Le monde est en deuil perpétuel


En ce moment, la Tour Eiffel en voit de toutes les couleurs.

Après s’être bariolée des couleurs du drapeau gay pour la tuerie d’Orlando, des couleurs de la Turquie pour un attentat survenu en juin dont on a déjà tout oublié, des couleurs tricolores pour le carnage de Nice, hier soir c’était au tour des couleurs du drapeau allemand de figurer sur la structure métallique du Champ-de-Mars.

Et demain ce sera peut-être Kaboul, Milan ou Madrid.

Ce n’est plus un monument notre bergère aux jambes interminables et à la tête perchée dans les nuages, c’est une urne funéraire à la hauteur de la désolation du monde.

On en arrive à se demander ce qui se passera lorsque deux villes seront ensanglantées le même jour. Faudra-t-il alors passer à l’allumage alterné, une minute pour souligner notre solidarité avec Sydney, une autre pour marquer notre effroi face à l’attentat survenu à Manchester ou à Lisbonne, dans une sorte de clignotement funèbre visible à des kilomètres à la ronde ?

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Vu désormais la fréquence des attentats, leur répétition presque quotidienne, les endroits éparpillés sur la planète où ils se déroulent, le plus sage serait alors de peinturlurer notre géante de fer des couleurs de l’arc-en-ciel  afin de parer à toute éventualité.

D’être déjà attifée pour la prochaine tuerie de masse.

Ou d’opter tout bonnement pour un noir définitif, le noir de ce monde qui semble être rentré dans une période de deuil perpétuel.

La mort colle aux basques de nos téléphones portables, de nos écrans de télévision, de nos journaux.

Voilà que nous passons désormais nos soirées à écouter s’égrener le nombre exact de décès, de blessés graves, légers, opérés, à faire le tri entre les fausses rumeurs et les vérités vraies, à regarder en boucle des images vides, à attendre de connaître la nationalité et des assaillants et des morts, à guetter les premières déclarations de nos gouvernants, du Ministre de l’Intérieur, du Procureur de la République, les premières mesures prises, l’intervention du Chef de l’État au milieu de la nuit ensanglantée.

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C’est comme une série noire qui ne finirait jamais et repasserait en boucle, soir après soir, dans une procession funèbre, adoptant seulement à chaque fois des décors différents, ici une boîte de nuit, là une promenade, un autre jour un centre commercial, une liturgie macabre à laquelle, malgré nous, on prendrait goût.

De la mort, des taches de sang sur le bitume, des victimes en pleurs, des témoins anéantis, des ambulances, des policiers, polizei, policemen, des gens qui courent, filment, se cachent, des corps recouverts de drap, les cris, la panique, les rues désertes, les restaurants transformés en hôpitaux de fortune, les appels au calme, l’attente, le nombre de morts qui augmente à chaque nouvelle dépêche, cette impression d’irréalité que nous ressentons alors comme si nous étions propulsés au cœur des ténèbres.

L’Histoire en Live, la Mort en Direct.

Vendredi soir, c’était au tour de Munich de passer en prime-time. Cela promettait. Un centre commercial, des morts, trois tireurs en vadrouille. On en salivait d’avance. Une ville entière à l’arrêt. Des rumeurs de prises d’otage. La possibilité d’un massacre de grande ampleur. Avec un peu de chance, on aurait le droit à une fusillade avant la tombée de la nuit. On verrait des hommes tomber. On entendrait le bruit des balles. On serait au cœur de l’action.

Et puis, tout est parti en couilles.

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Les tireurs demeuraient invisibles, le bilan ne dépassait même pas la dizaine de morts – tu parles d’une tuerie – et surtout on ne voyait rien ; quand finalement on a su que le tireur s’était suicidé, qu’il était seul à avoir agi, que de complices il n’en avait jamais eu, on a été comme déçu. Tout cela pour ça. Décevant, les Allemands, on s’est dit avant d’éteindre le poste.

Petit bras.

Le lendemain on apprenait que ce con n’était même pas islamiste mais juste dépressif. Ce qui nous promet des lendemains heureux. Parce que si tous les dépressifs du monde commencent à jouer au Ball-trap dans des Mac Do ou à l’intérieur de centres commerciaux, on ne va pas s’ennuyer.


Que la fête commence.

                                                                                                                                                                              Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

3 commentaires pour “Le monde est en deuil perpétuel”

  1. Il n’y a que les marchands de bougies qui se frottent les mains .

  2. Tous partis ?

  3. Le deuil nous tient par la barbichette …

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