Mars à l’ombre

Les cinq barjots qui s’étaient volontairement auto-cadenassés, à triple-tour, en avalant la clé des champs, dans un caisson censé imiter une fusée supersonique voyageant gaiement vers Mars et sa banlieue, lors d’un trajet aller-retour, avec escale prévue sur la terre battue de la planète rouge, ont retrouvé l’air frais de la liberté. On est content pour eux. Pendant 500 jours, retirés des affaires de ce monde, ils ont joué à se faire peur en répondant au défi de  ” et si on disait qu’on se trouvait dans un vaisseau spatial qui file à la vitesse de la lumière vers Mars et que même personne ne pourrait venir nous secourir et qu’on ferait tout exactement comme si on se trouvait à des années-lumière de la terre ? ”   

Chiche ? Chiche.

Résultat des courses : ils se sont plaints de la nourriture, enfin surtout le français, ils ont trouvé parfois le temps long, ils se sont rarement disputés, et jamais pendant très longtemps, juste chamaillés pour savoir qui avait oublié d’éteindre en dernier la salle de billard ; le chinois a un peu déprimé parce que les gentils organisateurs n’avaient pas prévu de chat laqué pour le repas de noël, le russe a eu du mal à carburer à l’eau déalcoolisée, le français a passé son temps à se renifler les chaussettes pour se remémorer l’odeur d’un brie bien coulant.

A part ça rien. C’est ce qui était prévu. Il ne devait rien se passer et il ne s’est rien passé. Aucune tentative de meurtre n’a été signalée à la police intersidérale et personne n’a essayé de se défenestrer par une fenêtre qui n’existait pas. Personne ne s’est amusé à faire une bite au cirage à son voisin de palier, et chacun a respecté, sans rechigner, les petites manies de l’autre : la furieuse tendance du chinois à cracher toutes les deux minutes, la manie du russe à taper du poing avec sa chaussure sitôt que la soupe n’était pas servie à l’heure, l’aptitude du français à tout critiquer, la déco de la cellule, la qualité de la nourriture, l’éclairage défectueux, les chiottes aseptisés, la pesanteur du temps qui ne passe pas.

Évidemment, cette expérience, car c’en est bien une, qui devait servir de base de réflexion pour de futures expéditions nasaspatiales, n’a servi à rien, puisque l’on a appris hier, en fin de journée, juste avant la fermeture de Wall Street, les agences de notation ont dit niet à toute entreprise visant à dépenser ne serait-ce qu’un soupçon de drachme pour songer à construire le début d’une virgule d’une future capsule martienne. A moins que ce ne soit pour envoyer à perpétuité les petits chenapans de Berlusconi, Papandréou, Fillon, Zapatero, etc, etc,  jouer aux osselets avec des fausses pièces d’un centime d’euro.

Reste que, cette expérience, par essence, n’aurait jamais servi à rien. Psychologiquement s’entend. Il existe un monde entre être enfermé dans une cabine lorsqu’on sait pertinemment qu’en cas d’envie pressante ou d’urgence absolue, une belle âme serait venue ouvrir la porte, et se retrouver à poireauter dans le vide cosmique, seul comme un chien sans collier, avec comme unique compagnon de voyage, la présence terrifiante de l’infini, la visite de trous noirs,  le vertige du vide intersidéral et la ribambelle de questions tordues qui vont avec : est-ce que l’infini rentre dans le champ de la conception de la pensée humaine ou s’agit-il, par essence, d’une pensée méta humaine allant au-delà de la capacité mentale de l’homme à se conceptualiser comme sujet central de sa propre psyché ?  Est-ce que Dieu a profité des promotions d’Optique 2001 pour s’offrir une paire de binoculaires assez perçantes pour nous surveiller là d’où il se repose ? Est-ce que lorsqu’Il a créé l’homme, et le ciel, et le ciel et la terre, il avait prévu, dans son cahier des charges, que ce pauvre demeuré de vermine d’être humain, tout juste bon à croquer dans une pomme pourrie, trouverait un jour le moyen de tromper sa vigilance et s’en irait voir ailleurs si l’herbe n’est pas plus verte ?

Sans oublier tout le contingent de questions métaphysiques auxquelles personne n’a encore apporté de réponses. Et pour cause : que fait-on si l’un des déportés volontaires s’amuse à se distinguer en mourant d’indigestion de pâtés en croûte ? Doit-on garder le corps au frais ou le balancer dans le vide ? Qui va se charger de régler les frais d’obsèques ? Faut-il ouvrir son testament sans présence du notaire dûment mandaté ? Et la famille, elle ne va pas gueuler si on revient sans la dépouille du défunt ? Mais si on consent à le garder parmi nous, on le remise où exactement, dans la cave à vins ou dans la réserve à cigare ? A moins qu’on ne l’attache à la queue de la navette pour s’en faire un super fanion, un vol au vent du plus bel effet giflé par un vent cosmique?

Sans rien dire des turpitudes sexuelles qui peuvent surgir à tout moment. Deux ans sans copuler ça peut être long. Surtout quand on se retrouve dans la force de l’âge. Que se passe-t-il en cas de besoin irrésistible de sentir son membre turgescent être apprivoisé et reçu en grande pompe par un corps aimant ? D’autant plus que rien ne prouve que la durée de vie d’une poupée gonflable en apesanteur se compte en minutes. Sachant de surcroît, que dès que l’un des forçats de la route se met à se livrer à quelques discrètes joutes masturbatoires, il doit être repéré vite fait, vu que le foutre, au lieu de ruisseler, comme il se doit, le long de ses doigts gluants, s’en va jouer les filles de l’air dans toute la cabine. De là à imaginer la nuit venue, un ballet spectral de filets de foutre s’amourachant lors de leurs randonnées dans le vide, s’accolant entre-elles, pour finir par former une boule spermeuse, suspendue dans l’atmosphère et rebondissant sur la tête des cosmonautes endormis…

Pas très romantique.

Et puis que faire, si une fois arrivé sur Mars, l’un des compères décide que finalement, ”  tout bien pesé, moi je me plais bien ici, le climat me convient, c’est tranquille, j’ai repéré un petit coin très sympa près de la rivière, non, tout bien réfléchi, je crois que je vais rester. D’ailleurs pourquoi rentrer ? Telle que je la connais, ma femme a dû me tromper avec le responsable du programme spatial, je dois toujours rembourser les traites de ma datcha et ma Lada, quand je suis parti, commençait déjà à donner des signes de fatigue. Sûrement le carburateur. Non, c’est décidé les gars, je reste “. Et le voilà de se barrer en emportant avec lui la jeep et les réserves de Nutella.

Et si l’un d’entre eux se trouve être un espion d’Al-Qaïda, branche martienne, tendance salami, embarqué pour venger le fantôme de Ben Laden qui, tout à coup, sans appeler l’AFP avant, va prendre en otage le reste de l’équipage et contraindre la fusée à changer de direction pour s’en aller s’écraser contre deux planètes jumelles ?

Et si t’arrêtais d’écrire des conneries et t’allais te coucher?

15 commentaires pour “Mars à l’ombre”

  1. C’est pourtant simple. Si l’univers est en expansion cela sous entend qu’après il n’y a rien et que ce rien est infini. Si Dieu est Infini alors Dieu n’est rien et « L’homme est condamné à être libre ».
    Pas besoin de chercher midi à quatorze heure.

  2. “bite au cirage” c’est un peu grossier comme expression.
    Et puis le texte est un peu long…..alors j’ai lu en diagonale.
    Et je suis un peu d’accord avec la conclusion.
    Bonne nuit
    !
    Vous avez besoin d’un peu de repos je crois…

  3. https://blog.slate.fr/labo-journalisme-sciences-po/2010/11/04/la-chasse-aux-trolls-sorganise/

  4. on le voit bien, sans la présence de femmes, l’expérience perd beaucoup en caution scientifique…

  5. chouette! Le retour de la douce. Je vous croyais fachée, ou alors déprimée, ou décédée!

  6. ça ne pourrait être que la troisième hypothèse donc aucune!

  7. Comme disait feu Jules Michalon (mon voisin du troisième) qui avait beaucoup lui Spirou et Schopenhauer : ” L’univers, c’est grand ; c’est même très grand. Et encore, on n’a pas tout découvert ! ”
    Il avait bien raison.

  8. à moins de nous transformer en plus qu’humain il va falloir très longtemps se contenter de construire des objets capables d’observer le faux vide spatial. pure interprétation ou talent d’imagination ‘rien n’est jamais absolument comme il devrait être’

  9. Hannah fâchée, pouarffff…n’importe quoi!
    Heureusement qu’elle est là pour nous sauver de nos contemplations onanistiquo-centrés. Vous vous êtes fait moine Saga? Vous vous voyer partir 500 jours entre couille? Vous aurez l’air d’un gland!
    Je propose d’inventer le Kamsutra Martien ou l’Apesanteur et le Coïte Sidéral. Peut être faudra t’il s’entrelacer à la manière des poulpes?
    http://media.paperblog.fr/i/101/1019905/poulpes-in-love-L-1.png
    Le Cuni-Céleste me parait être un bon début et une prise relativement facile. La tête coincée entre les jambes fera l’affaire pour ce qui est de l’arrimage.
    Une autre suggestion?

    Ah, j’allais oublier, je m’occupe du potager…
    http://www.youtube.com/watch?v=lj9FVlEtknU&ob=av3n

  10. onan soit qui mal y pense!
    mais encore plus jouissif le fantasme qui n’est pas près d’être banalisé, tout le monde n’a pas dans ses relations un(e) astronaute pour l’introduire dans un simulateur de vol en apesanteur

  11. Je vois que cette possibilité de s’envoyer en l’air ne laisse pas de succiter des reveries en tout genre…

  12. C’est vrai que cette idée est très fertile. Hannah tu es ma muse astral!
    La musique nous aidera à transcender l’espace et le temps pour atteindre le plaisir charnel infini…
    http://www.deezer.com/fr/#/search/stefano%20di%20battista%20anastasia

  13. je veux bien jouer la voyeuse euh voyageuse intergalactique, je suis volontaire pour une expérience orga(co)smique hors normes^^ et joindre l’utile à l’agréable…
    bon sinon, la branche martienne : mais c’est bien sûr!… c’est la première mutation du genre humain, ceux qui vont naître de la procréation extraterrestre, sur la planète rouge ou ailleurs

  14. ps : très bon choix musical pour s’envoyer en orbite… je connais mieux Eric Legnini http://www.youtube.com/watch?v=05-TBmbgSGY

  15. 😉

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