Depuis quelques années maintenant, c’est le nouveau joujou en vogue auprès des exégètes de la prose footballistique : les statistiques sur tout et n’importe quoi.
La distance exacte parcourue par le clampin du milieu de terrain, l’endroit préféré où il a posé ses bottes de sept lieux, le nombre de missiles qu’il a envoyés dans les tribunes, le partenaire avec lequel il a le plus fraternisé, le nombre de secousses enregistrées par sa couille gauche, la fréquence cardiaque de son ventricule droit, la quantité de crachat expectoré, la longueur de ses touches, la profondeur de son champ de vision au moment de lacer ses crampons.
La sacramentelle possession de balle aussi importante à connaître que le nombre de bulletins blancs à un scrutin municipal.
Toute cette déclinaison de chiffres dont désormais les préposés aux commentaires de match nous abreuvent à longueur de rencontre, dans le délibéré de leurs réflexions faussement savantes suivant le coup de sifflet final, les énonçant avec un sérieux papal comme s’ils recensaient les données d’une expédition lunaire ou le compte rendu d’une opération à cœur ouvert.
La parfaite illustration du recours à une technologie ne comportant aucun intérêt si ce n’est celui de nous pourrir des retransmissions avec des graphiques aussi complexes à déchiffrer qu’une allocution présidentielle après une défaite aux européennes.
La consultation compulsive des archives afin de nous apprendre que lorsque l’équipe A a tiré un corner dans le dernier quart d’heure de la première mi-temps, dans 23% des cas, le ballon connaît une trajectoire rentrante qui se traduit à proportion de 14% par un coup de tête effectué par le joueur placé à 5 mètres 23 dans la surface de réparation, joueur qui dans 58% des cas souffre d’une calvitie avancée ce qui tendrait à expliquer que son coup de tête finit à hauteur de 78 % au-dessus des buts adverses, dans une fourchette située entre 1 mètre 28 et 2 mètres 53 selon que la température ambiante oscille entre 14 et 18 degrés.
Généralement c’est à ce moment que Marcel demande à Ginette de lui ramener une bière du frigo parce que la ribambelle de chiffres déversés par le commissaire au compte commence à provoquer chez lui une attaque de panique caractérisée par une aphasie cérébrale.
Qu’il combine à un début de cataracte dû à un grossissement exagéré des globes oculaires s’essayant à déchiffrer la substantifique moelle des graphiques valdinguant dans la lucarne du téléviseur qui se met alors à ressembler furieusement à un écran de trader occupé à jouer au jokari avec les cours de la bourse.
Sans oublier le calcul de probabilité qui voudrait que dans 36% des cas, lorsque c’est l’équipe B qui engage, lors d’une rencontre commencée avant 17 heures 30, il se trouve qu’elle tend à attaquer plutôt sur le flanc droit avec un taux de centres réussis culminant à 72% se traduisant dans 14 % des cas par une ouverture du score obtenue à 84% par le pied droit de l’avant-centre, du moins dans l’exacte mesure où il aurait déjeuné d’une grillade accompagnée de riz blanc puisqu’en cas d’ingestion d’un simple plat de pâtes servi avec des copeaux de parmesan, le pourcentage avoisinerait plutôt les 8%.
C’est à cet instant que Marcel demande à Ginette de lui ramener la calculette, celle qui lui sert à mesurer son taux d’imposition selon les prévisions de croissance édictées par Bercy compte tenu des variations saisonnières, au regard des prédictions des rentrées fiscales notifiées par le FMI.
Il paraît que Dieu ne joue pas aux dés avec l’Univers.
Avec le foot si.
Et c’est fort heureux.
Juste un génie des mots !
Merci Laurent 🙂
Et le pourcentage de déjections nasales, beaucoup plus nombreuses en seconde mi-temps selon que l’évolution du score vous soit favorable ou pas…
Déjà que tout le monde était pressé, maintenant il faudrait savoir avant que ça se passe, j’ai pas le temps pour ça.
Sans compter les tout jeunes moins de 20 ans (7 240 000 personnes) et les plus, et très, âgés les (7 630 000), soit quelque 14 870 000 supposés ne pas encore et ne plus s’intéresser au Onze tricolore, il ne reste pas moins de 50 951 000 sélectionneurs potentiels. Femmes incluses, bien sûr ; ne fabriquèrent-elles pas des armes durant les deux Guerres mondiales ? Pour suivre les évolutions du football, et d’abord celle du coût des transferts de joueurs et du niveau de leur rémunération, ces gens ont besoin de données chiffrées.
Chiffres et statistiques importent énormément dans le football. Et l’on n’a pas tout vu : la stochastique va bientôt, si ce n’est déjà fait, exploiter les statistiques grâce au calcul des probabilités (de défaite, de victoire, de match nul). Voilà, grossièrement, pour la science…
On ne saurait pourtant oublier que les commentateurs – dits « consultants » [« consultés » serait plus pertinent] – voient leur métier gâché par d’anciens joueurs. Croyant que leur pratique passée du football rend lumineux leur éclairage des matchs à l’intention des spectateurs et des auditeurs, ces prolixes en manque de phrases farcissent leurs propos des chiffres et statistiques que M. Sagalovitsch brocarde avec brio.
De fait, les plus brillants de ces tard venus aux chaînes audiovisuelles : 1) font comme si, du temps où salopant les pelouses, ils pratiquaient la vue surplombante et panoramique du terrain, alors que le nez bien près du gazon, ils ne comprenaient pas toujours, tel Fabrice del Dongo à Waterloo dans « La Chartreuse de Parme », les opérations ; 2) à court de mots et de phrases pour transmettre avec bonheur la stratégie de tels joueurs ou équipes, ils gorgent leurs commentaires de « statistiques sur tout et n’importe quoi ».
Donc, si Marcel veut épargner son cerveau et les jambes de Ginette, mieux vaut qu’il coupe le son. Il comprendra fort bien ce qui se passe sur l’écran, il économisera ses Doliprane 500, ou 1 000 milligrammes, il procurera un surcroît de longévité aux charnières de son réfrigérateur et, surtout, ne pourrira pas son Mondial.
Hihihi.
Font pareil pour le tennis. Voir les endroits où la balle tombe selon les intentions du serveur, combien de balles sont sorties par rapport à celles qui restent dans le court, etc., ou comment faire ingérer de l’inutile à Minette et Garcel pour les rendre fous.