Du bonheur d’être apatride

Ah qu’il est doux d’être sans patrie. De n’appartenir à aucune terre. De ne se réclamer d’aucun héritage national.

D’être totalement libre dans ses agissements, dans ses raisonnements, dans ses emportements sans jamais succomber aux assauts d’un passé par trop encombrant emprisonnant l’esprit dans un corset identitaire qui finit par l’écœurer.

Non pas être un citoyen du monde, idéal naïf et trop bien-pensant d’une humanité versant dans un océan de béatitude niaise, mais juste être citoyen de sa propre république.

Suivre ses propres règles sans jamais contrevenir à celles de votre pays d’accueil.

Etre fidèle à la mémoire de ses aînés qui ne furent que d’autres orphelins de l’Histoire.

Ne se définir que par rapport à son propre système de valeur sans que jamais ne vienne interférer l’image tutélaire d’une patrie qui réclame et exige toujours d’être à ses côtés pour défendre des valeurs qui ne sont pas toujours les vôtres.

S’ériger en propre juge de sa destinée sans jamais être obligé de se demander à tout instant si on n’est pas en train de jouer contre son camp.

Être libre de toute forme d’autorité, de tout carcan idéologique, de toute cette pesanteur formelle que la nation qui vous a fait naître exige de vous en retour de sa fausse prodigalité à vous avoir offert le gîte et le pain.

Etre là sans l’être vraiment, suspendu dans les limbes d’une pensée détachée, déliée, émancipée de tout dogme, de tout référent à un champ lexical propre à la grammaire d’un pays qui s’en va d’un pas martial dicter ses lois autocratiques.

Etre sans histoire mais pas sans mémoire.

N’avoir de compte à rendre à personne si ce n’est à soi-même.

Etre seul au monde et se féliciter de l’être.

Etre voyageur mais sans port d’attache où se réfugier en cas de mauvais temps et continuer pourtant son périple intérieur sans jamais prendre le risque de se retourner en convoitant l’abri de côtes hospitalières.

S’essayer à vivre debout en refusant le confort offert par la nation, cette mère nourricière qui finit par nous étrangler de son amour férocement exclusif.

Avoir des enthousiasmes spontanés pour des villes étrangères, pour des peuplades lointaines, pour des paysages inconnus.

Ne pas reculer devant ses passions qui vagabondent au gré de son humeur changeante.

Et souffrir aussi.

D’être précisément sans racines, sans caveau, sans tombeau.

Seul.

D’une fragilité inouïe.

Savoir que nous ne sommes de nulle part et que ce nulle part nous encercle de ses vastes incertitudes.

Ne pouvoir compter sur personne, ne jamais avoir le loisir de se reposer pour souffler le temps de se recomposer mais d’être toujours en alerte, sur le qui-vive, prompt à être vilipendé par les autres qui n’accepteront jamais totalement votre différence revendiquée.

Etre différent et mourir d’indifférence.

Mais ne jamais s’apitoyer sur son sort par risque de trop s’écœurer de sa propre médiocrité.

 

Et se noyer dans la mer cuivrée de son ineffable légèreté.

 

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Derrick, un allemand très ordinaire

Il existe toujours quelque chose de vaguement incongru à voir l’Allemagne découvrir stupéfaite que l’une de ses personnalités les plus populaires fut dans sa prime jeunesse un membre de l’armée allemande, Wermarcht ou Waffen-SS.

C’est plutôt le contraire qui serait étonnant.

On ne voit pas très bien à quoi d’autre ce cher Kommissar Derrick eut pu être occupé lors de ses années de jeunesse sinon à œuvrer à la grandeur millénaire du Troisième Reich.

Ils croyaient quoi nos cousins germains ?

Que pendant que ses camarades de promotion bataillaient dans les Ardennes, le futur inspecteur au regard de basset dépressif jouait à la marelle avec l’amicale de la chorale de Berlin Ouest ?

Qu’il vasouillait sur les ramparts de Varsovie à la recherche de son passé disparu ?

Qu’il relisait les œuvres complètes de Goethe en attendant la venue du Messie ?

Je ne prétends pas pour autant que le Colombo version teutonne fut un gestapiste de la première heure.

Ni qu’il collectionnait les figures paninis des youpins à qui il avait offert un voyage sans retour pour visiter la Silésie Orientale.

Qu’il s’essayait devant son miroir à peaufiner sans relâche sa technique du salut hitlérien tout en jouant aux osselets avec des kyrielles d’étoiles jaunes.

Que Mein Kampf était son bréviaire de chevet, les discours de Goebbels sa berceuse favorite et les poèmes posthumes de Goering son aphrodisiaque mental.

Je n’en sais rien.

Evidemment, il n’est jamais facile et agréable de regarder dans le rétroviseur son histoire nationale et d’apercevoir un horizon à jamais obscurci par les volutes s’échappant de fours à crématoire.

Il n’est jamais aisé de songer que ses parents ou ses grands-parents aient pu d’une quelconque manière appartenir à ce peuple qui sombra dans la folie la plus échevelée que l’humanité eut jamais connue, succomba à ses instincts les plus vils au point de tomber dans les catacombes putrides de l’histoire, de ce peuple qui quoiqu’on en dise se grisa aussi pendant quelques années à l’idée de dominer le monde.

Bien sûr me dira-t-on à raison l’ensemble des allemands ne furent pas tous des nazis acharnés.

 

Il y eut aussi des résistants, des bonnes âmes charitables et des êtres qui refusèrent de se plier aux injonctions abjectes d’un pouvoir ravagé par une folie destructrice.

Et il est bien entendu que si le peuple allemand avait su ce qui se fomentait très exactement à Auschwitz il n’aurait pas pu l’accepter.

Il n’en reste pas moins vrai que la majorité des allemands, par peur de représailles ou par approbation silencieuse des mesures adoptées, ne trouvèrent rien à redire quand les boutiques appartenant à des membres de la communauté juive furent enguirlandées d’infamantes étoiles juives.

Que personne ne s’offusqua de trop quand fut décidé arbitrairement que les juifs ne devaient plus exercer telles professions.

Que tout le monde accepta sans broncher l’idée que les juifs n’étaient plus autorisés à s’asseoir dans les trams.

Que la réquisition forcée de leurs immeubles et leurs biens ne provoqua pas que l’on sache de troubles répétés à l’ordre public.

Et que bien vite, on ne soucia plus de savoir ce qu’avait bien pu advenir des Kauffmann, des Rosenstein, des Steiner, avec qui hier encore on entretenait des relations plus ou moins cordiales.

L’Allemagne a plus que toute autre nation à rougir de son passé.

De jouer à la pucelle effarouchée lorsque se dévoile le passé douteux d’une de ses idoles aussi poussiéreuses soit-elle n’est qu’une facon quelque peu éhontée de s’acheter une morale à posteriori.

Il n’y pas d’amnistie possible pour les peuples qui ont commis l’innommable.

 

Juste des piqûres de rappel servant de repoussoir à toute envie de décliner le futur de son destin national au passé recomposé.

 

 

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François la guerre froide est finie tu peux ranger tes jouets

C’est décidé, on va enfin tailler sec dans le budget du ministère de la défense.

Il était grand temps.

On aurait pu aussi simplement décider de le supprimer et se contenter de la présence de quelques vagues trouffions en charge de lustrer les palais de la république ou de veiller en père peinard à notre sécurité intérieure.

C’est oublier, triple buse que je suis, que la France est encore un très très grand royaume sur lequel jamais soleil n’a jamais osé encore se coucher, nécessitant une très très grande armée pour pouvoir comment disent-ils déjà nos chers bérets bleus, ah oui, se projeter au plus vite sur le théâtre d’opérations extérieures afin de régler leurs comptes à de petites frappes de terroristes en grenades courtes.

Autrement dit pour prouver au reste du monde que la France ce n’est pas une quelconque Suède ou une anonyme Norvège.

On doit se faire respecter.

On a des couilles nous autres gaulois.

Et que celui qui, impétueux aventurier, s’en irait de son pas martial nous chercher des noises, qu’il sache donc celui-là qu’il périra avant même d’avoir pris la peine de dire ses adieux à la reine, dans les feux d’un enfer qui le consummera jusqu’à ce que cendres s’en suivent.

Après tout pourquoi pas ?

J’imagine que pour une frange importante de la population française, il doit être rassurant de s’endormir tous les soirs en sachant que pas moins de six sous-marins à propulsion nucléaire patrouillent de par les vastes océans prêts à balancer sa purée au premier mouvement de bottes suspect.

De beaux sous-marins qui longent les dangereuses côtes canadiennes histoire d’être prêts quand les québécois, las d’être considérés comme des sous-fifres de francophones, se décideraient à passer à l’offensive sous la forme d’une attaque éclair sur Saint-Pierre-et-Miquelon.

De beaux sous-marins qui mouillent dans le port de Hambourg, prompts à cracher leur pluie de missile le jour où l’Allemagne, lasse d’être vilipendée par des gauchistes toujours pas remis d’avoir porté au pouvoir un président tout sauf socialiste, éprouverait des désirs recommencés d’annexion éclair.

De beaux sous-marins alanguis dans la baie de Tel Aviv à même de renvoyer les hébreux à la mer le jour où Israël retrouvera l’élan fougueux de ses années bibliques et s’en ira conquérir d’autres territoires qui ne lui appartiennent toujours pas.

On n’est jamais trop prudent.

Nos ennemis sont partout.

Sans parler de nos amis qui à tout moment peuvent retourner leur veste.

Clairement, il est d’une importance vitale que l’on puisse, dans la seconde, porter un coup mortel à une nation foldingue qui aurait décidé d’abîmer la France  sous la forme d’une belle ogive nucléaire s’abattant au cœur de Clermont-Ferrand.

Surtout que la France ne peut compter que sur elle-même.

Les américains ou les anglais ne vont quand même pas venir nous secourir à chaque fois que la patrie se retrouve le cul par-dessus tête dedans les fosses septiques de l’Histoire.

Et puis posséder un tel arsenal sécuritaire c’est aussi la garantie, en toute dernière extrémité, lorsque le chômage crèvera des plafonds insoutenables, lorsque la famine ravagera nos campagnes et nos villes, lorsque les dix plaies de l’euro s’abattront sur notre économie agonisante, de sortir par le haut sous la forme d’un grandiloquent et sublime suicide nucléaire.

 

Ce qui pour une fois ne manquerait pas de panache.

 

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Eternelle Allemagne

 

Depuis mercredi soir, 23 heures, la Grande Allemagne est de retour. La Wehrmacht footballistique a envahi les champs d’honneur des pelouses européennes. Une guerre éclair comme au bon vieux temps. 8 pions dans la besace et que des miettes pour l’adversaire. Rien à jeter.

Ce fut propre, spectaculaire, absolument grandiose.

Aucune fioriture dans le jeu. Aucun atermoiement. Offensive à tous les étages. On ne calcule pas. On a confiance en soi et on le démontre sur le terrain.

On déborde, on centre, on plante.

On arrête, on déporte, on gaze.

De mauvais goût Sagalovitsch. De très mauvais goût Sagalovitsch.

Du coup tout le monde s’est réveillé jeudi matin en se sentant l’âme allemande. La presse germanique a eu des extases qu’elle n’avait plus connues depuis la débâcle de mai 40 de ces trouffions de Franzosen. Wunderbar.

L’Allemagne est à nouveau sur le toit de l’Europe.

Et tout le monde a bien raison de s’en féliciter.

En Pologne aussi on se réjouit. Le vilain garnement qui a fessé la défense madrilène s’appelle Lewandowski. Robert Lewandowski. Il est né à Varsovie. Pas dans le ghetto mais tout proche.

C’est bien pour la Pologne.

Un peuple en tout point innocent, qui a tant souffert des errements conjugués du nazisme et du communisme, méritait de retrouver enfin le chemin de l’espérance.

Nous sommes tous des allemands polonais.

Jupp Heynckes, le brillant entraîneur du Bayern de Munich est né le 9 mai 1945. Ça ne s’invente pas. Un jour après la capitulation allemande.

Certains esprits mal lunés y verront comme un drôle de symbole. Pas moi.

Et ce matin voilà qu’on apprend effaré que notre débonnaire inspecteur Derrick, le somnifère préféré de nos siestes dominicales, avait pu fricoter avec les SS.

Une erreur de jeunesse assurément.

Il ne faudrait pas oublier que la première victime de la folie nazie fut avant tout l’Allemagne, nation exemplaire qui dut subir pendant plus d’une décennie les coups de boutoir d’une clique de fous furieux rassemblés autour d’un pitre postillonnant ânerie sur ânerie devant une foule tétanisée par la peur et l’effroi.

Ces temps-là sont bienheureusement révolus.

On ne peut pas vivre dans le passé.

Il faut savoir tourner la page de l’Histoire.

On ne va quand même reprocher aux joueurs allemands le comportement légèrement outrancier de leurs aînés.

Ce serait insensé. Et ridicule.

En 1980 lors d’un passage au Masque et la plume, le philosophe Wladimir Jankélévitch confiait “Les Allemands ont tué six millions de juifs, mais ils dorment bien, ils mangent bien, et le mark se porte bien.”

33 ans après c’est toujours vrai.

Et en plus désormais ils jouent au football comme des dieux.

 

L’histoire est décidément sans pitié.

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Comment peut-on être jeune et de droite ?

 

A les regarder parader l’autre jour en tête de la manifestation contre le mariage pour tous, à contempler cet adorable troupeau de têtes chérubines époumonant leur réprobation de voir deux êtres du même sexe prétendre à fanfaronner devant monsieur le Maire, impossible de ne pas se demander ce qui ne tournait pas rond chez eux.

Comment donc des individus bien nés, ne souffrant apparemment d’aucuns troubles mentaux perceptibles, n’accusant aucune débilité manifeste, pétulants de vie, peuvent-ils donc, alors qu’ils viennent à peine de débarquer des plages tourmentées de l’adolescence, promouvoir des pensées en tout point contradictoires avec cette folle aspiration vers le désordre et l’insouciance que devrait être toute jeunesse ?

Par quel biais, des esprits encore neufs qu’aucune lassitude n’a encore étreint, qu’aucune épreuve n’a encore entamé, comment des corps qu’aucune fatigue ou maladie n’ont abusé, comment des êtres au seuil de dévorer la vie peuvent-ils ainsi s’éprendre de rances concepts qui prônent le repli sur soi, la peur de l’autre et la préservation des acquis ?

A mes yeux, c’est tout aussi difficile à expliciter qu’un juif qui s’en irait passer ses vacances d’été dans une colonie de vacances en banlieue de Varsovie ou qu’un supporter stéphanois qui se mettrait martel en tête de rejoindre le fan club des amis de Jean-Michel Aulas.

Une énigme métaphysique.

Un contresens existentiel.

Une anomalie cosmique.

Je conçois tout à fait que l’on puisse, à l’âge où le ventre se met à ventripoter, où la mort devient tout sauf une éventualité lointaine, où la vie se présente sous un soir blafard, où l’on sent poindre le jour prochain qui verra décliner ses forces, que l’on préfère alors se retirer en ses terres, jouir enfin du fruit de son travail sans plus se soucier de savoir si son prochain se meurt d’indifférence, de maltraitance ou de pauvreté.

Les épreuves auxquelles la vie parfois nous soumet, nous martyrise, nous éprouve autorisent et légitimisent le souci impérieux de se préserver, d’engranger des dividendes, de se construire une citadelle assez solide pour qu’elle résiste à l’assaut du temps qui passe.

On a assez vécu pour comprendre que seule la protection et la préservation de sa propre personne et des êtres qui nous entourent sont les uniques moteurs d’une vie qui s’étiole immanquablement et s’en va doucement rejoindre le caveau de ses illusions perdues.

Alors il est temps de dire au revoir à ces sottes et éphémères idées de partage, de redistribution, de justice sociale qui au final n’auront existé que dans les livres d’enfant.

Mais comment comprendre qu’un jeune qui sort à peine du couvent de son adolescence puisse se reconnaître dans ces valeurs qui sacralisent la toute-puissance de l’individu au détriment de la collectivité ?

Comment un être qui n’est encore que tourbillon de promesses peut-il avoir déjà renoncé à combattre pour que la vie soit une fête de tous les instants pour soi et pour ceux que l’existence a abîmé d’une manière si féroce que leur seul salut ne peut passer que par le rassemblement des énergies réunifiées oeuvrant pour le bien de tous ?

Comment déjà tourner le dos à ces êtres fracassés par le joug d’une vie intraitable pour ne penser qu’à soi, à sa petite vie, à ses futiles avantages, à ces acquis mesquins, à sa foutue retraite, ce chant du cygne qui résonne des accents funèbres de sa prochaine mise en bière ?

La jeunesse se doit d’être immensément naïve.

Et oblige à foncer tête baissée dans ce sentiment de révolte apportant à la vie le temps d’un instant ce parfum exaltant de l’ivresse palpitant au chevet de cœurs prompts à tous les embrasements, promesse folle de lendemains où palpitent la sève éblouissante de l’existence toujours recommencée.

Si elle ne l’est pas alors elle ne reste que prélude à une vie qui avant même de commencer porte en elle le sceau de la prudence, cet affreux sentiment, mère de toutes les connivences avec les puissants de ce monde, qui iront nous écraser de leur morgue insolente sans même s’en apercevoir.

 

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Une défaite sinon rien

 

Quand on s’appelle Saint-Etienne, qu’on peut se vanter de posséder le plus beau palmarès du football hexagonal, d’être la seule équipe de toute la Gaulle à avoir tutoyé le toit de l’Europe sans avoir eu auparavant à jardiner chez le voisin d’à côté, on ne peut pas, on ne doit pas saliver de joie à l’idée que samedi soir nous pouvons postuler à succéder à Marseille au palmarès de cette hideuse et tronquée Coupe de la ligue.

Ce serait insultant pour nos glorieux aînés.

Ce serait un crachat à la face de ce club à qui le football français et mondial doit tout.

Quand on a frôlé un jour de décrocher le Nobel, on ne peut pas s’enorgueillir de recevoir le grand prix du concours agricole de Lamotte-Beuvron.

On a sa fierté. Son honneur. Et une histoire à respecter.

Ce serait comme de concourir pour la palme d’or au Festival de Cannes et au final se satisfaire de ne récolter en catimini que le grand prix œcuménique de la critique.

La Coupe de la ligue n’est qu’une coupe en bois destinée aux unijambistes du ballon rond.

Une escroquerie tout juste bonne à retarder l’heure de la retraite du sémillant Daniel Lauclair.

A ébaubir les gagne-petit, les esprits mesquins et les puceaux effarouchés.

La Coupe de la ligue a autant d’attrait qu’une mère maquerelle défraichie reconvertie dans le poinçonnage de quelques ivrognes de passage au fond d’un ravin rocailleux.

Saint-Etienne mérite mieux que cet ersatz de coupe nationale qui n’intéresse que les supporters des équipes qui tentent de s’y illustrer.

Nous ne sommes pas Nancy, Metz, Lyon ou Gueugnon. Oui Gueugnon !

On me dira que voilà plus de trente ans que Saint-Etienne n’a rien gagné.

Mais sommes-nous tombés si bas que nous arrivons à nous enthousiasmer pour une épreuve que tout connaisseur de football s’accordera à penser qu’elle déshonore l’essence même du football ?

Nous n’avons pas traversé le désert du Sinaï pour se contenter d’un mirage de terre promise qui ressemblerait à s’y méprendre à une antichambre de l’enfer.

Nous préférons continuer à cheminer encore longtemps, à se nourrir d’herbes amères et d’eau croupie plutôt que de se réjouir de décrocher une coupe qui ne vaut rien, ne représente rien, ne destine à rien si n’est à s’illustrer dans une falote Europa Ligue toute juste bonne à affoler les passions de quelques eunuques de l’art footballistique.

Prions pour que samedi soir la pelouse du stade de France devienne notre linceul à tous.

Que s’enterrent là les illusions de quelques simples d’esprit qui auront espéré le temps d’un instant regoûté au parfum enivrant des dames du temps jadis.

Que les verts passent complétement à côté de leur match. Personne ne le leur en voudra. Bien au contraire, ils s’honoreraient à ne pas disputer ce simulacre de finale qui ne passionnera que les amateurs de sensations tièdes et de tisanes rances.

Soyons orgueilleux. Montrons-nous arrogants. Respectons-nous.

Ne nous abaissons pas à demander l’aumône pour conquérir une coupe que hier encore nous moquions à tout-va.

Ne nous abaissons pas à feindre une joie qu’au fond de nous nous savons honteuse et surjouée.

Saint-Etienne mérite mieux que ce trophée de pacotille.

Offrons-le à ces malheureux rennais qui jamais n’ont connu ou ne connaîtrons le doux vertige de ces grandes joutes européennes quand chamadent les cœurs ivres de succomber à l’ineffable bonheur de se savoir immortels le temps d’une folle soirée.

 

Et pourtant si par malheur les verts venaient à vaincre, faible comme je suis, faisant fi de mon indécrottable nolstagie, je sais d’avance que je m’en irais siffler là-haut sur la colline, que je hurlerais à la terre entière que nous sommes de retour avant de m’en aller rouler une pelle à mon chat.

Oui avec la langue.

 

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Je suis la 38716 meilleure vente d’Amazon

Entre l’écriture de deux romans, l’écrivain s’ennuie comme un lapin mort.

Il traîne chez lui, hagard, désemparé, désillusionné.

A ses amis, il confie qu’il se ressource.

A sa scélérate de femme qui lui demande toutes les deux minutes “quand est-ce que tu vas te mettre à ton nouveau roman mon chéri ? ”, il bafouille un coupable bientôt.

Avant de s’en aller administrer une raclée à son chat qui n’en peut plus de voir son maître occuper toute la journée son canapé favori.

A son éditeur, il prétend qu’il fourmille d’idées.

Ce n’est pas vrai.

Son cerveau est comme enrhumé. Figé. Congelé.

C’est ainsi qu’un beau jour, désœuvré comme jamais, au bord de la dépression, las de tout, par simple curiosité, il s’en va voir sur Amazon comment se porte sa dernière œuvre parue il y a quelques semaines.

Il rentre son nom, le titre de son roman, et il apprend ahuri qu’il existe déjà 9 exemplaires de son chef-d’œuvre immortel qu’un hypothétique lecteur peut d’ores et déjà acheter d’occasion. A moitié prix.

Il s’en offusque.

Il se demande comment cela est possible.

Il soupçonne son attachée de presse de se livrer à un infâme trafic de contrebande.

Quelques lignes plus bas, c’est le coup de grâce.

Amazon lui révèle qu’il occupe actuellement la 38716eme place au classement des meilleures ventes du site.

Il doit y avoir une erreur.

Il rafraîchit la page.

38716. Rafraîchit encore. 38716. 38716.38716.

Il essaye de visualiser ce que cette place peut bien vouloir dire.

Il imagine la colonne triomphante des 38715 écrivains qui, conquérants et fiers, marchent devant lui sans même se retourner.

 

Cela semble irréel.

Il se dit je suis un cancre.

Il se dit les lecteurs sont des veaux.

Il se dit je devrais changer de métier.

Il clique sur le lien présentant les 100 meilleures ventes du site.

Le numéro 1 s’appelle Eloge de la Faiblesse d’Alexandre Jollien.

C’est un philosophe il paraît.

Il se demande si le livre ne s’adresse pas exclusivement à lui.

Vient ensuite les attendues 50 nuances de cul.

La sixième place est occupée par un roman au titre qui le plonge dans des abîmes de perplexité, La femme parfaite est une connasse.

Il clique dessus.

L’argument de vente décline que  ” vous y apprendrez notamment comment garder votre dignité quand vous êtes complètement bourrée, qui sont ces filles qui ne mangent qu’une salade par jour, les questions qu’il ne faut pas poser à un homme si vous ne voulez pas entendre la réponse, ou ce qu’il faut faire de toute urgence si votre mec veut s’acheter des Crocs. “

Il se promet d’acheter très bientôt une paire de ces chaussures à gruyère.

Puis viennent les romans des enfants terribles de la littérature hexagonale : Guillaume Musso et Marc Levy.

Avant que ne déboule l’interminable cohorte des livres apprenant comment perdre 250 kilos en mangeant des œufs de caïman, comment maigrir en maigrissant, comment ne pas grossir en jouant au babyfoot avant l’apéritif.

A la 20eme place, un titre l’interpelle : Les quatre accords toltèques.

C’est quoi ça ? Un dictionnaire franco-aztèque ? Une étude en profondeur sur la musique catalane ? Une version mexicaine du Quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrell ?

Non pas du tout.

” Dans ce livre, Don Miguel révèle la source des croyances limitatrices qui nous privent de joie et créent des souffrances inutiles. Il montre en des termes très simples comment on peut se libérer du conditionnement collectif – le ” rêve de la planète “, basé sur la peur – afin de retrouver la dimension d’amour inconditionnel qui est à notre origine et constitue le fondement des enseignements toltèques. Les quatre accords proposent un puissant code de conduite capable de transformer rapidement notre vie en une expérience de liberté, de vrai bonheur et d’amour. Le monde fascinant de la Connaissance véritable et incarnée est enfin à la portée de chacun. “

Il se dit qu’il devrait en commander un.

Cela ne pourra pas lui faire de mal.

Après tout, lui aussi recherche le vrai bonheur.

Il se pourrait après tout qu’il soit un toltèque qui s’ignore.

Il a confiance en Don Miguel.

Il sent que Don Miguel peut l’aider.

Oui c’est décidé Don Miguel sera son sauveur.

Et en attendant que sa commande arrive, il commence à écrire la première page de son roman.

Il décide qu’il s’intitulera, ” Eloge de Don Miguel grâce à qui j’ai pu perdre 20 kilos sans que mon abrutie de femme ne s’en aperçoive ”.

 

Et quand il rafraîchit sa page Amazon, il s’aperçoit que désormais il pointe à la 45639 place…

 

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A Christine Boutin, l’étoile multicolore de la bêtise

On se doutait bien que Madame Boutin, tout ministre de la république qu’apparemment elle fut, ne se distinguait guère par la célérité foudroyante de sa pensée. Ou qu’elle entretenait avec ce qu’il convient de nommer l’intelligence des rapports de connivence fort distendus.

Rien que de la voir piquer un fard en apprenant qu’elle avait un nouveau pape laissait déjà supposer une légère défaillance s’opérant de temps à autres au niveau de ses synapses.

Pourtant avec son air de dame patronnesse enjouée et son physique de danseuse du ventre énamourée de ses propres rondeurs, on était plutôt enclin à la ranger dans la catégorie des exaltés sympathiques usant de leur foi pour s’illuminer de l’intérieur et soupirer d’aise de se savoir sous la protection du seigneur.

Rien de bien méchant.

Capable de se resservir de la crème fouettée sans même demander une autorisation écrite du curé de sa paroisse avant de chevaucher l’objet de son amour sous le regard bienveillant d’un Christ prônant, au-dessus de la rambarde de son lit à baldaquin, l’amour universel sur terre.

Aussi quelle ne fut pas notre désolation en lisant le tweet délétère de Madame Boutin apprenant que le Sénat venait d’approuver à mains levées l’adoption de la loi du mariage pour tous :

 

Il y a des baffes qui se perdent.

Et des envies de rétablir des tribunaux d’exception pour ceux qui osent, afin d’asseoir la pertinence de leur jugement, évoquer en sifflotant la mémoire de la déportation.

Les tsiganes, les homosexuels, les juifs, toutes les victimes du nazisme, ne sont pas mortes pour qu’un jour une illuminée dépitée vienne se servir de leur souvenir pour légitimer sa prise de parole.

Madame Boutin a tout à fait le droit d’avoir des opinions.

Madame Boutin a toute la légitimité nécessaire pour s’émouvoir que deux êtres du même sexe puissent se marier devant Monsieur le maire.

Et quand bien même éprouve-t-on quelque difficulté à comprendre le pourquoi de son courroux ou de sa gêne devant un acte qui semble somme toute bien anecdotique, il n’en reste pas moins que puisque démocrates nous nous vantons d’être, il nous faut admettre que ce genre de raisonnement a toute sa place dans le débat public.

Ce qui n’est pas admissible c’est d’appeler à la mémoire des déportés pour légitimer sa déception de n’avoir pas été entendue par la représentation nationale.

Ce qui n’est pas tolérable c’est d’évoquer le port de l’étoile comme s’il agissait d’une aimable farce ayant eu cours dans un passé reculé.

Savez-vous madame Boutin ce que cela représentait de se promener avec cet insigne incrusté dans la couture de son manteau ?

Cette infamie d’être stigmatisé comme un sous-homme à qui l’on refusait le simple droit d’exister. Que l’on moquait dans la rue. Que l’on houspillait, que l’on vitupérait, que l’on admonestait sous le simple prétexte que par sa présence il souillait la rue et la race allemande.

Ce port de l’étoile qui n’était qu’une licence même pas déguisée pour offrir au nazillon l’ordinaire le permis de passer à tabac la malheureuse et innocente victime ou l’obliger à accomplir des tâches qu’il n’eût osé demandé à un chien d’effectuer.

Cette obligation à porter cette étoile, Madame Boutin, ne fut que le début d’un funeste chemin de croix qui ne connut sa conclusion que dans le confinement d’une chambre à gaz.

 

En même temps quand on apprend que Justin Bieber a pu écrire après sa visite du musée d’Anne Franck à Amsterdam que ” Anne était vraiment une super fille. Elle aurait pu être une belieber ”, on se dit après tout que Madame Boutin a encore de la marge.

 

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Les députés au Crazy Horse

 

Allez hop tous à poil.

Oui toi noble représentant de la patrie en danger tu vas nous faire le plaisir de t’effeuiller devant nous. Un striptease intégral on exige. On veut tout voir, tout savoir. Ton pognon, tes maisons, tes liaisons.

Combien de divisions tu moissonnes avec le fric de nos impôts.

La terreur n’est point française écrivait Rimbaud.

Elle le devient.

Le peuple gronde, le peuple macère dans sa colère de moins en moins rentrée, le peuple n’en peut plus de trimer alors que vous, vous autres, messieurs les intouchables, mesdames de la haute, les élus de tous bords, vous continuez à vous bâfrer sur notre dos de plus en plus courbé.

Vite que des têtes tombent.

Venez petits marquis de nos finances publiques nous révéler vos infâmes secrets.

Défroque-toi donc et laisse nous un peu contempler ce que tu nous caches entre tes cuisses ventrues.

Tes berlines, tes châteaux, tes ruisseaux de bronze, tes fleuves d’argent, tes océans d’or.

Laisse nous explorer tes caves sordides où tu entreposes tes meubles Louis XV, tes greniers éclatants où s’entassent tes ruisselants lingots, tes appartements par milliers où tu entasses tes cuillères en argent.

Le peuple a dit on veut savoir. Le président a répondu vous saurez.

Le peuple a dit, on veut tout savoir. Le président a rétorqué, vous saurez tout.

Le peuple a dit, on veut voir à quoi ressemble la rondelle de nos députés. Le président a ordonné, messieurs les députés, déculottez-vous sur le champ.

Lundi prochain, ce sera le grand nettoyage de printemps.

Rien ne doit nous échapper.

Où tu vis, comment tu vis, avec qui tu vis.

Ce que tu dépenses pour te chausser, à quoi tu roules, au diesel ou à l’essence; de tes passions dévorantes, de tes appétits insatiables, de tes appétences inavouables, tu ne dois rien nous cacher.

De tes possessions, de tes crédits, de tes dettes, on veut en connaître le parfum.

Nulle part où se cacher.

Te voilà pris au piège.

Trop longtemps tu as profité du système. Trop longtemps tu t’es cru au-dessus des lois. Trop longtemps tu as cru nous berner avec tes airs de vierge effarouchée jurant sur le seigneur tout puissant que tu ne fricotais pas avec les hommes alors que tu passais tes journées à leur reluire le chibre.

Il est temps de passer à la caisse.

Plus de demi-mesures. Plus de mesurettes tièdes servant seulement à nous endormir. Plus de fadasses annonces cherchant encore et toujours à nous embobiner.

Le peuple s’est réveillé.

Il est en marche.

Rien ne l’arrêtera.

Quand les peuples s’imaginent malheureux, ils ne sont jamais responsables de leurs infortunes. Jamais. Il leur faut toujours désigner un coupable. Avant-hier encore c’était le juif. Hier l’arabe. Aujourd’hui le politique.

Et quand l’exécutif, pour flatter les bas-instincts de la populace, obéit, comme un brave toutou docile, à ses injonctions et demande aux représentants de la nation d’ouvrir grand le Livre des Comptes, il devient complice de cette chasse aux sorcières qui commencant dans les palais d’hiver de la république s’achève un jour dans les ruines d’un camp de dévastation.

 

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Ma déclaration de patrimoine d’écrivain millionaire

 

Mediapart relayé par Libération étant sur le point de révéler au monde entier l’étendue de ma fortune personnelle dans laquelle je me vautre sans vergogne depuis des années, je préfère prendre les devants et rendre publique sans plus attendre ma déclaration de patrimoine.

Donc oui, je confirme les dires d’Edwy Plenel, je confesse posséder des biens immobiliers principalement sous la forme d’une litière de luxe achetée en trois fois sans frais à mon idiot de chat.

Coiffée d’un large auvent servant à éviter toute projection sur le parquet de gravats superflus, dotée d’une porte amovible en plastique permettant au gnome à quatre pattes de racler le fond de son bac en sable sans provoquer un surplus de travail au service de la voirie de mon appartement, elle supplante toutes ses concurrentes grâce à son système de ventilation fragmentée.

Elle peut aussi s’enorgueillir d’être pourvue au niveau de sa partie supérieure d’une élégante poignée lui autorisant ainsi éventuellement d’être transbahutée dans une autre pièce de la maison, poignée susceptible en cas de mauvais temps d’être rabattue et de s’insérer ainsi sans difficulté dans la structure interne de la boiboite sans défigurer pour autant son apparat d’ensemble.

Puisque j’ai décidé de tout dévoiler sans rien soustraire à la vigilance de l’administration fiscale je me dois aussi de spécifier que je possède également, comme l’a démontré la brillante enquête de Médiapart, une cage de transport d’une valeur indéfinie servant aux déplacements de mon tigre.

De couleur grise, d’aspect robuste, elle se présente sous la forme d’une boite repliée sur elle-même qui grâce à un audacieux stratagème s’apparentant à un ingénieux système coulissant, lui permet de se déplier et de s’ouvrir en deux, facilitant dès lors l’accès pour le félin que l’on sait de toute éternité récalcitrante à s’encalminer dans ces étroites surfaces.

Sur le haut de sa plateforme, elle dispose d’une grille argentée capable en son extrémité gauche de se rétracter sur quelques centimètres afin de laisser passer le museau du fauve qui souffrirait d’un léger accès de claustrophobie aiguë voire même d’offrir la possibilité à la main de l’heureux propriétaire de cette boîte en acajou de s’assurer que l’objet de toutes ses attentions n’a pas profité d’un fugace moment d’inadvertance pour se faufiler hors de son cercueil mobile.

Et elle aussi peut se vanter d’être ornée à son sommet d’une véritable poignée en plastique massif capable de tenir dans la paume d’une charitable main et ce afin d’être pleinement saisie, prélude nécessaire à son déplacement de la maison à la voiture, de la voiture à la salle d’attente du cabinet du vétérinaire, de la salle d’attente du cabinet du vétérinaire à la table d’auscultation, le tout sans tanguer de trop ou du moins juste assez pour donner l’impression au chat voyageur que la vie hors de son périmètre de sécurité, cuisine, canapé, sofa, fauteuil, retour cuisine, n’est pas de tout repos.

J’avoue avoir longtemps caché la possession de ces deux biens immobiliers pensant, au regard de mes relations et de ma situation de nanti sans scrupules, être à l’abri d’une enquête approfondie concernant  mes ressources viagères et jouissant dès lors, en toute impunité, de leurs usufruits.

J’ai bien conscience qu’en agissant de la sorte j’ai soustrait une part plus que substantielle de ma richesse patrimoniale à l’administration fiscale.

Cet oubli tout à fait volontaire est inexcusable, impardonnable, imprescriptible et je suis prêt à payer sur le champ le prix de ces agissements outranciers.

Je demande également pardon à mon chat que j’ai exposé inconsidérément à des tracas dont il ne saurait être en aucun cas tenu responsable.

 

Même si je l’ai ramené d’un voyage dans une ile des caraïbes mais ceci est une toute autre histoire qui ne concerne en rien Médiapart.

 

Déclaration faite sur l’honneur le 8 pluviôse de l’an 2013 à la Halle aux chaussures de Garge-lès-Gonesses

 

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