J’ai d’abord cru que c’était Nutella qui avait essayé de poignarder son fiancé et j’avoue avoir vacillé sur ma chaise, n’étant nullement au courant de ces amours clandestins pratiqués par la pâte à tartiner préférée de mes goûters adolescents.
Mais quand j’ai réalisé qu’il s’agissait de Nabilla et non de Nutella, j’ai cru que les portes de l’Enfer s’ouvraient grandes devant moi.
Toute la journée, au lieu de réfléchir sur le silence de Dieu pendant la Shoah, j’ai papillonné de sites d’actualités en forums d’admirateurs, j’ai traqué le moindre tweet susceptible de m’apprendre les derniers rebondissements de cette sordide affaire, j’ai scruté les entrailles d’Internet afin de comprendre l’exact déroulé de cette soirée qui symbolisera à tout jamais l’entrée de la tragédie grecque dans le monde de la téléréalité.
A l’heure où, d’un clavier tremblant, j’écris ces lignes, la situation demeure encore des plus confuses si ce n’est que nous pouvons tenir pour certain que Thomas, l’amoureux attitré de Nabilla, est tiré d’affaire, ce qui constitue une première éclaircie dans ce maelstrom de mauvaises nouvelles qui se sont abattues depuis ce matin.
Merci aux médecins et que Thomas récupère bien vite, c’est tout le mal qu’on lui souhaite.
On est avec toi Thomas.
Forever.
Il faut maintenant espérer que Nabilla connaisse un sort aussi favorable que celui de Thomas.
Pour le moment elle poireaute en garde à vue et papote avec les policiers au sujet des circonstances entourant ces mystérieux coups de poignard reçus en plein cœur par Thomas.
Il apparaît pour acquis que la première version relayée par la presse, la thèse d’une agression perpétrée par des rôdeurs au moment où Nabilla et Thomas sortaient de leur voiture, ne tienne pas la route et tout laisse à penser que ce n’était là qu’une invention journalistique des plus grotesques.
On en a l’habitude.
Quelque chose s’est donc passé dans l’appartement des deux amoureux mais quoi au juste, nul, à part le couteau responsable des coups portés à Thomas, ne peut encore le dire.
Chœur Antique
Ô Nabilla, de ce poignard que dans ton palais tu gardais
As-tu pu te saisir et pleine de courroux
Sur Thomas, qui hier encore à tes pieds se prosternait,
De son cœur l’auras ensanglanté par la folie de ton joug ?
Pourrait-il s’agir d’une simple dispute qui pour une raison indéterminée aurait mal tourné au point d’en arriver à ce que l’irrémédiable soit commis ?
Il est acquis selon des sources bien informées que Thomas avait promis à Nabilla de laver la vaisselle mais que suite à un échange téléphonique prolongé avec sa mère, il n’a pas été en mesure d’accomplir sa tâche domestique sans prendre le soin d’avertir sa princesse, ce qui aurait eu comme effet de provoquer la stupeur bien compréhensible de cette dernière lorsque, une fois rentrée chez elle, elle a découvert l’ampleur du désastre.
On imagine sans mal le choc engendré par une telle vision.
La cavalcade des assiettes dans l’évier, l’empilement des verres, la cascade de casseroles, l’amoncellement des poêles et là, trônant au dessus de ce carnage comme l’étendard de la paresse inexcusable de Thomas, la tête effilée d’un couteau pointant son amertume d’avoir barboté des heures durant dans cet océan de crasse et réclamant vengeance?
Chœur Antique
Ô Nabilla, enfant de la Grâce et de l’Aube,
Dis-nous que ce couteau parmi le désordre égaré
De lui tu t’es détournée et vers ta chambre tu as cheminé
Pour qu’à ta sainte colère tu te dérobes
Mais une autre hypothèse semblait retenir l’attention des inspecteurs.
La possibilité que Thomas n’ait pu supporter de lire dans le regard de Nabilla la désillusion de voir la promesse non tenue de laver la vaisselle au point que pour réparer cet impair, sans réfléchir, il se soit emparé du couteau avant de le retourner vers son cœur comme un signe de son inexpiable regret.
Il est encore trop tôt pour le dire d’autant plus que, toujours selon les inspecteurs, le couteau en question, originaire de la banlieue limougeaude, aurait déjà été impliqué dans des rixes avec des fourchettes de chez Ikea.
Affaire à suivre donc.
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Magnifique !!
J’avoue, j’ai ris. C’est moche.
Je l’avoue j’ai ri et ensuite je me suis prise à me demandr ce que faisait la police des tiroirs à couvert pour avoir laissé libre un couteau aussi récidiviste… j’ai doré, merci de nous faire rire et sourire.
V.
demander et adoré pardon…
Chez ces gens-là, Monsieur, on ne fait pas la vaisselle, on la jette ! Si, las de politique, Monsieur de Mélenchon, ou bien quelqu’un des siens, venait à lire ce post, il vous traiterait assurément de poète enfoui dans d’épaisses nues, ou encore de menteur, ou enfin d’énormément ignorant des us et coutumes des habitants de la planète Télé-réalité. À supposer que quelque nourriture transite dans leur système digestif, la réalité de ce couple « culte » – on doit ainsi dire ! –, si éloigné des couples de mortels communs, incline à penser que Nabilla et Thomas, en cas de fringale (causée par un probable cauchemar, où Jupiter tonnant les chasse de l’Olympe), avalent à la va-vite, tout en dissimulant leur divine bouche d’une main comme sculptée par le sublime Praxitèle.
Or donc, point de vaisselle ! Ni à laver, ni à casser sur le crâne de sa compagne ou sur celui de son compagnon. Et le couteau, objectera-t-on, et le couteau, hein ? [Car il faut bien que quelqu’un fasse l’intéressant, pour « coincer » le narrateur – en tout bien tout honneur, s’entend.] Le couteau ? Aucun problème. Vous voulez savoir à quoi leur servait le couteau ? Eh bien, je vais vous le dire.
Grands lecteurs – et de haute littérature ! Mesdames, Messieurs –, Nabilla et Thomas s’étaient vu offrir le dernier livre de feu Julien Gracq, « Les Terres du couchant », récemment publié par les Éditions José Corti. Or, cet éditeur « à l’ancienne » ne propose que des ouvrages, dont il faut (plaisir d’antan) couper les pages à l’aide d’un coupe-papier ou, mieux, d’une dague. Dès ici, ne disposant pas de sources aussi diversifiées que celles de Monsieur Sagalovitsch, force nous est de conjecturer : privé de coupe-papier (égaré, ou jamais acheté ni reçu en cadeau), ces jeunes lecteurs avides se précipitèrent concomitamment sur leur unique couteau [voir ci-dessus : ils mangent rarement, et uniquement des médocs] ; ils s’empoignèrent, l’un ou l’une s’empara du couteau – que l’une ou l’autre lui voulut arracher – ; le sang coula. Ce fut celui de Thomas. Pauvre Thomas ! Le pronostic vital n’est pas engagé, ouf ! Tant mieux pour Thomas, mais la culpabilité de Nabilla ? Elle n’est pas établie, ouf !
1°/ Elle a pu tenter d’empêcher son Thomas de se suicider parce qu’il avait compris qu’il ne pourrait pas lire le livre de Julien Gracq avant sa Juliette : accident, donc. 2°/ Autre hypothèse : par jeu (de mains, etc.), Nabilla, supposée en possession du couteau, a pu vouloir commencer de couper les pages de « Les Terres du couchant », qui était fermement tenu par son Roméo, alors blessé par la pointe du couteau : accident bis, donc. L’essentiel est que le couple « culte » évite le cimetière, et que l’un ou l’une des deux ne soit ni mis(e) sous écrou, ni hospitalisé(e) en psychiatrie.
Tous ensemble, espérons très fort que les dieux de l’Olympe ne se débarrasseront pas de nos héros ! Nos héros « cultes », et bientôt légendaires.
En effet, seule la dérision peut amortir la tristesse immanquablement engendrée par une telle dégringolade … Merci
Les violences conjugales, ce sujet à se taper sur les cuisses…faut il être con pour écrire ce genre de billet et se flatter l’ego à bon compte devant un parterre de convaincus pas bien plus malins.
D’une pierre, deux coups …
junon
qui est malin(e)?
Nan mais à l’Othello, kua.
et si c’est lui qui avait tenu le couteau ?
pan dans le balon et re-pan, en plein dans le mille.
Et le monsieur gagne une peluche en cadeau !
Nabilla est morte!?
bon bah j’vais m’gratter…..
Sophie K : bien vu !
@ puycasquier : hypothèse très séduisante. Hélas, des décennies après la mort de Corti, la nouvelle direction des éditions a décidé de massicoter les œuvres publiées (elle pense même à acheter un ordinateur), donc ni couteau ni dague…Qu’à cela ne tienne, je me propose d’envoyer un exemplaire du Gracq posthume à la prison et à l’hôpital.