Mes chers compatriotes, je le confesse bien bas, de ma lointaine retraite, je vous envie. Depuis que j’ai visionné, en catimini, la conférence de presse de Monsieur Niel, le Monsieur Loyal de la téléphonie, j’ai comme des envies de retour, des démangeaisons de revenir à la case départ. Je commence à rôder autour des agences de voyage histoire de voir le prix d’un billet d’avion pour rentrer au bercail. Pénible aveu : La France me manque. Enfin, surtout ses forfaits téléphoniques. 20 euros pour pouvoir converser avec le monde entier, voilà le genre de nouvelle qui vous terrasse et change à jamais votre conception de l’existence. Dans la longue et glorieuse histoire de l’humanité, il y aura donc eu Dieu, Moïse, Copernic, Galilée, Newton, Einstein, Charles de Gaulle, et désormais Monsieur Niel.
L’autre jour, en le regardant gigoter comme un fanfaron de coq sur son estrade, l’œil coquin et le regard gourmand, ressemblant à Charlie Chaplin jonglant de sa mégalomanie à l’aide de sa mappemonde flottante dans le Dictateur, j’ai soudain compris le pourquoi de l’affolement précipité des autorités de l’époque lorsque Galilée commença à publier ses élucubrations métaphysiques. Trop d’intelligence effraie. L’esprit humain reste souvent sourd quand le génie flamboyant, débarqué de nulle part, se déploie devant lui avec toute sa panoplie d’arguties qui par leur inventivité et leur audace révolutionnaire vous font comprendre ce qu’une fourmi doit éprouver lorsqu’elle se retrouve face à face avec une limace : un sentiment de petitesse, d’inutilité, d’incongruité mêlée à une envie féroce de s’agenouiller devant la puissance tutélaire d’une force qui vous surpasse et vous terrasse.
Avec l’air d’y toucher, Monsieur Niel réinvente le monde et réenchante le rêve français. Et il le sait. Il suffit de le regarder plastronner face aux caméras du monde entier pour comprendre que le doute ne l’habite guère, et que tous les matins, quand il daigne honorer de son auguste présence un nouveau jour apparu, devant sa glace grande comme le Parthénon, il ne doit pas lasser de s’admirer sous toutes les coutures et de s’auto-congratuler avant de s’autoriser à se prendre dans ses bras pour se féliciter d’exister. Certes, avanceront quelques esprits narquois, fielleux de jalousie rentrée, monsieur Niel a une élocution un peu bâtarde voire pataude qui déroule un phrasé qui ne brille guère par son liant ni son allant, certes ses réparties et autres saillies verbales tombent à plat comme un soufflé raté et ses envolées linguistiques possèdent la portée transaltlantique d’un pet de grenouille, il n’empêche que sa jubilation, à grand-peine retenue, à faire la nique aux autres grands groupes de télécommunication procure un étourdissement de plaisir infinis. Monsieur Niel jouit d’être Monsieur Niel, l’homme qui pense le nouveau monde, anticipe le futur, appréhende la modernité comme personne ne l’avait jamais incarné jusqu’alors.
Tour à tour visionnaire, altruiste, débonnaire, sarcastique, ironique, drôle, inspiré, gracile, aérien, volubile, malin, roublard, populo, Monsieur Niel reprend le flambeau de la pensée française là où Camus l’avait laissé : au pied d’un arbre, sur la nationale 6, à la sortie de Sens.
Monsieur Niel ne doute de rien et il a bien raison. Son offre à 20 euros est de celle qui transforme le vaste champ des activités humaines et oblige les hommes à changer de logiciel pour ne pas rester, comme un demeuré hagard, au bord de la route. Rendez-vous compte : désormais n’importe quel énergumène, quels que soient, sa race, sa religion, sa couleur de peau, son club de foot préféré, pourra envoyer des cargaisons de texto pour relater l’histoire de sa truculente visite chez son proctologue : ” vu le procto. Aie. =*savaséigné : p” tout en conservant le loisir de converser avec moult détails de ses problèmes hémorroïdaires récurrents avec tout le contingent de ses solides et indéfectibles amis. Même son oncle d’Amérique sera désormais au courant de ses testicules poussant à l’orée de son arrière-train. Et tout ça gratuitement. Ou presque.
Le monde ne sera plus comme avant. Dans les livres d’histoire, on se souviendra qu’il y aura eu un avant et un après 10 janvier 2012. Le 10 janvier sera le jour où le monde a basculé dans une nouvelle ère. Celle de Monsieur Niel.
Une seule fausse note toutefois : franchement, quelqu’un dans son entourage, son majordome ou sa cireuse de chaussures, aurait pu penser à dire à Monsieur Niel que sa blanche chemise, impeccablement repassée, débordait de trop sur sa droite, occasionnant une frange boudinée des plus disgracieuses. C’est à ce genre de petit détail, Monsieur Niel, que l’on rate parfois le train capricieux de l’Histoire.
P.S: Le premier qui se demande le pourquoi de la présence de Delon, je le raye de mon blog. A vie.
lire le billetC’est désormais acquis, officiel, confirmé, certain, assuré, inévitable : la jeunesse de notre beau pays vivra moins bien que les sexagénaires qui sont en train de radoter leurs derniers beaux quartiers d’été avant de baisser pavillon et de s’encrasser dans les cimetières municipaux. Nos aînés en partance pour un monde meilleur ont beau jeu de se morfondre en excuses plus ou moins sincères, de raser les murs, de prier leurs cadets de les pardonner de leur laisser une pareille chienlit, cela ne change rien au fait indubitable qu’ils ont sur leurs consciences ensanglantées, l’assassinat de masse, perpétué de leur vivant, de leurs propres descendances.
Les politiques, coupables d’avoir fermé les yeux sur ces agissements délétères, pire même, de les avoir sciemment encouragés, leur emboîtent le pas, et la voix grave, la mine défaite et compatissante, admettent à reculons cette atroce et insoutenable réalité : le monde qu’ils laisseront sera un monde cruel, cupide, sans morale, livré à lui-même, rempli de chausse-trappes, où la jeunesse n’aura de cesse de culbuter et d’être précipitée la tête la première dans un ravin sans fin.
Des criminels donc. Accusés d’avoir commis de sang-froid et en toute connaissance de cause un génocide générationnel. Des sales vieux cons d’égoïstes, perclus d’indifférence, abjects de veulerie, bouffis de suffisance, qui se sont empiffrés, en toute conscience, sur le dos de leurs enfants, sans que cela ne les amène à changer d’un iota leur comportement. Après moi le déluge aura été leur devise.
Nos aînés auront donc commis le plus infâme des impairs en n’assurant pas à leurs descendants une vie meilleure. Une faute métaphysique qui leur vaudra à tout le moins des remontrances divines et un passage obligé et prolongé dans les abymes. Parce que – c’est écrit dans le marbre biblique qui jamais ne ment – depuis que l’homme est l’homme, le créateur a passé un acte intangible avec sa créature. A tes descendants, une vie plus florissante tu leur donneras. De quoi mener une vie plus douce que la tienne, tu leur offriras. Une existence plus joyeuse et plus mieux, tu leur apporteras. Si jamais tu ne respectes pas cette règle d’or que je te donne comme preuve de ma confiance envers toi, tu seras déshonoré et tu connaîtras alors les feux de l’enfer. (Kevin, Livre IV, Épître XVIII).
Un peu partout, aux abords de nos grands centres commerciaux, les loups aiguisent déjà leurs canines et s’apprêtent à entrer dans la bergerie. Le chômage, la faim, la dette, le froid, le réchauffement climatique, la perte du triple B, l’arrivée du Qatar au PSG, la fonte de la banquise, les fonds de pensions déficitaires, la chute de l’euro, l’augmentation du prix de la baguette, les suicides à répétition de Loana, obligeront la nouvelle génération à vivre dans des conditions épouvantables jamais rencontrées par l’homme dans sa longue quête du bonheur pour tous sur terre. Désargentés, ruinés avant même d’avoir commencé à jouer, nos jeunes erreront de villes en villes à la recherche d’un peu de chaleur et d’un morceau de pain que personne ne leur donnera. Anéantis par la crise immobilière, ils vivront dans la rue, clochards amers mâchonnant leur amertume en crachant sur la tombe de leurs géniteurs.
Le pire est certain. Les écrans plats ne seront plus jamais aussi plats, il sera difficile voire impossible d’offrir à son chat un téléphone portable avec un forfait illimité, les enfants devront se résoudre à se passer de téléviseur dans les toilettes, Madame devra renoncer à la lipposuccion de son disgracieux orteil gauche, Monsieur ne pourra plus entretenir ses maîtresses et sera contraint de muscler son poignet pour entretenir les turgescences récurrentes de son membre mis au chômage technique. Bien vite, il faudra opérer des coupes sombres dans le budget des produits de première nécessité : fini les vacances à Bali, désormais ce sera Hammamet et encore. Impossible de mater les exploits magnifiques de l’Olympique Lyonnais en ligue des champions, il faudra se contenter d’écouter le récit de leur défaite triomphante à la radio. Le Tour de France deviendra payant. On sera obligé de relire les vieux classiques poussiéreux laissés en héritage par nos salauds de parents au lieu de se précipiter sur les derniers romans des romanciers à la mode. On n’allumera plus le chauffage qu’une nuitée sur deux. Les consoles vidéos seront remisées au grenier avec pour leur tenir compagnie des grilles-pains, désormais bien inutiles puisque du pain il n’en y aura plus.
Ce sera la fin d’un monde. Dans trois générations, on sera revenu à l’âge de pierre. Dans dix, on recommencera à papoter avec les singes. Et c’est ainsi que dans trois siècles, au plus tard, nous retournerons au jardin d’Eden. Et cette fois-ci, promis, on laissera Eve poireauter à la porte.
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Comme tout bon citoyen accaparé par les affaires de la nation, en pleine phase de révision en vue de la prochaine élection présidentielle, je me suis précipité bille en tête sur la fracassante déclaration d’intention de M. Hollande, paru en grande pompe dans Libération. Début parfait : la patrie est en danger, le pays tangue, les digues ont cédé, les métastases se propagent, la fin est proche, c’est foutu, Marianne va chercher la corde, Godot ne viendra pas, autant se pendre tout de suite.
Et puis, et puis, et puis, soudain l’éclaircie, miraculeuse, inattendue, inespérée : ” Notre vie intellectuelle et artistique demeure une des plus riches et suscite toujours l’admiration des peuples “. J’en aurais chialé de bonheur retrouvé. Les jambes flageolantes, le cœur en pâmoison, l’âme au bord des larmes, je me suis agenouillé devant l’écran de mon bénitier d’ordinateur et longtemps, j’ai prié pour que les puissances célestes accordent à François le loisir de présider très bientôt notre belle république.
Cette phrase, elle n’a l’air de rien comme ça, elle se promène anodine dans le discours du candidat socialiste, elle passe inaperçue parmi le constat de désolation et la promesse de lendemains réenchantés, et pourtant, à elle seule, elle renverse des montagnes, pulvérise des champs entiers de la morosité ambiante. Certes, que notre vie intellectuelle et artistique soit l’une des plus riches que l’univers intergalactique n’ait jamais compté, franchement qui en doutait ? A jamais la France demeure la mère des arts. Comme l’Angleterre est le pays des demeurés d’hooligans, l’Allemagne des vulgaires buveurs de bière, l’Italie des voleurs de bouffeurs de spaghettis, l’Espagne des tapettes de danseurs de claquettes, les japonais des rieurs tueurs de baleine, les coréens des horribles mangeurs de chiens, la France demeure, envers et contre tout et tous, cette patrie dont le génie rayonne à jamais sur la mère des astres. Marc Levy, Tatiana de Rosnay, Katherine Pancol, Guillaume Musso, Jennifer, Mireille Mathieu, Jeanne Mas, Johnny, Zizi Jeanmaire, … dois-je vraiment continuer ? Inutile. Chacun connaît la puissance intellectuelle de notre beau pays. Elle est incomparable. Elle n’a pas d’égal. Elle est infinie. Elle profusionne à chaque coin de rue, s’épanouit au détour de chaque fontaine, rayonne à travers champs et montagnes.
Mais pas seulement. Car comme le souligne fort à propos Monsieur Hollande, elle suscite toujours l’admiration des peuples. Et là, là, je dis merci François. Parce que moi j’en connais et j’en fréquente de ces esprits chagrins qui ratiocinent à tout-va sur le déclin culturel de la France, sur sa continuelle perte d’influence, sur sa décrépitude inexorable, alors que c’est tout le contraire. Plus que jamais le monde entier nous regarde. Les modes naissent à Paris et meurent à Marseille. Les autres capitales jalousent notre rayonnement culturel. Pas une université en ce bas monde qui ne possède son département de littérature française contemporaine au portillon duquel s’amassent des milliers d’étudiants avides de saisir une particule de notre savoir. Pas un centre culturel d’un pays étranger qui n’organise une fois l’an une exposition, La France, Son Génie, Sa Grâce, Ses Lumières, à laquelle assiste, médusée et fascinée, une foule ahurie de découvrir la richesse fabuleuse de notre patrimoine culturel.
Nous fascinons. Nous émerveillons. Nous ruisselons de notre génie intemporel. Aucun pays, dans l’histoire des pensées et des idées, n’a connu un tel rayonnement. Pas même la Grèce Antique. Pas même la Grande Russie. Pas même l’Angleterre Victorienne. Il suffit de se promener dans n’importe quelle capitale européenne, dans n’importe quelle cité américaine, dans n’importe quel village asiatique pour se rendre compte que la France continue à être cet unique agitateur d’idées, ce vivier de la modernité créatrice, ce phare, oui ce phare, qui dans le brouillard des pensées formatées, continue à briller et à redonner espoir à des milliards d’hommes et de femmes qui tous les soirs avant de se coucher remercient encore le Seigneur de leur avoir donné comme Soleil cette France éternelle, terreau de toutes les audaces et de toutes les folies.
Aussi, en toute logique, je te conseille, Cher François, sitôt que tu seras président, de décider en tout premier lieu d’inscrire la France au patrimoine mondial de l’humanité. Elle le mérite tellement.
lire le billetAllez, pour bien finir l’année, en affichant une belle méchante humeur avant de s’en aller se torcher la tronche à coups de Perrier pour tirer sa révérence à une année bien morose, une de plus, une de moins, va savoir, un ultime coup de gueule envers l’une des nouvelles merveilles technologiques que l’époque moderne a enfanté dans l’allégresse et la joie, alléluia, houba hop, le Christ est ressuscité, viens par-ici gamin, défroque-toi, tends ton postérieur et laisse-toi faire, c’est indolore, ne crains rien, c’est pour ton bien, tiens regarde ce que j’ai apporté, un appareil photo numérique, pas compliqué pour un sou, tu appuies là, sur le petit bouton, et dans la seconde, tu peux mitrailler à l’infini la face de tes parents, de ton chat, de ta voisine, dans toutes les postures, à cent mille à l’heure tu dégoupilles, tu bombardes, tu cachetonnes, tu crachotes, tu branlottes, rien à régler, l’appareil se charge de tout, la couleur, le grain, le zoom, le zboub, la hauteur, la largeur, les ombres, le soleil, la pluie, les paysages, le cadre, le pastel, les reflets, le compte est bon, direction l’ordinateur, transfert de données, les doigts dans le nez, les images apparaissent sur l’écran, nickel, parfaites, proprettes, des myriades de photos, suivante, suivante, suivante, direction le disque dur déjà saturé de photos tout aussi inutiles, mais qu’importe, qu’importe, j’ai un disque dur externe pour entreposer le surplus, juste au cas où.
On se calme Papy. On prend ses pilules et on explique aux jeunes générations de quoi tu causes parce que là, à tes jacasseries exaltées, on n’y comprend goutte.
Il y eut un temps, pas si reculé que cela, où prendre une photo exigeait du temps, de la sueur, des larmes… et de l’argent. Quand l’on partait en vacances, on embarquait six pellicules maxi, chacune capable de prendre 24 photos. Quand le chef de famille se décidait à prendre une photo, tu recevais une convocation en bonne et due forme : prière de se présenter à telle heure, à tel endroit, habillé de telle manière, arborant un tel sourire. A l’heure dite, toute la sainte famille se retrouvait à l’emplacement choisi par le photographe de service qui avait passé sa matinée à réfléchir à la meilleure exposition possible pour que la photo soit prise sous les meilleurs auspices. Après avoir résolu des équations compliquées et savantes, consulté l’heure de la marée, s’être renseigné sur la position du soleil dans le ciel, s’être informé sur d’où venait le vent, il se tenait prêt, l’appareil en badouillère, chacun prenait la pose en ne mouftant pas d’un sourcil, pas question de jouer au mariole en se jouant d’une grimace ou d’un sourire imbécile qui serait sanctionné bien plus tard par une paire de gifles bien senties.
L’avantage c’est que tu ne passais pas tes vacances comme si tu étais une starlette mitraillée par des photographes lors de la montée du tapis rouge à Cannes. Pas de, “Attends, j’en prends une encore. Au cas où.”
Il n’y avait pas de cas où.
Les vacances finies, la vie reprenait son cours. Un jour, tout excité, le père de famille convoquait tout son petit monde dans le salon, il venait de passer à la boutique en charge du développement des photos, et bingo, elles étaient prêtes. Elles se trouvaient là, toutes rutilantes, immaculées, entreposées soigneusement dans une enveloppe estampillée Kodak. Religieusement, les mains tremblantes d’émotion, le cœur battant, les mains moites, il extirpait un à un les clichés que chacun prenait le temps de regarder avec toute l’attention requise. C’était un peu comme si on repartait en vacances une deuxième fois. Il y avait des déceptions, tiens sur celle-là, on ne voit pas bien l’hôtel en arrière-plan, je ne comprends pas ce qui a pu se passer, par contre, celle-ci est vraiment parfaite, on va la tirer pour l’envoyer à l’oncle d’Amérique, il sera content, et non, c’est pas vrai, à qui appartiennent ces deux doigts qui apparaissent au-dessus de la chevelure de maman, hein à qui ?
Je ne prétends pas que c’était mieux avant. Je dis que c’était différent. Voilà tout. La preuve, cette photo-là, sous tes yeux, prise à l’instant, elle n’a l’air de rien comme ça mais à elle seule, elle représente une révolution. De là à se demander si ça valait vraiment le coup…
lire le billetN’était-ce cette tête à claque de Victoria qui lui sert tout à la fois d’épouse et de directrice de conscience, de banquière et de mère nourricière, de femme fatale et d’épouse castratrice, David Beckham serait un type tout à fait fréquentable. Propre sur lui, modeste, consciencieux, travailleur, footballeur plutôt doué, doté d’une belle technique et d’une certaine vision du jeu, tireur de coups de pieds arrêtés avisé, aimé par ses coéquipiers, loué par ses entraîneurs, il serait même une crème de joueur, à porter haut dans l’étendard de nos joueurs fétiches, au même titre que Ryan Giggs, Javier Zanetti, Alessandro Del Piero, toute cette rimbambelle de remarquables joueurs, qui, au lieu de se prostituer du coté des sables chauds de Dubai, continuent d’illuminer de leur constance les pelouses continentales. Sauf que sur sa route, David a croisé la pisse girl, sa Yoko Ono à lui, et que depuis, son existence part en couilles.
De simple footballeur à priori sympathique, Victoria en a fait une girouette de statuette de starlette en goguette, tout juste bon à combler l’imaginaire de jeunes filles en fleur, rêvant de perdre leur virginité dans les bras du bel éphèbe, épilé jusqu’au ras des testicules. Un homme tronc vendant son image de farfadet de blondinet pour des publicités assez émoustillantes et évocatrices, capables de donner des regrets à des dames en partance, rêvant une dernière fois à des étreintes enflammées, disputées dans le corridor de leur lubricité déclinante.
Beckham au PSG, c’est un peu comme Carla Bruni jouant dans le dernier Woody Allen, Midnight in Paris. A lire le déroulé du générique, on se demande ce qu’elle vient foutre là mais vu qu’elle a juste deux répliques à déclamer, on n’en tient pas trop compte et, pour appâter le chaland, on met son nom bien en haut de l’affiche, histoire que le film ne passe pas trop inaperçu. Les Qataris ont bien retenu la leçon. Vu que Carla Bruni refusait obstinément de s’entraîner les jours de pluie et qu’elle rechignait à enfiler un maillot qui jurait de trop avec la couleur de ses cheveux, ils se sont rabattus sur Beckham qui, après Manchester, Madrid, Milan, Los Angeles, mourrait d’envie d’offrir à sa promise la possibilité de parfaire sa connaissance de la peinture impressionniste en lui payant un abonnement à l’année au musée d’Orsay.
Footballistiquement, ça ne peut pas faire de mal au PSG dont on se demande encore, au regard de leurs dernières prestations, comment ils peuvent se retrouver en tête du championnat, sauf de se rappeler qu’on parle là du championnat français dont le niveau se situe quelque part entre le zéro et le néant.
Le PSG cette année, c’est la piste aux étoiles sauf que le machiniste a oublié de remplacer les ampoules. Avec Pastore qui semble être aussi intéressé de briller sur la pelouse du Parc que le PS de trouver une circonscription pour Jack Lang. Avec Jeremy Menez qui est en train d’inventer l’auto-fellation footballistique ou le syndrôme du joueur qui aimerait devenir, dans le même mouvement, l’auteur d’un coup franc magique, prenant la direction de la lucarne, avant de courir comme un dératé dans les buts, enfiler le maillot du gardien de but et sortir une parade de derrière les fagots pour sortir sa propre frappe. Avec Gameiro qui court avec l’enthousiasme juvénile d’un chien fou à la poursuite d’un bâton que Pastore ou Nenê ont pris soin de cacher dans le revers de leur short.
Chapeau tout de même au Qatar qui, avant de jouer au Monopoly avec le PSG, avait déjà persuadé Don Blatter de lui offrir Madame la Coupe du monde comme cadeau de mariage, sous le prétexte ahurissant qu’il fallait désormais que cette dernière ouvre ses cuisses à de nouvelles cultures, comme si on décernait là la prochaine destination de l’exposition universelle, avec, comme alibi culturel et linguistique, la tête de plus en plus ahurie et effarée de notre Zizou national.
Tout en promettant que les stades seraient automatisés, auto- rafraîchissants, auto-destructeurs, que la distribution de crème solaire tout écran, niveau de protection 254, serait non seulement gratuite mais obligatoire sitôt le débarquement à l’aéroport, que dans les robinets des hôtels beaux et resplendissants comme des Parthénons modernes, de la bière fraîche et glacée coulerait de nuit comme de jour, et qu’au détour de chaque couloir, des escouades de calls girls, débarquées tout droit de la Sibérie Occidentale, s’offriraient en pâture et sans rechigner à la lubricité démoniaque des visiteurs accourus des quatre coins de la planète.
Juste avant que ces crétins de branleurs de météorologues de mes deux à qui on n’avait rien demandé, s’accordassent à affirmer que pendant toute la durée de la compétition, réchauffement climatique ou pas, les températures valdingueraient autour des 50 degrés, ce qui obligerait les joueurs à porter des gants réfrigérés pour effectuer de périlleuses touches, que le ballon serait tellement chaud bouillant qu’il faudrait songer à proscrire tout jeu de tête, et que le petit malin qui s’amuserait à enlever son maillot afin de fêter un hypothétique but, s’exposerait à finir sa course dans les coursives de l’hôpital surclimatisé pour soigner ses brûlures au troisième degré.
Bref, le Qatar c’est du lourd, du très lourd. En prenant d’assaut la citadelle parisienne, ils pensent s’offrir le marche-pied idéal pour conquérir l’Europe avec David Bechkham comme maréchal d’empire. Vu comme c’est parti, ils repartiront bien vite, la bite sous le bras et la valise remplie de trophées… de la Coupe de la ligue.
lire le billetLes fins d’années n’en finissent jamais d’en finir avec leurs fins qui n’en finissent pas d’en finir et d’en finir encore, agonie de jours que chacun d’entre nous a l’obligation d’aborder une plume dans le cul et le sourire aux lèvres. Un sourire de circonstance dicté par l’air du temps qui exige, réclame, somme le couillon de service que nous feignons croire être toujours le voisin d’à côté, de se tenir à carreaux durant une quinzaine pendant laquelle la valse accélérée du monde se fige, le temps suspend son vol, tout le beau monde, invité à fraterniser, la main sur le cœur, rivalise de sottes amabilités convenues juste avant de reprendre les hostilités.
Le temps béni des cadeaux inutiles, des embrassades forcées, des souhaits prononcés mais jamais vraiment pensés, du bilan amer de nos vies qui, dans le chas d’une année, se sont encore un peu plus effilochées, de nos espérances défuntes, du carrousel de nos promesses non tenues qui nous rendent encore un peu plus mélancoliques et amers devant ces armées d’années damnées qui passent, passent, sans que jamais rien ne change, sans que nos vies n’empruntent d’autres trajectoires que celles de nous rapprocher toujours plus près des portes des chapelles de nos sinistres et paisibles cimetières, tout en continuant à ruminer des existences médiocres qu’il nous faut mettre entre parenthèses, le temps de se consoler, à l’ombre d’un sapin de Noël ou d’une Menorah, en tentant de donner le change, quand bien même le cœur serait plus prompt à vomir des pensées funèbres, et que l’âme en berne vrombirait plus volontiers des chants lugubres murmurés dans la solitude glacée du caveau de nos espoirs éteints.
C’est aussi le temps où, dans les journaux vides comme des urnes funéraires délaissées à des fossoyeurs désoeuvrés, on dresse la liste imbécile des cents meilleurs livres, des cents meilleurs disques, des cents meilleurs films, toute cette ribambelle de palmarès qu’on est condamné à ingurgiter pour pouvoir fanfaronner le soir du réveillon lorsque les bulles de champagne aidant, nos langues volubiles déclineront nos coups de cœur qui ne seront que des coups d’épée dans l’eau mais qu’importe, l’heure sera à la fête, nos esprits prendront plaisir à robinsonner, nos yeux s’amuseront à papillonner, nos papilles se régaleront de tranches de saumons carbonisés et de foie gras flasques et mous comme des cervelles de babouins.
Donc, avant mes livres de l’année et mes films de l’année, mes disques de l’année :
If you’re feeling sinister de Belle and Sebastian : personne n’aurait parié un kopek sur cette bande de troubadours écossais chantant dans des églises des comptines d’autrefois. Et pourtant en dix chansons impeccables, dix petites merveilles de ritournelles pop, dix mélodies intemporelles qui déclinent des vies compliquées aux sentiments contrastés, Belle and Sebastian a signé là l’album le plus abouti de l’année voire de la décennie. D’ores et déjà un classique. (Jeepster Records. 72 francs)
“Vauxhall and I” de Morrissey : On s’était résigné à n’aimer Morrissey que d’un amour posthume en évoquant le temps radieux où avec Johnny Marr il ensorcelait le monde à coups de chansons et de refrains inoubliables qui auront rythmé toutes nos années d’adolescence. Avec son dernier opus, Momo a retrouvé la grâce des albums des Smiths. Aérien, inspiré, léger, l’album vole de chansons en chansons qui claquent comme des hymnes à une vie presque radieuse où Morrissey, sûr de sa voix et toujours aussi à l’aise pour parler de lui, semble avoir enfin trouvé sa place. Celle d’un chanteur toujours aussi détaché des réalités du quotidien et qui confie, sans fioriture, sa difficulté à s’assumer dans un monde qui ne l’intéresse pas plus que cela. (Parlophone. 66 Francs)
Amsterdam de Jacques Brel : Indubitablement la claque de l’année. L’on savait Brel déjà capable de tout, prompt à flinguer dans le même mouvement le curé et le bourgeois, les gens assis et les adultes rassis mais on ne s’attendait pas à une telle violence, à un tel déferlement de sentiments crachés avec la rage désespérée d’un chanteur qui nous postillonne à la gueule la vie de ces marins revenus de tout, et qui, grandiloquents dans leur désespérance, se suicident le temps d’une chanson incandescente, avec ce gémissement d’accordéons allant crescendo jusqu’à l’apothéose finale. Un véritable morceau de bravoure qui en trois minutes fracasse et balaye tous les codes installés de la chanson populaire et installe à jamais Brel comme notre poète le plus accompli depuis Villon. (Barclay. 24 francs)
lire le billetGoogle a commis un doodle pour célébrer le 190ème anniversaire de la naissance de Gustave Flaubert. Écrite ainsi, cette phrase n’a l’air de rien, et pourtant, jamais, de toute ma chienne de mort, je n’aurais pensé qu’un jour je puisse arriver à commettre un post commençant ainsi : Google a commis un doodle pour célébrer le 190ème anniversaire de la naissance de Gustave Flaubert. Déjà, en premier lieu, les commémorations des morts et des naissances de nos illustres aînés m’ennuient profondément. Voilà cinquante ans que Tartatanpion s’en est allé. Il y a très exactement 578 ans que MachinTrucMuche voyait le jour. Demain, si tout va bien, on fêtera le tricentenaire de la barmitsva de Schlomolemomo. Après demain, sera célébré le jubilé de la circoncision de la mère du fils de madame Boutboul.
Ses petites révérences posthumes, pompeuses et faussement élégiaques, me laissent de marbre. Je préférerais nettement qu’on écrivît, en toute simplicité, que demain, le cadavre de qui-vous-voulez, Elvis, Papy Mougeot, Madame Soleil, en sera à son 69350 jour de décomposition, et que pour fêter dignement cet évènement, la 7ème compagnie des joyeux vers de terre du Lubéron s’associera à la fratrie des gais lurons des coléoptères du bassin d’Arcachon pour entamer l’attaque de la face nord du tibia gauche de la dépouille de l’auguste défunt. On serait ainsi plus proche de la vérité. Après tout Flaubert était-il un écrivain réaliste ou pas ?
Maintenant, que Google se fende d’un doodle pour fêter le 190ème anniversaire de la naissance du père de Fréderic Moreau et de Madame Bovary me laisse songeur. Si ce n’est circonspect. Voire dubitatif. J’avoue, jusqu’à ce matin, j’ignorais ce qu’était un doodle. M’eût-on interrogé à brûle-pourpoint sur le sens de ce mot barbare que j’eus sûrement annoné, d’une voix hésitante, qu’il désignait là un objet en forme de donuts utilisé comme doudou pour les enfants esquimaux afin de s’endormir dans leurs igloos. Et je me serais lourdement trompé. Pour celui qui barboterait dans la même ignorance crasse que la mienne, apprends donc, compagnon d’infortune, qu’un doodle désigne “un gribouillage” en anglais, et permet une paronomase avec “Google”. J’imagine que tu ne sais pas non plus ce que c’est une paronomase ? Je te rassure, moi non plus. Dans mes recherches très poussées qui m’ont amené à explorer des terres inconnues et des contrées exotiques, j’ai appris aussi que Google pratiquait l’art des Favicon, le Favicon étant un mot valise né de la contraction des mots Favorites et Icon. Compris Ducon?
Pour résumer, grâce à Google Govarysant, me voilà donc un peu moins ignorant. Non seulement ai-je appris que Gustave avait vu le jour le 12 décembre de l’an 1821, alors que je penchais plus pour le 10 décembre voire le 9 au matin, à l’heure où blanchit la campagne rouennaise, mais de plus, je peux désormais m’enorgueillir de connaître sur le bout des doigts la signification de doodle et de favicon, ce qui, avouons-le, vous change un homme de fond en comble.
Dans toute cette affaire, ce qui m’émerveille, c’est de savoir qu’un gus qui travaille pour le compte de Google se soit non seulement souvenu de la date de naissance de Flaubert mais que de surcroît, il se soit montré assez persuasif dans sa démonstration pour convaincre son supérieur hiérarchique de l’impérieuse nécessité de convoquer, toutes affaires cessantes, le graphiste de l’étage d’en-dessous, pour qu’il en fasse un doodle du plus bel effet – le responsable des Favicons étant visiblement absent ce jour-là ou alors il n’avait pas encore achevé sa lecture de Salammbô.
Je dis chapeau.
Je dis bravo. Même si le côté salope désespérée d’Emma ne transparaît guère dans ce doodle un peu trop pastelisé, tout juste bon à emouvoir les prudes pucelles d’un pensionnat catholique.
Quant à celui qui douterait de la pertinence de ce billet, je conclurais en citant celui dont on fêtera le bicentenaire de la naissance le 12 décembre 2021, date à laquelle, si les vers de terre ne faiblissent pas dans leurs efforts, on peut espérer que le tibia gauche de Gustave ne soit plus qu’un petit tas de sciures ou de chiures d’os, exploit qui mériterait, me semble-t-il, à tout le moins, l’honneur d’un Favicon : ” A moins d’être un crétin, on meurt toujours dans l’incertitude de sa propre valeur et de celle de ses œuvres. “
Au grand soulagement des supporters de Chelsea, las de dépenser leurs livres sterling pour voir évoluer un joueur aussi motivé pour gambader sur la verte prairie de Stamford Bridge que Morrissey pour avaler un steak frite bien saignant, Nicolas Anelka a été prié de rendre les clefs de son vestiaire pour laisser la place à un attaquant un peu plus mordant. Qu’importe, des chinois de Shanghai qui passaient par là ont reniflé la bonne affaire, et pour un salaire gravitant autour de 234 000 euros par semaine, se sont payé les services de Nico, le footballeur qui a passé sa carrière à courir derrière l’ombre de son supposé génie que certains, sauf moi, ont cru apercevoir un soir de février 1999 du côté de Wembley, avant de disparaître dans les brumes du championnat turc pour renaître, par intermittence, puis par éclipse, puis plus du tout, du côté de Bolton ou de Chelsea.
Grand bien lui fasse. On lui souhaite tout le bonheur du monde. Des geishas à la pelle, des partenaires toujours prêts à lui cirer les pompes, des ramasseurs de balle affables, un entraîneur lui demandant de jouer à l’instinct, des journalistes compréhensifs, un public acquis à sa cause, des dirigeants patients, un concierge souriant, un chauffeur silencieux, un laveur de vitres efficace, un cuisinier raffiné, et un responsable de compte aimable.
Demeure la question essentielle : mais à quoi tout cet argent, tombé de la dernière mousson, va bien pouvoir lui servir ? Sachant qu’il n’émargeait pas vraiment au RMI lors de son séjour londonien, et que partant, on peut supposer qu’il a d’ores et déjà amassé assez d’oseille pour assurer ses arrières et ceux de ses proches sur plusieurs générations.
En imaginant aussi que ses nouveaux bienfaiteurs, plus à un yen près, se sont engagés à acheter un avion-cargo supersonique pour pouvoir transporter, dans les plus brefs délais, sa colonie de Ferrari, sa meute de Bentley, sa cohorte de Rolls Royce, sans oublier toute la petite famille d’écrans ultra-plats maxi-géants compacts Dolby en 5D, son catamaran de lit, son maharadjah d’escalier en marbre, son aquarium de piranhas, sa bibliothèque complète de jeux vidéos, son encyclopédie de joys sticks, sa panoplie de dvd de Bruce Lee et sa collection de films pornos coréens.
Il ne faudrait pas, que pour une simple question d’intendance, le joueur ait du vague à l’âme et se languisse de Buckingham Palace ou du British Museum. Bref, pour le bien de tous, il faut imaginer Anelka heureux, dans sa vaste demeure aux proportions pharaoniques, avec sa douzaine de salles de bain en marbre d’Alaska, ses chiottes grands comme une cellule d’un condamné à mort, des kilomètres de corridors de couloirs si étendus qu’ils disposent de noms et de sens de circulation afin qu’on ne s’égare pas en effectuant le périlleux trajet, chambre à coucher numéro 7 à cuisine numéro 5 en passant par salle de bain numéro 2 pour le rinçage des molaires supérieures avant de se rendre à la salle de bains numéro 1bis, située dans l’aile gauche du réfectoire sud, pour le détartrage de l’incisive gauche.
Sachant qu’un footballeur professionnel, exilé dans des pays exotiques où le football ne représente qu’un aimable passe-temps, s’entraîne environ une demi-heure par jour, qu’il dispute un match par semaine, une quarantaine de rencontres par an, on s’accordera aussi à penser qu’il dispose de quelques plages horaires conséquentes pour jouir, en toute décontraction, de ses maigres subsides.
Présupposant tout aussi possible que l’agent du joueur se soit montré assez retors et finaud dans sa négociation avec les grands pontes du Shangai Shensua, pour que tous les frais afférents au bon fonctionnement de la dite demeure, électricité, gaz, eau, nourriture, remplacement des fusibles, entretien des véhicules, drainage du lac, plantation des palmiers, cirage des pompes, récurage des éviers, toilettage du chenil, n’incombent pas à son poulain qui a d’autres buts à atteindre que de s’occuper de régler cette charrette encombrante de menues factures.
Considérant d’autre part que Nicolas Anelka ne goûte que très modérément à l’art moderne, qu’il n’éprouve pas franchement des élans de tendresse irrépressibles pour la peinture du XIXème, que les tableaux de la période bleue de Picasso ne l’enchantent pas plus que cela, que posséder la version originale du manuscrit de Madame Bovary ne l’émoustille que modérément, que sa religion lui interdit de se rincer les dents au Mouton Rothschild Millésime 1945, je reformule ma question : à quoi tout ce fichu argent va bien pouvoir lui servir ? Hein ?
Ou dit autrement, quand on a déjà tout, que la vie est réglée comme du papier à musique, qu’on croule sous les Sicav, actions, obligations, stock-options, qu’on possède déjà un pied-à-terre à Trappes, à Paris, à Londres, à New York, à Los Angeles, à Honolulu, à Bali, que la pratique d’un sport de haut niveau vous condamne à mener une vie de moine d’où sont exclus, à priori, les maîtresses voraces, les agapes qui se terminent à l’aube, les parties fines avec les plus belles créatures de la planète, le reniflage de coke pure comme de l’acier trempé… on le dépense comment son pognon si durement amassé ? Sur un coup de tête, on refile tout aux restos du cœur ? On joue au Monopoly avec ses comparses en mettant en jeu ses propres hôtels ? On s’arrange pour détruire volontairement ses Lamborghini en s’amusant à oublier d’actionner la porte coulissante du hangar à bateaux ? On crée son propre site de paris en ligne pour être autorisé à miser des sommes astronomiques ? On renfloue l’économie grecque ? On règle le problème de la faim en Afrique ? On offre un râtelier en or à son brave toutou ? On nourrit son chat au caviar d’ours ? On s’achète un soleil ? Une planète ? Un océan ? On corrompt le gardien du stade pour agrandir les buts adverses ? On se paye une psychothérapie avec Dieu en personne ? On joue au golf avec des couilles de mamouth ? On se paye une séance de cardio-training avec Madonna comme entraîneuse en utilisant une version ultra sophistiquée de Skype ?
Ou alors, tout simplement, on se procure au marché noir, sous le manteau, un cerveau et un pied gauche. Oui un pied droit aussi.
lire le billetComme nombres de mes compatriotes, depuis que la vidéo du Sofitel a été mise en ligne, j’ai eu dû mal à trouver le sommeil. Je ne cessai de me retourner dans mon lit, d’houspiller ma compagne en lui demandant mais pourquoi diable les deux lascars de la sécurité s’étaient-ils livrés à cette danse de la joie, juste après avoir alerté la police de la possibilité d’un viol commis dans une suite du Sofitel ? Ne croyant pas un seul instant à l’éventualité d’un complot, surtout depuis que Claude Guéant avait clairement réfuté toute implication, de près ou de loin, des autorités de l’état français dans toute cette sombre affaire, j’ai réactivé mes réseaux mis en sommeil depuis l’affaire du Watergate : dans l’urgence, j’ai convoqué une cellule de crise avec Yves Calvi et Patrick Sabatier aux commandes, j’ai rappelé des vieilles connaissances de la branche québécoise du Mossad Canadien, j’ai interrogé des dizaines de diseuses de bonne aventure, j’ai dépecé mon chat pour lire dans ses entrailles, et je suis finalement arrivé à ces conclusions que je vous livre en exclusivité mondiale et qui, j’en suis persuadé, permettent d’éclairer d’une manière pertinente et probante le comportement pour le moins intriguant des deux officiers de sécurité.
La Piste du Régime
Il n’a échappé à personne que les deux membres du service de sécurité de l’hôtel présentaient un léger surpoids pondéral. Lors d’une soirée arrosée, devant les récriminations indignées de leurs épouses patentées, leur reprochant d’avoir du bide et de manquer de constance dans leurs performances sexuelles, les deux lascars, au bout de leurs ivresses, s’étaient jurés de se débarrasser de leurs kilos superflus. Le lendemain, fidèles à leurs promesses éthyliques de la veille, ils s’étaient donc inscrits à un programme weightwatcher draconien qui, outre des recommandations émises au sujet de leur alimentation jugée trop riche en sucres et en graisses, leur avait sommé de sacrifier quelques minutes de leur temps de travail à des micro-séances d’exercice physique, consistant à esquisser quelques pas de danse afin de favoriser la fluidité de leur circulation sanguine tout en contribuant à renforcer leur ceinture abdominale. Ne voulant point être moqués par leurs collègues qui n’auraient pas manqué de les ridiculiser à tout-va en les taxant de noms d’oiseaux et autres épithètes discourtois, ils avaient trouvé refuge dans l’étroitesse de ce local afin de se livrer à cette danse de sioux qui, comme chacun sait, s’avère bien souvent être une arme fatale dans la lutte contre l’obésité. Pour preuve, on n’a jamais encore vu un indien dans la ville se balader avec un ventre proéminent.
La Piste du Pari
Le 13 mai 2011 qui, je l’ai découvert après une enquête très poussée, s’avére être, sans conteste, la veille du 14 mai 2011, on fêtait un bien triste anniversaire. En effet, à cette date, cela faisait exactement 500 jours que les deux otages français, Stéphane Charbonnier et Hervé Ghesquiere, étaient retenus en Afghanistan par d’infâmes Talibans en culottes courtes. Or, selon des sources différentes mais toutes concordantes sur ce point, les deux gardiens du temple cultivaient, en toute discrétion, depuis leur tendre enfance, un jardin tenu jusqu’ici secret : ils se passionnaient pour les prises d’otages.
Pour eux, comme pour des millions d’américains de leur génération, tout avait commencé lors de la prise d’otage de l’ambassade d’Iran. Alors âgés de dix ans, ils avaient suivi, jour après jour, l’évolution de la situation et, sur le chemin de l’école, passaient leur temps à échafauder des hypothèses, et à discuter des avantages et des inconvénients de négocier avec les sbires de l’Ayatollah Khomeiny, ou de privilégier plutôt une attaque frontale de l’ambassade. L’échec cuisant de la tentative de la libération des captifs innocents par des Marines ensablés dans le désert iranien n’avait en rien refroidi leurs ardeurs.
Bien au contraire. Dans les années qui suivirent, ils continuèrent à alimenter leur passion en recensant toutes les prises d’otages de journalistes ou de diplomates étrangers à travers le globe. Tout naturellement, avec l’avènement d’Internet et l’émergence des paris en ligne, ils décidèrent de clore leurs abonnements à Playboy Magazine pour miser, fort de leurs expériences désormais bien rôdées, des sommes conséquentes sur la durée des prises d’otages.
Pour bien se replacer dans le contexte de ce fatal 14 mai 2011, il faut savoir que la remise en liberté précipitée d’Ingrid Betancourt les avait quasiment mis sur la paille. Grâce à leur connaissance approfondie de la politique des Farc Colombiens en matière de règlement de libération des otages, dès l’annonce de la capture de la franco-colombienne, ils s’étaient empressés de miser la totalité de leurs fonds disponibles sur une captivité dépassant les sept années avec une côte appréciable de 32/1. Ce qui eût assuré leur fortune et leur auraient permis de prendre une retraite dorée dans un bayou de Floride. Patatras, le mercredi 2 juillet 2008, l’armée colombienne lançait un assaut décisif et, déjouant tous les pronostics, parvenait à libérer saine et sauve Ingrid Betancourt, clôturant le décompte de ses jours de captivité à six années et demie.
Le coup fut rude pour nos deux amis. Ils furent à deux doigts de commettre l’irréparable en se capturant l’un l’autre dans une cabane désolée située dans la vallée de la mort, au fin fond du désert du Nevada. Tout était prêt, les modalités de la prise d’otage, comment ils devaient se comporter l’un vis à de l’autre en alternant le rôle de ravisseur puis d’otage toutes les deux heures, lorsque la nouvelle de la capture des deux otages français tomba sur les téléscripteurs.
Leur vie bascula à nouveau.
Voyant là une intervention divine qui condamnait leur entreprise de ” s’auto-kidnapper “, ils se ravisèrent et décidèrent d’hypothéquer leur maison afin d’engager la totalité des fonds récoltés sur la longévité de la prise d’otage. Tirant les leçons du fiasco colombien, ils adoptèrent une tactique plus prudente en misant sur une capture dépassant les 500 jours, pari côté à 3.5/1. Le 13 mai, le cap des 500 jours était enfin atteint. La confirmation de la réussite de leur pari par le site betotage.com, tomba en plein milieu du pataquès de la suite 2086. Ils dûrent attendre que Nafitassou Diallo se décidât enfin à porter plainte pour se congratuler en se livrant à cette danse de joie, synonyme que la chance avait enfin tourné et que désormais un avenir radieux s’offrait à eux.
Hélas pour eux, en misant cette semaine, sur une élimination quasi certaine de l’Olympique Lyonnais en Ligue des Champions, ils se retrouvent à nouveaux déplumés et songent à présent à mettre à exécution leur plan de capture réciproque, en misant sur une détention dépassant les 2222 jours. Les paris sont ouverts.
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Les Lyonnais sont impayables. Même quand ils parviennent à se qualifier dans des circonstances pour le moins rocambolesques, en accomplissant le singulier exploit d’étriller une équipe croate aussi concernée par le score qu’une actrice porno par la beauté esthétique de sa quadra pénétration anale effectuée sans l’aide de lubrifiant approprié, on ne peut s’empêcher de grimacer de dépit et de s’interroger sur la réalité de leurs supposés exploits. C’est là le lot et la limite des équipes moyennes, de celles qui parviennent à se faufiler chaque année pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions mais dont on sait pertinemment qu’elles n’iront pas plus loin, que seul un tirage au sort très favorable permettra de sauver les meubles et de se qualifier en pointillé pour le tour suivant, où elles se feront expulser manu militari par une équipe d’un calibre supérieur qui leur priera poliment de retourner jouer dans leur cour de récréation.
Lyon c’est l’Amélie Nothomb du football européen. Chaque année, elle encrasse la rentrée littéraire en crachotant un roman sans intérêt qui fait le bonheur de ses admirateurs extatiques, tout à leur joie de lire enfin un ouvrage sans avoir besoin de s’aider d’un dictionnaire, avec une historiette assez bien ficelée pour s’assurer que chacun comprendra de quoi il en retourne, leur épargnant de demander à leur libraire des éclaircissements sur une intrigue inexistante.
Ainsi va Lyon. Hormis son escouade de supporters dont l’histoire retiendra qu’ils ont réussi à inventer le chant d’encouragement le plus inepte et absconse de la galaxie foot, renversant de bêtise crasse, « qui ne saute pas n’est pas lyonnais », dont on étudie encore le sens caché dans les départements de linguistique appliquée, en essayant de comprendre la pénétrance ensorcelée de cette rengaine indéchiffrable, pour arriver à la conclusion tout bête qu’il n’y a rien à comprendre, si ce n’est qu’elle doit être l’œuvre de quelques esprits qui ont trop abusé de la lecture des romans d’Amélie Nothomb ; hormis donc ce noyau d’irréductibles gaulois qui se sont paluchés tout la nuit en visionnant cette cascade de buts aussi exaltants à regarder qu’écouter un discours d’Eva Joly, personne, absolument personne dans l’hexagone, n’a ressenti un quelconque frisson à la nouvelle de ce résultat inattendu. Tout juste une moue sceptique teintée d’une virgule de scepticisme.
Reste donc pourtant cet exploit insensé, miraculeux, abracadabrantesque, géantissime, boulversifiant, stupéfiant, hallucinant, incroyablement incroyable, sublime, grandiloquent, d’avoir réussi à passer sept buts au redoutable Dynamo de Zagreb, un cador européen, un monstre footballistique, un nom dont le seul énoncé donne envie de rester calfeutré dans le vestiaire plutôt que d’aller affronter cette équipe dont le seul fait d’armes est d’en avoir connu aucun. Qui plus est avec un quadruplé de… Gomis, joueur formé à l’AS Saint-Etienne, donc pas forcément mauvais, mais plus volontaire et attachant que doué et tranchant. Avec un gardien de but croate aussi intéressé de garder sa cage inviolée qu’un militant PS de se passionner pour le dernier disque de Carla Bruni, une défense léthargique tellement attentive et distraite qu’on se demande encore comment elle n’a pas réussi à prendre une dizaine de pions.
Bref un non-match qui donne à cette victoire ébouriffante le regret du temps jadis où les équipes françaises signaient de véritables exploits, en retournant des situations compromises, comme le légendaire 3-0 de Saint-Etienne contre le Dynamo de Kiev d’Oleg Blokhine, le non moins spectaculaire 3-0 des Girondins de bordeaux contre le milan A-C ou le mythique 4-1 infligée par le PSG au Real de Madrid sans oublier la finale OM-Milan. Autant de parties qui sont rentrées dans la mémoire collective, dans ce cercle très fermé de rencontres qui alimentent encore et toujours les imaginaires, s’invitent au détour d’une conversation partagée à l’ombre d’une terrasse avenante, lors d’un soir d’été, quand la nostalgie retrouve ses lettres de noblesse et embaume l’atmosphère d’une mélancolie adolescente et que valsent alors les souvenirs qui ont embaumés notre enfance à jamais perdue. C’est cela la magie du football, cette capacité à tisser un lien invisible entre notre enfance et notre vie adulte, cette faculté à nous consoler de nos chagrins à coups de but mémorables et d’exploits renversants.
Une mémoire collective dont pour l’instant est exclue l’Olympique Lyonnais.
Du moins pour l’instant…
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