Allez, pour bien finir l’année, en affichant une belle méchante humeur avant de s’en aller se torcher la tronche à coups de Perrier pour tirer sa révérence à une année bien morose, une de plus, une de moins, va savoir, un ultime coup de gueule envers l’une des nouvelles merveilles technologiques que l’époque moderne a enfanté dans l’allégresse et la joie, alléluia, houba hop, le Christ est ressuscité, viens par-ici gamin, défroque-toi, tends ton postérieur et laisse-toi faire, c’est indolore, ne crains rien, c’est pour ton bien, tiens regarde ce que j’ai apporté, un appareil photo numérique, pas compliqué pour un sou, tu appuies là, sur le petit bouton, et dans la seconde, tu peux mitrailler à l’infini la face de tes parents, de ton chat, de ta voisine, dans toutes les postures, à cent mille à l’heure tu dégoupilles, tu bombardes, tu cachetonnes, tu crachotes, tu branlottes, rien à régler, l’appareil se charge de tout, la couleur, le grain, le zoom, le zboub, la hauteur, la largeur, les ombres, le soleil, la pluie, les paysages, le cadre, le pastel, les reflets, le compte est bon, direction l’ordinateur, transfert de données, les doigts dans le nez, les images apparaissent sur l’écran, nickel, parfaites, proprettes, des myriades de photos, suivante, suivante, suivante, direction le disque dur déjà saturé de photos tout aussi inutiles, mais qu’importe, qu’importe, j’ai un disque dur externe pour entreposer le surplus, juste au cas où.
On se calme Papy. On prend ses pilules et on explique aux jeunes générations de quoi tu causes parce que là, à tes jacasseries exaltées, on n’y comprend goutte.
Il y eut un temps, pas si reculé que cela, où prendre une photo exigeait du temps, de la sueur, des larmes… et de l’argent. Quand l’on partait en vacances, on embarquait six pellicules maxi, chacune capable de prendre 24 photos. Quand le chef de famille se décidait à prendre une photo, tu recevais une convocation en bonne et due forme : prière de se présenter à telle heure, à tel endroit, habillé de telle manière, arborant un tel sourire. A l’heure dite, toute la sainte famille se retrouvait à l’emplacement choisi par le photographe de service qui avait passé sa matinée à réfléchir à la meilleure exposition possible pour que la photo soit prise sous les meilleurs auspices. Après avoir résolu des équations compliquées et savantes, consulté l’heure de la marée, s’être renseigné sur la position du soleil dans le ciel, s’être informé sur d’où venait le vent, il se tenait prêt, l’appareil en badouillère, chacun prenait la pose en ne mouftant pas d’un sourcil, pas question de jouer au mariole en se jouant d’une grimace ou d’un sourire imbécile qui serait sanctionné bien plus tard par une paire de gifles bien senties.
L’avantage c’est que tu ne passais pas tes vacances comme si tu étais une starlette mitraillée par des photographes lors de la montée du tapis rouge à Cannes. Pas de, “Attends, j’en prends une encore. Au cas où.”
Il n’y avait pas de cas où.
Les vacances finies, la vie reprenait son cours. Un jour, tout excité, le père de famille convoquait tout son petit monde dans le salon, il venait de passer à la boutique en charge du développement des photos, et bingo, elles étaient prêtes. Elles se trouvaient là, toutes rutilantes, immaculées, entreposées soigneusement dans une enveloppe estampillée Kodak. Religieusement, les mains tremblantes d’émotion, le cœur battant, les mains moites, il extirpait un à un les clichés que chacun prenait le temps de regarder avec toute l’attention requise. C’était un peu comme si on repartait en vacances une deuxième fois. Il y avait des déceptions, tiens sur celle-là, on ne voit pas bien l’hôtel en arrière-plan, je ne comprends pas ce qui a pu se passer, par contre, celle-ci est vraiment parfaite, on va la tirer pour l’envoyer à l’oncle d’Amérique, il sera content, et non, c’est pas vrai, à qui appartiennent ces deux doigts qui apparaissent au-dessus de la chevelure de maman, hein à qui ?
Je ne prétends pas que c’était mieux avant. Je dis que c’était différent. Voilà tout. La preuve, cette photo-là, sous tes yeux, prise à l’instant, elle n’a l’air de rien comme ça mais à elle seule, elle représente une révolution. De là à se demander si ça valait vraiment le coup…
Sans compter qu’avec Photoshop on peut reconstituer votre visage avec le haut de la photo du haut et de celle du bas. Quoiqu’il en soit, c’était définitivement mieux avant, mais moins bien qu’après…
J’me rappelle. On pouvait prendre 124 photos avec une pellicule 24 poses si on avait oublié de l’insérer dans l’appareil. L’inconvénient, c’était que pour vérifier si la dite pellicule était bien là où elle devait être il fallait ouvrir l’appareil ce qui voilait le film.
Il y avait aussi les flashs externe jetable pour les photos d’intérieur. Un cube à quatre faces / quatre flash. Il fallait prévoir des ASA 400 ce qui ne convenait pas pour les photos des journées ensoleillées.
Une fois la pellicule développée, on pouvait alors se rendre compte qu’on l’avait mal inséré et qu’elle était inexploitable. Avec un peu de chance on pouvait réussir à faire développer des photos convenables sur diapositive. Et là grosse séance diapo en perspective, hi hou! mais seulement si la lampe du rétroprojecteur n’était pas cassée.
la misanthropie au service des ânes…
ben quoi c’est moi l’ane? Mince!
@ chouette: effectivemment on s’en rapproche!
Il y a pire que l’avènement, en soi, de la picture numérique: les personnes qui s’évertuent à faire des séances diapo avec des myriades de photos pixellisées. Là, on s’approche de l’idée que je me fais de l’Enfer.
je vous verrais plutôt en misanthrope et vos lecteurs les ânes:)
j’ai longtemps eu horreur de me faire tirer le portrait, résultat : sur les plus anciennes photos, on ne voit que mes longs cheveux, j’ai l’air de sortir tout droit de Ring… j’aime pas davantage mais au moins maintenant avec le numérique quand un serial shooter vous menace, on peut négocier leur suppression…
faites gaffe, zabou, anesse, cheveux longs, on va finir par vous confondre!
en ajoutant “ânesse”, ça se précise bigrement !:p
En même temps c’est pas ce qui manque:)
appelez moi “Votre Anesse” cher ami
arrêtez de vous gratter le menton, je vous vois ! l’avantage des nouvelles technologies…
Jamais !!!
là dessus, je suis d’accord
sur ce, à l’année prochaine sans foot, je blague…;) je voulais dire sans doute!