Maman, au secours, j’ai vu deux hommes qui s’embrassaient !


Je sais, je risque gros en accomplissant pareille confession. On va encore me traiter de tous les noms possibles, lancer une fatwa contre moi, me montrer du doigt dans la rue, encombrer ma boîte mails de menaces de mort, mais tant pis, je dois aller au bout de ma démarche sans me soucier du qu’en-dira-t-on.

Après tout, je suis le plus intrépide des hommes.

Donc voilà, moi aussi, tout comme l’autre pistolero de l’autre nuit en Floride, quand je surprends deux hommes en train de s’embrasser sur un banc, dans la rue, au milieu d’un square, comme le pire des ayatollahs qui puissent exister sur cette planète, j’éprouve comme une indicible gêne, voire parfois même un vague dégoût : je suis mal à l’aise.

C’est dit.

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Évidemment je n’en montre rien, je ne m’en vais pas crier au scandale, je n’apostrophe pas le ciel en réclamant une punition divine, je ne demande pas à un agent de police d’intervenir, non je poursuis mon chemin du même pas égal, mais intérieurement, je suis quelque peu troublé.

Même au cinéma, quand deux hommes osent se rouler un patin voire se rouler dans le foin, j’esquisse une moue réprobatrice et, dare-dare, n’écoutant que mon courage, je me réfugie dans les jupes de ma compagne.

De toute évidence, je souffre d’un grave problème.

En toute logique, au regard de qui je prétends être, à savoir un brave couillon inoffensif peu versé à juger mon prochain selon son orientation sexuelle, sa couleur de peau ou sa religion, je devrais être tout à fait à l’aise de voir deux hommes s’échanger des bécots sur un banc public.

Je ne devrais pas ressentir le début d’une moindre gêne. Je ne devrais même pas m’en émouvoir ou le remarquer. Je devrais juste me réjouir de vivre dans une société où deux hommes peuvent vivre au grand jour leur passion amoureuse et pratiquer le bouche-à-bouche sans offusquer personne.

Sauf que non.

Cette gêne, je la ressens vraiment.

Bon, je m’en remets bien vite, je ne tombe pas dans les pommes, je ne me crapahute pas chez moi, je ne me sers pas un gobelet de bourbon pour me remettre de mes émotions, je ne file pas aux urgences pour surveiller ma pression artérielle, je n’appelle pas SOS suicide, mais tout de même.

Andy and Raff's Civil Partnership

Alors qu’est-ce qui ne va pas chez moi ?

Il existe plusieurs possibilités.

Il se peut en premier lieu que, malgré mon ouverture d’esprit, je sois demeuré prisonnier d’une éducation où l’homosexualité était vue non pas comme une abomination mais juste comme une situation peu enviable, un état dont ma mère devait par principe se méfier, et qui pouvait se traduire de la sorte : ”Mon fils, si jamais un jour au téléphone tu m’annonces que tu es tombé amoureux d’un homme, je raccroche et je meurs. ”

Disons donc une sorte de folklore mi-archaïque mi-traditionnel où une mère juive, née avant guerre, imagine pour son enfant un destin tout autre que celui d’être homosexuel, ne serait-ce parce qu’elle souhaite pincer jusqu’au sang les joues rebondies de son petit-fils.

Mais ce n’est pas une excuse.

Après tout, j’ai quitté le domicile familial depuis fort longtemps (deux ans), j’ai eu tout le temps de m’émanciper de l’influence maternelle et à mon âge, je devrais être tout de même capable de penser par moi-même.

Si maintenant j’en viens à considérer ma gêne d’un point de vue psychanalytique, je pourrais la considérer comme la résultante d’une pulsion homosexuelle que j’aurais pris soin de refouler et qui, devant le spectacle de deux hommes occupés à s’embrasser, viendrait me hanter et perturberait mon statut d’hétérosexuel accompli.

Je verrais alors dans ces deux hommes une menace qui causerait chez moi comme une sorte de colère de m’avoir rappelé à ma vraie nature, celle d’un homme éprouvant des sentiments homosexuels qu’il aurait pris soin d’enfouir en lui.

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C’est possible.

Il n’y a pas de fumée sans feu pourrait-on dire.

Même si, franchement, l’idée d’un homme… aussi beau et charmant soit-il… dans mon lit… nu… oui mais non. Vraiment non.

Peut-être est-une combinaison des deux : la désapprobation maternelle rajoutée à une peur archaïque de l’homosexualité en tant que reflet d’un trait de ma personnalité réprimée à grands cris.

Je ne sais.

La seule chose que je sais, c’est que c’est moi qui ai un problème et non point le contraire.


Ces deux hommes qui s’embrassent sur un banc, je les salue, je les encourage à redoubler d’ardeur dans leurs baisers, je les conjure de vivre au grand jour leur amour et surtout de ne pas tenir compte de vieux aigris comme moi.

                                                                                                                                                                                                                         Vive l’amour !

                                                                                                                                                                                                                         Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

5 commentaires pour “Maman, au secours, j’ai vu deux hommes qui s’embrassaient !”

  1. On s’habitue à tout.

  2. Vraiment pas ragoûtant de voir deux couillards s’adonner avec frénésie à un bouche-à-bouche dans des circonstances pas du tout à propos. Quel torture !

  3. Mais il a raison , ca emm..de qui ?

  4. Cette histoire d’homo refoulé me laisse un peu perplexe, si on se pose la question, vraiment, la réponse est vite trouvée, qu’elle dérange ou pas est un autre problème. Par contre l’influence social est indéniable, comme ce jeux sulfureux qu’est le chat-bitte dans les cours d’école et qui est un bon entraînement à la bêtise du dégoûté. Regarder le verre à moitié plein ou à moitié vide m’ennuie un peu, je préfère le regarder se vider où se remplir. Vous c’est un peu comme si vous aviez décidé de verser de l’eau dans un verre tout en laissant le bouchon sur la bouteille. Une collègue recement nous faisait par de sa stupéfaction de voir deux “pak pak” se tenir la main, elle avait l’habitude pour les blancs mais pour les pakistanais ça lui faisait bizarre. En parler c’est peut être la promesse d’un verre qui déborde.

  5. Vous n’avez pas à vous sentir gêné : moi aussi, un garçon qui embrasse une fille dans la rue (ou l’inverse), ça me met mal à l’aise. Même s’ils le font sur un banc public et qu’ils ont une gueule bien sympathique. Je trouve juste ça indécent. Sauf au cinéma. Mais tout le monde n’est pas Cary Grant et Ingrid Bergman.

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