Et voilà, rien ne va plus, la roue a tourné, les jeux sont faits.
Les deus ex machina de la littérature hexagonale ont tranché et s’en sont allés designer ceux qui mériteront dans quelques semaines de recevoir une distinction littéraire.
Les autres, tous les autres peuvent aller se rhabiller.
Ils ne sont plus bons à rien.
Il faut le dire et le redire : les prix littéraires sont tout à la fois une abomination et une escroquerie.
Une abomination parce qu’en décidant que seuls quelques rares élus méritent de demeurer dans la course aux prix, on condamne du même coup les autres romanciers à errer dans les basses-fosses des librairies transformées en cimetière des espérances perdues.
Une escroquerie parce que, quel que soit le degré de compétence de ces messieurs dames plastronnant au sein de ces prestigieux jurys, ils ont autant de pertinence à juger de l’importance ou de la qualité d’une œuvre littéraire qu’un croquemort en a pour décider si le corps qu’il s’apprête à enfouir six pieds sous terre mérite de léviter au paradis ou de croupir en enfer.
Ce n’est pas tellement de savoir si ces sommités ou prétendues telles qui chaque année nous crachotent leurs mesquines listes à la figure possèdent une quelconque légitimité à juger de la qualité d’un roman, c’est plutôt que cet exercice n’a aucun lieu d’être si ce n’est de permettre à l’heureux élu d’engranger quelques subsides afin de continuer, en toute quiétude, son travail littéraire (ce qui n’est pas si mal !).
De quelle formidable arrogance, de quel extravagant orgueil, de quelle misérable outrecuidance doit-on s’enorgueillir pour décréter du haut de son olympe inaccessible que le roman de trucmuche a le droit de figurer dans cette sélection atrophiée tandis que celui de machinchouette ne mérite même pas un accessit !
Qui sont donc ces petits marquis tellement épris de leur belle personne qu’ils parviennent à se convaincre que leurs avis, leurs opinions, leurs décisions valent oracles ?
De quelle maladie mentale faut-il souffrir pour penser un seul instant que son jugement ne souffre d’aucune contestation, qu’eux seuls détiennent la suprême vérité, qu’ils sont les uniques détenteurs du bon goût, tellement experts dans leur domaine de compétence qu’ils vous reniflent à mille lieux un roman parfait au beau milieu d’un océan de crasses romanesques ?
Et d’ailleurs c’est quoi au juste un bon roman ?
Il y a fort à parier que si demain un roman comme Absalon, Abasalon ! ou Au-dessous du volcan débarquait sur les étals des libraires, nos brillants examinateurs le liraient d’un œil torve en se demandant quel esprit dérangé a pu oser écrire de telles inepties mises au service d’un roman foutraque qui ne respecte même pas les canons habituels de l’académisme littéraire.
Bien sûr, on pourra toujours me rétorquer que c’est l’amertume de ne jamais avoir été reconnu par ces éminences intouchables qui m’amène à rédiger un tel billet.
Et l’on se tromperait.
Certes, je ne refuserais jamais un prix littéraire ne serait-ce que parce que tout d’abord ce serait une posture intellectuelle quelque peu vaine qui attirerait plus d’ennuis que de réconforts.
Parce que ce serait aussi trahir la maison d’édition qui a eu le courage de vous soutenir dans cette épreuve toujours recommencée de débuter et d’achever un roman.
Parce qu’enfin un prix littéraire vous permet d’arrêter d’écrire sur des sujets aussi passionnants que les tapis ronds ou les poufs poire.
Mais si par malheur, ce jour devait arriver, si une bande hurluberlus égarés dans leurs limbes livresques devaient me canoniser, si des dames réunies en conclave consentaient à m’anoblir et à me délivrer un certificat de romancier accompli, je n’irais pas danser sur les toits en proclamant que mon jour de gloire est enfin arrivé.
Non, je remercierais ces messieurs dames parce que je suis un garçon somme toute poli puis je rentrerais chez moi, sachant que la lutte continue, que la vie raccourcit année après année, qu’une amitié vraie vaut tous les faux sacrements et que ” la victoire n’est jamais que l’illusion des philosophes et des sots “.
Cela me fait penser a Martin Eden, le hero de Jack London.
Marrant. Je suis justement en train de relire Au DESSOUS du volcan.
Pas au dessus…
oups ! quelle erreur!!!!! Merci
De rien.
>quel esprit dérangé a pu oser écrire de telles inepties mises au service d’un roman foutraque qui ne respecte même pas les canons habituels de l’académisme littéraire.
Alors… que pensez vous du dernier livre de Yann Moix?
Qui donc ?:) Saluez le consul de ma part
http://dondevamos.canalblog.com/archives/2013/07/30/27749118.html
Oups ! Me suis gouré de lien… Désolé ! 🙂
“Qui sont donc ces petits marquis tellement épris de leur belle personne qu’ils parviennent à se convaincre que leurs avis, leurs opinions, leurs décisions valent oracles ?”
C’est une question que l’on pourrait également adresser à l’auteur de ce blog je pense.
certes; à toute personne qui pense aussi.
J’aime particulièrement le proverbe qui dit : “les prix littéraires c’est comme les hémorroïdes, n’importe quel trou du cul finit par en avoir”