Débandade de la BD

Comme chaque année, en plein cœur de l’hiver, le carnaval de la BD s’arrête à Angoulême. Évidemment, hormis les deux trois bouseux de service qui y habitent, personne ne sait où se trouve Angoulême sur la carte de France. Assurément quelque part. Peut-être perdue entre Paris et Marseille. Personnellement, dans ma lecture assidue et continue de France Football, je n’ai jamais entendu parler du FC Angoulême ou de l’Olympique Angoulamais. Ou de l’Association Sportive d’Angoulême.

Ce qui d’emblée vous classe une ville et la rend à priori aussi attrayante à visiter qu’un parc d’attraction désaffecté ou une usine spécialisée dans le découpage de la cuisse droite de poulets d’élevage.

Une ville qui ne possède pas de club de foot digne de ce nom, c’est comme une librairie qui n’aurait pas dans ses étagères les œuvres complètes de Bernard Foglino. Ou celles de Sagalovitsch. Une aberration métaphysique. Une incontinence linguistique. Une impossibilité cosmique. Une ville fantôme. Le contraire n’étant pas forcément vrai. Ainsi je ne suis pas bien certain que Valenciennes, Lens ou Lyon, soient des villes propices à l’ébaudissement et à l’étourdissement. Tout au contraire de Saint-Etienne, ville magnifique, majestueuse, ville d’art et de culture qui doit être la seule ville de France qui peut s’enorgueillir de posséder une rue Virginia Woolf. Mais je m’égare.

Retour à la case départ.

 A la BD donc.

 Tout le monde aime la BD. Même le plus grincheux des vieux réactionnaires qui ratiocine à longueur de temps sur la perte des valeurs et vilipende cette jeunesse décervelée assoiffée de biens de consommation aussi utiles à l’élévation de leur âme qu’un stérilet pour une nonagénaire sur le départ, consentira à avouer que, quand bien même ce n’est pas sa tasse de thé, il n’en reste pas moins qu’il garde un souvenir ému de sa lecture des aventures de Bécassine.

Quoi de plus étonnant ? Dans nos sociétés occidentales, sitôt que l’enfant cesse d’être ce vermiceau braillard tout juste bon à emmerder ses parents pour un anecdotique mal de dents, on lui colle sous le museau une BD. Et le gamin émerveillé de découvrir des vignettes colorées où évoluent des personnages drôlatiques qui rivalisent de prouesses pour terrasser le méchant.

 L’adolescence venue, le vermiceau mal dégrossi et désormais tout boutonneux se branlera de plaisir sur une quelconque BD érotique piquée à la bibliothèque municipale et se fendra la gueule d’un rire bien gras en découvrant les aventures des Bidochon qui ressemblent à s’y méprendre à ses grands-parents. Voire à ses parents.

 

Et une fois devenu un adulte bien rance, amer et désillusionné devant une vie qui s’effiloche et ne ressemble en rien à ses rêves d’enfant, il se souviendra avec nostalgie de la lecture des aventures de Tintin qu’il s’empressera d’offrir à son braillard de moutard pour lui permettre de regarder sans être dérangé Vivement Dimanche.

La boucle est bouclée.

Reste qu’à titre personnel, la BD ne me nourrit pas. Certes, possédant un sens du graphisme aussi développé que la notion de compassion chez un paysan polonais, je ne suis guère enclin à juger de la qualité intrinsèque d’un dessin. Ne sachant même pas dessiner les contours d’une vache, je reste sourd aux performances esthétiques d’un dessinateur de talent.

Et quand il m’arrive de lire une bande dessinée, chose qui survient assez souvent lors de mes crises hémorroïdaires récurrentes qui surgissent toujours pendant la période de Pessah, avec son gavage forcé de galettes bétonnées, réminiscence du coût à payer pour pouvoir jouir de mes infâmes origines sémites, je dois avouer qu’une fois la lecture du dernier Larcenet ou Sfar achevé, malgré l’évident plaisir que j’ai pris à lire les tribulations d’un chat circoncis soignant son mal de vivre en retournant vivre à la campagne auprès de son rabbin, je ne peux m’empêcher de pousser un râle d’insatisfaction dont la teneur peut se résumer ainsi, quoi c’est tout, serait-ce donc déjà fini ?

Même Maus, ce sommet de la BD qui sert bien souvent de cache sexe et d’argument ultime pour porter aux nues cette activité paraît-il créatrice,  aussi réussi soit-il, exceptée cette ignominie d’avoir oser prêter aux allemands les traits d’un chat (ignominie faite au chat j’entends) me semble d’une relative fadeur comparée à Si c’est un homme de Primo Levi. Encore que.

 
Loin de moi l’idée de prétendre que la bande dessinée serait un art mineur. Enfin si, tout au contraire et très précisément, au mot près, c’est ainsi que je l’appréhende. Un aimable interlude sans conséquence tout à fait approprié pour ne pas s’ennuyer quand les intestins se mettent à valser et que les toilettes demeurent alors ce havre de paix où cessent les ruminations de la pensée stérile et les tergiversations existentielles. Comme celle de savoir où se trouve Angoulême et dans quelle division ses joueurs évoluent.

25 commentaires pour “Débandade de la BD”

  1. Damned. Je n’ai pas une grande culture des bulles non plus – il fallait faire des choix de lecture pour économiser du temps et de l’argent – mais le monde de la BD est si diversifié que je sens bien que je passe à côté de quelque chose qui vaut son pesant de créativité. Quand j’étais gosse j’aimais beaucoup Blake et Mortimer parce qu’il y avait beaucoup de textes ( les bulles étaient presque plus grosses que Mortimer ), ce qui me permettait de ne pas trop m’emmerder à l’arrière de la voiture. Depuis, la BD a drôlement évolué ! Les anti-héros ont enfin leur place.

  2. Elements de reflexion…

  3. Vous auriez du faire cet article en format bande-dessinée… Trop de texte, pas assez d’images, rien compris. On dirai du Achille Talon pour aveugle, sans les brailles

    Ah bah bravo

  4. Vous devriez essayer ces élements de reflexion: Portrait of the Artist as a Young %@&*!

  5. Je passerai sous silence cette allusion à Bernard Foglino, typique du renvoi d’ ascenseur microcosmique qui caractérise le milieu littéraire français, en revanche je ne peux pas laisser dire qu’ Angoulême n’ a même pas un club de foot digne de ce nom.
    Le FC Angoulême a tout de meme été quatre fois demi finaliste de la coupe de France, il a même perdu en 1967 au lancer de pièce face à …l’ OL ( eh oui déjà, l’ imposture Lyonnaise) il a sévi 3 ans en première division ( oh pardon, en “Ligue 1″, prononcer : liguain !) et a connu des joueurs tels que Alain Moizan ( surnommé ” rejoue” par ses partenaires) et surtout Steve Savidan qui, entre bitures, collectes des ordures et incidents cardiaques, a aussi un peu joué au Foot la-bas.
    Et pour terminer, et comprendre un peu mon courroux, sachez une dernière chose cher Saga, je suis moi-même né à Angoulême, un 23 Novembre, il y a quelques années…( on s’ en fout)

  6. mais non vinnie, aucun renvoi d’ascenceur, je vous assure et arretez de me parler du milieu littéraire parisien, j’y ai jamais mis les pieds.
    Ouais Moizan, je me souviens maintenant! Le monde est petit.

  7. Ma collègue ressemble à la fille de la BD, vêtue de la même façon mais en brune. Comme elle devait essayer sa nouvelle paire de chaussures elle a décidé que l’icône du jour était Priape. 35 ans et toutes ses dents je l’aurais bien emmené à Istanbul mais elle a un gros gros défaut…son mari, tant pis – pour lui 😉
    http://latortuecityblog.files.wordpress.com/2010/03/george-wolinski.jpg

  8. il faut avoir un club de foot pour être digne, c’est pas gentil pour Strasbourg… !? être bouffon est une chose, être stupide en est une autre… bon pour ajouter Angoulême a même sévi en coupe de l’uefa… bon on s’en foot.
    Angoulême est une ville qui comporte moins de bouseux au km² que St Etienne, d’ailleurs St Etienne est bien dans la banlieue de Lyon ? La stupidité est si facile que ce n’est même pas amusant. Un mauvais blog.

  9. Désolé Tatie! Je vous aime bien quand même

  10. On dit “Angoumoisin” et pas “Angoulamais”. Non, mais !

  11. comme c’est mignon angoumoisin!

  12. un gout moisi?

  13. Laurent, c’est donc vous qui le 7 septembre avait acheté un exemplaire de mon bouquin, propulsant mes ventes de 50% après les deux achetés par maman ? Grâce vous en soit rendue. Et n’écoutons pas ce Vinnie J, qui laisse probablement traîner négligemment ses opus des éditions Verticales sur la plage arrière de sa BMW, dans le but de séduire (j’offre le confort raffiné mais je suis aussi un intello insoumis) la travailleuse intellectuelle de passage (Pull mohair pelucheuix, tabagie excessive, frange soulignant un front préoccupé par la couche d’ozone, les révolutions arabes et la sincérité de l’ancrage à gauche de françois Hollande)…

    Quant à Angoulême, Ils ont bien cotoyé l’élite, ils avaient un maillot bleu, je crois, sans publicité, c’est dire si ça remonte.

  14. Question BD, Manara m’a beaucoup intéressé à un moment charnière de mon existence, mais rien ne vaut le catalogue La Redoute.

  15. Ce ne sont que méconnaissances et provocations (mais vous le savez mieux que moi). L’art majeur de la BD ne peut être comparé à la littérature ou au cinéma, car différent, mais pas moins intéressant. Bien sûr il faut avoir envie de s’intéresser à autre chose qu’aux Marc Levy de la discipline. Un album de Sfar et Larcenet se lit parfois plus vite qu’une phrase de Sagalovitsch (qui rampe sur 4 pages), mais n’en est pas moins brillant, dense et riche en plaisirs de lecture. D’ailleurs vous me faîtes parfois penser à Harvey Pekar avec ses vieux disques et son cynisme désabusé.

  16. @ bernard: vous oubliez,rapport à votre travailleuse; soucieuse du sort des pauvres palestiniens martyrisés par une armée d’occupation qui n’a rien à envier aux nazis.
    @ mike qui c’est ce gus encore ? Et foutez Marc Levy en paix, il ne vous a rien fait.

  17. @ Harvey Pecar est le nom américanisé de Max Pecas, célèbre cinéaste français qui fit ensuite une brillante carrière de scénariste de BD outre atlantique sous ce pseudo transparent. Enfin, je pense, je suppose qu’il suffit de taper son nom sous Wiki.

  18. Bravo Bernard, à cause de vous je viens d’apprendre sur Wiki qu’Harvey était mort en 2010!
    Harvey Pekar est (était) un archiviste dépressif de Cleveland qui a commencé à faire un storyboard de sa vie, rapidement remarqué et illustré par des dessinateurs de talent tel Robert Crumb. Sa franchise et son mauvais caractère l’ont rendu célébre: http://www.youtube.com/watch?v=iBr4NxujLvw
    L’excellent film American Splendor de Terry Zwigoff retrace son parcours: http://www.youtube.com/watch?v=APpxQm7sH5k

  19. De la mauvaise foi à l’état brut,j’adore!

  20. Ce que j’ai pu lire ici et là de Pekar et de ses réalisations artistiques me donne envie d’acheter “American splendor” ( la BD ). Merci pour l’info.

    J’ai regardé aussi l’une de ses prestations télévisées face à Letterman… Vu la fixité de son regard et ses élucubrations d’exorciste… il carburait pas à l’acide, le garçon ?

  21. J’oubliais : les rues Virginia Woolf, ce n’est pas ce qui manque en France. Vous en trouverez une à Nantes et à Toulouse, entre autres.
    Je préférerais Malcolm Löwry… Rue de la Soif ?

  22. @Mike : Merci. Je vais aller voir aussi de plus près à quoi cela ça ressemble. Un type pareil devrait satisfaire mon pessimisme rampant. Ca devrait plaire aussi à l’hôte de ce blog, mon petit doigt me dis que. Même si je partage avec lui un goût très modéré pour la BD.

  23. Ah que j’aime cette franche camaraderie qui sévit dans ces commentaires, cet échange foisonant de clins d’oeil culturels, c’est beau, ca me réconcilie avec le genre humain, vous êtes formidables

  24. Si vous prenez goût aux romans graphiques (je provoque…), regardez aussi du coté de Daniel Clowes pour les USA, Jiro Taniguchi pour le Japon, et en France Blain, Larcenet… Spécial dédicace à Saga avec Will Eisner pour son coté ashkénaze brooklynois, Sfar pour rétablir la balance sépharade, et cerise sur le gâteau “ma circoncision” de Riad Sattouf…

  25. Bah oui mais vous lisez Sfar et Larcenet… ça se bouffe sans faim… Et Maus, je ne vois pas trop le rapport avec Primo Levi ? (Maus si je me souviens, parle avant tout de la difficulté de Spiegelman à communiquer avec son père). Je vous invite à laisser trainer vos yeux sur Jimmy Corrigan de Chris Ware. La BD je trouve ça génial quand je suis trop fatiguée pour lire des livres. Et puis Corto Maltèse.

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