages et cela vous convient bien : vous avez toujours aimé souffrir, relever les défis les plus ardus, vous lancer dans des entreprises vouées dès le départ à l’échec, vous éprouver afin de vous convaincre que décidément vous n’accomplissez jamais rien comme les autres.

Que pour résumé, vous êtes de toute éternité un petit con snobinard, imbu de vous-même, égotiste à souhait, un branleur de pseudo-intellectuel assez épris de sa personne pour livrer à intervalle régulier vos réflexions dans un blog que personne ne lit, pas même votre chat.

Vous prévenez votre compagne d’annuler tous les repas auxquels vous n’étiez pas même convié vu qu’à partir de maintenant et jusqu’à nouvel ordre, vous passerez vos soirées en tête-à-tête avec Donna.

Etrangement, vous n’éprouvez pas de réelle difficulté à vous immerger dans l’univers du roman, quand bien même il vous faudra quelques pages supplémentaires afin que vous parveniez à comprendre que le héros a effectivement embarqué avec lui le tableau qui donne le titre au roman.

Ce qui de prime abord vous avait échappé.

Sûrement un moment d’inattention ou alors l’irruption soudaine de votre chat qui, ivre de croquettes et de soleil, pensant que l’oiseau présent sur la couverture se mettait à sautiller pour de vrai, aura perpétré un vol plané rebord de la fenêtre-couverture du livre avec comme conséquence un triple salto arrière effectué par Donna et ses amis.

Mais hormis ce petit incident, votre lecture va bon train.

Evidemment, vous ne comprenez pas tous les mots, loin s’en faut.

Sitôt que les dialogues s’évanouissent, que les descriptions s’allongent, que la langue fourmille d’adjectifs subtils, ruisselle d’adverbes précieux, s’orne de locutions savantes, votre cerveau à l’arrêt émet des signaux de détresse mais vous avez décidé une fois pour toutes de ne pas en tenir compte.

Tout comme vous refusez de vous servir d’un dictionnaire.

D’expérience vous savez que ce serait vous saborder.

Consulter un dictionnaire à chaque expression non comprise par votre imbécile de cervelet vous amènerait à interrompre votre lecture d’une manière si répétée que vous finiriez par vous fiancer avec votre Harrap’s en une étreinte si furieuse qu’à l’heure actuelle vous seriez entrain de publier vos bans de mariage.

Vous savez que c’est sans importance.

Vous pouvez ainsi comprendre, à titre d’exemple, que l’auteur vous entretient d’un ciel frondeur, d’un orage grondant au loin, même si vous seriez bien en peine de déterminer l’exacte couleur des nuages décrite avec le plus grand soin par l’auteur, grise, grisâtre, grisonnante, cendrée, allez savoir, mais à partir du moment où vous avez saisi qu’il va bientôt pleuvoir et non pas que le héros s’apprête à aller skier, l’essentiel est acquis.

 

Et c’est ainsi qu’un beau jour, heureux comme Saga qui aurait fait un beau voyage, vous arrivez au terme du roman.

Vous vous congratulez, vous vous adressez des louanges, vous finissez par pardonner votre chat voltigeur, et quand on vous demande, ” au fait il est comment le dernier roman de Donna Tartt ? “, vous répondez d’un hautain, ” je l’ai lu en anglais, la langue est tout à fait remarquable”.

Et vous changez vite de sujet de discussion.

C’est plus prudent.

 

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On se calme !

 

Et voilà.

Deux victoires d’affilée contre des équipes fantoches et c’est la France toute entière qui sombre dans une euphorie qui ressemble à celle d’un malade venant d’apprendre que son cancer prétendu incurable n’est plus qu’un mauvais souvenir.

Se voyant déjà reprendre le chemin des écoliers et redevenir celui qu’il était avant la découverte de sa maladie.

Oubliant qu’il se trouve seulement en rémission.

Plus que jamais, il faut savoir raison garder.

Certes, ayant été habitué à côtoyer ces dernières années une Equipe de France éblouissante dans sa constante médiocrité, on ne peut que se féliciter de la voir aujourd’hui gambader sur les pelouses brésiliennes avec l’allant d’un jeune premier, en redécouvrant le plaisir de jouer ensemble et la joie de triompher de ses adversaires.

Même si les prétendus adversaires se comportent plus comme des complices de leurs propres déchéances que comme de réels compétiteurs.

A regarder hier soir évoluer l’équipe helvétique, surtout son assise défensive, on ne pouvait s’empêcher de se demander si certains joueurs n’avaient pas reçu dans la nuit la visite de quelques parieurs asiatiques désireux de s’enrichir à moindre frais.

Un gardien qui déclare une semaine porte ouverte de ses buts avec petits four et rafraîchissement offerts, un défenseur assez inspiré pour commettre une faute aussi utile et pertinente à accomplir qu’une parole présidentielle proposant à Léonarda de revenir seule, un autre qui sur un retour défensif arrive à se convaincre de ne point tendre la jambe afin de ne pas venir déranger le ballon dans sa ballade des gens heureux, un troisième réussissant l’exploit assez rare de jouer au Mime Marceau dans sa propre surface de réparation.

Il n’est pas question de bouder ici son plaisir de voir une Equipe de France toute à sa joie, et à la nôtre, de redécouvrir que jouer au football ne s’apparente pas forcément à accomplir des travaux forcés dans la carrière d’un pénitencier de haute sécurité le tout sous un soleil de cagnard.

Qu’une fois qu’on a réalisé que son coéquipier n’est pas forcément son meilleur ennemi, on peut même éprouver quelque plaisir à communier ensemble dans la pratique d’une discipline susceptible de provoquer des joies qui d’habitude appartiennent au monde de l’enfance.

Mais ne nous y trompons pas.

Aussi enthousiaste que cette Equipe de France nous apparaîsse aujourd’hui, elle demeure malgré tout l’Equipe de France, à savoir une équipe certes valeureuse, certes audacieuse, certes percutante, mais bien encore trop limitée dans ses diverses composantes pour espérer autre chose qu’une méritoire place d’accessit.

A dire vrai, cette équipe demeure encore une énigme totale aussi difficile à appréhender que la disparition du vol MH 370.

A force d’engranger des victoires contre des erzats d’équipes, la tentation serait grande, pour le néophyte non affranchi de la doxa footballistique, de la placer tout en haut d’un olympe qu’elle ne parviendra à côtoyer que par la suite d’un invraisemblable concours de circonstances.

Lequel est toujours possible.

 

 

Mais de grâce, réjouissons-nous déjà du spectacle offert par cette équipe sans pour autant sombrer dans une avalanche de superlatifs tellement outranciers dans leur formulation qu’elle finit par provoquer chez l’amateur de ballon rond, une fois détaché des passions patriotiques et des engouements nationalistes, un sentiment vrai de distorsion de la réalité.

Pour l’Equipe de France, le Mondial n’a simplement pas encore commencé.

 

Espérons seulement qu’il ne commence pas en s’achèvant par une défaite.

 

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Vous allez nous les briser longtemps avec vos communicants ?

 

Ils sont les nouveaux gourous des temps modernes.

Les cavaliers de l’ombre qui envahissent la sphère publique, se faufilent dans les conciergeries des grands de ce monde, chuchotent à l’oreille de nos gouvernants, s’immiscent entre le peuple et les élus, vagabondent dans les arrière-cours des cabinets ministériels où, du haut de leurs savoirs tout sauf indispensables, ils dispensent des conseils et distribuent des oracles.

Ils se nomment communicants, conseillers en communication, communicateurs en chefs.

On ne les voit jamais mais ils sont partout.

On les sollicite pour connaître leur avis sur la couleur de la chemise à porter, au sujet de la composition de sa nouvelle coiffure, à propos de la coupe de son prochain veston, de sa future maîtresse, de son ancienne conquête, de la nécessité de porter des cravates bleu nuit, de l’intérêt d’adopter un chien pour ressembler à la femme d’à-côté, de l’avantage de se laisser pousser une barbe de trois jours afin d’affirmer sa virilité.

Ils sont devenus indispensables dans la gestion des affaires publiques.

Ils se pensent omnipotents, ils se flattent de savoir tout des comportements humains, ils lisent dans le marc des âmes, ils anticipent les humeurs de la rue, ils connaissent les mille et unes recettes pour apparaître comme sympathiques et humains, proches des préoccupations des gens, tout en se permettant de prodiguer des conseils avec une telle assurance que personne ne s’aventure à les remettre en cause.

Ils sont le poison de nos démocraties modernes.

Fais ci, fais pas ça.

Ils chassent le naturel pour qu’il ne revienne pas au galop, ils bataillent afin de convaincre leurs protégés de rétrécir leur vocabulaire déjà rendu étriqué par des années d’études obsolètes, de parler simple pour parler vrai, de se répandre en formules creuses qui ne frappent que les esprits faibles.

Ils rabougrissent les hommes politiques, en font des perroquets ineptes qui, à force de les écouter, ne savent même plus s’écouter eux-mêmes.

Ils se tiennent toujours dans la coulisse, ils froncent du sourcil quand l’un de leurs poulains tentent de s’émanciper de leurs sphères d’influences, ils rôdent autour des estrades, dans les coursives des studios de télévision, sur la banquette arrière des voitures de fonction.

Ils terrorisent les entourages, ils jalousent la confidente de cœur qui, dans l’intimité des alcôves, murmure à son amoureux, après l’avoir épuisé, ” tu devrais être toi-même au lieu d’être le pantin de… “.

Ils se concurrencent entre eux, ils forment des cours qui se réduisent à leur seule personne, ils ne supportent pas de voir leur autorité contestée, ils chassent les intrigants, ils flattent les dirigeants, ils courtisent les puissants.

Leur orgueil est mesquin, leur vanité sans limite, leur incompétence infinie, leur insignifiance totale, leur esprit eunuque.

Ils pensent très sincèrement que celui qui a l’honneur de recevoir leurs conseils leur doit tout, absolument tout.

Ils sont les ventriloques des politiques.

Les marionnettistes de nos ministres.

Les pétomanes des secrétaires d’état.

Ils devraient être bannis des châteaux de la république.

Ils sont en partie responsables de cette lente décrépitude du discours politique qui, à force de toujours vouloir courtiser au lieu de proposer, d’être sans cesse dans la cajolerie et jamais dans l’affirmation de vérités dérangeantes, finit par se discréditer lui-même, perd toute épaisseur, se délitant dans des circonvolutions rabâchées mille fois.

Ce sont des monarques à la petite semaine dont on devine qu’ils doivent être amoureux de leur autoportrait, tellement égocentriques, si sûrs de leur savoirs, si heureux de se savoir indispensables qu’ils rosissent de plaisir à la simple vue de leur reflet entraperçu dans un miroir.

Nietzche disait que Dostoïevski était la seule personne qui lui ait appris quelque chose en psychologie.

Nos politiciens de tout bord seraient plus inspirés de lire ou de relire “Crime et Châtiment” que de quémander un quelconque conseil auprès de communicants aussi nuisibles à leur intérêt que des souffleurs dans une pièce de théâtre pour malentendants.

 

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Rendez-nous Rendez-vous en terre inconnue

 

Je suis catastrophé.

D’avance, je glapissais de joie de voir le dernier numéro de Rendez-vous en terre inconnue avec Arthur comme invité spécial.

Patatras, depuis quelques jours, une infâme rumeur court dans tout Paris : il semblerait, au regard de l’annonce de son exil fiscal au Royaume de Belgique, que l’émission tant attendue serait déprogrammée, mise au placard, remisée aux calendes grecques.

Je supplie France Télévisions de revenir sur cette décision inique.

Non pas que je ne sois pas choqué par la décision scélérate d’Arthur de fuir l’hexagone pour échapper aux limiers de Bercy et éviter ainsi de participer au redressement national, mais bien plus parce que cette émission constitue à bien des égards le programme le plus réjouissant jamais vu sur nos écrans de télévision depuis la création de l’ORTF.

Qu’on en juge.

Un beau matin, on s’en va cueillir au pied du lit une célébrité à nulle autre pareille, que dis-je, une vedette à la réputation internationale, que dis-je encore, une star à la renommée interplanétaire- Zazie, Zabou, Bruno Solo – on lui bande les yeux, on la balance dans un avion et une fois que le coucou a atteint sa vitesse de croisière, on lui annonce qu’elle est en partance pour aller visiter une peuplade exotique vivant dans des terres reculées, à l’écart de toute civilisation.

Il en chiale d’émotion non contenue et nous avec.

Une fois atterri, après avoir accompli un long voyage à dos de chameaux ou à califourchon sur un zèbre mal zébré, la rencontre au sommet tant attendue s’opére.

Sous les yeux effarés des membres de la tribu indigène rassemblés autour de son chef, on leur présente la star des stars avec qui ils vont devoir fraterniser pendant quelques jours.

Evidemment ils n’en croient pas leurs yeux.

Ils avaient secrètement escompté être invités à partager leurs couches avec Leonardo Di Caprio, Nicole Kidman ou Beyoncé, et voilà qu’ils se retrouvent nez à nez avec Charlotte de Turckheim, Melissa Thériault ou Patrick Timsit.

C’est au-delà de leurs espérances les plus folles.

Les plus fragiles papillonnent d’émotion.

D’autres s’agenouillent et révèrent leurs dieux pour cette offrande inespérée.

Quelques-uns se dépêchent de dépecer un chimpanzé qui passait par là et vident ses entrailles pour remercier l’organisateur de ce miracle, le producteur animateur Fréderic Lopez, qui tout sourire, aux anges, ravi de les avoir confondus de la sorte, décline en quelques mots le pedigree de la vedette.

Ici devant toi mon brave se tient, non pas un simple quidam, non pas un individu lambda, non pas un tartuffe de l’intelligentsia germanopratine, mais la quintessence même de la modernité, la concrétisation de deux mille ans de civilisation judéo-chrétienne, le phare du monde occidental, j’ai nommé Gilbert Montagné.

C’est le choc des civilisations en mondovision.

Quand Lévi-Strauss ou Margaret Mead viennent percuter de plein fouet la catharsis audiovisuelle.

Là un peuple antique, aux coutumes ancestrales, préservé jusqu’à présent des vicissitudes du monde contemporain se trouve en prise avec ce que l’Occident a de plus beau, de plus puissant, de plus tellurique à offrir : François-Xavier Demaison.

Les bons sauvages en restent sur le cul.

C’est trop d’un coup.

Commence alors le récit de cette immersion dans un univers inconnu.

Où l’empaffé d’idiotvisuel extirpé de son Occident natal, rendu à l’état de nature, redevenu un simple mortel, part à la découverte d’un monde qui vit encore au rythme de la lune, pratique la cuisson du riz dans des marmites en peau de couilles de phoques, dort sur des paillasses confectionnées à partir d’estomac d’antilopes, joue du pipeau avec des cornes de caribou, se rase avec des silex et s’endort toutes les nuits en priant des divinités inconnues de les protéger des esprits malfaisants.

On rit, on pleure, on rivalise d’amabilités, on s’échange des courbettes, on s’extasie sur la sagesse de ces âmes pures qui révèrent la planète et la respectent et on finit par se quitter en sachant que desormais plus rien ne sera comme avant.

Le sauvage a des envies d’occident, Muriel Robin des démangeaisons de retour à la Terre, Marianne James des rêves d’étreinte avec des pygmées à la peau cuivrée, Gerard Jugnot des désirs d’Afrique.

 

Quant à Arthur, aux dernières nouvelles, il se renseignerait sur les taux d’imposition pratiqués chez les Quechuas.

 

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Les statistiques vont nous pourrir le mondial

 

Depuis quelques années maintenant, c’est le nouveau joujou en vogue auprès des exégètes de la prose footballistique : les statistiques sur tout et n’importe quoi.

La distance exacte parcourue par le clampin du milieu de terrain, l’endroit préféré où il a posé ses bottes de sept lieux, le nombre de missiles qu’il a envoyés dans les tribunes, le partenaire avec lequel il a le plus fraternisé, le nombre de secousses enregistrées par sa couille gauche, la fréquence cardiaque de son ventricule droit, la quantité de crachat expectoré, la longueur de ses touches, la profondeur de son champ de vision au moment de lacer ses crampons.

La sacramentelle possession de balle aussi importante à connaître que le nombre de bulletins blancs à un scrutin municipal.

Toute cette déclinaison de chiffres dont désormais les préposés aux commentaires de match nous abreuvent à longueur de rencontre, dans le délibéré de leurs réflexions faussement savantes suivant le coup de sifflet final, les énonçant avec un sérieux papal comme s’ils recensaient les données d’une expédition lunaire ou le compte rendu d’une opération à cœur ouvert.

La parfaite illustration du recours à une technologie ne comportant aucun intérêt si ce n’est celui de nous pourrir des retransmissions avec des graphiques aussi complexes à déchiffrer qu’une allocution présidentielle après une défaite aux européennes.

La consultation compulsive des archives afin de nous apprendre que lorsque l’équipe A a tiré un corner dans le dernier quart d’heure de la première mi-temps, dans 23% des cas, le ballon connaît une trajectoire rentrante qui se traduit à proportion de 14% par un coup de tête effectué par le joueur placé à 5 mètres 23 dans la surface de réparation, joueur qui dans 58% des cas souffre d’une calvitie avancée ce qui tendrait à expliquer que son coup de tête finit à hauteur de 78 % au-dessus des buts adverses, dans une fourchette située entre 1 mètre 28 et 2 mètres 53 selon que la température ambiante oscille entre 14 et 18 degrés.

Généralement c’est à ce moment que Marcel demande à Ginette de lui ramener une bière du frigo parce que la ribambelle de chiffres déversés par le commissaire au compte commence à provoquer chez lui une attaque de panique caractérisée par une aphasie cérébrale.

Qu’il combine à un début de cataracte dû à un grossissement exagéré des globes oculaires s’essayant à déchiffrer la substantifique moelle des graphiques valdinguant dans la lucarne du téléviseur qui se met alors à ressembler furieusement à un écran de trader occupé à jouer au jokari avec les cours de la bourse.

Sans oublier le calcul de probabilité qui voudrait que dans 36% des cas, lorsque c’est l’équipe B qui engage, lors d’une rencontre commencée avant 17 heures 30, il se trouve qu’elle tend à attaquer plutôt sur le flanc droit avec un taux de centres réussis culminant à 72% se traduisant dans 14 % des cas par une ouverture du score obtenue à 84% par le pied droit de l’avant-centre, du moins dans l’exacte mesure où il aurait déjeuné d’une grillade accompagnée de riz blanc puisqu’en cas d’ingestion d’un simple plat de pâtes servi avec des copeaux de parmesan, le pourcentage avoisinerait plutôt les 8%.

C’est à cet instant que Marcel demande à Ginette de lui ramener la calculette, celle qui lui sert à mesurer son taux d’imposition selon les prévisions de croissance édictées par Bercy compte tenu des variations saisonnières, au regard des prédictions des rentrées fiscales notifiées par le FMI.

 

Il paraît que Dieu ne joue pas aux dés avec l’Univers.

Avec le foot si.

Et c’est fort heureux.

 

 

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Une famille en or

 

Tout se perd.

La famille française, autrefois pilier de la société, valeur intangible du socle républicain, pivot de notre articulation démocratique, bat de l’aile.

La parole du père, jadis respectée et vénérée, se voit remise en cause à la moindre occasion.

Quand, lors des temps passés, le père se permettait d’éructer à l’évocation d’un chanteur aux origines suspectes, pied-noir à tendance israélite – les pires d’entre eux – un tonitruant, ” pour celui-là on fera une fournée la prochaine fois “, toute la famille à l’unisson l’accompagnait dans le rire gras par lequel il avait conclu sa brillante saillie.

Et le complimentait pour cette délicieuse répartie dont on continuait à se repaître pendant des semaines entières, en vantant à chaque fois l’inventivité langagière du maître de maison, son inclinaison à pourfendre avec un humour toujours primesautier cette engeance juive qui, entre autres points de détail, poinçonnait en plein cœur le cérémonial de notre nation chrétienne.

Fi de ses traditions ancestrales !

Voilà qu’on découvre aujourd’hui que n’importe quelle petite pimbêche sortie de nulle part, dont la carrière doit tout à la renommée de son père, peut se permettre en toute liberté de s’émanciper de sa sphère d’influence, en s’autorisant à juger ses derniers propos comme constituant une faute politique.

Quelle outrecuidante insolence qui eût été sanctionnée il y a encore quelques décennies par une bonne dégelée entreprise à coups de martinet bien sentis !

Heureusement qu’elle ne fut pas allée plus loin dans ses remontrances, en dénonçant le caractère faussement antisémite des paroles tenues, dont elle feint de ne pas saisir la teneur, l’attribuant plutôt à une malveillance fomentée par quelques journalistes d’obédience judéo-bolcheviques toujours prompts à vilipender les agissements du Pater, dès lors qu’il ose s’en prendre à un membre éminent de cette communauté de rats lubriques suçant le sang de la nation.

Qu’en d’autres termes, la cadette de la famille Le Pen trouvait les dires de son patounet certes inopportuns, certes malhabiles, certes contre-productifs, mais ne pouvant d’aucune manière être emprunts d’une quelconque trace de méfiance vis-à-vis d’une communauté assez puissante et influente pour jouer en coulisse avec les cordons de la Bourse.

Après tout aurait-il échangé le terme de fournée avec celui de tournée que personne ne s’en serait ému outre-mesure, si ce n’est quelques bistrotiers de quartier, quelques taverniers de province, quelques aubergistes à la petite semaine craignant pour la réputation de leurs établissements.

Il faut dire que c’est cette même poussine qui, participant un soir à un bal viennois avec quelques nostalgiques d’un régime autrefois spécialisé dans le recyclage de la vermine youpine, se défendait bec et ongle de partager leurs idées, expliquant sa présence parmi eux par la simple envie de regoûter au plaisir du pas cadencé accompli aux bras de messieurs endimanchés.

Les destinées des filles à papa sont toujours compliquées.

Il leur faut trouver le juste équilibre entre perpétuer la tradition familiale  et tâcher d’y apporter une note de fraîcheur, un brin de modernité, un soupçon de nouveauté afin de se différencier de la figure tutélaire d’un père à la présence parfois encombrante.

Se démarquer de lui juste assez pour clamer sa différence mais point trop pour ne pas ébrécher la solidarité familiale.

S’essayer à dépoussiérer les pensées quelque peu vieillottes du chef de la tribu sans pour autant remettre en cause son assise idéologique.

Travailler à la marge afin d’apparaître aux yeux des autres comme vierge de tous les attributs paternels tout en labourant ses mêmes terres, veillant à ce que les récoltes à venir procèdent du même ensemencement afin de délivrer des produits en tout point comparables à ceux obtenus par son illustre géniteur.

Toutes les familles heureuses se ressemblent mais chaque famille est malheureuse à sa façon, écrivait Tolstoï en liminaire d’Anna Karénine.

Celle des Le Pen cultive le malheur de devoir vivre parmi des coquins de sémites qui enfournent des contre-vérités comme d’autres chambrent les gaz émis par un épagneul breton atteint du virus de l’Ebola.

 

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Quand j’entends les mots réseaux sociaux, je sors mon revolver

 

Je sais, je sais, le progrès, la marche en avant du monde, la culture de masse, l’internationalisation des sentiments, la grande fraternité des internautes de bonne volonté, l’impossible retour en arrière, l’obligation de vivre avec son temps, la fréquentation des grands esprits, Jobs, Gates, Bezos, les goulags de la pensée unique…

Les réseaux sociaux ont tout envahi.

La toile, les médias, tous les médias, journaux, radios, télévisions, les caves du Vatican, les jardins de l’Elysée, les escaliers de la Maison Blanche, les basses-cours des assemblées nationales, nos vies, nos cœurs, nos sœurs, la pulsation d’un monde crépusculaire où pour exister il faut communiquer jusqu’au dégoût, à satiété, à profusion, sans jamais s’accorder une seule seconde de réflexion.

Sur tout et n’importe quoi.

Sa dernière crise de foi, les photos du chaton, la composition de ses selles, la cafetière de la chambre d’hôtel, le caveau de grand-papa, la cave à vin de l’oncle d’Amérique, l’origine du monde selon le boulanger, la vraie vie de nos animaux de compagnie, les bermudas de la voisine, les pots de fleur du voisin, le couffin de la putain, les chaussettes de la belette, les oreillettes du nourrisson, sa propre tronche dédiée à sa propre gloire, la parfaite et ecoeurante servitude de la vie au quotidien déclinée à toutes les sauces.

Avoir un avis sur tout et ne jamais oublier de le donner.

L’Ukraine, les vertus de la verveine, les suicides des baleines, le chapeau de la reine, la prison et ses peines, l’UMP à la traîne, le président dans l’arène, les politiques vaines, le F. haine, l’économie et ses bas de laine, le mondial et ses madeleines, la vie des châtelaines, les rubriques de la brigade mondaine, la Charente et Ségolène, Nabilla et son haleine.

Dire, dire, dire.

Moi je.

Toi tu.

Vous vous.

Impossible de fermer sa grande gueule quand tout le monde l’ouvre en même temps.

Je lis, je réagis, je dis, j’écris, je compose, je m’emporte, je tempête, je cogne, je grogne, j’insulte, je réfute, j’affirme, j’avance, à mon avis, selon moi, considérant mon, ma, mes… je jouis de me voir éructer.

Ma vérité.

Je suis le roi du monde.

Je ne sais rien mais je dirai tout.

Au bas des articles, aux croisements des nouvelles, aux carrefours des commentaires, chacun y va de son invective, de sa petite poussée de fièvre, de son éructation outrancière, de l’affirmation de ses convictions, de l’importantissime importance de ses réflexions, de ses mille et une déclamations, de l’état de ses positions.

On n’en sort pas.

On redécouvre ahuri les vastitudes de la connerie humaine, cette propension à s’ériger comme son propre modèle de référence, cette certitude que sa voix compte, doit compter, va compter, cette dictature de l’opinion toujours recommencée, cette évocation du café du commerce d’antan où claquent dans le brouhaha aviné, au fin fond des arrière-salles, les avis à l’emporte-pièce, les raisonnements équivoques, les pensées tout sauf fécondes, le ramassis des ordures quotidiennes.

Tais-toi quand je parle.

On flingue les élites avant d’aller flinguer son chien.

On a des tendresses pour les conspirationistes, des élans vers les révisionnistes, des engouements pour des créationnistes.

On s’incruste, on scrute, on recrute, les leaders d’opinion, les petits marquis de l’incontinence cérébrale, les cheftaines de l’éruption sentimentale, les roitelets du bavardage inconsistant.

Mais.

Les solitudes qui se comptent par millions, les pleurs, les peurs, les renoncements, les lâchetés, la vie qui fout le camp, se délite, se dérobe, la fatigue, la lassitude, la multitude de nos vicissitudes, les langueurs de l’habitude, les rides, les cernes, les maladies, les cimetières qu’on nous cache, les réveils blafards, l’horreur du vide, les disparitions, les évictions, le rinçage des convictions.

 

La mastication de la vie moderne.

 

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Les assassins de la République

 

J’aurais aimé qu’apprenant la nouvelle que l’auteur de la tuerie du Musée juif de Bruxelles fut de nationalité française, les musulmans de France, unanimes dans leur réprobation de cet acte ignominieux, descendent par millions dans les rues pour scander leur solidarité sans faille avec la communauté juive de France.

Laquelle se serait mêlée à cette manifestation afin que tous ensemble, en tant que victimes collatérales de ce terrorisme haineux, proclament et renouvellent leur désir de vivre ensemble dans l’harmonie et la concorde, réaffirment leur volonté d’affronter côte à côte cet ennemi de l’intérieur qui sape les fondements même de la République.

Et qui aurait vu défiler à leur côtés des français anonymes désireux d’apporter leur réconfort à ces deux communautés en souffrance, redire leur volonté de ne jamais baisser la garde face à des évènements qui souillent à chaque fois un peu plus la mémoire collective, abîment le pacte républicain, mettent à mal les valeurs de la démocratie.

A chaque fois qu’un juif en qualité de juif est tabassé, vilipendé, pourchassé ou assassiné, c’est l’image de la France qui est abîmée.

Salie.

Nous sommes tous, absolument tous des juifs français.

Qu’on puisse s’en prendre un individu à nul autre tort qu’il est ce qu’il est, un juif, un arabe, un chrétien, relève non seulement de la lâcheté la plus innommable qui soit, mais contribue aussi à affaiblir un peu plus cette société de tolérance que, malgré nos opinons divergentes, nos origines diverses et variées, nous avons mis tant de temps à bâtir et à solidifier.

Et que des partis politiques tentent, sous des discours populistes et racoleurs, de détricoter encore et toujours, afin que règne la division, que se propage le chaos, que s’ébrèche encore un peu plus cette communauté de valeurs qui a permis jusqu’à présent à la France de s’incarner dans une République soucieuse de protéger, sans distinction aucune, tous ses enfants.

L’antisémitisme, l’islamophobie, l’homophobie, toutes ces contractions de la société française en prise avec ses démons intérieurs représentent autant de régressions, de reculs, de coups de poignards assenés au cœur même de la République, de cet idéal selon lequel, quelles que puissent être nos différences, nous adhérons au même désir de représenter collectivement une unité à jamais réunie autour des idées de progrès et de solidarité.

A l’heure où l’on s’apprête à célébrer le soixante-dixième anniversaire du débarquement, il serait bon que de tous bords, au-delà des querelles partisanes et des clivages politiques, soit clamée le long des avenues de la république, un peu partout dans l’hexagone, cette volonté acharnée d’affronter ensemble ces assassins de la Démocratie.

Faute de quoi, la mort courageuse de ces partisans de la liberté sur nos plages de Normandie, leurs sacrifices inoubliables, leurs féroces générosités d’âme, n’auraient servi à rien.

Les cimetières militaires où reposent par milliers les dépouilles de ces combattants sont là pour nous rappeler la fragilité de l’Histoire, la folie des hommes et la nécessité faite à chaque nouvelle génération de continuer à honorer leurs mémoires en ne cédant jamais aux vents mauvais de la désunion, de la stigmatisation et de l’opprobre.

 

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