Voilà, à Vancouver, l’un des derniers endroits où l’on pouvait s’approvisionner encore en cd, dvd, livres pop, encyclopédies pop art, a mis la clé sous le paillasson et a prié le chaland en manque de biens culturels d’aller voir ailleurs si la neige est plus blanche. Après un été meurtrier où les vidéo stores se sont suicidés à un rythme précipité, où les cinémas d’art et essai se sont défenestrés à tout-va, où les librairies ont entonné des oraisons funèbres, il ne reste plus au promeneur égaré que des magasins de vêtements et des cloîtres à chaussures pour se rincer l’œil lors de sa balade dominicale.
Et de remercier vraiment du fond du cœur la cohorte des petits salopards de téléchargeurs frénétiques qui astiquent leurs nuits à compiler les bandes-annonces de films piratés passant à leur portée de souris, histoire d’être bien sûrs de ne pas s’emmerder le jour où leur forfait téléphonique tombera en rade, à coloniser des fichiers de morceaux de musique dans le seul but de divertir leur disque dur mais déjà rance, à s’amuser à se flinguer les yeux pour le seul plaisir de pouvoir lire Monsieur Bovary sur leur kindle surprise de mes deux ou leur Ipad de mes trois, toute cette colonie d’objets qui concourrent à la marchandisation funeste des esprits calibrés pour mastiquer des vies étriquées.
Ah, au nom du sacro-saint progrès, que de crimes nous commettons grommelle l’éternel vieux con grincheux qui sommeille en moi et qui, entre deux sanglots longs, se souvient, encore ému, de ces virées adolescentes lorsqu’il s’en allait promener son désespoir magnifique et éclatant à l’ombre de petites librairies anonymes ou de discrets disquaires qui lui offraient le réconfort apaisant de pochettes de disques élégantes et de couvertures de livres amicales avant de s’en retourner avec lui dans le refuge de sa chambre pour venir se dorloter au creux de sa bibliothèque, bavarder du temps qui passe avec d’autres livres aux reliures maintenant fatiguées, s’asseoir au milieu d’une vaste confrérie de vinyles rythmant le cœur de ses nuits solitaires.
Mais non.
Pour payer la retraite dorée de quelques capitaines d’industries japonisés, on a commencé par tout miniaturiser. Les horribles CD, décharnés et squelettiques, ont délogé les beaux disques des temps jadis, avant de se faire culbuter par des tripotées de branleurs de lecteur mp3, bientôt ipodisés pour satisfaire les besoins toujours aussi veules de la masse à jamais soumise et sotte, toujours prompte à se dégarnir de quelques centaines d’euros pour s’acheter le droit de se penser différente, alors qu’elle ne représente que les vassaux dociles d’un monde cupide et aveugle qui a entrepris aussi de miniaturiser les esprits afin de les dompter pour mieux les sodomiser. Cette même masse inerte et imbécile qui désormais, après avoir assassiné la belle petite gueule d’un Dylan emmitouflé dans son blouson sur l’avenue enneigée de son fringant Freewheelin pour la remplacer par de tièdes fichiers compressés, s’en va régler leur compte aux sept tomes de la Recherche du temps perdu, afin de l’assujettir au diktat spartiate d’une époque qui ne supporte plus de perdre son temps à tourner des pages, occupée qu’elle est à se flinguer le cerveau à coups d’entractes publicitaires.
Demain, ce seront les êtres humains qu’on ne supportera plus de fréquenter. Trop lourds, trop envahissants, trop indéchiffrables. Quand Facebook et ses affidés auront tout conquis, tout supplanté, tout remplacé, les nobles amitiés, les amours sincères, les sentiments vrais, les attendrissements du cœur humain, les chagrins des matinées pluvieuses, les splendeurs des soirs d’été quand le cœur robinsonne, alors l’homme, décharné, désincarné, déspiritualisé, ne se supportera même plus. Il n’attendra même plus Godot puisque Godot sera mort. Il sera devenu un fantôme spectral, évoluant dans la nudité d’un décor minimaliste qui lui renverra l’image d’un homme qui a tout perdu et qui ne pourra même plus consoler sa peine à l’ombre réelle et concrète d’une chartreuse de parme, pleine de bruit et de fureur, juste au-dessous du volcan lorsque tendre est la nuit quelque part sur la Highway 61 revisited.
Je vous fais tout de même remarquer que vous avez un blog…hein!
Allez comme je suis sympa je vous offre le lien qui donne accès à la Connaissance Universelle :
http://www.google.fr/
C’est dingue ce qu’on trouve avec LE lien.
http://www.deezer.com/fr/#/search/I%20am%20a%20psychiatrist%20Panic%20in%20Babylon
marche pas ici deezer!
http://www.amazon.com/Panic-Babylon-Vinyl-Scratch-Perry/dp/B0009SCV0A
🙂
Vous vous trompez d’ennemi… Les producteurs de disques avaient construit un business de vente de plastique sur le dos des artistes. Comme ils n’en vendaient pas assez, ils ont promu n’importe quoi. Ils sont la corde capitaliste que Marx nous voyait vendre: Ils ont promu de “niquer ta mère” et autres bonnes intentions. La grande distribution a relayé tout ça en tuant les disquaires sympas où j’allais chercher conseil et convivialité. Puis, le numérique a kidnappé la distribution avec iTune… Et pourquoi voudriez-vous que des enfants auxquels on supprime l’espoir du travail, qu’on a élevés avec l’idée de niquer jusqu’à leur mère et auxquels on donne en exemple les traders qui se sont emparé des richesses de la planète devraient être les garants de la moralité planétaire? Pourquoi voulez-vous que l’on réponde par de la vertu aux prix qui finissent tous par xxx,99…
J’achète du jazz et de la musique classique ou baroque, des musiques du monde. Ça ne se pirate pas! C’est “encapsulé” avec une moralité culturelle. Mais je comprends tout à fait les gosses qui “piratent” les conneries qu’on essaie de leur vendre! Cela dit, que Madonna ou autre génie dont le talent est plus pubien que vocal ne puisse plus dorer sa Cadillac à la feuille mais doive se contenter de l’argenter ne m’empêche pas de dormir!…
Tout est devenu industrie… Dans le temps, l’Eglise vendait des indulgences… C’était le début de la fin!
http://www.myspace.com/peterbrotzmann
Grâce à vous Amadeus j’ai retrouvé Norbert Lucarain. Je ne vous remercierais jamais assez – et LE lien également 🙂
http://www.myspace.com/norbertlucarain
GE-NI-AL!!!
http://www.deezer.com/fr/#/search/Norbert%20Lucarain
Je suis aussi un vieil aigri … et en plus je suis photographe (ce qui veux dire que mes droits d’auteurs sont pillés à tout va sans que je puisse y faire grand chose…)
Merci pour ce beau texte plein d’humour malgré tout.
Et merci pour les belles images de Bob et Suze.