Une famille en or

 

Tout se perd.

La famille française, autrefois pilier de la société, valeur intangible du socle républicain, pivot de notre articulation démocratique, bat de l’aile.

La parole du père, jadis respectée et vénérée, se voit remise en cause à la moindre occasion.

Quand, lors des temps passés, le père se permettait d’éructer à l’évocation d’un chanteur aux origines suspectes, pied-noir à tendance israélite – les pires d’entre eux – un tonitruant, ” pour celui-là on fera une fournée la prochaine fois “, toute la famille à l’unisson l’accompagnait dans le rire gras par lequel il avait conclu sa brillante saillie.

Et le complimentait pour cette délicieuse répartie dont on continuait à se repaître pendant des semaines entières, en vantant à chaque fois l’inventivité langagière du maître de maison, son inclinaison à pourfendre avec un humour toujours primesautier cette engeance juive qui, entre autres points de détail, poinçonnait en plein cœur le cérémonial de notre nation chrétienne.

Fi de ses traditions ancestrales !

Voilà qu’on découvre aujourd’hui que n’importe quelle petite pimbêche sortie de nulle part, dont la carrière doit tout à la renommée de son père, peut se permettre en toute liberté de s’émanciper de sa sphère d’influence, en s’autorisant à juger ses derniers propos comme constituant une faute politique.

Quelle outrecuidante insolence qui eût été sanctionnée il y a encore quelques décennies par une bonne dégelée entreprise à coups de martinet bien sentis !

Heureusement qu’elle ne fut pas allée plus loin dans ses remontrances, en dénonçant le caractère faussement antisémite des paroles tenues, dont elle feint de ne pas saisir la teneur, l’attribuant plutôt à une malveillance fomentée par quelques journalistes d’obédience judéo-bolcheviques toujours prompts à vilipender les agissements du Pater, dès lors qu’il ose s’en prendre à un membre éminent de cette communauté de rats lubriques suçant le sang de la nation.

Qu’en d’autres termes, la cadette de la famille Le Pen trouvait les dires de son patounet certes inopportuns, certes malhabiles, certes contre-productifs, mais ne pouvant d’aucune manière être emprunts d’une quelconque trace de méfiance vis-à-vis d’une communauté assez puissante et influente pour jouer en coulisse avec les cordons de la Bourse.

Après tout aurait-il échangé le terme de fournée avec celui de tournée que personne ne s’en serait ému outre-mesure, si ce n’est quelques bistrotiers de quartier, quelques taverniers de province, quelques aubergistes à la petite semaine craignant pour la réputation de leurs établissements.

Il faut dire que c’est cette même poussine qui, participant un soir à un bal viennois avec quelques nostalgiques d’un régime autrefois spécialisé dans le recyclage de la vermine youpine, se défendait bec et ongle de partager leurs idées, expliquant sa présence parmi eux par la simple envie de regoûter au plaisir du pas cadencé accompli aux bras de messieurs endimanchés.

Les destinées des filles à papa sont toujours compliquées.

Il leur faut trouver le juste équilibre entre perpétuer la tradition familiale  et tâcher d’y apporter une note de fraîcheur, un brin de modernité, un soupçon de nouveauté afin de se différencier de la figure tutélaire d’un père à la présence parfois encombrante.

Se démarquer de lui juste assez pour clamer sa différence mais point trop pour ne pas ébrécher la solidarité familiale.

S’essayer à dépoussiérer les pensées quelque peu vieillottes du chef de la tribu sans pour autant remettre en cause son assise idéologique.

Travailler à la marge afin d’apparaître aux yeux des autres comme vierge de tous les attributs paternels tout en labourant ses mêmes terres, veillant à ce que les récoltes à venir procèdent du même ensemencement afin de délivrer des produits en tout point comparables à ceux obtenus par son illustre géniteur.

Toutes les familles heureuses se ressemblent mais chaque famille est malheureuse à sa façon, écrivait Tolstoï en liminaire d’Anna Karénine.

Celle des Le Pen cultive le malheur de devoir vivre parmi des coquins de sémites qui enfournent des contre-vérités comme d’autres chambrent les gaz émis par un épagneul breton atteint du virus de l’Ebola.

 

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3 commentaires pour “Une famille en or”

  1. « Tout se perd » ? Non. Ce serait insulter le chimiste Antoine Lavoisier (1743-1794). Il pensait que « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». D’avoir été raccourci par la guillotine fut un suffisant dommage.

    Il est certes exact que, parfois, des choses – au reste, peu chimiques – se perdent au sein des plus honorables familles. Alors, vous pensez, dans celles qui ne le sont guère… Préjugé, apparence : je persiste à vous contredire. Des filles à papa ont un destin tracé d’avance. Toutefois, à l’instar des voies impénétrables du Seigneur, celles de la cadette des Le Pen paraissent obliques.

    Pour « trouver le juste équilibre » entre « tradition » et ce « brin de modernité » que vous évoquez à merveille, la quadragénaire plus, – changée en une sorte d’égérie par une sorte de médias s’adressant à une sorte de Français s’étant révélés, le 25 mai dernier, conquis –, a protesté pour des raisons de forme contre les paternels propos. Réaction spontanée ? Feinte ? Préméditée ?

    Par respect pour la mémoire du grand Lavoisier, ne tranchons pas. Mais après le relatif « séisme » (10,1 % des suffrages du corps électoral allés au Front national), peut-être fallait-il qu’un parti « dédiabolisé » pût s’offrir un repoussoir. Et quel meilleur provocateur que le co-fondateur dudit parti ? D’où cette orchestration de réactions en apparence contrariées aux plaisanteries du Père demi-fondateur – propos évidemment interprétables (malgré les dénégations frontistes) comme antisémites.

    « Incorrigible », le père servait ainsi de faire-valoir à sa fille. Comment !!! Pas vraiment « dédiabolisé », le nouveau Front national, quand sa présidente même, avec ses lieutenants, tance son vieux père aimé, mais « à la présence parfois encombrante » ? De l’art de transformer l’encombrant en utile. [C’est lourdingue ? Mais plus ça l’est, mieux ça passe.]

    Si l’on trouve l’hypothèse erronée, au moins aura-t-elle fait reprendre du service au fameux dicton : « On ne prête qu’aux riches », à plus forte raison, à une « une famille en or ».

  2. Et si la machine à décérébrer ne prenait pas fait et cause pour chaque flatulence d’un membre du clan, nostalgique d’une France “pure” qui n’a jamais existé et n’existera heureusement jamais, le pet nauséabond ne se transformerait pas en méthane mais plutôt en dérapage honteux au fond de leur beau linge souillé…

  3. “Toutes les familles heureuses sont plus ou moins différentes, toutes les familles malheureuses se ressemblent plus ou moins.”

    C’est Nabokov qui nous propose sa complicité dès les premières lignes du sublime “Ada or Ardor”. Voilà la littérature. Ce que les prolétaires de la pensée et autres Le Pen ignorent.

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