Kippour, c’est pour qui?

Rediffusion du papier de l’an dernier.  C’est un billet intemporel. Et oui chaque année Kippour recommence. Bon courage. Soyez fort.

Bon, il me reste une heure et 12 minutes pour accoucher de ce post. Après, je dois cesser d’écrire, de boire, de manger, de copuler, de jouer au cerceau avec mon chat, de nettoyer le four, d’ouvrir mon ordinateur, de répondre à vos commentaires qui sont de plus en plus creux et abscons. Ca ne va pas être drôle, je sens. D’ailleurs, Kippour, ce n’est jamais drôle.

Pour les plus fainéants comme moi qui ont une sainte horreur de s’infliger une séance de liturgies distillées à la synagogue par un rabbin qui te foudroie du regard parce que ta kippa est toute froissée et que tu tiens le livre de prières à l’envers en dodelinant la tête de gauche à droite, au lieu de psalmodier d’arrière en avant comme une girafe mélancolique atteinte de torticolis, on passe sa journée à traîner au lit, à supplier sa pendule de se dépêcher, à soudoyer les aiguilles pour qu’elles se meuvent un peu plus vite, à somnoler dans un état semi végétatif, la gorge sèche, le palais en berne, les yeux affamés. Les heures se traînent, lentes, molles, interminables. Les minutes radotent, les secondes se figent, la grande aiguille passe son temps à papoter avec sa petite soeur au lieu de filer voir ailleurs si j’y suis.

On passe son temps à rêver au moment où l’Eternel, dans sa grande bonté, nous autorisera à nous enfiler un sanglier casher arrosé d’une bouteille de boukha importé de Tunis par les frères Bokobza. Et puis, non en fait. Après la première bouchée, on est déjà rassasié, on a des hauts le cœur, l’estomac s’est rétréci comme une peau de chagrin, une heure après s’être mis à table, on retourne au lit, tout flapi, tout retourné, un peu penaud d’avoir boudé le bouillon de poule et le caviar d’aubergine, tout juste soulagé d’avoir survécu à l’épreuve.

Car c’en est une. Pas fait pour les plaisantins ou pour les petites natures, Kippour.

Normalement, comme un petit fayot de juif bien élevé, il te faut passer la journée à t’amender, à recenser la somme de tes échecs, à compiler toutes les vilaines actions que tu as bien pu commettre durant l’année écoulée. Un best of de toutes nos turpitudes, de nos petites lâchetés, de nos innombrables moments de faiblesse et d’égarement.

Autant dire qu’en 24 heures, la mission s’avère vite impossible.

Au bout de dix minutes de réflexion, on a déjà le vertige en recensant la liste non exhaustive de nos méfaits à répétition, ils s’égrènent comme les perles d’un collier enroulé autour du cou d’une américaine obèse : le jour où on a jeté un regard concupiscent sur la chatte rouquine de la voisine, le jour où on s’est garé sur une place réservée aux handicapés au supermarché du bout de la rue, le jour où l’on s’est surpris à espérer la mort du mari de la chatte de la voisine, le jour où on a jeté des cargaisons de piles dans la poubelle au lieu de les rapporter, comme un brave toutou bien domestiqué, dans le bocal à recycler, le jour où en regardant la rediffusion de Shoah de Lanzmann sur Arte, on a zappé sur la six pour mater, entre deux espaces publicitaires vantant l’efficacité du zyklon, l’amour est dans le pré, le jour où on a téléchargé illégalement le dernier Belle and Sebastian, le jour où au lieu d’aller travailler, on est resté toute la journée à la maison à lire les œuvres complètes de Marc Levy et de Virginia Woolf.

Toutes les heures et toutes les minutes où l’on s’est dit qu’Il n’existait pas et que si jamais Il existait, on ne le félicitait pas vraiment, vu qu’ici-bas, c’est pas tous les jours dimanche, que franchement, Il n’a pas de quoi être fier vu l’état dans lequel le monde se traîne et se suicide un peu plus chaque jour.

Il nous faut aussi penser à nos ancêtres, les remercier, se dire que pour s’émanciper et retrouver leur liberté, les malheureux ont dû se taper quarante années de marche dans le Sinaï, sous un soleil de plomb, quarante années passées a se plaindre auprès de ce pauvre Moïse à qui on n’avait rien demandé, fait trop chaud, on a faim, le pain n’est pas frais, le vin a tourné, Aaron n’a pas fait la vaisselle, la télé ne marche plus, mes chaussettes sont trouées, mon portable ne capte pas, Sarah ne veut plus coucher avec moi, si on avait su, on serait resté en Egypte, le sable est brûlant, la pluie est trop mouillée, les merguez trop piquantes.

C’est fou comme le juif passe son temps à se plaindre. Sale race. Jamais content. Toujours à râler, toujours mécontent de son sort, toujours à rejeter la faute sur les autres. Toujours à se maudire et à maudire les autres. Toujours à vouloir avoir le dernier mot. Toujours à couper les chevaux en quatre, je t’en prie Maurice, si l’homme descend du singe, comment ca se fait que dans la Bible, personne n’en parle ? Et si on n’a pas le droit de manger des poissons avec des écailles, tu crois que le sushimi c’est permis ou pas ? Et si par exemple, tu tombes nez à nez avec un cochon manchot des quatre pattes, est-ce que tu peux le manger vu que ses sabots ne peuvent pas être fendus vu qu’il est né comme ça et que de sabots il n’en a jamais eu, hein Maurice ?

En même temps, c’est long quarante ans.

Surtout pour finir en fumée dans un four crématoire polonais.

Bon, désolé de vous laisser sur cette note paillarde, mais je dois y aller.

Le couscous boulettes cuisiné par le fantôme de ma grand-mère, livré par Fedex m’attend.

Pensez à moi.

Ou pas.

M’en fous.

Ce soir, je serai sauvé.

Vous, je ne sais pas.

29 commentaires pour “Kippour, c’est pour qui?”

  1. Malheureux !… Ce sont les poissons avec écailles qu’on a le droit de manger !
    Si tu as mangé de l’anguille, tu es foutu !
    Mazel Tov, quand même…

  2. ….. je me suis jamais posé la question mais…… hmmmm… le groupe Belle et Sebastien…. ils sont juifs ?

    Si tel était le cas…. je ne les verrai pas manger de la carpe farcie

    Bien à vous farceur, cet article est exquis

  3. na ce sont d’horrible goys, ils jouent même dans des églises.

  4. Ah la la… Heureusement que Dieu a crée les goys, qu’est ce que vous vous emmerderiez sans eux ! 🙂

  5. arretez c’est mon cauchemar absolu. Ca doit être terriblement emmerdant d’être goy non?

  6. c’est fou je savais pas que vous aviez un blog ! j’ai lu la métaphysique du hors-jeu y’a pas longtemps, bravo, super bien écrit et super drôle ^^

  7. @loo Comme quoi! Vous avez de trés bonne lecture. Bienvenue au club!

  8. Bah, c’est a dire, quand j’étais gosse, personne ne m’a dit que j’etais “Goy”… En fait si je comprends bien, on ne l’est pas positivement, mais a contrario non ? Ce qui fait que je suis quelque chose qui n’est pas, genre anti matière face a matière ? Ça me rend perplexe… @loo : Loin de quoi ? Est très bien aussi, faut dire. En plus c’est le tome 1 de la Métaphysique du hors jeu.

  9. Il va devenir chiant ce blog, si tout le monde est d’accord pour être juif, pour être goy, pour dire qu’il écrit super bien, …
    Il faut aussi dire qu’il y a des phrases super longues, pas assez de “saillies drolatiques” du style “c’est pas tous les jours dimanche” et que l’iconographie n’est pas assez souvent au niveau du Perrier facial ou du cochon cul-de-jatte.
    Voilà; c’est fait.

  10. Il l’est déjà, chiant (comme plusieurs autres que j’ai lu sur ce blog). Je crache sur le mec qui m’a fait suivre ce lien, même si (surtout) c’est un pote.
    Mon commentaire est sans intérêt aussi, mais il m’a pris 30 secondes alors qu’on sent que tu travailles méthodiquement tes petits effets “communautaristes”. Quand on y pense, c’est génial : Quand on est juif, on peut se foutre de la gueule des juifs (mais aussi des catholiques en véhiculant en permanence l’idée que les prêtres sont tous des pédophiles, que Pie XII était le “pape d’Hitler” … répété à longueur de médias cela finit par être une vérité), quand on est arabe on peut se foutre de la gueule des arabes, des blancs (mais surout ne pas toucher aux juifs) … mais quand on est originaire de la Mayenne ou de la Creuse, on a surtout le droit de ne pas faire dérapage sinon c’est direct les procès pour racisme et les coups (Dieudonné en est le parfait exemple). Etonnant comme l’humour à évolué ces 50 dernières années en France sous la pression des “humanistes” et de certaines communautés (oula, j’en ai trop dit, j’arrête sinon le MRAP qui comme chacun sait est un exemple de métissage, cf. une video très amusante sur youtube, va m’attaquer).
    Bonne continuation, ça a de l’avenir ce genre de déballage d’états d’âme orientés

  11. Dernière chose, l’Histoire d’un pays est fait de gloire mais aussi parfois de honte et d’heures sombres. Ne pas pardonner à un pays un crime commis par une administration (et non par une population comme certains de vos collègues essayent absolument d’instiguer dans les esprits des masses) il y a plus de 70 ans, qui plus est en temps de guerre (et oui, la France était un pays occupé) peut se comprendre. Mais en vouloir à “la France” est juste débile. L’écrasante majorité de la population n’approuvait pas l’immondice de la déportation. Mais cela appartient à l’Histoire.
    Penchez-vous plutôt sur les crimes en cours de l’état d’Israël et dénoncez-les plutôt que d’attaquer votre pays. Dénoncez plutôt cette politique d’apartheid. Ne pas le faire, ou pire encourager cette politique de colonisation est un crime, et bien contemporain. Serait-ce un peu trop risqué ?

  12. Je ne suis ni de prés ni de loin citoyen israélien.
    Quand à l’écrasante majorité de population, c’est votre facon de voir les choses. Pas la mienne.

  13. @ ku-lanta : il faut arrêter de croire que tout ce que dit notre ami est parole de talmud, vous verrez ça ira beaucoup mieux;)
    (ps : Dieudonné n’est pas un exemple)

  14. (C’est pas terrible, cul-en-tas, comme pseudo, à y réfléchir un an plus tard…)
    😀
    Bon pardon. Courage Laurent. (Au fait, vous devrez ajouter à la liste de vos méfaits que vous n’aurez pas mis une heure et douze minutes cette année, malgré l’intro, à écrire votre post.)

  15. Une journée entière à rechercher ses mefaits et à se morfondre, c’est une journée catholique assez normale.

  16. examen de conscience
    “La pendule, sonnant minuit,
    Ironiquement nous engage
    À nous rappeler quel usage
    Nous fîmes du jour qui s’enfuit”
    ça marche aussi en remplaçant jour par année;)

  17. @ Ku-Lanta : Il est de la Mayenne ou de la Creuse, Dieudonné ? savais pas, merci.
    Sinon pourquoi dire “juste débile”, au lieu de “tout simplement débile” ? Je fais partie du club des goys ( ça prend un s au pluriel ?) opposé a l’ utilisation du terme “juste” à tout bout de champs.
    @ Burt : vous avez oublié “..et à coller des posters de Pie XII et de Monseigneur Barbarin.” soyez plus attentif à l’ avenir.

  18. Dites, en termes d’épreuve physique, votre Kippour c’est de la gnognotte à coté d’un bon vieux ramadan des familles en plein mois d’août. Plaignez, vous, tiens, tsss.

  19. Je m’étais promis de ne commenter qu’après avoir lu Loin de toi, qu’Amazon m’a promis, mais la perche est trop belle: Kippour, c’est pour qui, dites-vous? mais Sauve qui pour, bien sur.
    Bon, je sors comme il est dit sur un autre blog, à peine aussi iconoclaste.

  20. Vous en avez de la chance, vous prenez un coup de jeune à chaque Kippour.

  21. Vous êtes fier de vous Closede ?

  22. c’est déjà fini, Kippour ?
    Bon, ça serait pas une hsitoire de juif en cavale, votre bouquin ?

  23. Vous voulez que j’envoie un rapport à Pascale Gautier ?

  24. Vous avez le choix : pressez le bouton, appuyer sur la manette, passez la main sur la cellule de photodetection ou bien tirez la chaine…je ne suis pas rancunière

  25. allez en paix, je vous pardonne

  26. c’est Kippour ? c’est pour ouam… Ok je fais comme Simon, je sors aussi…

  27. On buvait du Blanc ensemble hier soir, tiens ! 🙂 On fait pas Kippour, nous !

  28. Donc en gros Kippour c’est comme le Ramadan ou le Carême mis à part les dates qui ne coïncident pas toujours..
    Du coup,ça vaut vachement le coup pour les intégristes à la con de se tirer la nouille sur le sujet 🙂
    Que chacun fasse ce qui lui plait sans emmerder les autres,ça sera déjà pas mal et merci encore pour ce blog.

  29. Je vous hais tendrement, éperdument, follement 🙂 Merci!!

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