Donc l’autre jour, ça devait être jeudi, oui c’est ça c’était jeudi, je moulinais tranquille sur mon vélo d’appartement, histoire d’évacuer tout le stress accumulé dans la journée, notamment l’échec retentissant de ma pâte feuilletée destinée à une tarte au thon qui jamais ne se réalisa.
Comme d’habitude lors de cet exercice quotidien de moulinage immobile, je parle de vélo là pas de cuisine, afin de ne pas dépérir d’ennui et repousser la tentation de me défénestrer en sautant le cul le premier de ma selle, j’avais commandé à mon ordinateur de me diffuser le dernier épisode de “C’est dans l’air” intitulé “Google, maître du monde”.
On a les vertiges qu’on peut.
Tout à ma concentration d’obliger mes jambes à se régler sur une cadence n’affolant pas de trop mon cœur haletant, je manquai le petit texte introductif servant à présenter les invités présents ce jour-là sur le plateau.
Je n’aurais pas dû.
Le premier à prendre la parole fut un certain M. Alexandre qui froidement, sans que personne n’en trouve à redire, martela d’une voix métallique que le but ultime de Google était de lutter contre la mort, d’œuvrer à la mort de la mort, ses dirigeants s’inscrivant dans le courant de pensée nommé transhumanisme destiné à se servir de l’apport des nouvelles technologies afin de repousser les frontières de notre humaine condition.
Les pédales m’en sont tombées d’ahurissement.
Je pensais très sincèrement que son infirmier personnel allait débouler sur le plateau pour le ramener sagement à sa niche en lui administrant une solide piqûre de morphine, de bromure, de valium.
Mais non.
S’en suivit la diffusion d’un reportage où un employé de la prestigieuse firme californienne démontrait la géniale inventivité des fameuses Google Glass.
Ainsi, présupposant que demain il devrait se rendre à Paris, s’interrogeant sur la nécessité d’emporter ou non avec lui un parapluie, il se mit à poser la question en un anglais impeccable à sa paire de lunettes, “Is it going to rain tomorrow in Paris ?”
Ce à quoi cette dernière, par l’intermédiaire d’une vignette interactive apparaissant devant ses yeux émerveillés, confirma la possibilité qu’il put effectivement pleuvoir dans la ville Lumière et l’encouragea par là-même à se munir d’un parapluie ou d’un K-way ou d’un béret ou d’une casquette ou d’un bonnet.
Il est à noter que l’employé, durant tout le temps de sa démonstration, avait le regard absolument extatique voire orgasmique de celui qui revient d’un voyage intergalactique où il se serait entretenu avec Dieu en personne.
Le même genre de regard que j’aurai le jour où je réussirai ma pâte feuilletée et que je viendrai ici-même vous raconter le pourquoi du comment de cette réussite culinaire.
Après quoi, d’autres invités nous expliquèrent que bientôt grâce à Google, on conduirait sans conduire, on baiserait sans baiser, on pisserait sans pisser, etc, etc…
En résumé, on ne ferait plus grand-chose et ce temps gagné à ne pas se concentrer sur notre conduite automobile, à ne pas s’inquiéter de la déliquescence de nos cellules nerveuses, on pourrait l’employer plutôt à demander à nos lunettes s’il restait des pains au chocolat à la boulangerie ou si Belle-maman pourrait me refiler sa recette de sa pâte feuilletée qu’elle réussit à la perfection.
C’est là que je compris que le but ultime de Google ce n’était pas l’argent, ce n’était pas la bourse, ce n’était pas la publicité, ce n’était pas la fréquentation de son moteur de recherche, non, c’était d’établir tout bonnement un nouveau règne sur la terre.
Le règne de l’homme affranchi de toutes ses contingences humaines. Le royaume de Dieu sur terre. La possibilité de rivaliser avec le Créateur.
Hitler, en toute modestie, prévoyait que son Reich durerait mille ans.
Google, lui, vise l’éternité.
Tout en étant incapable de nous expliquer comment, si on est assuré de ne plus jamais tomber malade, si nos cerveaux carburent à plein régime au super sans plomb, si l’on est débarrassé de toutes les contraintes de notre vie domestique, étant bien entendu que ce serait un robot en charge de promener Médor et de descendre les poubelles, on pourrait bien employer nos journées.
Si on n’est plus occupé à essayer de doubler par la droite une voiture lambinant sur la bande d’arrêt d’urgence, si on n’a plus à se soucier du prix de ses obsèques, si on n’a même plus à s’inquiéter du temps qu’il fera demain, à quoi bon vivre ?
Parce que l’éternité, je n’ai rien contre, mais si c’est pour rester en tête à tête à parler avec des lunettes, franchement je préfère passer mon tour.
( Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true )
faissez gaffes, ils vont écrirent vos posts à votre place.
Vous faites vous même la pâte feuilletée ???? alors là mes eye glasses m’en tombent d’admiration, même ratée vous méritez une médaille, un oscar, enfin vous êtes un homme comme y a plus de femme, moi ça fait vingt ans que j’ai arrêté, je l’achète !
Allons donc, pour meubler l’éternité, relire de temps en temps Proust à l’œil (et même à l’œil nu?) en prenant vraiment son temps, surtout le dernier volume du “Temps retrouvé”, puisqu’il ne sera plus nécessaire de partir à sa Recherche, les Google Glasses l’auront bien débusqué et le tiendront à l’œil ?
Pour la pâte feuilletée sans recourir aux bons offices ou bons conseils d’une belle-mère, je recommanderais de préférence « La Pâtisserie pour tous » [Le Livre de poche pratique, n° 2302] de feu Ginette Mathiot (1907-1998). L’ouvrage traite, avec une grande clarté, de la pâte feuilletée proprement dite (recette n° 226) mais aussi – subtile astuce (la taire aux invités, qui n’y verront que couic) – de la pâte demi-feuilletée (recette n° 227). La préparation de celle-ci (1 heure 10) est, au reste, est moins chronophage que celle-là (2 heures).
Passé la pâte feuilletée et, plus généralement, les tentatives de rivaliser avec le gastronome Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826), père du savarin – gâteau cousin du baba au rhum, mais sans raisins secs –, l’on pourrait s’étonner de la concomitance du visionnage d’une émission télévisée et d’un exercice de vélo d’appartement. Pas de rétropédalage, mesdames, messieurs ! On reste sur son vélocipède. Le sang circulant dans le corps entier, mollets et cuisses (pour abréger) concourent à un meilleur fonctionnement de l’entendement. C’est pourquoi il nous est donné le plaisir de lire « Google, le quatrième Reich ».
Passé ce détour par les pérégrinations sanguines, tombons à nos coches. [Montaigne, dans son chapitre « Des coches », écrivit « Retombons… » : il en avait déjà parlé.] Nos coches nous conduisent à la question, nullement anodine, suivante : si automates, systèmes ultra-perfectionnés, mini-robots, se substituent à nous, à nos savoir-faire et savoir-penser en toutes activités – des plus humbles : la confection d’un gâteau, aux plus élevées : la divination du temps (sec, humide, etc.) –, qu’allons-nous devenir ? Cette énorme masse de temps creux, comment la remplir, l’occuper ? Par quoi ? Par qui ? M. Sagalovitsch ajoute au pince-nez communiquant de Google un infime aperçu du détail des actes et gestes dont serait dispensée l’humanité : « […] on conduirait sans conduire, on baiserait sans baiser, on pisserait sans pisser, etc., etc. » [N’oublions pas : on pédalerait sans avancer.] C’est évidemment faire bref : les blogs d’une année, mis bout à bout, ne pourraient contenir leur énumération.
Puis, le débat grimpe bien au-delà de la Pointe Walker (4 208 m) des Grandes Jorasses : ce serait « [le] règne de l’homme affranchi de toutes ses contingences humaines. Le royaume de Dieu sur Terre. La possibilité de rivaliser avec le Créateur ». C’est hélas vrai. Imagine-t-on le désarroi des croyants, de tous les officiants de toutes les confessions, jusques et y compris au pape ? Tous irrémédiablement voués au désœuvrement ! Blaise Pascal soi-même ne pourrait même plus les dissuader de se livrer au « divertissement » (qui distrait de Dieu), puisque Dieu serait là, tout près de tous, impossible de ne pas le voir.
Enfin, après cette fascinante envolée métaphysique, la chute ! Google, le mauvais génie, son éternité à la gomme. Mais comment savoir, tant qu’on ne l’a pas essayé, si le farniente permanent est invivable, sans intérêt ? Comment admettre cette déprimante conclusion : « Parce que l’éternité, je n’ai rien contre, mais si c’est pour rester en tête à tête à parler avec des lunettes, franchement je préfère passer mon tour » ? Qui nous dit que, sur le Grand Rouleau (tout y est écrit) que Jacques le fataliste de Diderot place « Là-haut », les lunettes n’ont pas une autre bobine que celle des bésicles d’Afflelou & Lissac réunis ? Des binocles causant beau, comprenant tout, offrant aux regards ébahis une plastique de pin-up. De quoi en boucher un coin, pas vrai ? L’éternité, dans les contes qui ébahissent, apeurent, titillent l’imagination, n’est pas apathie blanchâtre de légumes shootés au Valium. Enfin, mieux vaut le croire.
Oui c’est le propre de l’homme que de se réinventer, ce que l’on ne sait plus faire en France. Prenez l’exemple d’amazon http://www.slate.fr/culture/83361/amazon-libraires-livres plutôt que de développer la concurrence, notre vision, de s’investir dans la modernité on préfère relever la médiocrité du système mis en place et en faire une nouvelle excuse pour rejeter en bloc l’Internet. En fait Filipeti et consort ne sont même plus des idéologues, ils sont entrés en religiosité les librairies ont remplacé les églises. Entendons nous je n’ai rien contre les librairies ou le papier et ils ont leur place dans les méandres de la modernité mais à les entendre les librairies sont un but en soi, on ne fera jamais rien de mieux pour diffuser la littérature, j’avais naïvement pensé que c’était cette dernière le but, Filipeti sait mieux que moi ce qui est bon pour moi, un genre d’humaniste qui sauvera les hommes malgré eux pour reprendre les sarcasmes de Roquentin. On ne prend pas en compte que le net est un outil d’une puissance infinie pour avoir accès aux êtres vivants alors plutôt que de développer une nouvelle forme d’édition,de diffusion, d’ouverture et de multiplicité qui défendrait ses propres valeures ont se comporte comme des bigotes de bénitier, ont se replis sur soi et à grand coup de subvention on fait survivre un modèle qui est amené à disparaître. La concurrence c’est mal, vive les utopies! La petite bourgeoisie élitiste jacobine catholique des livres préfère défendre son pré carré et se retranche derrière ses vues de l’esprit déconnectées de la réalité et qui vont finir par sombrer après une résistance acharnée mais vaine laissant le champs libre à d’autre pour construire notre avenir. Le futur ne se prédit pas il s’invente, l’époque est aux bouleversements et au chumpeterisme, il y a destruction qu’on le veuille ou non, ceux qui sont incapables de reconstruire tomberons dans l’oubli, ceux qui ne larguent pas les amares, incapables de se réinventer et nous abreuvent de leurs complaintes stériles subissent la loi du temps qui passe. Bon courage.
Un peu de joie hassidique pour vous remettre d’aplomb, ça ne vous fera pas de mal ! Vous touchez le fond Saga. Effectivement la v.4 n’est pas loin si même vous ne vous ressaisissez pas ! Allez ! Descendez de ce vélo ridicule et dansez !!!
https://www.youtube.com/watch?v=4q40SnUT8r0
ou s’il vous faut du plus moderne, voyez mes amis toulousains comme ils sont forts !
https://www.youtube.com/watch?v=L5d5OzPrYFw#t=66
@ Nico: jacobine et catholique ??? un chien qui serait un chat, genre ?
Sinon, oui, je suis d’accord. Mais le papier a l’avantage d’être fixe ( on peut détruire le livre, mais le texte ne peut être modifié en douce, même ou surtout pour les meilleures raisons du monde) et la lecture d’un livre papier est anonyme, ce qui n’est pas le cas d’un livre numérique – enfin, il me semble..
@ Laurent : Google est presque humain vise comme nous tous la dernière étape de la pyramide de Maslow, l’immortalité.
Sirandane, anonymat? Je ne vois pas ce que cela vient faire ici si ce n’est peut être que pour soulever une nouvelle critique de l’Internet? je voulais dire croyant, au temps pour moi, quant aux livres papiers à ce que je sache Amazone en vend… avant on écrivait avec un burin sur de la pierre puis une plume sur de la peau de bête, une machine à écrire sur du papier A4 et maintenant avec un clavier sur une feuille virtuelle, l’homme se réinvente, j’ajouterais que la littérature est le propre de l’homme parce que le propre de la littérature est de se réinventer. Sur le fond, la forme, la diffusion etc elle devrait être toujours en mouvement. Il s’agit d’y trouver l’équilibre comme la bonne assise que cherchait Montaigne sur sa selle lors de ses périples et en aucun cas décider de ce qu’elle devrait être si ce n’est une réinvention permanente. C’est bien plus intéressant que les salons que Saga dénonçait dans ses premiers papiers où l’on trouve des écrivains qui jouent les poètes maudits et autres petits arrangements entre amis de fils et fille de qui n’ont pas grand chose à voir avec le talent….
j’ai retrouvé où j’avais entendu parler de la Singularity University (financée par google?)et du transhumanisme ou l’homme augmenté ou H+ qui annonçait une révolution technologique majeure telle qu’elle était appelée “small bang”.
A l’époque ces prosélytes d’un nouveau genre déclaraient :”les gens ont peur du changement…de se voir remplacés par des robots” “nous avons suivi des cours d’éthique”. nan ya pas de quoi rire…^^
http://owni.fr/2010/11/21/singularity-university-nest-pas-une-secte/
@ Nico: il ne s’agit pas de critiquer, ni de regarder ou de chercher des solutions en arrière.
Il y a seulement un danger dans le fait qu’il existe un “on” qui peut savoir ce que vous avez lu et à quel moment. C’est tout. Rien de plus, rien de moins.
De la même façon, qu’un texte sur Internet peut disparaitre ou être modifié sans trace.
C’est une question qui ne peut pas être indifférente.
Sinon, j’écris des romans et je n’ai pas d’imprimante…!
@ Nico: Dsl pour l’esprit d’escalier…oui Amazon vend des livres papier mais garde le catalogue des titres que vous avez acheté ( comme d’ailleurs tous les vendeurs de livres en ligne ainsi que les grandes enseignes qui ont des cartes de fidélité). La législation française interdit en revanche aux bibliothèques publiques de conserver l’historique des emprunts faits par leur lecteurs par souci de protection de la vie privée.
Je suis sans doute paranoïaque, mais je trouve cela potentiellement dangereux…
Se rappeler par exemple qu’en Argentine, sous les colonels, on pouvait être amené à dresser un catalogue de sa bibliothèque privée; la police se réservant le droit de venir en contrôler l’exactitude.
ah oui, si on était en dictature et paranoïaque y aurait carrément de quoi flipper !
Sirandane, déjà dit, c’est l’histoire de la prédiction auto réalisatrice, l’Internet c’est mal, on n’y va pas et à la fin il y a monopole… je vous l’avais bien dit! Et les français sont content d’avoir raison “plutôt que de développer la concurrence, notre vision, de s’investir dans la modernité on préfère relever la médiocrité du système mis en place et en faire une nouvelle excuse pour rejeter en bloc l’Internet.” et à la fin les librairies ferment et il n’y a plus personne pour subventionner des livres de qualité. Je vous l’avais bien dit!
en fait j’imaginais Mr Puycasquier demander à sa moitié de lui passer le sel en quatre paragraphe concis comme il sait si bien le faire et ça m’a fait sourir, voilà, c’est pas bien mais ça a surgit dans mon neurone dégénéré sans crier gare!, désolé…
Mais, non, il faut relire Borges!
Google ne reconstitue sa bibliothèque qu’au seul but de retrouver la pensée du créateur.
Sachant qu’elle ne fût pas et que la réponse du moteur ne sera pas 42, je vous conseille de pédaler plus vite.
Je ne comprend pas pourquoi l’immortalité fait peur à tout le monde…
C’est plutot fun de ne jamais mourrir…non ?
Et effectivement, la science progresse à très grande vitesse sur ce sujet .
Vous saviez que les homards sont immortels ?
Et qu’on a découvert et compris le mecanisme biologique qui permet à ces derniers de ne mourrir que de mort violente .
Quant à ceux qui se demandent ce qu’ils feront de leurs eternité…ben…la même chose que maintenant…..