Que moi, juif jusqu’au bout du prépuce, j’éprouve quelque ressentiment envers l’Allemagne, quoi de plus normal et de plus légitime. Que je puisse être taxé de germanophobie primaire, non seulement je l’admets, mais je le revendique haut et fort. Voilà c’est dit : je n’éprouve envers le peuple allemand, la culture allemande, l’âme allemande, aucune forme d’attendrissement, aucune envie de pardonner ou de passer l’éponge, aucune propension à excuser l’inexcusable. Et qu’on ne vienne pas me dire, que le temps a passé, qu’il faut savoir tourner la page, que s’arc-bouter ainsi sur les vestiges du passé, en ressassant de vieilles rancunes moisies, n’est guère constructif et ne contribue en rien au dialogue nécessaire entre les peuples. Je n’en ai cure. Si vous voulez vraiment connaître le fond de ma pensée, je rajouterais que l’Allemagne, au regard de l’étendue de ses crimes commis avec la complicité totale et assumée du peuple allemand, aurait dû être condamné à une perpétuité perpétuelle, devenir une nation pestiférée, condamnée à errer indéfiniment sur terre jusqu’à finir par s’éteindre et disparaître dans une mer d’indifférence.
Maintenant qu’un français bien français, j’entends un français fier de ses racines, de son histoire, de sa géographie, un français de souche, baptisé, communié, labélisé gaulois, vienne agiter, en ces temps de crise, la menace d’une résurgence d’un nationalisme allemand potentiellement dévastateur, me fait doucement sourire. La France n’est pas la Grande-Bretagne. La France a les mains sales. La France ne peut pas prétendre au rôle de chevalier blanc qui lave plus blanc que blanc. Faudrait-il rappeler à messieurs Montebourg et Cambadélis les infâmes rafles orchestrées par la seule décision univoque de la milice ? Faut-il vraiment ressortir les livres d’histoire pour se souvenir que durant les années sombres et troubles de la seconde guerre mondiale, la France gouvernementale a collaboré avec un zèle enthousiaste qui a surpris les allemands eux-mêmes ? Et que si la résistance a bel et bien existé, la collaboration, entretenue ou silencieuse, n’a pas été qu’une seule vue de l’esprit. Qu’il a fallu attendre 1995 pour que l’État Français reconnaisse enfin sa dette imprescriptible vis-à-vis des populations déportées, déportations effectuées de son propre chef sans avoir eu à requérir l’assentiment de la puissance occupante. Sans parler de la torture pratiquée comme un noble art en Algérie, la tragédie du métro Charonne, le massacre de Sétif, autant de méfaits qui n’apparaissent qu’en pointillé dans nos livres d’histoire. Quand ils daignent apparaître.
Au moins doit-on reconnaître à l’Allemagne d’avoir entrepris un devoir de mémoire et de repentance considérable qui lui permet de pouvoir prétendre à jouer à nouveau dans le concert des nations. Mais la France ? De quel droit immémorial qui serait inscrit dans le marbre de son histoire collective viendrait-elle donner des leçons de morale à l’Allemagne ? Fort de quel passé glorieux se permet-elle ainsi d’apostropher, du haut de la tribune de l’Histoire, ses cousins germains ?
La France a cette propension parfois intolérable à s’ériger en parangon de vertu alors que bien souvent elle s’est comportée avec une bassesse et une ignominie affligeante. Comportement qui la rend si populaire à l’étranger. Cette incessante manie de donner des leçons de morale à tout-va sans jamais avoir eu le courage de se remettre en question, cette fameuse arrogance bien française qui hérisse et insupporte, tant le décalage avec ce qu’elle fût paraît grand et abyssal.
Si la France avait effectué ne serait qu’un dixième de ce que l’Allemagne a entrepris pour affronter les yeux dans les yeux son passé, il est fort à parier que l’extrême droite ne serait pas là à venir jouer les trublions dans le jeu démocratique ou à s’inviter au deuxième tour d’une élection présidentielle. Qu’elle parlerait dans des termes plus aimables de l’étranger qui réside, en toute légalité, sur son sol. Qu’elle serait une société bien plus ouverte et bien plus épanouie qu’elle ne l’est actuellement. Qu’elle serait même devenue un pays où il fait bon vivre dans la concorde et l’harmonie au lieu d’être toujours dans la dissension et la discorde. Si seulement la France acceptait de se considérer enfin comme une puissance moyenne, elle cesserait de s’essouffler à courir après elle-même à la recherche d’un passé qui, s’il n’a pas le visage à jamais ensanglanté de l’Allemagne, comporte assez de cicatrices et de stigmates pour que le silence parfois s’impose.
lire le billetL’autolib débarque à Paris. Evidemment on va vous faire croire comme d’habitude que “c’est nous les français parigots qui ont eu les premiers cette idée”. Je tiens donc, par avance, à m’inscrire en faux et je vous en apporte la preuve éclatante, puisque j’avais déja abordé le sujet, ici même. La preuve :
https://blog.slate.fr/sagalovitsch/2011/09/27/jai-teste-lautolib-a-vancouver/
lire le billetVoilà, à Vancouver, l’un des derniers endroits où l’on pouvait s’approvisionner encore en cd, dvd, livres pop, encyclopédies pop art, a mis la clé sous le paillasson et a prié le chaland en manque de biens culturels d’aller voir ailleurs si la neige est plus blanche. Après un été meurtrier où les vidéo stores se sont suicidés à un rythme précipité, où les cinémas d’art et essai se sont défenestrés à tout-va, où les librairies ont entonné des oraisons funèbres, il ne reste plus au promeneur égaré que des magasins de vêtements et des cloîtres à chaussures pour se rincer l’œil lors de sa balade dominicale.
Et de remercier vraiment du fond du cœur la cohorte des petits salopards de téléchargeurs frénétiques qui astiquent leurs nuits à compiler les bandes-annonces de films piratés passant à leur portée de souris, histoire d’être bien sûrs de ne pas s’emmerder le jour où leur forfait téléphonique tombera en rade, à coloniser des fichiers de morceaux de musique dans le seul but de divertir leur disque dur mais déjà rance, à s’amuser à se flinguer les yeux pour le seul plaisir de pouvoir lire Monsieur Bovary sur leur kindle surprise de mes deux ou leur Ipad de mes trois, toute cette colonie d’objets qui concourrent à la marchandisation funeste des esprits calibrés pour mastiquer des vies étriquées.
Ah, au nom du sacro-saint progrès, que de crimes nous commettons grommelle l’éternel vieux con grincheux qui sommeille en moi et qui, entre deux sanglots longs, se souvient, encore ému, de ces virées adolescentes lorsqu’il s’en allait promener son désespoir magnifique et éclatant à l’ombre de petites librairies anonymes ou de discrets disquaires qui lui offraient le réconfort apaisant de pochettes de disques élégantes et de couvertures de livres amicales avant de s’en retourner avec lui dans le refuge de sa chambre pour venir se dorloter au creux de sa bibliothèque, bavarder du temps qui passe avec d’autres livres aux reliures maintenant fatiguées, s’asseoir au milieu d’une vaste confrérie de vinyles rythmant le cœur de ses nuits solitaires.
Mais non.
Pour payer la retraite dorée de quelques capitaines d’industries japonisés, on a commencé par tout miniaturiser. Les horribles CD, décharnés et squelettiques, ont délogé les beaux disques des temps jadis, avant de se faire culbuter par des tripotées de branleurs de lecteur mp3, bientôt ipodisés pour satisfaire les besoins toujours aussi veules de la masse à jamais soumise et sotte, toujours prompte à se dégarnir de quelques centaines d’euros pour s’acheter le droit de se penser différente, alors qu’elle ne représente que les vassaux dociles d’un monde cupide et aveugle qui a entrepris aussi de miniaturiser les esprits afin de les dompter pour mieux les sodomiser. Cette même masse inerte et imbécile qui désormais, après avoir assassiné la belle petite gueule d’un Dylan emmitouflé dans son blouson sur l’avenue enneigée de son fringant Freewheelin pour la remplacer par de tièdes fichiers compressés, s’en va régler leur compte aux sept tomes de la Recherche du temps perdu, afin de l’assujettir au diktat spartiate d’une époque qui ne supporte plus de perdre son temps à tourner des pages, occupée qu’elle est à se flinguer le cerveau à coups d’entractes publicitaires.
Demain, ce seront les êtres humains qu’on ne supportera plus de fréquenter. Trop lourds, trop envahissants, trop indéchiffrables. Quand Facebook et ses affidés auront tout conquis, tout supplanté, tout remplacé, les nobles amitiés, les amours sincères, les sentiments vrais, les attendrissements du cœur humain, les chagrins des matinées pluvieuses, les splendeurs des soirs d’été quand le cœur robinsonne, alors l’homme, décharné, désincarné, déspiritualisé, ne se supportera même plus. Il n’attendra même plus Godot puisque Godot sera mort. Il sera devenu un fantôme spectral, évoluant dans la nudité d’un décor minimaliste qui lui renverra l’image d’un homme qui a tout perdu et qui ne pourra même plus consoler sa peine à l’ombre réelle et concrète d’une chartreuse de parme, pleine de bruit et de fureur, juste au-dessous du volcan lorsque tendre est la nuit quelque part sur la Highway 61 revisited.
lire le billetAlors oui je sais bien, certains esprits particulièrement retors trouveront bien le moyen de voir dans cette simple vignette musicale une quelconque allégorie concernant Eva Zoly ou Angela Merkel. Il n’en est rien. Je le tenais à préciser, bien assuré que je suis, que quelques esprits chagrins trouveront bien le moyen de m’accuser de m’acharner encore et toujours – en ces jours funestes où la vieille Europe semble renouer avec ses pulsions suicidaires – sur le cas de l’Allemagne, victime désignée de toutes mes diatribes exaltées. Certes, il se peut fort bien que dans le secret de ma pensée tourmentée, je n’en éructe pas moins, que, poussé dans mes extrémités, j’irais jusqu’à me murmurer, que tout de même, c’est un comble de voir un pays qui, il y a encore peu, maîtrisait à la perfection le kamasoutra génocidaire, s’arroger ainsi le droit de donner ainsi des leçons de bonne conduite à leurs cousins européens, et refuser de secourir des économies en péril, en aboyant que la BCE doit rester absolument indépendante et n’a pas vocation d’aider des jean-foutre de peuples paresseux comme des bandes de youtres défroqués, mais non, qu’on se le dise, je ne m’engagerai pas sur cette voie.
Ce n’est qu’un hommage à peine déguisé à Paul McCartney ( que j’ai toujours préféré à son acolyte de révolutionnaire en pyjama ) qui se produit ce soir à Bercy pour engranger quelques royalties afin de payer la pension alimentaire de la jambe gauche de sa précédente épouse.
lire le billetParfois, j’ai des fulgurances qui me laissent pantois devant la profondeur insoupçonnée de ma pensée. Des visions étiolées qui se forment dans l’antichambre de mon cerveau, se rassemblent, forment une coopérative solidaire, montent un syndicat, sans que je ne m’aperçoive de rien, avant de se décider à fracasser les portes de ma conscience et envahir le champ de ma pensée. Certains appellent cela du génie. Moi pas. J’attends la cinquantaine pour me convaincre que sans moi le monde irait droit dans le mur. En attendant, pour passer le temps, je me surprends à émettre des hypothèses dont l’audace m’amène à douter si je suis bien le fils de mes parents ou alors le croisement d’un prix Nobel avec le récipiendaire de la médaille Fields.
J’ai donc vu la France, en ce printemps 2012, après avoir longuement hésité, tortillé du séant pour savoir si Hollande devait rimer avec offrande, décider au bout du compte que non, fatigué par les molles approximations du candidat socialiste au sujet de son idée controversée d’offrir une couverture maladie pour tous les canidés nés après 2002, et par sa propension obsessionnelle à vouloir à tout prix se normaliser, en argumentant qu’avec lui, ni une, ni deux, la France rentrera dans le rang et postillonnera désormais en tant que puissance moyenne.
Envolés, les rêves de grande puissance retrouvée, finies les guerres de conquêtes menées au pas de charge hors de la métropole, terminée la croyance chevillée à l’âme du citoyen français que le centre de l’univers se trouve à Paris.
La France donc, terrorisée à l’idée de voir Martine plastroner à Matignon, Ségolène à Bercy, Arnaud à la Justice et Balasko à la condition féminine, à regrets et à reculons, s’agenouille devant l’autel de l’Élysée et dit au Prince Nicolas, je t’en prie notre guide suprême, notre étoile céleste, notre auguste lumière, prends-nous encore une fois, ne sois pas avare de tes gesticulations éjaculatoires, fais-nous voir le ciel, raconte-nous une nouvelle fois combien nous sommes les plus beaux, les plus forts, les plus racés, dis-nous combien les autres peuples nous jalousent et nous envient. Narre-nous l’histoire de notre beau pays sur lequel le soleil ne se couche jamais.
Pour les esprits étroits et peu habitués à ma prose dévergondée et ensorcelée, le signifiant du signifié du paragraphe précédent que tu as lu dans ton hébétude ahurie, signifie, qu’au soir du deuxième tour de l’élection présidentielle, David Pujadas du bas de son mètre quarante, annonce que Nicolas Sarkozy est réélu. Compris ?
Bon, Nicolas triomphe, s’auto-congratule, se roule une pelle avec lui-même, joue des claquettes sous les lambris du grand salon de l’Élysée tout en chantonnant, le Général avait raison, les français sont vraiment des veaux ; dans la foulée Guéant, grisé par une ivresse dûe à une consommation effrénée d’eau de Vichy, organise une nuit des longs couteaux et boute hors de France tous les faux français nés de parents morts en dehors du territoire national ; Hortefeux en remet une couche, en menaçant de dénationaliser tous les français qui ne pourraient pas justifier de leur allégeance à la Nation par l’exhibition de la croix de guerre de leurs arrières-arrières grands-parents côté maternel, obtenue à la bataille de Sedan de 1870. De son côté, François, désemparé, se la joue à la Domenech, et en direct, demande officiellement la main de Ségolène qui tergiverse et s’en va demander conseil auprès de François Bayrou pendant que dans le même temps Martine convoque dans son bureau Pierre Moscovici pour une séance de martinet.
Un mois plus tard, les français sont invités à voter aux législatives. La veille, l’équipe de France, lors de son match inaugural de l’Euro 2012, (j’ai vérifié, à ce jour, niveau calendrier, c’est possiblement possible) s’en prend quatre contre une équipe d’Allemagne survoltée. Sanction immédiate, le peuple français, dépité, dégoûté de voir que Nicolas a trahi leurs promesses de redevenir la nation phare du continent européen, fait payer le prix de cette déculottée à la droite, et envoie, dans la foulée, une vague rose submerger l’assemblée nationale.
François Hollande devient premier ministre.
Pour celui qui n’aurait pas tout compris, une petite séance de rattrapage en forme de condensé de ma géniale pensée :
Sarkozy se succède à lui-même, la gauche triomphe lors des législatives, la France entre en cohabitation pour cinq longues années.
Avec ce post ébouriffant de perspicacité et de sagacité mélangée, je prends rendez-vous avec l’Histoire. Je suis le premier à formuler une telle hypothèse. Je vous l’offre en exclusivité. Si ma prophétie se réalise, lors de mon retour d’exil, je vous veux à genoux à ma descente d’avion, la Tour Eiffel peinturlurée en vert, et je vous donne rendez-vous aux Champs de Mars pour un grand concert gratuit avec Jacques Monty en vedette américaine.
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Dans la grisaille de cette semaine mollassonne comme une paire de couilles d’éléphants fatigués, soudain l’éclaircie. La petite nouvelle qui ragaillardit et vous empêche de sombrer dans une mélancolie automnale où les jours sans éclat se suivent et se ressemblent, apathiques et mornes, tristes et courts, chant funèbre d’un hiver qui s’approche, fourbit ses munitions pour mieux nous plonger dans la froideur chagrine de journées pluvieuses et humides. Voilà, si tout se déroule comme prévu, l’Olympique Lyonnais sera bientôt éliminé de la Ligue des Champions et reversé en Ligue Europa, cette compétition blafarde qui n’intéresse que ceux qui y participent. Et encore.
Et toute la France, hormis la capitale des Gaules, de se réjouir et d’applaudir des deux mains. Fini la pénible dictature de ce tout petit club, situé dans la banlieue de la périphérie de la fourrière de Saint-Etienne, qui chaque année passait l’hiver à plastronner, à jouer à la grande diva du foot hexagonal, avant d’endosser le rôle de la précieuse ridicule sitôt les beaux jours arrivés, sombrant corps et âme face à des équipes qui ne se souviennent déjà plus avoir joué contre elle. Une équipe de fanfarons fantoches, incapables de se surpasser, jouant un football étriqué mais jamais inspiré, un football appliqué mais jamais feu follet, rendant toujours des copies sages, sans aucune trace de fantaisie, dépourvues de toute saveur, fades et tièdes. Une verveine de football.
En douze années de participation en Champion’s League, pas un exploit digne de ce nom à se remémorer. Aucun retournement de situation à évoquer, aucune épopée à même de nous transcender. Une équipe de foot à l’image d’une certaine idée de la France : moisie, rance, résignée, frileuse. Désireuse de jouer dans la cour des grands mais restant toujours dans le préau de leurs espérances mortes-nées. Tout en continuant à afficher une morgue outrancière, de celle d’un premier de la classe d’un lycée de province qui joue les caïds à l’intérieur de son périmètre sécurisé et se dégonfle sitôt qu’elle se frotte à des cadets sortis d’établissement réputés.
A l’image de son président, ce très cher monsieur Aulas qui toutes les semaines, dans le confort douillet de son psychanalyste, passe son temps à fulminer et à courir après le temps perdu, ” regardez-moi, un peu ces petits branleurs de Stéphanois, pas foutus de gagner un trophée depuis trente ans et pourtant tous ces crétins de français les adorent. Et ces ectoplasmes de Marseillais, hein, une bande de racailles abruties de Pastis, tout juste bons à magouiller et à fanfaronner comme des petits coqs impuissants et pourtant pareil, toute la France s’astique le chibre en pensant à eux. Alors que moi, moi qui ai quand même tout gagné, tout remporté, sept titres de champions de France d’affilée dans la besace, du jamais vu, vous m’entendez docteur, du jamais vu dans les annales du sport français, et je ne parle même pas des participations qui se ramassent à la pelle à la Ligue des Champions, personne, personne dans ce pays de fainéants et d’assistés ne m’a jamais aimé. ”
Il est vrai que Jean Michel Aulas possède le charisme d’un officier de cavalerie lors de la débâcle de Waterloo, la bonhommie complice d’un proviseur d’internat pour enfants en difficultés, la faconde chaleureuse d’un inspecteur des finances reçu major de sa promotion. En le regardant s’agiter et tempêter, dimanche après dimanche, contre les décisions équivoques d’un corps arbitral forcément inique et partial, s’emporter la bave aux lèvres contre l’état déplorable d’une pelouse suspecte de n’être pas assez tendre pour ses poulains aux chevilles si fragiles, invectiver avec la rigueur d’un majordome de maharadjah l’attitude déplorablement anti-sportive des méchants petits sauvageons de chenapans de supporters adverses, vitupérer le poing levé contre les hasards du calendrier toujours en sa défaveur, se plaindre avec véhémence auprès du soleil de ne jamais briller lorsque son équipe joue à domicile, s’en prendre vertement à la femme de son capitaine coupable d’être trop vorace les veilles de matchs, on en vient à se demander si cet homme, à l’intelligence pourtant aigüe, à la sagacité certaine, à l’autorité affirmée, est un homme qui ne s’aime pas ou un homme qui s’aime trop ? Ou bien alors jouit-il en secret d’être l’homme qu’on aime à détester ?
Apprécie-t-il au moins le football, ce président féroce au charme vénéneux, ou ne voit-il dans cette activité lucrative que le moyen le plus direct d’assouvir ses ambitions qu’on devine grandes mais encore inassouvies ? Se rêvant un jour Empereur d’Europe admis dans les cours les plus courues d’Italie et d’Espagne, invité à partager le souper des grands argentiers anglais ou allemands, il est en passe de devenir le petit caporal d’une équipe lyonnaise aussi bandante à voir évoluer que d’assister à une séance plénière de l’assemblée nationale se penchant sur le sort peu enviable des retraités handicapés.
Durant toutes ces dernières années, Lyon a eu le sex-appeal d’une beauté frigide et congelée, l’allure hautaine d’un ballet de technocrates lors d’une session de travail d’un conseil d’administration d’une entreprise de travaux publics, le charme implacable du boucher cocardier à qui lorsqu’on demande du mou pour son chat vous répond d’une voix à vous glacer les orteils qu’il est boucher pas vétérinaire.
Ah mais qui a fait sa langue si perfide se demandera le lecteur égaré dans cette chronique sentant l’amertume et la jalousie, empestant la frustration de supporter une équipe qui ne gagnera plus jamais rien et se consolant seulement de demeurer avec l’OM le club le plus aimé de France ?
Que voulez-vous, mes chers amis Lyonnais, on a les jouissances qu’on peut.
lire le billetFichtre. Richard Prasquier a frappé très fort. Très très fort. Là franchement je m’incline bien bas. J’avoue, avant de lire sa tribune, jamais je n’aurais eu une telle idée et pourtant Dieu sait que j’ai comme un sixième sens, voire un septième, pour renifler ce genre de sournoises cachoteries. En dénonçant la possibilité d’un relent d’antisémitisme dans le remplacement de certains maires de la gauche parisienne – une belle brochette de patronymes cachetonnant au PS et sentant bon la juiverie internationale, Blisko, Dreyfus, Hoffman-Rispal et Goldberg – par des guignols écolos, Prasquier frôle le génie et mérite un césar pour l’ensemble de son œuvre.
Arriver à imaginer que dans le secret d’un cabinet de l’ombre, dans les sous-sols capitonnés de la Kommandantur de la rue Solferino, des dirigeants du PS rencardés par Pascal Boniface et sponsorisés par Besancenot, aient profité d’un accord désaccordé avec les Verts, pour concevoir un plan diabolique visant à exterminer une bonne foi pour toute de la carte de la géographie politique parisienne, quelques maires soupçonnés, à raison, d’avoir des accointances un peu trop poussées avec la communauté juive, s’apparente à une mise à mort de sa propre légitimité, en parlant au nom des juifs français, qui d’ailleurs la plupart du temps ne lui demandent rien (au CRIF) et ne versent jamais leur obole à cette institution qui, par on ne sait quel tour de passe-passe, a décidé qu’elle représentait la voix du Judaïsme Français. A l’insu du plein-gré de la-dite communauté qui pourtant s’entre-déchire toujours sur l’épineuse question de savoir lequel du couscous tunisien ou marocain est le meilleur ? (Le tunisien bien sûr !)
A titre personnel, étant français, certes par naturalisation, mais ça compte tout de même, non, et juif, par consentement mutuel de mes deux géniteurs, non seulement, on ne m’a jamais demandé mon avis pour que le Crif parle en mon nom, mais de surcroît, je n’ai jamais, jamais, jamais reçu un quelconque carton d’invitation pour participer à son dîner annuel, ce qui ne manque pas, chaque année, de me plonger dans une dépression profonde, vu que le buffet, avec sa dégrindolade de petits-fours, doit valoir le détour, et que ce serait une occasion inespérée de claquer enfin la bise à Marie-Georges Buffet.
Et de se demander si la veille de cette déclaration intempestive, Monsieur Prasquier n’avait pas regardé en boucle le chagrin et la pitié, avant de visiter le mémorial de la Shoah en égrenant un par un tous les noms des enfants juifs déportés par la police parisienne lors de la rafle minutieusement préparée du Veld ’Hiv, puis de finir sa journée en relisant le chapitre de la vie de François Mitterrand consacrée à son amitié indéfectible avec René Bousquet ?
Que Richard Prasquier puisse avoir un a priori négatif sur l’amour porté à Israël par une certaine frange des cadors du PS, cela se conçoit et ce n’est pas dénué de tout fondement. N’avait-on pas vu, lors de manifestations en soutien au peuple palestinien, quelques premiers secrétaires se promenant tranquillement, sans sourciller, au beau milieu d’une floraison de pancartes rappelant, à juste titre, que les véritables nazis des temps modernes siégeaient dans le gouvernement israélien, et que d’ailleurs, comme le soulignait fort à propos quelques caricatures bon enfant, Ariel Sharon n’était-il pas le digne héritier de ce cher Adolf ?
Certes, on peut légitimement penser que la plupart des dirigeants du bureau national du Parti Socialiste pencheraient plutôt pour la création d’un état palestinien, posture il faut le rappeler, qui n’est pas contraire à l’esprit de la déclaration des droits de l’homme, à laquelle n’importe quel démocrate de n’importe quel pays de n’importe quelle confession religieuse adhère peu ou prou. Après, que cela se teinte, parfois, d’un antisionisme endurci qui peut, chez quelques élèves turbulents ayant trop fréquenté l’extrême gauche, tourner à un antisémitisme de bon aloi, ne relève pas forcément de la paranoïa instinctive, sentiment très développé chez le juif qui a une furieuse tendance à voir en tout goy un ennemi du genre humain, à commencer par lui-même. Je parle en connaissance de cause, étant atteint du même mal et refusant de me soigner. Sait-on jamais. Mieux vaut être paranoïaque à l’excès que de croire, en toute confiance, que le voyage organisé pour visiter Varsovie et ses riantes banlieues n’a d’autre visée que celle de parfaire notre connaissance des mœurs et coutumes du plat pays polonais.
Il n’empêche. Prasquier a raté une bonne occasion de sa taire. Certes, ce n’est pas avec Yves Contassot à la manœuvre que Paris se jumellera demain avec Tel-Aviv mais si Paris vaut bien une messe, alors que dire de Tel-Aviv ???
( Si tu trouves un sens à cette conclusion bâclée, écris-moi vite, je la rajouterai à ce post. )
lire le billetOn ne peut plus se suicider en paix. Renaud, le chanteur à la voix suavement crasseuse, le Rimbaud des classes populo, populaires, populistes, aux textes poético-réalistes, le Germinal au foulard rouge et au blouson clouté, ne va pas trop bien. Partout dans les gazettes, ses amis ou prétendus tels, son frère, son ex, pleurnichent à tout-va, en racontant à l’échotier de passage, que s’il continue ainsi, à danser une valse à deux temps, avec sa bouteille de Pastis, il va droit dans le mur. Et de se demander, les mains sur les hanches, le doigt interrogateur apposé sur leurs lèvres perplexes, le cervelet moulinant dans le vide, mais qu’est-ce qu’on peut faire pour l’empêcher de terminer sa course dans une coursive du Père Lachaise ?
On pourrait peut-être commencer par lui foutre la paix, non ? Au lieu de créer des bénitiers de pages Facebook, appelant le chanteur à se ressaisir, le conjurant de mettre un terme à cette funeste comédie avant qu’il ne soit trop tard, l’implorant de penser à ses enfants, à sa petite fille, qui attendent que leur papa retrouve le chemin des écoliers.
Comprennent pas qu’il est comme fatigué, le Renaud. Qu’il n’a plus goût à rien. Ça arrive dans l’existence. De se lever un matin et d’envoyer tout balader. Le cirque des tournées, la prostitution de la promotion, l’obligation de sortir un album tous les deux ans, pour se prouver qu’on n’est pas encore carbonisé, et venir le prouver, en venant se raconter, sur le canapé de chez Drucker, se taper la visite de son instituteur, convoqué pour raconter une anecdote impayable du temps jadis, se bâfrer au beau milieu de l’après-midi d’un cassoulet mijoté par Jean-Pierre Coffe, tout en s’esclaffant aux pirouettes tordantes de Canteloup. Sourire à la ribambelle de fans qui vous clament leur amour avant de vous laisser seul, face à vous-même, dans la solitude glacée d’une chambre d’hôtel de province, à ressasser une vie qui n’a plus de sens.
Il y en a qui mettent les voiles, pagaient jusqu’aux Marquises, pour papoter avec des bonnes sœurs de passage, des alizés à venir, mettant à l’œuvre le principe de base édicté tout au début de Moby Dick : ” Quand je me sens des plis amers autour de la bouche, quand mon âme est un bruineux et dégoulinant novembre, quand je me surprends arrêté devant une boutique de pompes funèbres ou suivant chaque enterrement que je rencontre, et surtout lorsque mon cafard prend tellement le dessus que je dois me tenir à quatre pour ne pas, délibérément, descendre dans la rue pour y envoyer dinguer les chapeaux des gens, je comprends alors qu’il est grand temps de prendre le large. Ca remplace pour moi le suicide .”
Renaud lui a mis le cap sur la Closerie des lilas, pour se cuiter tranquillement, à l’ombre du Luxembourg, papotant avec les fantômes de Fitzgerald et d’Hemingway, au milieu de la faune bon chic bon genre de bourgeoises désœuvrées et d’artistes attirés par le clinquant de l’endroit, où le prix du verre de Sancerre se décline sur ses deux chiffres. Ce qui, pour un chanteur ayant clamé à longueur de textes sa honte et son dégoût de vivre dans une société bouffie d’égoïsme, acclamant la vermine qui amasse de l’or sur le dos de l’ouvrier, constitue, pour le moins, une faute de goût.
Avant de commencer à essayer de le désalcooliser, il faudrait déjà songer à le délocaliser. Dans un rade bien glauque du côté de Bagnolet ou de Malakoff, avec vue imprenable sur le périph, où le tavernier sert des pastis à la pression à des consommateurs revenus de tout, claquant le reste de leurs économies à coup de Rapidos, gueulant contre le système qui se fout de leur gueule, fumant de colère contre les politicards, les richards de banquiers, les pleurnichards de footballeurs, et les tricards de la télé. Des bistrots qui sentent bon la sueur de l’ouvrier, le désespoir des classes laborieuses et la fatigue du cadre moyen, licencié économique depuis des années, enraciné à son tabouret, occupé à rêver à des Amériques qui n’existent plus ou alors seulement dans les livres d’enfants.
Renaud n’est pas en train de mourir, il a seulement ouvert les yeux. Mis ses pas dans ceux de Fitzgerald et de Malcolm Lowry, en comprenant enfin que ” toute vie est un processus de démolition “, et découvrant la vérité ultime de l’alcoolique qui proclame que ” quand je ne bois pas, c’est le monde que je ne supporte pas, et quand j’ai bu c’est le monde qui ne me supporte pas “. Renaud est parti en vacances pour une durée indéterminée. Peut-être ne reviendra-t-il jamais. Mais qu’on le laisse au moins aller, tranquille, au bout de sa descente en enfer, à la fin de son voyage au bout de la nuit, au terminal de ces nuits sans aube qui surprennent les paumés du petit matin, dans la blancheur grisâtre d’un ciel d’enterrement, tellement insupportable à contempler, que mieux vaut s’en servir un dernier, et puis encore un dernier, pour se supporter encore un peu, juste assez pour ne pas terminer toute de suite la partie engagée avec ses merveilleux démons.
Mais non. Les braves gens qui dégoulinent toujours de bons sentiments, ne supportent jamais de voir l’un des leurs, surtout une célèbrité parce que le voisin ma foi…, sombrer sans donner l’impression de se battre. Même si les ennemis ne sont que des moulins à vent. S’éteindre à petit feu, en glougloutant un alcool jaune pisseux, c’est-y pas malheureux tout de même. Alors ils s’assoient à ses côtés et viennent l’emmerder en le sermonnant, ” écoute, c’est un ami qui te parles là. Si tu continues de la sorte, je te le dis avec toute l’honnêteté dont je suis capable, au nom de notre amitié, tu y vas tout droit. Je sais ce que c’est. Mon paternel est mort d’une cirrhose du foie. Il avait cinquante berges et je te jure, à la fin, il était pas beau à voir. ”
Hughes Auffray, du haut de ses 82 printemps, s’est même offert de lui organiser une petite tournée rédemptrice. Avec lui pour assurer, la première partie.
Du coup, Renaud, a décidé de passer à la vitesse supérieure. Il s’est mis au mescal.
lire le billetLes jeux vidéos font leur entrée au Grand Palais. Bon. On ouvre le gaz tout de suite ou on attend encore un peu ? Grand Palais, tableaux, sculptures, peintures, art, beauté, transcendance, émotion, Monet, Turner, Rembrandt, poésie, paysages, portrait, représentation… jeux vidéos. Quand Rimbaud écrivait, ” il faut être absolument moderne”, il ne me semble pas qu’il affirmait qu’il fallait être absolument crétin. Qu’il fallait céder, à tout prix, au vent putassier d’une époque si stérile, si désolée, si aride, si triste, si pauvre, si décharnée, si malade que nous voilà réduits à célébrer des objets qui non seulement sont une insulte à l’intelligence humaine, une négation de l’esprit des lumières, un molard craché à la face à de l’art et de ses dérivés mais subodorent aussi que cette fois, nous avons vraiment touché le fond du fond, que nous entrons de plain-pied dans des temps, non pas décadents hélas, mais des temps qui consacrent la victoire totale, complète et absolue de la commercialisation des esprits, des temps de renoncements qui viennent clore quelques siècles inspirés où l’homme, tant bien que mal, s’est efforcé de se surpasser pour se sauver, de tenter de se libérer de sa propre médiocrité et tâcher de s’élever afin de proposer un idéal de vie, de beauté, de tendresse.
Voilà, c’est fini. C’est entendu. Ils ont gagné la partie. Ils, ce sont toute cette cohorte de génies, illettrés, analphabètes, incultes, apatrides de l’intelligence, orphelins d’une certaine idée de l’homme, qui nous infligent le spectacle de gamins, d’adulescents, de seniors qui ont renoncé à vivre et à s’affronter, et préfèrent, au lieu d’aimer, de baiser, de se haïr, de se connaître, emprunter des sentiers balisés qui les amènent à se planter comme des sentinelles de leur propre connerie devant des consoles de jeux, où durant des heures, ils branleront leurs joysticks, mastiqueront des minutes à tripoter des manettes, afin de se donner l’illusion là de jouer à la guéguerre ou de se transporter sur un stade foot pour disputer des parties fictives par le biais de figurines animées.
Et qu’on ne vienne pas me dire que les jeux vidéos sont, à leur manière, un art ou quelque chose qui ressemble de près ou de loin à de la création. Non, non et non. Bordel de dieu. Ressaisissez-vous bon sang. Aussi élaborés soient ces jeux, aussi spectaculaires soient leurs graphismes, aussi géniale soit leur façon de représenter le réel, les jeux vidéos ne tendent à rien, ne proposent rien, ne visent à rien, si ce n’est à divertir. Voilà le mot est lancé. Divertissement. La nouvelle religion des temps modernes. Dans un monde déserté par les idéologies, abandonné par les intellectuels, dépourvu de spiritualité, nous avons créé un nouveau veau d’or : l’entertainement, le divertissement, l’amusement à tout crin. Ta vie, à t’amuser, tu passeras. Et on va où comme ça au juste ? Vers le néant ? Vers l’abandon total de toute idée d’accomplissement de soi, d’épanouissement intérieur, de tentative de mieux nous comprendre ?
L’art, avec un petit ou un grand A possède cette vertu cardinale qu’elle permet à chacun, par le biais de la création, qu’elle se nomme littérature, peinture, sculpture… de mieux appréhender l’autre, et par-là, de mieux comprendre sa souffrance à être dans un monde effrayant par nature. Elle nous apprend la compassion. Et sans compassion, nous sommes perdus. Foutus. Si, désormais, nous nous détournons de l’art pour nous réfugier dans des activités exclusivement ludiques, centrés sur le seul divertissement, alors, c’est comme si nous renonçions à être des hommes de chair et de sang, animés d’idéaux et d’espérances. Nous devenons aussi insignifiants qu’une nuée de moustiques, aussi inutiles que des chiures de mouches, aussi transparents que des glaces sans tain. Nous abdiquons. Par peur ou par paresse. Nous nous réfugions dans le confort douillet d’existences calfeutrées, renfermées sur elles-mêmes, repliées sur des cocons de vie d’où sont bannis les sentiments, les conflits du cœur avec lui-même, les envies d’ailleurs et les envolées salvatrices et nécessaires vers un monde meilleur. Avec les jeux vidéos, nous ne sommes plus dans la vraie vie mais dans un monde virtuel qui nous robotise et abrutit notre capacité à appréhender le réel. Nous devenons des morts vivants. Nous devenons aussi prolifiques que des cadavres. Nous ne servons plus à rien.
Un exemple concret. Vous connaissez Zelda je suppose ? Tout le monde connaît Zelda de nos jours. Sauf que, pour la quasi-totalité d’entre nous, ce prénom renvoie à un jeu vidéo en vogue, la légende de Zelda que Wikipédia définit ainsi, “un jeu action-aventure où le joueur incarne un jeune garçon, parfois un jeune homme, nommé Link et doit, armé de son épée et de son bouclier, sauver la princesse Zelda, qui est la princesse d’Hyrule. Le nom de la série se focalise sur « Zelda » c’est le nom de la Princesse. L’ennemi principal est Ganondorf également représenté sous sa forme bestiale, Ganon.”
Sauf que pour moi et pour quelques huluberlus de mon espèce, Zelda, c’est à jamais le nom de la muse de Scott Fitzgerald, son épouse, sa diablesse, sa putain, sa folle compagne qui finira sa vie dans un asile.
En moins d’un siècle nous sommes passés de Gatsby à Ganondorf.
Les créateurs des jeux vidéos commettent, sans le savoir, des crimes contre l’humanité, des génocides envers l’intelligence de nos cadets ; ce sont des castrateurs de notre capacité à vivre comme des hommes. Ils n’ont pas de sang sur les mains. Pas encore. Juste des éclaboussures de cervelets qui en s’accumulant finiront pas recouvrir les champs autrefois fertiles de la pensée humaine.
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P.S : Pour le lecteur qui me serait encore fidèle, une bafouille de votre serviteur ici: http://www.onlit.be/index.php?option=com_k2&view=item&id=578:la-facture-de-gaz&Itemid=172
lire le billetLes cinq barjots qui s’étaient volontairement auto-cadenassés, à triple-tour, en avalant la clé des champs, dans un caisson censé imiter une fusée supersonique voyageant gaiement vers Mars et sa banlieue, lors d’un trajet aller-retour, avec escale prévue sur la terre battue de la planète rouge, ont retrouvé l’air frais de la liberté. On est content pour eux. Pendant 500 jours, retirés des affaires de ce monde, ils ont joué à se faire peur en répondant au défi de ” et si on disait qu’on se trouvait dans un vaisseau spatial qui file à la vitesse de la lumière vers Mars et que même personne ne pourrait venir nous secourir et qu’on ferait tout exactement comme si on se trouvait à des années-lumière de la terre ? ”
Chiche ? Chiche.
Résultat des courses : ils se sont plaints de la nourriture, enfin surtout le français, ils ont trouvé parfois le temps long, ils se sont rarement disputés, et jamais pendant très longtemps, juste chamaillés pour savoir qui avait oublié d’éteindre en dernier la salle de billard ; le chinois a un peu déprimé parce que les gentils organisateurs n’avaient pas prévu de chat laqué pour le repas de noël, le russe a eu du mal à carburer à l’eau déalcoolisée, le français a passé son temps à se renifler les chaussettes pour se remémorer l’odeur d’un brie bien coulant.
A part ça rien. C’est ce qui était prévu. Il ne devait rien se passer et il ne s’est rien passé. Aucune tentative de meurtre n’a été signalée à la police intersidérale et personne n’a essayé de se défenestrer par une fenêtre qui n’existait pas. Personne ne s’est amusé à faire une bite au cirage à son voisin de palier, et chacun a respecté, sans rechigner, les petites manies de l’autre : la furieuse tendance du chinois à cracher toutes les deux minutes, la manie du russe à taper du poing avec sa chaussure sitôt que la soupe n’était pas servie à l’heure, l’aptitude du français à tout critiquer, la déco de la cellule, la qualité de la nourriture, l’éclairage défectueux, les chiottes aseptisés, la pesanteur du temps qui ne passe pas.
Évidemment, cette expérience, car c’en est bien une, qui devait servir de base de réflexion pour de futures expéditions nasaspatiales, n’a servi à rien, puisque l’on a appris hier, en fin de journée, juste avant la fermeture de Wall Street, les agences de notation ont dit niet à toute entreprise visant à dépenser ne serait-ce qu’un soupçon de drachme pour songer à construire le début d’une virgule d’une future capsule martienne. A moins que ce ne soit pour envoyer à perpétuité les petits chenapans de Berlusconi, Papandréou, Fillon, Zapatero, etc, etc, jouer aux osselets avec des fausses pièces d’un centime d’euro.
Reste que, cette expérience, par essence, n’aurait jamais servi à rien. Psychologiquement s’entend. Il existe un monde entre être enfermé dans une cabine lorsqu’on sait pertinemment qu’en cas d’envie pressante ou d’urgence absolue, une belle âme serait venue ouvrir la porte, et se retrouver à poireauter dans le vide cosmique, seul comme un chien sans collier, avec comme unique compagnon de voyage, la présence terrifiante de l’infini, la visite de trous noirs, le vertige du vide intersidéral et la ribambelle de questions tordues qui vont avec : est-ce que l’infini rentre dans le champ de la conception de la pensée humaine ou s’agit-il, par essence, d’une pensée méta humaine allant au-delà de la capacité mentale de l’homme à se conceptualiser comme sujet central de sa propre psyché ? Est-ce que Dieu a profité des promotions d’Optique 2001 pour s’offrir une paire de binoculaires assez perçantes pour nous surveiller là d’où il se repose ? Est-ce que lorsqu’Il a créé l’homme, et le ciel, et le ciel et la terre, il avait prévu, dans son cahier des charges, que ce pauvre demeuré de vermine d’être humain, tout juste bon à croquer dans une pomme pourrie, trouverait un jour le moyen de tromper sa vigilance et s’en irait voir ailleurs si l’herbe n’est pas plus verte ?
Sans oublier tout le contingent de questions métaphysiques auxquelles personne n’a encore apporté de réponses. Et pour cause : que fait-on si l’un des déportés volontaires s’amuse à se distinguer en mourant d’indigestion de pâtés en croûte ? Doit-on garder le corps au frais ou le balancer dans le vide ? Qui va se charger de régler les frais d’obsèques ? Faut-il ouvrir son testament sans présence du notaire dûment mandaté ? Et la famille, elle ne va pas gueuler si on revient sans la dépouille du défunt ? Mais si on consent à le garder parmi nous, on le remise où exactement, dans la cave à vins ou dans la réserve à cigare ? A moins qu’on ne l’attache à la queue de la navette pour s’en faire un super fanion, un vol au vent du plus bel effet giflé par un vent cosmique?
Sans rien dire des turpitudes sexuelles qui peuvent surgir à tout moment. Deux ans sans copuler ça peut être long. Surtout quand on se retrouve dans la force de l’âge. Que se passe-t-il en cas de besoin irrésistible de sentir son membre turgescent être apprivoisé et reçu en grande pompe par un corps aimant ? D’autant plus que rien ne prouve que la durée de vie d’une poupée gonflable en apesanteur se compte en minutes. Sachant de surcroît, que dès que l’un des forçats de la route se met à se livrer à quelques discrètes joutes masturbatoires, il doit être repéré vite fait, vu que le foutre, au lieu de ruisseler, comme il se doit, le long de ses doigts gluants, s’en va jouer les filles de l’air dans toute la cabine. De là à imaginer la nuit venue, un ballet spectral de filets de foutre s’amourachant lors de leurs randonnées dans le vide, s’accolant entre-elles, pour finir par former une boule spermeuse, suspendue dans l’atmosphère et rebondissant sur la tête des cosmonautes endormis…
Pas très romantique.
Et puis que faire, si une fois arrivé sur Mars, l’un des compères décide que finalement, ” tout bien pesé, moi je me plais bien ici, le climat me convient, c’est tranquille, j’ai repéré un petit coin très sympa près de la rivière, non, tout bien réfléchi, je crois que je vais rester. D’ailleurs pourquoi rentrer ? Telle que je la connais, ma femme a dû me tromper avec le responsable du programme spatial, je dois toujours rembourser les traites de ma datcha et ma Lada, quand je suis parti, commençait déjà à donner des signes de fatigue. Sûrement le carburateur. Non, c’est décidé les gars, je reste “. Et le voilà de se barrer en emportant avec lui la jeep et les réserves de Nutella.
Et si l’un d’entre eux se trouve être un espion d’Al-Qaïda, branche martienne, tendance salami, embarqué pour venger le fantôme de Ben Laden qui, tout à coup, sans appeler l’AFP avant, va prendre en otage le reste de l’équipage et contraindre la fusée à changer de direction pour s’en aller s’écraser contre deux planètes jumelles ?
Et si t’arrêtais d’écrire des conneries et t’allais te coucher?
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