Après le Vélib, cette invention en tout point remarquable, proche de la perfection pour celui qui a perdu le goût de vivre, voilà donc les Autolib s’apprêtant à débarquer dans la ville lumière, histoire de fluidifier un peu plus la circulation sclérosée de la Capitale du monde. Vu le succès étourdissant du Vélib, avec son cortège d’heures délicieuses passées à sillonner les rues de son quartier, puis de son arrondissement, puis de sa ville tout entière, à la recherche d’une machinette introuvable, ou alors qui se meurt d’indifférence à une borne désolée, désossée, orpheline de ses freins, de ses roues, de sa selle, de son pédalier, n’attendant plus que le passage des pompes funèbres, pour aller s’enterrer à jamais dans une décharge anonyme, quelque part au fin fond d’une banlieue abandonnée, on s’en réjouit d’avance.
Les esprits chagrins, toujours prêts à mesquiner à tout va et à dézinguer toute initiative aussi prometteuse soit-elle, se marre à déjà à l’idée que pour aller dénicher une voiturette en état de marche qui veuille bien bouger de son terre-plein, il faudra déjà s’en aller cueillir un Vélib en état de marche.
Et pourtant, moi, oui moi, je l’ai déjà testé, la Totolib. Pas à Paris, mais ici à Vancouver, où depuis quelques mois déjà, contre une somme toute symbolique de 26,25 euros (au cours d’aujourd’hui du dollar canadien à la bourse de Singapour), la possibilité est offerte aux habitants de la pacifique cité, de se transbahuter d’un bout à l’autre de la ville à bord de voitures électriques, forcément électriques, qui ressemblent à s’y méprendre à des Smarts, toutes jolies, toutes belles, toutes pimpantes, promptes à démarrer au quart de tour.
Le système s’appelle Car2.go (déja à l’oeuvre à Hambourg, Austin…) qui ne se traduit pas par Voiture2.pour aller, le 2 en anglais étant aussi une locution adverbiale servant à traduire la possibilité d’un mouvement à venir.
Donc, un beau jour, après avoir rempli le formulaire à remplir, payé la somme à payer, répondu aux questions à répondre, tu reçois par la poste une jolie carte magnétique toute bleue, avec un mode d’emploi aussi long à potasser qu’un haïku rédigé par un Chirac alzheimérisé après son accident cérébral d’on ne sait plus trop quand.
Puis arrive le jour inévitable où, en ouvrant ton frigo, tu découvres, horrifié, que ta réserve de Guinness a fondu comme irlandais au soleil. Calmement, sans paniquer, tu refermes la porte du frigo, et tu détales à toute berzingue vers ton ordinateur te connecter illico au site web de la Voiture2.pour aller.com.
Identifiant/Mot de passe. T’es où ? Qu’est ce que ca peut te foutre ? T’es où Ducon je te demande ? Bah, chez moi, pas chez ma maîtresse, on n’est pas jeudi. C’est où chez toi ? Qu’est-ca peut te foutre ? Donne l’adresse je te dis. Tu donnes l’adresse et là, houba hop, une gentille assistante te dit où qu’elle se trouve ta petite Toto qui se languit d’ennui en attendant ta visite. Généralement, c’est à moins de dix minutes de marche. Elle te plait la voiture ? Oui madame. Tu la veux? Ah ben oui madame. Tu es bien sûr ? Je crois madame. Sûr de sûr ? Oui madame. Bien, je te préviens qu’une fois que tu auras confirmé ta réservation, tu auras 15 minutes pour la trouver. Si tu ne la trouves pas dans le quart d’heure, le compteur se mettra en branle automatiquement. Le tarif étant de 34 centimes d’euros par minute, c’est panique à bâbord.
Bien souvent, dans ce moment d’égarement où l’on se trouve à papoter sur le web, on se tient avachi sur la canapé, à peine habillé, la mine défaite, la vessie remplie. Le temps d’aller se soulager, de trouver ses chaussures, de dénicher sa boîte de calmants, planquée exprés par le chat de la maison, sous le tapis de la commode, cinq bonnes minutes se sont déjà écoulées. Il t’en reste dix. Surtout ne t’affole pas. Tu as tout ton temps, petit. Pourtant, bien souvent, à peine le nez dehors, tes pieds se mettent à sprinter, ton cerveau t’ordonne de la magner, tu te mets à courir comme un dératé, les minutes, avec leurs centimes, défilent à toute allure devant tes yeux, tu slalomes entre les écureuils et les ratons laveurs, tu passes devant la Smart sans la voir, tu ne la trouves pas, tu sues, tu t’arrêtes, tu prends le temps de consulter le sms que t’a envoyé l’assistante pour te dire où la voiture jouait à chat perché avec toi, tu ne comprends pas, je suis pourtant dans la bonne rue, tu t’apprêtes à les appeler pour leur remonter les bretelles, quand soudain, merveille des merveilles, tu l’aperçois, la Mignonnette, planquée entre deux mini vans grands comme deux cercueils de joueurs de la NBA.
Elle te reconnait. Tu la reconnais. Elle te sourit, tu lui souris. Tu m’aimes ? Je t’aime. Prouves-le moi. Tu apposes ta carte magique devant une machine posée sur le pare-brise, un message apparaît, tu montes chéri ? tu rosis de plaisir, les portes s’ouvrent, ça y est, l’objectif est atteint, félicitations, tu es dans la place.
Sauf que pas tout à fait. Maintenant devant toi, se trouve un joli écran tactile. Sur l’écran, un message apparaît qui t’interpelle et te demandes, toi bien être Laurent Tsagalorovicapitsh. Affirmatif. Toi donner code secret. Facile, c’est le même que la carte bleue qui est le même que celui de ton code d’accès à ton immeuble qui est le même que ton password pour accéder à ton site porno préféré. Sur ce, la voiture te souhaite bienvenue et te demande si elle va bien. Elle, pas toi. Et oui, camarade, qui te dit que l’autre crétin qui vient de divorcer d’avec Elle, la Smartesse, ne te l’a pas amochée en ratant son créneau ? Donc tu ressors, tu fais le tour de la voiture, l’œil aux aguets, prêt à débusquer la moindre anicroche, la moindre petite rayure équivoque, la première chiure de pigeon un tantinet suspecte.
Rien.
Tu remontes dans la voiture, tu rassures Biquette, tout roule ma Poule, t’es belle comme au premier jour, tu peux commencer à danser. Et dedans je suis comment ? T’es sûr que je suis présentable, que tes parents vont me trouver à leur goût ? Mais oui, t’en fais donc pas, ils t’aiment déjà, allez démarre. Je préférerais tout de même que tu m’inspectes. Tu regardes sous le siège passager, histoire de t’assurer qu’il n’y pas un crocodile mort qui roupille, tu jettes un coup d’œil rapide sur la plage arrière qui ressemble à un string de coffre, on ne sait jamais, il pourrait avoir une colonie de mouettes en train de partouzer. Rien. Tu rassures la Cocotte qui sautille de joie, tu mets la clef là où il faut, bien profond, et tu démarres. Enfin, tu appuies de tout ton pied pour que la Smart, agile comme une vache normande, daigne se mouvoir. Te voilà parti.
Si tu ne sais pas bien où tu vas, t’as un GPS. Si tu t’emmerdes, t’as la radio. Si tu as une crise d’angoisse, tu portes ton index sur la case SOS et, dans la minute, t’as une gentille assistante qui se met à te parler à toute vitesse dans un français qui ressemble à de l’anglais.
Au bout de 4 minutes, tu es enfin arrivé à destination, juste devant le bootlegger de Guinness. Pour se garer, aucun problème. La ville a donné son accord pour que tu te gares où bon te semble, sauf devant la caserne des pompiers et la réserve de bernaches. Une fois garé, tu te retrouves devant un dilemme épouvantable. Tu as deux solutions : soit tu termines ta réservation avec le risque que pendant le temps où te ravitailles en Guinness, un gros con désœuvré qui passait par là t’emprunte ta Dulcinée sans jamais te la ramener, ou bien alors qu’un autre gus, lui aussi en rupture de stock de Guinness, l’ait réservé via internet. Auquel cas, quand t’essayes de remonter dans la voiture, elle ne te reconnaît pas. Tu as beau jouer au poker ou au prestidigitateur avec ta carte magique, elle ne veut rien savoir. T’es qui toi ? Mais enfin Chérie, c’est moi, ton amour, tu te souviens, on devait aller voir mes parents. T’es qui toi ? Mais c’est moi Stabilovitsch, le gentil conducteur qui t’a amené jusqu’ici. T’es qui toi ?
Afin d’éviter ce genre de désagrément, il suffit de demander à la Toto de ne pas bouger pendant que tu vas acheter la bibine. D’accord ? D’accord, ça te fera 40 centimes la minute. La garce. Et donc te voilà en train de piquer un sprint dans le magasin de spiritueux, à la recherche de ta Guinness qui, manque de pot, se trouve être en rupture de stock. A la place tu te retrouves avec un caisson de bières canadiennes au sirop d’érable.
Sur le chemin du retour, afin de limiter les dégâts, tu roules sans frein, tu ne distingues plus le rouge du vert, tu doubles par en dessous, tu scalpes deux goélands au passage, tu te gares en créneau avant, tu veux enlever la clé de contact mais tu ne peux pas. Dis, mon Prince, suis-je toujours la plus belle pour aller danser, tu veux pas aller vérifier que j’ai toujours aussi fière allure? Tu dis oui à tout, sans réfléchir, tu remontes chez toi, tu es épuisé, en nage. Et c’est seulement quand tu ouvres ta canette de bière, que tu t’aperçois que t’as acheté une bière sans alcool. Allo Poupée ? Tu m’aimes toujours ?
Quelle belle concentration de modernité!
Delation de son voisin, relation tarifée, pression du quotidien, Canada Dry, … sans oublier la caution de quelques animaux écologiques. Toute une époque dont on se souviendra, quand l’automobile se battait courageusement contre ce mal moderne qu’est l’indiscipliné…
je ne suis pas bien sur qu’on trouve du canada dry au Kanada… Allez comprendre.
Vous avez besoin d’une bagnole pour aller chercher un malheureux pack de binouze ?
Au risque de vous choquer, l’acool au canada n’est vendu que dans des magasins d’etat, appelés liqueur store, qui se ne se trouvent pas au coin de la rue. Ceci dit, je ne bois que du coca…
Ok vous avez une voiture! Mais comment pouvez vous un seul instant imaginer batifoler correctement dans un espace si réduit? Une voiture n’a en effet jamais eu comme fonction première de faciliter l’accès à la bière. Saga, si vous ne buvez que du coca la conclusion s’impose d’elle même. Y’a baleine sous cailloux! Moi j’dit ça…
http://www.youtube.com/watch?v=8Ts2U1mkfz4
raisonement et demonstration implacable. Je m’incline!
je savais que certains hommes ont une relation spéciale avec leur voiture, une forme d’anthropomorphisme, mais là nous sommes face à un stade avancé de la maladie^^
qu’est ce que vous préconisez comme remede docteur?
j’ai beaucoup mieux : je propose covoiturage dans berline v6 intérieur cuir sièges chauffants ronce de noyer vitres teintées programmation musicale à la carte, pilotage souple et en prime la voix mélodieuse de la conductrice^^ ceci dit, je ne suis pas sûre de pouvoir vous faire prochainement une proposition de trajet:)
d’accord mais je m’occupe de la programmation musicale parce que vous avec votre musique de sauvage…
je concède le choix musical, je ne suis pas une sauvage:p
je pense que vous faites référence à la Draught Guinness, qui mousse comme à la tireuse, et que je découvris dans des supermarchés irlandais lors d’un voyage d’études. Mais je ne comprends pas : pourquoi achetez-vous de la Guinness si vous buvez du coca ? Vous vivez avec un Hockeyeur qui pompe ses 4 000 calories par jour ? D’autre part, Simon S lève fièrement le coude dans “Loin de quoi ?”
Je suis plutôt marche à pied, nos chemins se séparent ici.
http://www.deezer.com/fr/#/music/charlie-parker/my-best-songs-charlie-parker-1029782
j’aime beaucoup la marche aussi, d’ailleurs ça m’arrivait souvent de dire : demain les enfants, c’est ramassage scolaire à pied (10 km A/R dans la campagne pour 2 écoles différentes) ils adoraient…^^ ou bien : j’habite à 15 mn de mon travail en voiture mais je vais prendre les transports en commun : 1h30 à pied/train/bus, ce sera follement amusant
c’est pour ca que les enfants sont partis chez leur pére?
mais vous avez lu mon jugement de divorce…
c’est moi qui ai eu la garde de la voiture;)
mere indigne! C’est pas une bmw tout de même???
non l’autre :-/
vous pouvez cesser avec ces hyeroglyphes, z’etes atteintes de jeunisse ou quoi?. Souvenez nous que je perds mes cheveux…
je trouvais ça plutôt discret, mais comme vous voulez (Hannah sourit) en revanche, les fautes d’orthographe ça ne vous gêne pas… (Hannah tire la langue)
:;)!**”,:::;;°)