J’avoue, je n’ai plus fréquenté les abords d’un court de tennis depuis une bonne trentaine d’année lorsque du haut de mon mètre vingt, je me faufilais dans les allées de Roland Garros, à la recherche d’un strapontin pour asseoir mon séant et assister aux exploits des champions de l’époque qu’ils se nommassent Borg, Gerulatis, Gottfried, Villas, Gildemeister, Wilander, forçats de la terre battue, obligés d’en découdre avec des Rossignol Strato, des Dunlop Maxply, des Snauwaert, ces superbes raquettes en bois laqué, aussi rigides qu’un sapin congelé de l’antarctique nord, tendues de cordages en boyaux de chat qui éjaculaient des lancers de balles s’en allant traverser le cours à la vitesse d’un escargot dépressif, laissant le temps au cerveau d’analyser la position de l’adversaire, la force du vent, l’inclinaison du soleil, la teneur en poussière du grain de la terre battue, la tenue vestimentaire du ramasseur de balle.
Désormais, le joueur de tennis n’a plus besoin de cerveau. Tout juste s’il a besoin d’une raquette. Une fois sur deux, il balance un gnon de service qui laisse son adversaire aussi ahuri qu’un canari égaré dans un safari pour qataris enrichis, un adversaire qui doit attendre l’énoncé du score par l’arbitre pour se rendre compte qu’un point vient d’être joué et l’obliger de se mouvoir de quelques mètres de côté pour recevoir une nouvelle balle fantôme, filant à la vitesse de la lumière, trop pressée pour prendre le temps de le saluer.
Et quand par chance, il parvient à relancer la baballe, le serveur vexé de voir son missile revenir, fulmine de rage, et afflige une claque retentissante à l’innocente petite balle jaune qui toute tourneboulée, la chevelure ratiboisée, aussi lisse qu’un poussin atteint de calvitie précoce, chavire sur elle-même, tourbillonne, tournicote dans tous les sens avant de s’en aller dépoussiérer, avec fracas, la ligne du couloir.
Les joueurs de tennis aujourd’hui sont grands. Très grands. Le nain qui culmine à 1m75 n’a plus sa place sur un terrain de tennis. Et de se souvenir de Harold Salomon, ce merveilleux petit bonhomme au cerveau agile qui parvenait à se défaire de malfaisants géants en ensorcelant la balle de telle manière qu’elle radotait sur elle-même avant de retomber, inerte et mollassonne de l’autre côté du filet. Cela s’appelait une amortie. Un geste qui semble-t-il a disparu de la panoplie du joueur moderne. Tout comme le lob. Ou la contre-amortie. Ces adorables et mesquins petits coups de vice qui prouvaient qu’une intelligence était en éveil de l’autre côté du filet. De nos jours, la balle va bien trop vite pour permettre au joueur d’élaborer une quelconque stratégie. A peine la balle a-t-elle pris son envol du cadre de sa raquette qu’elle est déjà de retour. Te revoilà toi ? Et de rage, de lui balancer une volée de bois vert encore plus tonitruante.
Surtout le tennis est devenu aussi emmerdant que le nouveau roman. Aucune intrigue. Style atone. Disparition de l’adjectif. Les joueurs de tennis se ressemblent tous. Ils sont polis jusqu’à l’extrême, ils se respectent, pas un qui ne s’en prend au ramasseur de balle, coupable d’avoir reniflé trop fort entre deux échanges, pas un qui ose se mesurer au juge de ligne pour le traiter de noms d’oiseaux, pas un qui ait l’audace de terroriser l’arbitre en le menaçant de l’émasculer avec un service boisé mal dirigé. Rien. Sages et respectueux, ils récitent leur partition, apprise par cœur, sans dévier d’un pouce de leur texte. Je cogne, tu cognes, il cogne, nous cognons, vous cognez… Et oui je sais, je vieillis, tu vieillis, il vieillit…
lire le billetEt soudain surgi de la brume vaporeuse de l’anonymat Lana Del Rey. Vous ne savez pas qui c’est ? Mon non plus. Pourtant impossible de se balader sur le web sans trouver une notule, un article, une dépêche se référant à cette nouvelle i-conne montante. Il apparaîtrait que Denisot l’ait fouettée en direct au grand journal, qu’elle chante comme La Callas, qu’elle danse comme Isadora Duncan, qu’elle se déhanche comme Zizi Jeanmaire, qu’elle a la beauté d’Ingrid Bergman, l’intelligence de la Comtesse de Ségur, la sensibilité de Virginia Woolf, le sex-appeal de Marilyn, la classe de Gena Rowlands, le compte en banque de Liliane Betancourt.
Bref, une étoile est née. Comme l’autre. La Lady Glagla. Typiquement le genre de demoiselle qui pourrait être ma voisine de palier sans que je soupçonne une seule seconde qu’elle se trouve être une star interplanétaire. De celle qui déclenche à chacune de ses apparitions une hystérie collective, une partouze de sentiments contrastés, une galaxie d’émotions allant du ravissement béat à l’admiration exaltée.
Sait-on seulement elle quoi ressemble la gaga de ces dames ? A force de se métamorphoser à chaque fois qu’elle daigne honorer de sa présence un plateau de télévision, on ne sait plus quelle tronche elle peut bien avoir. Une déesse grecque réincarnée ? Le sosie de Josiane Balasko ? La sœur de Mère Térésa ? Pourtant aussitôt qu’elle s’abaisse à ouvrir la bouche pour asséner des vérités existentielles du genre, ” le secret de mon teint de jouvencelle je le dois à l’influence de mon chat siamois, né sous le signe du verseau, baptisé par un moine taoïste de L.A, qui me suit partout et me conseille”, on entend des oh et des ah extatiques s’élever de la mare imbécile de la masse crédule à qui on impose de se passionner pour des personnalités aussi attachantes qu’une présentatrice de la météo à la télévision nord-coréenne.
Elle ne chante pas vraiment, elle ne danse pas vraiment, elle ne parle pas vraiment, elle ne jouit pas vraiment : elle n’existe pas vraiment. Comme Britney Spears, Marriah Carrey, Madonna ce sont des fantômes qui incarnent à merveille le néant abyssal des temps modernes. Sans aucune identité, dépourvues de tout talent, aussi alertes intellectuellement que des pots de cornichons avariés remisés dans l’arrière-boutique d’une épicerie à l’abandon, elles façonnent les modes, dictent le comment s’habiller, se prennent pour le nombril du monde et condamnent des millions de demoiselles innocentes à lui ressembler.
Sur le site français de Lana Del Rey, on peut lire “l’artiste atteint désormais la France avec ses titres uniques écrits avec une simplicité déconcertante et mis en scène devant sa webcam. La jeune américaine est aussi talentueuse que discrète et les informations à son sujet se payent à prix d’or par les médias du monde entier. Lana Del Rey se résume en quelques mots : on découvre, on écoute, on frissonne et on ne s’en lasse plus”. Nous voilà rassurés. Elle fait frissonner. Bientôt elle frisera aussi. Avant de fricotter avec Mike Larose. Puis de friponner auprès de Berthe Lagrise. Et de se frictionner avec Jude Laverte. Sans oublier de se fringuer comme Harry Lerouge. Et puis un beau jour, sans afféterie, elle redeviendra ma voisine de palier.
Sinon, à titre informatif, l’adorable bécasse a déjà 12697 de corniauds franchouillards qui se la facebookent tous les jours. Nous vivons une époque formidable.
lire le billetFranchement, je n’aimerais pas être le premier ministre israélien. D’abord, parce que de toute éternité, les juifs peuvent se targuer d’être le peuple le plus emmerdant à gouverner. Pire que les français. Râleurs et insatisfaits par nature, rebelles dans l’âme, indociles par principe, ils entretiennent des rapports plus que compliqués avec la notion d’autorité. Souvenez-vous du sketch de la sortie d’Égypte : Dieu, après avoir joué au chat et à la souris avec le Pharaon, se décide enfin à libérer son peuple et l’envoie gambader dans le Sinaï, direction la terre promise. Après quelques jours d’errance dans un désert aride et rocailleux, le peuple commence à gronder et s’en va enguirlander cette nouille de Moïse : “c’est quoi ce voyage organisé de mes deux que tu nous as concocté ? Il fait une chaleur pas possible, la bouffe est dégueulasse, on meurt de soif et la nuit il caille comme c’est pas permis. Si on avait su, on serait resté en Égypte. Au moins, on mangeait à notre faim.”
Le premier ministre israélien et son cabinet ministériel se retrouve aujourd’hui confronté à un terrible dilemme où Israël joue avec sa survie. S’il prend la décision de laisser l’Iran disposer de la bombe atomique, il s’expose au risque qu’un beau matin, il se réveille en découvrant que son pays n’est plus qu’un vaste champ de ruine.
Foutaises argumentent les grands experts des relations internationales qui, dans le confort douillet de leurs bureaux situés dans les grandes capitales occidentales, vous expliquent que l’Iran n’aurait rien à gagner à s’en prendre à Israël puisqu’en agissant de la sorte, elle signerait là son arrêt de mort. Raisonnement à priori impeccable. Sauf que ces sommités de la pensée occidentale partent du présupposé intangible que les dirigeants iraniens raisonnent comme vous et moi et qu’à priori l’idée de finir en particules de poussière atomique ne les enchantent pas outre-mesure.
Pourtant, dans la longue histoire de l’humanité, il semble qu’on ait déjà vu des peuples et leurs gouvernants, apparement sains d’esprit, apparement animés de bon sens et apparement possédant une once de rationalité, précipiter leur pays dans des abysses insoupçonnables. La tentation de l’apocalypse et “d’après moi le déluge” a de quoi séduire des esprits un tantinet dérangés. Sans verser dans la politique fiction à rebours, il n’est pas totalement abscons de penser que si Adolf avait reçu comme cadeau de baptême une belle bombe atomique, il n’aurait guère eu de scrupules à s’en servir. Quand bien même cela eut signifié la destruction totale de son pays.
Si le premier ministre israélien opte pour une non-intervention en Iran, il prend le risque qu’un jour, des générations de survivants l’apostrophent en lui disant “mais Bibi, comment n’as-tu pas pu voir que tout prédisait que l’impossible deviendrait possible ? Comment as-tu pu ne pas entendre les discours de l’autre meschuge répéter à longueur de temps que la destruction d’Israël constituait son vœu le plus cher ? Pourquoi as-tu été sourd à ces menaces ? Pourquoi l’as-tu laissé disposer de la bombe ? Tu pensais quoi ? Qu’il allait se contenter de la cajoler du regard ? Qu’il allait jouer au jokari avec ? “.
Maintenant, si le premier ministre se décidait à passer à l’offensive, il prendrait le risque de voir la communauté internationale hurler au loup, le traiter de criminel irresponsable, de va-t’en guerre inconséquent, de fouteur de merde par excellence, de sale bâtard de juif déïcide, de fils de pute de Judas, de paragon de nazi, de petit dictateur arrogant et sûr de soi, de pyromane insensé, d’empêcheur de payer son litre d’essence à moins de deux euros, de contributeur à l’embrasement du Moyen-orient.
Sans oublier que sa propre population devrait passer ses journées dans des abris souterrains à jouer au rami tout en se disant “Je t’en prie, qu’est-ce qu’on avait besoin d’attaquer ainsi l’Iran ? Il fait une chaleur à crever dans ces caves, la bouffe est dégueulasse, les portables ne passent pas, il n’ y a pas de wifi, la télé ne marche pas, le coca n’est même pas frais et les chiottes sont déjà bouchées. Si on avait su, on aurait élu un autre premier ministre. ”
L’histoire étant parait-il un éternel recommencement, le peuple d’israël ayant déjà connu les joies d’un génocide, on souhaite décidément bien du plaisir au premier ministre israélien.
lire le billetMarine, mon bel enfant, quelle mouche t’a donc piquée pour que t’en ailles aller danser la valse avec des nazillons viennois sur le parquet d’une salle de bal d’où étaient exclus ces souillons de juifs, apôtres de la décadence occidentale ? Pourquoi t’être accoquinée de la sorte avec ces postillons d’autrichiens rêvant, à l’ombre de leurs pensées dérangées, d’un ordre nouveau gouverné par des aryens de bon teint ?
Peut-être voulais-tu réaliser là un rêve de jeune fille, quand innocente pucelle bretonne, en dévorant à la dérobée les romans de Joseph Roth ou les nouvelles de Arthur Schnitzler, tu t’imaginais dans la peau d’une de ses fragiles héroïnes, toutes tremblantes d’excitation à l’idée de fouler la salle de bal de tes délicates chevilles, sous l’œil admiratif de toute la crème de la société viennoise qui n’aurait pas manqué de te remarquer, toi sveltesse demoiselle à la chevelure cendrée, au regard de biche, à l’allure si gracile que tu n’aurais pas manqué d’engendrer auprès de la gent féminine une jalousie bornée ?
Marine, mon bel enfant, pourquoi ce soudain écart de conduite qui d’un seul coup ruine tous les efforts que tu avais entrepris pour te départir de l’héritage parfois difficile à assumer de ton père ? Pourquoi, alors que ces derniers temps, tu n’avais eu cesse de démontrer que tu réprouvais l’antisémitisme de bon aloi de la figure paternelle qui préside à ta destinée, pourquoi être allée t’étourdir au bras d’hommes nostalgiques du troisième Reich, affreux jojos de révisionnistes ayant juré la mort de la juiverie internationale ?
Je ne te comprends pas Marine. Hier encore tu te présentais sous les traits d’une Antigone bien décidée à t’opposer à ton Créon de père, mais en l’espace d’une nuit, voilà que tu as revêtu la cape d’une sotte nostalgique d’un temps à jamais révolu, voilà que t’es abaissée à flirter avec des aristocrates de bas-étage, avec des hommes qui aiment à se travestir en soubrettes berlinoises pour se faire entreprendre par des cohortes de bavarois lubriques salivant de leurs prépuces baveux à l’idée de posséder des tourangelles innocentes ?
Pour toutes ces raisons, mon bel enfant, tu me vois dans l’obligation de refuser de t’accorder mon parrainage. Hier encore, même si je ne partageais pas tes idées, je pensais que ta présence à l’investiture présidentielle honorait la démocratie et que c’eût été comme sacrilège que tu fusses écartée de cette course pour une simple question de signatures défaillantes. Oui, t’avouerais-je que je songeais très sérieusement à t’accorder mon parrainage.
Plus maintenant. Et quiconque te donnerait le sien, je le considèrerais désormais comme le dernier des hommes. Et quiconque te donnerait sa voix, celui-là aussi, je le considèrerais comme le dernier des hommes.
lire le billetUne semaine déjà que j’écoute en boucle le dernier Leonard Cohen – au Canada, c’est obligatoire – et je ne suis toujours pas en mesure d’affirmer, en des termes définitifs et bien tranchés, que le dernier opus du chéri de ces dames s’apparente à une pure merveille, un joyau de délicatesse chatoyante déclinant les thèmes favoris du chanteur, mort, sexe, sexe, mort, mort du sexe, sexe de la mort, ou bien alors, si c’est un disque si ennuyeux et mortifère qu’il rendrait même mélancolique un suicidaire récidiviste cheminant le long du pont Mirabeau, une ode funèbre adressée à un monde qui s’en va et ne reviendra pas. Ou les deux à la fois.
Il est vrai que non seulement je suis lent mais de surcroît je n’ai pas l’oreille musicale. Ce qui fait beaucoup pour un seul homme. Cependant à lire le concert de louanges célébrant le retour du fils prodigue dans son royaume où le soleil ne semble jamais s’être levé, ni hier, ni aujourd’hui, ni demain, il faut croire que Monsieur Cohen qui ressemble de plus en plus à un berger de l’ancien testament, a fait du bon boulot.
Sauf qu’une chanson de Leonard Cohen c’est un peu comme un verset biblique. De prime abord, on se laisse séduire par la magie du Verbe, on se persuade d’avoir saisi le sens de la parole divine, on se sent comme le fils adoptif et chéri de Dieu-le-Père alors qu’on nage dans la plus grande des confusions, propice à tous les malentendus. Si bien qu’il faut se farcir l’intégralité de la totalité des œuvres complètes du Zohar revisitées par la science d’un rabbi hassidique carburant au pastis pour tenter de comprendre le début du commencent du sens dudit verset.
Ainsi des chansons de Leonard Cohen qui comme le soulignait fort à propos Robert Zimmerman résonnent toujours comme des prières. Des élégies suaves saluant un élan vers l’ascétisme et la pureté, contrebalancées par un attrait quasi mystique pour les plaisirs de la chair magnifiée par la femme, cette sainte en talon aiguilles ou cette prostituée en tenue de cardinal, c’est selon, qui s’amuse à donner le tournis à l’homme, ce pauvre mécréant tiraillé entre une aspiration vers une spiritualité toujours remise en question et une fascination pour tout ce qui s’apparente au monde d’après la chute.
Les chansons de Leonard Cohen, les anciennes comme les nouvelles, déclinent toujours des odes mélancoliques et désespérées révérant l’éternel féminin tout en s’incarnant dans une tradition littéraire qui puise ses origines du côté de Garcia Lorca et de Sholem Aleikhem… et bon dieu, affolant comment je rame, tiens Messi vient de rater un pénalty, c’est étonnant, ah oui, le corniaud, il a tiré à mi-hauteur, quelle erreur, du pain béni pour le gardien adverse, donc oui, je vous avais prévenu, je suis lent, musicalement parlant j’entends, parce que sinon, malgré mon grand âge, je galope comme un étalon détalant dans la dernière ligne droite de Longchamps, enfin non pas comme un étalon, c’est sexuellement connoté, alors mettons comme un canasson, oui voilà, comme un canasson détalant dans la dernière ligne droite de Vincennes, parce que si ça se trouve, Longchamps ça n’existe même plus, comme quoi tout fout le camp, alors soyez gentil, accordez-moi votre clémence et revenez-me voir dans un an, j’aurai peut-être un avis un peu plus pertinent sur le disque de monsieur Cohen, parce que là franchement, comme vous avez pu vous en rendre compte, puisqu’à force de me lire, vous avez acquis la perspicacité de la sagacité, je n’ai pas le début d’une opinion.
Si vous voulez juger par vous-même, c’est par ici. http://www.npr.org/player/v2/mediaPlayer.html?action=1&t=1&islist=false&id=145340430&m=145466815.
Gratuit pour les juifs. Pour les goys, offrez une obole pour la reconstruction du troisième temple.
lire le billetVisiblement Mourad Boudjellal, le président du club de Rugby de Toulon dérange. Il faut dire que retrouver un arabe à la tête d’une des formations les plus prestigieuses de l’ovalie hexagonale a de quoi laisser perplexe. Ce serait comme de retrouver un juif à la tête de l’office du tourisme polonais. Ou un noir à la tête d’une congrégation de skinheads. Une erreur de casting.
Pour avoir qualifié le comportement de l’arbitre lors d’une prestation de son équipe du joli quolibet de ” sodomie arbitrale “, formule somme toute très parlante, Mourad Boudjellal s’est vu infliger une interdiction d’exercer longue de 130 jours. L’arabe de service s’en sort bien. Il risquait une simple et pure radiation.
C’est qu’on ne rigole pas à la ligue nationale de rugby. On ne transige pas avec les notions de valeurs qui sont, comme chacun le sait, l’un des piliers de ce jeu. Surtout quand il s’agit d’un arabe. Qu’un français de souche, un brave gaillard né du côté de Brive-la-Gaillarde et élevé au cassoulet puisse péter les plombs et invectiver de la sorte le corps arbitral, passe encore mais qu’un arabe, un maghrébin, peut-être même un musulman, voire un djihadiste qui a déjà eu l’outrecuidance de faire fortune en montant tout seul un empire financier dans le monde de la bande dessinée, franchisse ainsi la ligne rouge, voilà qui est des plus intolérables.
Le monde du rugby n’est pas le monde du football. Dans ce noble sport, où l’esprit de chevalerie se mêle à celui de la franche camaraderie, on pratique la rhétorique avec un art consommé de la formule. On glorifie la langue française, cette langue ancestrale, venue de la terre qui jamais ne ment, cette langue vernaculaire héritée de nos vénérables ancêtres qui ont eu le courage de repousser les arabes à Poitiers.
Que Mourad Boudjellal se fut offusqué du comportement de l’arbitre en soulignant que ” ces décisions lui semblaient avoir été prises dans un tropisme plus ou moins partisan et conséquemment susceptible d’interférer d’une manière outrancière avec l’esprit par principe intangible de la règle du jeu comme fondement de la notion d’équité “, tout le monde se serait incliné devant cette prose sentant bon les références proustiennes. Visiblement Mourad Boudjellal ne connaît pas Proust. Sûrement que Marcel n’est pas encore traduit en algérien.
Le rugby met un point d’honneur à se prétendre être un sport qui se situe au-delà de la vulgarité régnant dans les autres sports. Au rugby, le public se tait quand un adversaire tire une pénalité. Au rugby, on respecte son adversaire. On ne triche pas. On ne surjoue pas. Un vrai sport d’hommes. Avec des tripes et des couilles.
Certes de temps à autre, on s’échange quelques gnons, on s’agrippe par les testicules, on piétine la tête de son adversaire mais toujours dans l’esprit du jeu. On se permet de décrocher un direct à son vis-à-vis mais attention toujours en le respectant. Comme la fameuse troisième mi-temps. Où contrairement à ce que l’on pourrait penser, on ne se cuite pas. Non monsieur, chez ces gens-là, quand on boit, on met un poing d’honneur à rester debout et à respecter le tabouret qu’on envoie valdinguer à travers la vitre de l’établissement où l’on s’enracine jusqu’au bout de la nuit.
Vraisemblablement, ce genre de notions reste étranger à Mourad Boudjellal. D’ailleurs si ça se trouve, avec ses origines arabisantes, il se peut fort bien que cet immigré né dans le Var, ne goûte que modérément à l’alcool. Pas étonnant après cela qu’il ait du mal à saisir les valeurs éternelles du Rugby.
lire le billetComme chaque année, en plein cœur de l’hiver, le carnaval de la BD s’arrête à Angoulême. Évidemment, hormis les deux trois bouseux de service qui y habitent, personne ne sait où se trouve Angoulême sur la carte de France. Assurément quelque part. Peut-être perdue entre Paris et Marseille. Personnellement, dans ma lecture assidue et continue de France Football, je n’ai jamais entendu parler du FC Angoulême ou de l’Olympique Angoulamais. Ou de l’Association Sportive d’Angoulême.
Ce qui d’emblée vous classe une ville et la rend à priori aussi attrayante à visiter qu’un parc d’attraction désaffecté ou une usine spécialisée dans le découpage de la cuisse droite de poulets d’élevage.
Une ville qui ne possède pas de club de foot digne de ce nom, c’est comme une librairie qui n’aurait pas dans ses étagères les œuvres complètes de Bernard Foglino. Ou celles de Sagalovitsch. Une aberration métaphysique. Une incontinence linguistique. Une impossibilité cosmique. Une ville fantôme. Le contraire n’étant pas forcément vrai. Ainsi je ne suis pas bien certain que Valenciennes, Lens ou Lyon, soient des villes propices à l’ébaudissement et à l’étourdissement. Tout au contraire de Saint-Etienne, ville magnifique, majestueuse, ville d’art et de culture qui doit être la seule ville de France qui peut s’enorgueillir de posséder une rue Virginia Woolf. Mais je m’égare.
Retour à la case départ.
A la BD donc.
Tout le monde aime la BD. Même le plus grincheux des vieux réactionnaires qui ratiocine à longueur de temps sur la perte des valeurs et vilipende cette jeunesse décervelée assoiffée de biens de consommation aussi utiles à l’élévation de leur âme qu’un stérilet pour une nonagénaire sur le départ, consentira à avouer que, quand bien même ce n’est pas sa tasse de thé, il n’en reste pas moins qu’il garde un souvenir ému de sa lecture des aventures de Bécassine.
Quoi de plus étonnant ? Dans nos sociétés occidentales, sitôt que l’enfant cesse d’être ce vermiceau braillard tout juste bon à emmerder ses parents pour un anecdotique mal de dents, on lui colle sous le museau une BD. Et le gamin émerveillé de découvrir des vignettes colorées où évoluent des personnages drôlatiques qui rivalisent de prouesses pour terrasser le méchant.
L’adolescence venue, le vermiceau mal dégrossi et désormais tout boutonneux se branlera de plaisir sur une quelconque BD érotique piquée à la bibliothèque municipale et se fendra la gueule d’un rire bien gras en découvrant les aventures des Bidochon qui ressemblent à s’y méprendre à ses grands-parents. Voire à ses parents.
Et une fois devenu un adulte bien rance, amer et désillusionné devant une vie qui s’effiloche et ne ressemble en rien à ses rêves d’enfant, il se souviendra avec nostalgie de la lecture des aventures de Tintin qu’il s’empressera d’offrir à son braillard de moutard pour lui permettre de regarder sans être dérangé Vivement Dimanche.
La boucle est bouclée.
Reste qu’à titre personnel, la BD ne me nourrit pas. Certes, possédant un sens du graphisme aussi développé que la notion de compassion chez un paysan polonais, je ne suis guère enclin à juger de la qualité intrinsèque d’un dessin. Ne sachant même pas dessiner les contours d’une vache, je reste sourd aux performances esthétiques d’un dessinateur de talent.
Et quand il m’arrive de lire une bande dessinée, chose qui survient assez souvent lors de mes crises hémorroïdaires récurrentes qui surgissent toujours pendant la période de Pessah, avec son gavage forcé de galettes bétonnées, réminiscence du coût à payer pour pouvoir jouir de mes infâmes origines sémites, je dois avouer qu’une fois la lecture du dernier Larcenet ou Sfar achevé, malgré l’évident plaisir que j’ai pris à lire les tribulations d’un chat circoncis soignant son mal de vivre en retournant vivre à la campagne auprès de son rabbin, je ne peux m’empêcher de pousser un râle d’insatisfaction dont la teneur peut se résumer ainsi, quoi c’est tout, serait-ce donc déjà fini ?
Même Maus, ce sommet de la BD qui sert bien souvent de cache sexe et d’argument ultime pour porter aux nues cette activité paraît-il créatrice, aussi réussi soit-il, exceptée cette ignominie d’avoir oser prêter aux allemands les traits d’un chat (ignominie faite au chat j’entends) me semble d’une relative fadeur comparée à Si c’est un homme de Primo Levi. Encore que.
Loin de moi l’idée de prétendre que la bande dessinée serait un art mineur. Enfin si, tout au contraire et très précisément, au mot près, c’est ainsi que je l’appréhende. Un aimable interlude sans conséquence tout à fait approprié pour ne pas s’ennuyer quand les intestins se mettent à valser et que les toilettes demeurent alors ce havre de paix où cessent les ruminations de la pensée stérile et les tergiversations existentielles. Comme celle de savoir où se trouve Angoulême et dans quelle division ses joueurs évoluent.
Allez toi l’auvergnat qui sans façon a téléchargé de la musique alors que dans ta vie il faisait riche, au lieu de te lamenter sur la mise en bière de Mégaupload et de ses affidés, tous ces pourvoyeurs de séries débilitantes, corruptrices de notre jeunesse en perdition, je te propose de te réconcilier avec le web en participant à une bonne action, où tu verras, tu retrouveras ta dignité perdue et ton appétence à mener une existence digne d’être vécue. Bref, décroche ton téléphone et vas t’en taper dans ta barre d’adresse, le lien suivant : http://www.kickstarter.com/projects/godhelpthegirl/god-help-the-girl-musical-film. Tu y es ? Donne l’argent. Donne te dis-je. Ne discute pas. 5.10.15.50.1500 euros. Peu importe. C’est le geste qui compte. Comment ça tu ne comprends pas l’anglais ? Avec toutes les séries que tu t’es tapé, tu ne sais toujours pas baragouiner dans la langue de Faulkner ? Bon assieds-toi je vais t’expliquer.
Alors voilà. Stuart Murdoch se trouve être le chanteur d’un groupe nommé Belle and Sebastian. Si tu me dis, “la série télévisée ?”, je te dénonce à Hadopi sur le champ. Non, pas la série avec le gentil toutou, mais le groupe de pop écossais. Après les Smiths, le deuxième groupe le plus grand de toute la terre. Enfanté à Glasgow. Comme Lloyd Cole, Jesus and Mary Chain, Simple Minds, Orange Juice, Franz Ferdinand. Que des tocards. Auteur d’albums qui excepté le plus que parfait If you’re feeling sinister, miracle de pop lumineuse et scintillante, peuvent apparaitre parfois languides et rébarbatifs comme une pluie d’automne sur un lac ougandais ou sublimes comme la course d’un cheval à l’arrêt sur un hippodrome versaillais. C’est selon.
Chansons qui détricotent des vies intemporelles. Tantôt suaves et mélodieuses. Parfois geignardes et ennuyantes mais toujours entraînantes. Ou pas. C’est selon. Bref, un grand groupe comme on les aime. Le genre de groupe sur lequel le critique, en panne d’inspiration, pourra toujours commencer son papier par “si Baudelaire (Ou Rimbaud ou Verlaine ou Lautréamont) était vivant, il s’appellerait Stuart Murdoch et chanterait au sein de Belle and Sébastian “. Avant de conclure son article par “si Keats (Byron, Shelley) était né dans les années 80, il jouerait de la guitare au sein de Belle and Sebastian”. Donc, pour résumer et aller à l’essentiel, tout sauf des petites frappes de tête à claques oiseuses et décervelées qui se prennent pour le nombril de Manchester ou le trou du cul de Liverpool. Tout le contraire. Des jeunes gens polis, propres sur eux, catholiques, enfants de choeur lettrés et désespérés et par là-même forcément attachants. Effet de miroir. Magie de la pop. Ô mon frère, ô mon semblable. Quand le ciel bas et noir pèse comme un couvercle. La vraie vie est ailleurs. Tendre est la nuit. Vieil Océan, je te salue.
Sinon, Belle and Sebastian doit être le groupe que l’on entend le plus dans les films indépendants américains (Juno, Storytelling…). Pas étonnant après cela que la tête pensante du groupe ait eu comme une furieuse envie de manier la bobinette. Pour mener à bien son projet, il s’est associé à un gentil producteur, Barry Mendel, entre autre, récolteur de dollars pour les films de Wes Anderson (Rushmore, La famille Tenenbaum). Problème ? Ils ont besoin d’oseille. Comme tout le monde. Et c’est là que tu peux les aider. En te dépouillant de ton tuxedo d’occasion pour qu’ils puissent tourner leur film cet été sans être obligés d’aller caresser dans le sens du poil, le chibre d’un requin syndiqué à Hollywood et possédant une villa à Barbara. En échange de quoi, au regard de ta contribution, tu recevras, un pins, une carte postale, un poster du film, ton nom au générique, la possibilité d’assister au tournage voire de figurer dans le film. Bref tu seras étroitement impliqué dans l’élaboration du long métrage qui devrait recevoir la caméra d’or à Cannes en 2013.
Dépêche-toi, il te reste 20 jours. Si d’ici là, ils n’ont pas récolté assez de blé, le projet ne se fera pas et ce sera par ta faute. Et là, mon gaillard…
lire le billetLa nouvelle voix de la France à l’étranger se nomme donc Jean Dujardin. C’est comme ça. On est content pour lui. Pour la France aussi. Ça nous change de la beauté désespérée de Gérard Philipe. Ou de l’arrogance souriante de Delon. Ou de la lourdeur paysanne de Depardieu. Ou de la grâce affectée de Juliette Binoche. Avec Dujardin, au moins, on se marre. Pas une photo où il ne fasse le pitre de service au risque parfois d’en faire des tonnes. Sourire truqué, clin d’œil appuyé, grimace compassée. Ce n’est plus un acteur, c’est une marionnette atteinte de troubles du comportement. En même temps on le comprend. C’est son mécanisme de défense. Moi-même quand on me contraint à frayer avec des gens qui ne me ressemblent pas, j’ai aussi cette tendance à sourire bêtement et niaisement tout en me demandant ce que je fous là au juste.
C’est établi. Jean Dujardin est sympathique. Et il ne se prend pas au sérieux. Et il kiffe ce qui lui arrive. Et il aime sa femme. Et il aime la vie. Et il nous aime. Et il aime le public. Et il aime les gens. Et c’est un type normal. Comme vous et moi. Enfin surtout vous. Et il ne se prend pas pour une star. Et il a les pieds sur terre. Et il met son argent à la caisse d’épargne. Et il a offert à sa grande tante une villa à Mougins. Et il aime les vieux parce qu’un jour on sera à leur place. Et il aime les jeunes parce qu’ils sont le futur. Et il respecte la planète. Et il ne supporte pas qu’on pourchasse les baleines bleues. Et il ne trompe pas sa femme. Et il ne se drogue pas. Et il aime bien la bonne bouffe. Et il ne se prend pas pour Dieu le Père. Et il trouve que la droite et la gauche, c’est pareil. Et il aime les gens, les vrais, son charcutier, son boucher, son horticulteur. Et il pense que les gens qui votent pour le front national sont juste malheureux et qu’il faut écouter leur souffrance. Et il ne supporte pas la pauvreté. Ni l’injustice. Ni la méchanceté gratuite. Et il trouve ahurissant qu’au vingt-et-unième siècle, t’as des gens qui meurent encore de faim. Et il trouve qu’en Occident on a tendance à trop se plaindre surtout quand on voit ce qui passe ailleurs dans le monde. Et il respecte toutes les religions même si personnellement il ne croit pas trop en Dieu vu comment les hommes se font encore la guerre. Et il croit que ce qui ne te tue pas te rend plus fort.
Et que pour être un bon acteur il faut toujours continuer à travailler. Et que ses vrais amis ne bossent pas dans le cinéma ce qu’il lui permet de garder les pieds sur terre. Et qu’il est toujours ému quand on lui demande un autographe. Et qu’il aime bien déconner de temps en temps. Et que pour lui, jouer avec ses enfants représente la chose la plus importante au monde. Et que c’est dur parfois de partir pour 3 semaines de tournage. Et qu’il ne comprend pas pourquoi les gens l’aiment tant. Et qu’il se trouve horriblement banal. Et qu’il aurait rêvé tourner avec Bourvil ou avec Dean Martin. Et qu’il trouve normal de payer ses impôts parce ça veut dire que tu gagnes assez d’argent pour vivre dans le confort. Et que lorsqu’il se voit à l’écran il se trouve toujours nul. Et qu’il collectionne les grands vins de Bordeaux juste pour le fun de déboucher de temps en temps une bonne bouteille millésimée. Et qu’un jour il aimerait bien pousser la chansonnette. Et qu’il aimerait bien que Saga lui foute la paix vu qu’il n’a jamais vu aucun de ses films.
lire le billetDepuis que je suis en âge de raisonner par moi-même – étant très lent de nature, mettons autour de ma treizième année – il m’apparaît avec netteté que la France a toujours été en crise. Tout le temps, chômage, inflation, endettement, commerce extérieur défaillant, balance des comptes publics déséquilibrée, ascenceur social en panne, grèves, blocage, sécheresse, tempête, grisaille, tourmente. Partout un paysage de désolation s’étalant à la une des journaux. Un naufrage perpétuel. Une noyade continuelle. Un saut dans le vide qui continue, continue encore, continue toujours. Un horizon à jamais bouché. L’impuissance résignée du politique. Un corps électoral en déliquescence. Un mécontentement toujours plus grand. De la rancœur et de l’amertume dans tous les foyers de l’hexagone. Une peur constante de tout : de l’étranger, des réformes, du changement, du déclassement, de la perte d’influence. Frileuse, moisie, résignée, la France aime à se flageller et à se présenter toujours sous le rôle du martyr de service, victime expiatoire du train de l’Histoire qui s’en va, l’abandonnant sur le quai du Temps.
Heureusement que comme l’a rappelé si justement Monsieur Wauquiez la France possède des racines chrétiennes. On n’ose imaginer dans quel état de déshérence et de désespérance la France se retrouverait si par malheur le Christ cessait de veiller sur ses intérêts et de la considérer comme sa plus parfaite des créations. Jésus par pitié, ne nous abandonne pas. Sans toi, nous sommes comme perdus. Avec Toi à nos côtés, nous pouvons affronter sans crainte notre perte du triple A, notre quinzième place de notre équipe nationale de football au classement de la FIFA, notre perte d’influence lors des sommets internationaux.
Sans oublier que le Christ n’est pas le seul à nous supporter et à nous réconforter dans ces épreuves terrifiantes que nous sommes amenés à traverser. Grâce à Dieu, nous avons aussi le Grand Charles, appelé à la rescousse sitôt que la France traverse une période de turbulence. De Gaulle, c’est notre Prozac à nous. Notre antidépresseur intemporel qui nous permet de survivre à tous les coups tordus que l’histoire, mauvaise fille, ne manque pas de nous infliger. Notre Sauveur des temps modernes qui, alors que la nation vacillait et semblait sur le point de se rompre, s’est élevé au-dessus du brouillard londonien et a dit non. Non, de toute éternité, La France est immortelle. Non, la France est d’essence divine et a le devoir immémorial de montrer la voie aux autres peuples égarés dans la brume de l’histoire.
De Gaulle pourtant. Le responsable de tous nos maux. Ah Charles, au nom de la splendeur supposée de la France, que de torts et de malentendus tu as engendrés. Si en 1944-1945, tu l’avais ramené un peu moins, si tu n’avais pas réussi ce tour de passe effarant de nous présenter, aux yeux du monde, comme l’une des nations victorieuses de la seconde guerre mondiale, si tu ne nous avais pas obligé à nous asseoir à la table des vainqueurs et à endosser un costume trop grand pour nous, aujourd’hui nous n’en serions pas là. Nous serions devenus une puissance moyenne et contente de l’être. Nous aurions assumé notre rang, celui d’un beau pays où la douceur de vivre n’a d’égal que la richesse sans pareille de son terroir. Un pays accueillant, décomplexé, aux mœurs paisibles, riche de ses diversités, aimable avec l’étranger, traversé par l’esprit de concorde, heureux de vivre en harmonie sur une terre fertile.
Mais non, pour toi la France n’était pas et ne serait jamais une contrée comme les autres et, fort de cette conviction chevillée au corps et à l’âme, tu as voulu que la France continue à être ce phare qui éclaire le monde de son auguste lumière, sans te rendre compte que nous n’avions plus l’énergie suffisante pour alimenter ce soleil. Qu’après tous ces siècles où nous avons contribué au progrès de l’humanité, nous aspirions seulement à jouir de vivre une existence paisible sans nous mêler de problèmes qui nous dépassent.
Nous avons essayé pourtant d’être à la hauteur de tes attentes. Mais la barre était trop haute. Beaucoup trop haute. Si bien que nous ressemblons à ce sauteur à la perche qui malgré une course d’élan impeccable, malgré une technique irréprochable, n’arrive jamais à passer la barre, perchée à des hauteurs inatteignables, et se ramasse lamentablement sur le matelas capitoné, dépité et amer de sa prestation, moqué par ses petits camarades de jeux.
Ainsi va le navire France. Droit dans le mur mais la tête haute. Assurés qu’avec le Christ et notre Charlot comme grands timoniers, nous ne risquons pas grand chose. Si ce n’est une bonne crise de foi.
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