Oui, je suis élitiste et alors ?

 

Je sais.

Cette affirmation peut me valoir la guillotine.

En ces temps bâtards où chacun se décerne des Prix Nobels d’intelligence à la louche, où fleurit sur les réseaux sociaux l’affirmation de sa propre capacité à disséquer avec une pertinence rare les évènements surgissant à la une de l’actualité, où n’importe quel clampin peut se vanter de théoriser ses fulgurances sur un blog lu par le seul cousin de son chien, se prétendre élitiste relève du suicide mental.

C’est que tout se vaut aujourd’hui.

On assiste à la victoire éclatante de la culture de masse, de cette culture en mignonnette qui permet à un pétomane de rappeur de souffrir la comparaison avec n’importe quel Fils de la Poésie sans que personne ne s’en offusque puisque désormais il suffit d’aligner deux rimes pour être consacré comme le nouvel ensorceleur de mots célébré par toute la place de Paris.

Il paraît qu’il faut s’en réjouir.

Que l’on assiste à la désacralisation du savoir, à la démocratisation de la connaissance, à la fabuleuse redistribution de la culture.

 

D’ailleurs il suffit de se promener sur n’importe quel site pour s’en convaincre.

Là jaillissent des saillies à l’éloquence si gracile, à l’intelligence si éblouissante, à la profondeur si abyssale que l’on se surprend à penser que finalement le genre humain a encore de beaux lendemains à célébrer.

Ce n’est qu’invectives doucereuses, réparties délicates, réponses argumentées.

La fête de l’esprit à jamais recommencé tout au long de ses commentaires déclinés avec un tel à-propos que l’on se demande encore comment on a pu vivre en restant sourd à cette voix venue des entrailles de la France profonde à laquelle jusqu’alors on ne pouvait goûter que quand saoul de désespoir on s’en allait noyer son chagrin au fin fond d’un bar crasseux hanté par des sociétaires de l’infinie et intarissable connerie humaine.

Maintenant ils sont partout.

Et ils osent tout.

Sans jamais se douter un seul instant qu’ils appartiennent à cette triste confrérie, qu’eux-mêmes sont les récipiendaires tout choisis de cette répartie,  ils se balancent au visage, sûrs de leur effet, la cinglante et savoureuse citation de Michel Audiard : ” Les cons ça ose tout, c’est à ça qu’on les reconnait “.

A quoi ledit con balance généralement son scud placé sous les auspices de ce brave Albert Einstein qui un jour a eu le malheur de dire ou d’écrire ” qu’il n’existait que deux choses infinies : l’univers et la bêtise mais pour l’univers je n’ai pas de certitude absolue “.

Gérard en reste bouche bée avant d’appeler à la rescousse Coluche : ” l’intelligence c’est pas sorcier, il suffit de penser à une connerie et de dire l’inverse “.

Il est à noter que les deux gusses en question sont en train de disserter doctement sur la politique étrangère mise à l’œuvre par le nouveau gouvernement indien ou s’apostrophent à grands coups d’arguments triomphants au sujet de la possible dévaluation de la roupie et de ses conséquences voire à propos du rôle de la religion dans les sociétés tribales situées au nord du 41ème parallèle.

Sans parler des petits dieudonistes de service qui au plus fort de la mise en cause de leur maître à penser s’étaient soudainement découvert une passion pour Voltaire dont la veille encore ils associaient le nom à une seule station de métro ou à un boulevard, inondant les réseaux sociaux de  ” Pour savoir qui vous dirige vraiment il suffit de regarder ceux que vous ne pouvez pas critiquer. ” Ou de ” Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire …”.

Citations balancées d’un air martial suivies juste du nom de l’auteur de Candide comme pour mieux souligner que maintenant, après une telle charge signée de l’un des plus grands esprits français, ” le débat est clos, tu peux la boucler, la culture tu l’as ou tu l’as pas.”

Sans se douter un seul instant que ce même Voltaire pouvait aussi tenir des propos aussi inspirés que : ” Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir.”

 

Alors oui, je réitère cette assertion haut et fort : plus que jamais je me revendique élitiste, je vomis toute cette bêtise crasse qui un jour sera le terreau de nouveaux dérèglements de l’histoire, je me replonge dans la correspondance de Flaubert (Tome 2, pléiade), j’écoute en boucle le dernier Lloyd Cole et j’emmerde mon monde.

 

Bonne journée.

 

Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true )

23 commentaires pour “Oui, je suis élitiste et alors ?”

  1. Vous avez bien raison!

  2. En tout cas pas de l’élite de l’ortografe.

  3. Tu dissèques avec une pertinence rare les évènements surgissant à la une de l’actualité !
    Je te décerne un Prix Nobels d’intelligence (à moins que tu ne te le sois déjà accordé par toi même…)
    A bon entendeur 😉

  4. Pour citer Voltaire : “l’art de la citation est l’art de ceux qui ne savent pas réfléchir par eux-mêmes”

  5. Un article comme je les aime.

    Elitiste? Bien entendu, quand beaucoup d’autres portent leurs goûts et dégoûts comme des badges tribaux pour montrer une appartenance, avec une compréhension limitée de la mécanique des idées.
    Le goût personnel est une chose étrange. C’est à vous de décider si vous aimez la rhubarbe ou si vous considérez que ce truc filandreux et acide ne mérite pas le nom de fruit. Mais quand il s’agit d’un film, ou d’un livre, accepter d’être en désaccord devient plus difficile.

    La littérature et le cinéma sont les meilleurs indicateurs de la compréhension des gens et la mesure dans laquelle ils sont intéressés et se soucient de certaines choses. Ces choses qui valent la peine d’essayer de bouger l’autre, de le pousser à discuter, à échanger et, avec de la chance, à partager des valeurs.

    Et de terminer par une citation, ironiquement, “quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console”

  6. S’il suffit de « peser » deux millions pour commencer de s’attirer l’estime générale, pourquoi s’étonner qu’ « aligner deux rimes » suffise à « être consacré le nouvel ensorceleur de mots célébré par toute la place de Paris » ? Rien d’étonnant que la culture s’étiole quand la valeur suprême est le fric – lequel est bientôt (déjà ?) l’unique aune à quoi se mesure le succès. Livres, films, etc. ne se classent que selon le nombre de ventes ou les sommes engrangées.

    Ce n’est sans doute pas simple coïncidence qu’à votre manière, vous manifestiez ici une colère proche de celle d’un Alain Finkielkraut dans « La Défaite de la pensée » : en 1987, il constatait, effondré, qu’ « une paire de bottes vaut Shakespeare », pour peu qu’elle porte la griffe d’un styliste connu. Lorsqu’on crache dans le… bouillon des grandes cultures, le temps n’est pas loin où la démocratie s’enlisera dans la médiocrité, l’absence de vision, le populisme beauf.

    À trop confondre massification et démocratisation, on renonce aux exigences minimales dans l’enseignement ; les grands textes sont évités parce que réputés « prendre la tête » et Victor Hugo, traité de « fils de pute » parce qu’il pense. Comme si la vie même n’était pas… prise de tête. Dès lors que s’enclenche cette inconsciente adhésion à un avatar de servitude volontaire, les cons semblent n’être qu’aimables clowns.

    Mais le drame culmine lorsque les élites elles-mêmes se mettent à engendrer des cons. Sans discernement, sans vision ni visée minimales, les élites alors se délitent. Et les authentiques élitistes se font huer. Pour commencer…

  7. Y a plus d’âge (mais des bons chirurgiens) y a plus de sexe (vestige des sociétés patriarcales) y a plus de beau (les moches sont beaux mais simplement ça se voit pas) y a plus d’intelligence (mais des façons de voir divergentes) et y a la drogue, les frustrés-paresseux, et l’Université populaire.
    Bienvenue dans la société “Moi-aussi-j’ai-droit-à-un-doudou”, qui ne tolère aucune différence tout en brandissant en permanence le droit à la différence. Du coup, ceux qui pensent normalement, c’est-à-dire ceux qui font l’exercice exigeant de penser, sont des snobs (et la guillotine n’est pas loin).
    Super billet, vous êtes en pleine forme Saga !

  8. Très honnêtement, en lisant cet article je me dis que tu es pareil que ceux que tu critiques. Tu te crois intelligent. Peut être l’es tu, mais ça ne transparaît pas dans ton écriture. Pourtant on voit bien que tu essaies. Du coup, la culture étant l’intelligence des autres, tu te fends de quelques références. Mais ton style est froid, ordinaire et empreint d’une suffisance imméritée. Plutôt que de t’en ennorgueillir, revois ta copie.

  9. ouais je crois que t’as raison

  10. Par contre, je viens de lire les quelques lignes dans lesquelles tu te présentes. Déjà beaucoup mieux. Cinglant et affûté.

  11. Bon je retire ce que j’ai dit. J’ai lu tes trois précédents articles, et j’en déduit que celui ci fait partie de la poignée de ceux que tu as bâclé. Car les autres que j’ai lu sont excellents. Drôles, plein d’esprit, clairement iconoclaste et un sens évident de la formule.J’ai eu l’impression de lire une personne devenue misanthrope par la force des choses, bien trop clairvoyant pour qu’il en soit Autrement. Ça m’a donné envie de lire ton roman. Désolé d’avance car vu la lithanie de compliments, certains pourraient penser que c’est toi qui écris ces lignes et du coup t’aimer encore moins.

  12. élite de la médiocrité et des bande-mous, aucun doute.

  13. Vous êtes mal Mr. Sagalovitsch, et j’irai même loin, vous êtes sémite. Oui, car vous êtes pour la primauté de … 

    Le culte de l’excellence, c’est bien, mais nous autre qui sommes les médiocres; c’est-à-dire qui sont à mi-chemin entre le passable et le nul, où nous mettez vous alors? Une société qui fait le trie de ses enfants, est une société condamnée à la décadence car même les cancres ont leur mot à dire dans un État qui aspire à la tension, à l’accomplissement.

    Vous êtes élitiste.

    Moi, je suis démocrate. Je suis de ceux qui crois que les plus sages, à eux seuls, ne font en rien progresser une nation. Votre positionnement est partiel et partial car vous vous enfermez dans votre bulle, vous pensez que parce que vous êtes intelligents,- ne vous offusquez pas, ceci est un vous général- et que vous et vos restes peuvent sortir le monde de son océan de médiocrité. Les prostitués et les clients, les brigands et les juges, les cougards et les gigolos, tous sont tout aussi nécessaire à la bonne marche de la terre que la chenille qui se prépare à être papillon. 

  14. C’est Solers qui voudrait rétablir l’aristocratie. Elles sont belles vos citations de Voltaire. Ça me fait penser à Jaures qui voulait sauver les peuples colonisés en leur inculquant la culture française puis il a changé d’avis. Valéry était chargé de la culture en Europe, il y a eu la guerre et si elle est toujours une nécessité force est de constater que les nazis n’en manquait pas. Coluche a créé les restos du cœur, Bukowski préférait converser avec les sdf plutôt qu’avec les intellectuels, je crois que c’est l’intelligence du cœur qui compte.

  15. Mais enfin Nico, essayez UNE FOIS de faire un commentaire en vous référant à votre propre pensée c’est pas Dieu possible cette histoire 😀 !!! Vous êtes une caricature de vous-même !

    Bon et sinon, quelqu’un peut-il m’expliquer comment est-ce qu’on en est arrivé à ce que la médiocrité soit une qualité à défendre ? Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’on revendique le droit d’être une débile ?

    Et enfin, Doh Ouattara, de toute évidence Monsieur Sagalovitsch vous est supérieur, admettez-le en toute sérénité, il faut de tout pour faire un monde, vous avez choisi d’être le médiocre, il a choisi l’intelligence, libre à vous de changer de camps, mais s’il vous plaît, ne nous emmenez pas tous dans le vôtre… ça fait vraiment pas envie.

  16. Vous me faite sourire. Je crois que vous avez un petit cœur tout rabougri. Je vous plains.

  17. bien, c’est un bon début :-p

  18. 🙂

  19. Olllllive,
    Je m’incline devant votre sagacité, votre perspicacité à dénicher les médiocres dans les eaux troubles de la masse, sûrement que vous appartenez à la caste des seigneurs de la pensée.

    Je serai pour l’éternité votre obligé. Puisque vous êtes la fine fleur de ce monde que vous maintenez stable par vos choix si éclairés. Je t’admire, et je reconnais la primauté de Mr. Sagalovitsch, le chantre du lyrisme.

  20. Merci Doh Doh, en revanche je ne peux accepter ton offre, je n’ai pas d’obligé, j’ai aussi ce snobisme-là de tout faire moi-même. Et quand bien même je devrais changer, j’en choisirais un de qualité.
    Ne me félicite pas non plus pour ma perspicacité. Tu es d’une grossièreté telle qu’il faudrait être aveugle pour ne pas t’avoir tout de suite cerné, médiocre parmi les médiocres.

  21. Réduit au triste choix d’avoir à m’incliner devant un illuminati, un perfektibiliste de votre acabit, je me vois renvoyer ma médiocrité à la figure à chaque fois par sa Majesté, Mr. Olllllive. Cette médiocrité, hélas, je la dois à mon géniteur, cette tare congénitale que je roule partout, n’est pas de mon vouloir. Mais de grâce, consentez à être le guide et si possible mon Führer afin de m’extirper des bras de la médiocrité, merci. Et au prochain blog de notre cher Sagalovitsch.

  22. Commence déjà par honorer ton père et évite de dire que celui-ci est con.
    La connerie n’est pas congénitale, et la tienne est toute personnelle. Si tu arrives à prendre conscience de ça, tu tiens le bon bout et on pourra éventuellement travailler ensemble à l’amélioration de ta vision du monde. Sans cela tout est perdu.

  23. 22 tombés dans le piege
    pas mal !!

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