Ils sont les nouveaux gourous des temps modernes.
Les cavaliers de l’ombre qui envahissent la sphère publique, se faufilent dans les conciergeries des grands de ce monde, chuchotent à l’oreille de nos gouvernants, s’immiscent entre le peuple et les élus, vagabondent dans les arrière-cours des cabinets ministériels où, du haut de leurs savoirs tout sauf indispensables, ils dispensent des conseils et distribuent des oracles.
Ils se nomment communicants, conseillers en communication, communicateurs en chefs.
On ne les voit jamais mais ils sont partout.
On les sollicite pour connaître leur avis sur la couleur de la chemise à porter, au sujet de la composition de sa nouvelle coiffure, à propos de la coupe de son prochain veston, de sa future maîtresse, de son ancienne conquête, de la nécessité de porter des cravates bleu nuit, de l’intérêt d’adopter un chien pour ressembler à la femme d’à-côté, de l’avantage de se laisser pousser une barbe de trois jours afin d’affirmer sa virilité.
Ils sont devenus indispensables dans la gestion des affaires publiques.
Ils se pensent omnipotents, ils se flattent de savoir tout des comportements humains, ils lisent dans le marc des âmes, ils anticipent les humeurs de la rue, ils connaissent les mille et unes recettes pour apparaître comme sympathiques et humains, proches des préoccupations des gens, tout en se permettant de prodiguer des conseils avec une telle assurance que personne ne s’aventure à les remettre en cause.
Ils sont le poison de nos démocraties modernes.
Fais ci, fais pas ça.
Ils chassent le naturel pour qu’il ne revienne pas au galop, ils bataillent afin de convaincre leurs protégés de rétrécir leur vocabulaire déjà rendu étriqué par des années d’études obsolètes, de parler simple pour parler vrai, de se répandre en formules creuses qui ne frappent que les esprits faibles.
Ils rabougrissent les hommes politiques, en font des perroquets ineptes qui, à force de les écouter, ne savent même plus s’écouter eux-mêmes.
Ils se tiennent toujours dans la coulisse, ils froncent du sourcil quand l’un de leurs poulains tentent de s’émanciper de leurs sphères d’influences, ils rôdent autour des estrades, dans les coursives des studios de télévision, sur la banquette arrière des voitures de fonction.
Ils terrorisent les entourages, ils jalousent la confidente de cœur qui, dans l’intimité des alcôves, murmure à son amoureux, après l’avoir épuisé, ” tu devrais être toi-même au lieu d’être le pantin de… “.
Ils se concurrencent entre eux, ils forment des cours qui se réduisent à leur seule personne, ils ne supportent pas de voir leur autorité contestée, ils chassent les intrigants, ils flattent les dirigeants, ils courtisent les puissants.
Leur orgueil est mesquin, leur vanité sans limite, leur incompétence infinie, leur insignifiance totale, leur esprit eunuque.
Ils pensent très sincèrement que celui qui a l’honneur de recevoir leurs conseils leur doit tout, absolument tout.
Ils sont les ventriloques des politiques.
Les marionnettistes de nos ministres.
Les pétomanes des secrétaires d’état.
Ils devraient être bannis des châteaux de la république.
Ils sont en partie responsables de cette lente décrépitude du discours politique qui, à force de toujours vouloir courtiser au lieu de proposer, d’être sans cesse dans la cajolerie et jamais dans l’affirmation de vérités dérangeantes, finit par se discréditer lui-même, perd toute épaisseur, se délitant dans des circonvolutions rabâchées mille fois.
Ce sont des monarques à la petite semaine dont on devine qu’ils doivent être amoureux de leur autoportrait, tellement égocentriques, si sûrs de leur savoirs, si heureux de se savoir indispensables qu’ils rosissent de plaisir à la simple vue de leur reflet entraperçu dans un miroir.
Nietzche disait que Dostoïevski était la seule personne qui lui ait appris quelque chose en psychologie.
Nos politiciens de tout bord seraient plus inspirés de lire ou de relire “Crime et Châtiment” que de quémander un quelconque conseil auprès de communicants aussi nuisibles à leur intérêt que des souffleurs dans une pièce de théâtre pour malentendants.
Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true )
S’il est probable qu’ils s’adorent, la plupart des « communicants » sont assurément de sous-éminences grises. Combien de Richelieu, de Mazarin – celui-ci peu moins couleur souris que celui-là – parmi les « gourous » que vous habillez pour l’hiver ? Celui à qui, aussitôt, on pense ? Sa « marionnette » une fois sommée de quitter le palais de l’Élysée avant qu’il ne devînt vraiment un castelet, selon les goûts, de Polichinelle ou de Guignol, quitta l’arrière-scène pour, devenu député, nous faire don, avec son outrancière prodigalité, des morceaux choisis de la comique, et jusqu’ici, indéfectible idolâtrie dont il asperge comme d’eau bénite son grand homme.
Deux vérités, entre autres, frappent dans votre « Vous allez nous les briser longtemps avec vos communicants ? ». Les conseils des « ventriloques » ne dépassent guère, le plus souvent, le niveau du cliché. Ainsi communiquent-ils à des politiques, dotés d’authentiques talents, l’apparence d’un propriétaire de cerveau évidé : le « Tu devrais être toi-même au lieu d’être le pantin de… » atteste la nette supériorité de « la confidente de cœur ». De là découle la seconde vérité : vide-cervelles, des « marionnettistes » œuvrent sans honte à l’affaiblissement des politiques qu’il sont censés conseiller. Lisant pour eux (souvent d’ailleurs dictionnaires de citations et anthologies de discours), ils font de certains de leurs employeurs – tout sauf pingres, grâce aux contribuables – des de prose mal tissée d’idées piquées de ci de là, de stéréotypes, donc sans vigueur ni originalité véritables.
Quelques politiques armés, par leurs études et des lectures continuées, d’une culture et de discernement, sont, pour les communicants, de mauvais clients. Soit ils s’en passent, soit ils ne les écoutent pas. Leurs actes politiques n’y perdent rien ; parfois – pour de tout autres raisons – ils n’y gagnent rien non plus.
Il en va autrement pour les contribuables : leurs impôts épargnés trouvent de plus utiles emplois. Et les oreilles des citoyens sont moins ensablées de propos creux.
bien dit m’siou Sagalovitsch!
ils sont partout, surtout dans le foot, ou tout le monde, du joueur à l’entraineur dit la même chose.
au moins avant, au détours d’une interview juste à la fin du match, on entendait du n’importe quoi et on pouvait se gausser un peu.
maintenant c’est fini, policé par les stages obligatoires de communications…..tout fout le camp.
heureusement il y a Ribéry 🙂
Autant j’adore Slate, mais cet article me dépasse un peu. Certes, il y en a certains comme ça, mais il faut arrêter de tous les diaboliser. Pour le coup, le contributeur n’y va pas de main morte en plus. Certains ont aussi de bonnes intentions démocratiques qu’ils mettent au service des hommes politiques. Ils souhaitent créer une réelle proximité parce que pour eux, la politique devrait fonctionner ainsi. Ils offrent leurs conseils en fonction de ce qui leur semble bon et pas seulement pour assouvir des besoins de reconnaissance et de suprématie du communicant politique. Cet article me fait penser à ceux qui disent que touuuus les gens qui travaillent à la SNCF sont touuuuuuuuuuus des grévistes. Non. Il faut arrêter de stigmatiser une profession avec ce qui est le plus facile : critiquer et diaboliser un ensemble alors que cela concerne une minorité.
Bonjour,
Merci pour votre article qui exprime une lassitude bien compréhensible face à une caste qui vous semble aussi obscure qu’inutile. Je n’y apporterais qu’un bémol. On peut toujours interroger qui de la poule ou l’œuf. Les communicants ne vous semblent-ils pas le seul fruit d’une société de communication. La nature abhorre le vide. Le citoyen en premier a exprimé une volonté de voir des politiques plus proches, plus “vrais”, plus sensibilisé aux problèmes du quotidien. Était-ce vraiment salutaire ? L’intérêt collectif ne devait-il se résumer qu’à la sommes des intérêts individuels ? Alors on a eu Giscard à dîner le dimanche chez Madame Michu, Mitterrand a posé avec son chien et Sarkozy fait du jogging à Central Park. Quand à considérer cela comme un phénomène nouveau dont il faudrait s’indigner pour enfin l’éradiquer, je vous crois trop intelligent pour être dupe de votre propre “coup de com”. Bien à vous,
Gabriel
Just une chose, ils ne sont ni nouveaux ni modernes, ils ont toujours été là. Napoléon avait les siens ils s’appelaient Talleyrand, Benjamin Constant, Cambacérès.
Ils sont souvent à l’origine des grandes décisions, sans eux pas de non à l’Irak, pas de congrès de Vienne, pas de front populaire.
Ils faut aussi leur rendre ça.
Mmmh… Comparer un communicant d’aujourd’hui avec Talleyrand (ou Constant ou Cambacérès), c’est un peu comme comparer un kiravi trois étoiles avec un Château Margaux, à mes yeux… 😀
Ils poursuivent un seul et unique but, te faire rentrer dans la tête une Idée, ambiance Inception,peu importe qu’elle soit bonne ou mauvaise, peu importe qu’ils soient mus par les meilleurs intentions du monde, peu importe la mesure et la multiplicité, peu importe ce que tu penses, ce que tu en penses, ce que tu es, si ils s’intéressent à toi, si ils cherchent à mieux te connaître c’est pour mieux te mouler, ils se rejoignent tous sous cette même bannière, pour eux tu n’es qu’un objet malléable, une marionnette articulée, une expérience sans cesse renouvelée. Ils ne s’épanouissent que quand ils voient leur Idée ramper, incapables d’authenticité, déshumanisants et par la même déshumanisés, dévoués corps et âme à leur cause, à leur art diront certains, au seul objectif qui une fois atteint les fait à demi jouir, c’est le chemin qui compte, il faut bien s’occuper, malheureusement de la pire manière qui soit. Des sous hommes et des sous femmes perdues dans leur infinie connerie, des enfilé(e)s de première, qu’ils crèvent en enfer.
Ne confondons pas communiquant et conseiller. Guaino n’était pas le communicant de Sarko mais son conseiller, comme Attali pour Mitterrand. Idem pour Talleyrand, Cambacérès ou B. Constant.
Quant aux communicants leur pouvoir est souvent très exagéré. Beaucoup ne sont, au mieux que des speechwriter, au pire que des intermédiaires avec les médias, peu sont des stratèges, comme l’était Jacques Pilhan, ou des confidents. Et encore, leur influence sur les stratégies s’arrête souvent aux questions d’image, car ne l’oublions pas, nous jugeons, nous votons non pour des réalités absolues, mais pour la représentation que nous nous faisons des hommes, des partis, des idées, c’est-à-dire pour des images, celles que nous nous formons en fonction de ce que nous percevons via ce à quoi nous sommes exposés (médias, entourage,lectures, …), et de nos propres filtres culturels et affectifs.
S’ils savaient chasser le naturel chez les politiques, Sarko n’aurait pas fait ses bourdes d’hyperactif, Cahuzac et Copé seraient moins sûrs d’eux et Hollande n’apparaîtrait pas si indécis et bafouillant, …
Si les discours politiques sont devenus creux, c’est aussi parce qu’en 45 secondes on ne peut pas dire grand chose à 10 millions de spectateurs, à part placer au mieux une petite phrase très vite oubliée, que le vocabulaire moyen compréhensible par un français est inférieur à 2 000 mots, hé oui, tout le monde n’est pas lecteur de Slate ! et que les concepts idéologiques, les grands mots, sont de moins en prégnants et de plus en plus creux.
Si les communicants avaient vraiment le pouvoir, Giscard n’aurait pas été battu pas plus que Sarko, Mitterrand n’aurait pas été contraint à cohabiter deux fois, Jospin n’aurait pas été devancé par LePen et Hollande n’en serait pas là où il en est, d’ailleurs il en change régulièrement !
Ou alors revoir “The thick of it” / “In the loop” et en rire.
allons allons, ne stigmatisons pas… fuyons l’amalgame, peste de ce siècle ! Il n’y a pas de sot métier, uniquement de sots consommateurs.