Jusqu’à quand va-t-on supporter la tyrannie des smileys ?


Il suffit, on ne peut continuer de la sorte.

Si nous ne réagissons pas à temps, nous risquons tous de finir dans un état de déconfiture mentale telle que nos cerveaux ressembleront à de la marmelade périmée ou à des galettes de mazot émiettées.

J’entends dénoncer ici l’utilisation désormais quasi-systématique de ces infatués smileys qui pourrissent, par leurs intrusions intempestives, nos échanges amicaux ou professionnels ; cette abondance de hiéroglyphes convoqués pour colorer nos phrases, attendrir une pensée, dorloter l’éventuelle susceptibilité d’un destinataire mal embouché, mal réveillé, mal baisé, susceptible de se méprendre sur le sens d’une de nos saillies et d’interpréter, à revers, la teneur de notre message.

Close-up view on white conceptual keyboard - Smiley with a wink (green key)

Tant il est vrai qu’un ” Ça va connard ? : ) ” passe beaucoup mieux qu’un simple ” Ça va connard ? ” dans la mesure où, dans la première formulation, ledit connard peut légitimement penser que son caractère de connard ne soit pas totalement avéré, tandis que la deuxième ne laisse guère place au doute : le connard se reconnaît pleinement connard et risque donc de se fâcher, alors que le connard suivi d’un smiley ne prendra conscience de son caractère de connard que plus loin dans le message, lorsque, par exemple, je lui demanderai de cesser de coucher avec ma femme.

On voit donc dans l’exemple précité que le recours au smiley nous sert à travestir notre pensée, ou du moins, à atténuer sa portée afin de ménager soit un effet de style survenant plus en avant dans le corps du texte, soit à atténuer le caractère outrancier de notre remarque.

Je pense qu’effectivement le destinataire de mon message est un vrai connard mais je n’ose lui asséner d’emblée de peur de froisser sa susceptibilité, je laisse planer le doute ; à cet instant, grâce au smiley, tout est encore possible, je n’ai pas tranché, je mets en réserve mon jugement, je laisse le connard barboter dans son doute.

Ce qui est, assurément, une hypocrisie totale.

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Puisqu’il a couché avec ma femme, il est fort à parier que je n’ai pas l’ombre d’un doute sur sa nature profondément ”connardière” sauf à penser que je suis soulagé d’apprendre mon cocufiage, étant moi-même occupé depuis des années à lutiner son épouse à tort et à travers lors de ses fréquents déplacements en province.

C’est ainsi que le smiley, du moins celui présenté dans cette tribune tonitruante, représente la traduction exacte du politiquement correct, de cet état de fait où nous n’osons plus rien affirmer de plain-pied, où nous sommes devenus si précautionneux, si enclins à respecter la neutralité de nos échanges, à ne froisser en rien l’identité de notre interlocuteur, à craindre une incompréhension née d’une formulation maladroite, que nous préférons barbouiller nos phrases de sigles humoristiques.

A renoncer, au fond, à être nous-mêmes, dans notre parfaite radicalité, et préférer apparaître sous un jour plus affable.

A être constamment dans la retenue, dans la réserve.

Au risque de sombrer dans une sorte de niaiserie généralisée, de consensus mou, de gâtisme verbeux, où le tranchant de nos propos se retrouverait noyé sous une avalanche de : ) ou de : (

Quand ce ne sont pas des bombinettes censées décliner nos humeurs qui tendent à transformer le moindre message en une fête foraine de la décérébration, une partouze de visages ludiques ou sinistres, synonyme d’un rapport au monde placé sous le signe d’un perpétuel carnaval ou d’une dérision constante : aujourd’hui ma mère est morte : (

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Avènement d’un monde où les connards ne seraient plus vraiment des connards, mais seulement des connards avec des circonstances atténuantes, des connards au rabais, des connards de seconde zone, des sous-connards, des connards en pointillé, des connards en devenir, des demi-connards.


Des cons quoi.


Mais, cette fois, sans smiley 🙂

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6 commentaires pour “Jusqu’à quand va-t-on supporter la tyrannie des smileys ?”

  1. ?

  2. Un de mes amis prétend que “lol” à la fin des messages a pour but de signaler qu’il s’agit d’une réflexion drôle ou volontairement paradoxale à ceux qui sont cons au point de tout avaler sans mâcher.

  3. 🙂 🙂 🙂 🙂 🙂

  4. dans la rigidité informatique de nos moyens de communications actuels, les smileys font office de lubrifiants

  5. Mouais, ce que je trouve bizarre c’est la critique dithyrambique du dernier show d’Obama par l’ensemble des journalistes. L’ironie est devenue la nouvelle vertu indépendamment de toute logique. C’est très ironique pour le coup.

  6. Alors là, bravo ! Je vous envoie un bouquet de : “clin d’oeil appuyé, sourire, pouce en l’air, clip clap”…etc
    Merci pour cette mise au point. Sans parler des “émoti-très-connes” pour commentaires circonstanciés, au rabais dont nous sommes gratifiés. Ces petites animations bêtifiantes, coeurs ou fleurs virtuelles, dignes de figurer dans le journal intime d’une adolescente pré-pubère attardée, dont sont souvent affligés nos murs virtuels.

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