Monsieur Niel

Mes chers compatriotes, je le confesse bien bas, de ma lointaine retraite, je vous envie. Depuis que j’ai visionné, en catimini, la conférence de presse de Monsieur Niel, le Monsieur Loyal de la téléphonie, j’ai comme des envies de retour, des démangeaisons de revenir à la case départ. Je commence à rôder autour des agences de voyage histoire de voir le prix d’un billet d’avion pour rentrer au bercail. Pénible aveu : La France me manque. Enfin, surtout ses forfaits téléphoniques. 20 euros pour pouvoir converser avec le monde entier, voilà le genre de nouvelle qui vous terrasse et change à jamais votre conception de l’existence. Dans la longue et glorieuse histoire de l’humanité, il y aura donc eu Dieu, Moïse, Copernic, Galilée, Newton, Einstein, Charles de Gaulle, et désormais Monsieur Niel.

 

L’autre jour, en le regardant gigoter comme un fanfaron de coq sur son estrade, l’œil coquin et le regard gourmand, ressemblant à Charlie Chaplin jonglant de sa mégalomanie à l’aide de sa mappemonde flottante dans le Dictateur, j’ai soudain compris le pourquoi de l’affolement précipité des autorités de l’époque lorsque Galilée commença à publier ses élucubrations métaphysiques. Trop d’intelligence effraie. L’esprit humain reste souvent sourd quand le génie flamboyant, débarqué de nulle part, se déploie devant lui avec toute sa panoplie d’arguties qui par leur inventivité et leur audace révolutionnaire vous font comprendre ce qu’une fourmi doit éprouver lorsqu’elle se retrouve face à face avec une limace : un sentiment de petitesse, d’inutilité, d’incongruité mêlée à une envie féroce de s’agenouiller devant la puissance tutélaire d’une force qui vous surpasse et vous terrasse.

Avec l’air d’y toucher, Monsieur Niel réinvente le monde et réenchante le rêve français. Et il le sait. Il suffit de le regarder plastronner face aux caméras du monde entier pour comprendre que le doute ne l’habite guère, et que tous les matins, quand il daigne honorer de son auguste présence un nouveau jour apparu, devant sa glace grande comme le Parthénon, il ne doit pas lasser de s’admirer sous toutes les coutures et de s’auto-congratuler avant de s’autoriser à se prendre dans ses bras pour se féliciter d’exister. Certes, avanceront quelques esprits narquois, fielleux de jalousie rentrée, monsieur Niel a une élocution un peu bâtarde voire pataude qui déroule un phrasé qui ne brille guère par son liant ni son allant, certes ses réparties et autres saillies verbales tombent à plat comme un soufflé raté et ses envolées linguistiques possèdent la portée transaltlantique d’un pet de grenouille, il n’empêche que sa jubilation, à grand-peine retenue, à faire la nique aux autres grands groupes de télécommunication procure un étourdissement de plaisir infinis. Monsieur Niel jouit d’être Monsieur Niel, l’homme qui pense le nouveau monde, anticipe le futur, appréhende la modernité comme personne ne l’avait jamais incarné jusqu’alors.

 

Tour à tour visionnaire, altruiste, débonnaire, sarcastique, ironique, drôle, inspiré, gracile, aérien, volubile, malin, roublard, populo, Monsieur Niel reprend le flambeau de la pensée française là où Camus l’avait laissé : au pied d’un arbre, sur la nationale 6, à la sortie de Sens.

Monsieur Niel ne doute de rien et il a bien raison. Son offre à 20 euros est de celle qui transforme le vaste champ des activités humaines et oblige les hommes à changer de logiciel pour ne pas rester, comme un demeuré hagard, au bord de la route. Rendez-vous compte : désormais n’importe quel énergumène, quels que soient, sa race, sa religion, sa couleur de peau, son club de foot préféré, pourra envoyer des cargaisons de texto pour relater l’histoire de sa truculente visite chez son proctologue : ” vu le procto. Aie. =*savaséigné : p”  tout en conservant le loisir de converser avec moult détails de ses problèmes hémorroïdaires récurrents avec tout le contingent de ses solides et indéfectibles amis. Même son oncle d’Amérique sera désormais au courant de ses testicules poussant à l’orée de son arrière-train. Et tout ça gratuitement. Ou presque.

Le monde ne sera plus comme avant. Dans les livres d’histoire, on se souviendra qu’il y aura eu un avant et un après 10 janvier 2012. Le 10 janvier sera  le jour où le monde a basculé dans une nouvelle ère. Celle de Monsieur Niel.

Une seule fausse note toutefois : franchement, quelqu’un dans son entourage, son majordome ou sa cireuse de chaussures,  aurait pu penser à dire à Monsieur Niel que sa blanche chemise, impeccablement repassée, débordait de trop sur sa droite, occasionnant une frange boudinée des plus disgracieuses. C’est à ce genre de petit détail, Monsieur Niel, que l’on rate parfois le train capricieux de l’Histoire.

P.S: Le premier qui se demande le pourquoi de la présence de Delon, je le raye de mon blog. A vie.

17 commentaires pour “Monsieur Niel”

  1. Niel c’est un K

  2. Bon, je ne relève pas les menues coquilles disgracieuses qui débordent sur les côtés de ce billet (comme toujours aussi tordant)… Et oui, on a les présidents, grands patrons et leaders qu’on peut…

  3. Que vient faire Delon dans cette histoire?

  4. Vous me copierez les chants de maldoror en commencant par la strophe 6

  5. C’est qui les types des deux premières photos?

  6. Il est minuit et demi, et je viens d’avoir une crise de fou rire.

  7. remettez-vous cher ami, voyons un peu de tenue

  8. Notre civilisation française a les tribuns qu’elle mérite : Niel, Nadine Morano, Maitre Collard…. Mais le plus surprenant avec Niel, ce n’ est pas tant qu’il ait fait fortune dans le pain de fesses, mais plutot qu’il ait déjà une Avenue à son nom…c’est louche.

  9. C’est bien fait votre machin rien à dire, j’ai lu deux trois trucs d’Hannah Arendt sur le sujet. Une chose est sûre S. j’ai déjà rempli bien trop de cahiers dans ma courte jeunesse pour céder de nouveau à un dictat recopitatoire. Ne comptez pas sur moi, plutôt mourir.

  10. PS : et imaginez… si la planète visionnait ce blog….les millions que dis je les milliards d’individus qui se demanderaient “c’est qui Delon?”

  11. comment ca si la planete entiere visionnait… Ce n’est pas déja le cas ?
    @Bernard: le froid, quel froid ?

  12. Il y avait un Niel en classe avec moi au collège. Vous avez son prénom, à celui-là ? C’est peut-être le même. Sino, euh, j’avoue que cette histoire de téléphone me laisse froid, dato che Io non rispondo maï al telefono.

    Sinon, ça va ? Pas trop froid en ce moment ?

  13. @ Laurent : ah jene sais pas, je suis obsédé par le froid, en ce moment. On pèle, ici, et Delanoé ne fait rien !

  14. j’ai un forfait minimum pour un mobile élémentaire et si je peux le réduire, je ne m’en priverais pas. sans vouloir rester à l’ère de la communication par idiophone, je n’ai pas très envie de livrer toute ma vie à une de ces sociétés qui trace/traque les individus pour exploiter leur potentiel marchand. “dans l’homme l’espérance n’est jamais vaine”

  15. Je ne sais pas trop ce que vient faire monsieur Klein dans cette histoire, j’ai pourtant suivi la flèche… Vous avez noté vous-aussi que ça penche toujours à gauche ? Enfin, chez 90% des hommes… Pas d’étude encore sur les hermaphrodites…
    Bon, faudra que je lise l’article maintenant…

    P.S. : le premier qui se demande pourquoi je parle d’hermaphrodite, je le raye de ma vie. A blog.

  16. Le train de l’Histoire est retardé en gare de Lons….

  17. La planète entière vous savoure, n’en doutez pas. (Et, après un éclat de rire bienfaisant, elle se demande si ce grand homme ne se teindrait pas un chouïa les cheveux, entre deux séances d’UV, pour mettre en valeur son impressionnant QI.)

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