Parfois je me souviens que je suis un écrivain.
Et qu’un écrivain c’est censé donner des conseils de lecture à la meute de lecteurs abrutis qui galopent de livres en livres à la recherche d’un chef-d’œuvre introuvable.
C’est tout de même le seul domaine, hormis l’art de paresser ou d’essayer de soutirer de l’argent à son éditeur, ou de passer des journées à papoter avec soi-même, où il peut se vanter d’avoir quelques compétences, voire même une certaine, même si toute relative, légitimité.
Puisqu’à part lire, un écrivain est la plupart du temps un bon à rien, un parasite qui s’abrite derrière son statut de prosateur à la petite semaine pour flemmarder à la maison, tourner en rond dans son bureau et rechercher l’inspiration en matant des quadruples pénétrations anales sur un site réservé aux grandes personnes.
Et à lire.
Évidemment comme il est jaloux comme pas un, la plupart du temps, il boude ses contemporains, surtout ceux qui ont du succès, qu’il juge, selon son humeur, à chier, illisible, prétentieux, pédant, raseur, poseur, merdique, chichiteux, circoncis de la plume, amputé du cerveau, un sous-sous-sous Hemingway qui déjà lui-même écrivait comme un cochon neurasthénique.
C’est dire que lorsqu’il vous conseille d’acheter tel ou tel bouquin et que ledit bouquin n’est pas un classique d’un auteur russe trépassé depuis trois siècles, ni un inédit d’un auteur mongol connu de lui seul, vous pouvez en toute confiance courir chez votre libraire favori acheter le livre chaudement recommandé par Monsieur l’écrivain en personne.
Quand on me demande, t’aurais pas un bon livre à me conseiller, généralement en un premier temps, je dis que non, en un deuxième temps, ”Essaye Shakespeare. C’est inégal mais ça tient la route”, en un troisième temps, ” Je ne lis plus, je relis”, en un quatrième temps, ”Aucune idée, quand j’écris je ne lis pas”, en un cinquième temps, ” Je ne travaille pas chez Amazon”, en un sixième temps, ”La Bible ou le Capital ou le Petit Livre rouge ou le Programme commun”, et enfin, si je ne me suis pas encore pris un coup de boule, je postillonne, ”Steve Toltz, Une partie du tout.”
Qui ? Steve Toltz. C’est qui ? Un écrivain. Quel genre ? Moi en mieux.
Hier Steve faisait la une du Monde des livres.
Évidemment ça m’a un peu énervé parce que moi je n’ai jamais fait la une du Monde des livres mais j’ai quand même été content pour lui. Parce que s’il y a bien un fils de pute d’écrivain qui mérite de figurer en une du Monde des livres, c’est bien lui.
Faut que je vous raconte Steve.
Un jour, ma fiancée est rentrée à la maison avec des livres. Vu qu’elle était libraire, ce n’était pas étonnant. J’ai parcouru le tas, à chier, illisible (voir plus haut) jusqu’à tomber sur ce qui n’était pas encore un livre mais un jeu d’épreuves, sans couverture, sans rien, avec seulement le titre et le nom de l’auteur : “Une partie du tout” de Steve Toltz. Traduit de l’australien.
Inconnu au bataillon.
Plus de huit cents pages.
Le jour d’après, je ne sais plus pourquoi ni comment, j’ai commencé à le lire. Quand je l’ai fini, sonné, conquis, étourdi, amoureux, je suis allé demandé à Google c’était qui ce petit con qui avait écrit ce chef-d’œuvre absolu ?
Et là j’ai appris que le Steve en question était juif – ça, avec un génie pareil, je m’en serais douté – qu’il avait vécu à New-York, à Barcelone, à Vancouver – à ce moment, j’ai senti comme un début d’érection – et qu’il habitait désormais à Paris.
Et là, j’ai fait un truc que je n’avais jamais fait que je ne referai plus jamais, je suis allé sur son site personnel, j’ai récupéré son adresse mail, et comme un abruti de fan, je me suis fendu d’un petit mot pour lui dire que son livre n’était pas trop mauvais.
Quelques jours après il est venu dîner à la maison et bon le reste ne vous concerne pas (non, malgré son envie pressante, il n’y a rien eu de sexuel entre nous. Avec ma fiancée non plus)
Son deuxième roman, celui qui fait la une du Monde des livres, putain tout cela parce qu’il est australien tandis que moi…, vient de sortir sous le titre “Vivant, où est ta victoire ?”
Je l’ai lu cet automne mais en anglais.
Je n’ai pas tout compris mais ce que j’ai compris c’est que Steve lui avait tout compris à la littérature.
Alors, et c’est un conseil que je vous donne, commencez à lire “Une partie du tout” puis enchaînez avec “Vivant, où est ta victoire ?”
En fait ce n’est pas un conseil, c’est un ordre.
Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true
Merci, ô Prescripteur peu rancuneux, mais rêche et rogue. On dirait presque l’instructeur de Marines dans le film de Stanley Kubrick, « Full Metal Jacket ». Alors : « Yes, sir ! »
Encore que l’on reste un peu sur notre faim : votre « Steve lui [a] tout compris à la littérature » est un viatique alléchant, mais assez sibyllin. Ah bon, vous attendez que les dociles aient succombé à votre sommation ? Qu’il aient lu « Une partie du tout », et dans l’immédiate foulée, « Vivant, où est ta victoire ? ». Le viatique, alors, n’aura besoin d’aucun développement de votre part, c’est ça ? Quand relevez-vous les copies ?
Car neuf cent cinquante-quatre pages (en Belfond broché) sans souffler, bien sûr c’est grosso modo deux cents pages de moins que « La Guerre et la paix » de Tolstoï, mais enfin, c’est du lourd ! Ajoutez qu’on pourrait essayer du Shakespeare, pour s’aérer entre les deux chefs-d’œuvre de Steve Toltz et – sauf si le Shakespeare choisi se révélait moyen et donc, qu’on lise à vive allure –, il ne faudrait pas que vous reveniez à l’Australien trop tôt. On ne serait pas prêt. La seule issue serait de lancer un décisif : « Toltz, c’est inégal ».
Bon, on va chercher de la thune. Et merci, hein.
Ça me fait penser à ce Bolano que je n’ai toujours pas lu, que le premier qui a lu tous les livres de sa bibliothèque me jette la première pierre, les écrivains ne sont pas admis. Il y avait un papier qui montrait ce mec tout pouilldé essayer de refourguer sa poésie à un éditeur français, le truc invendable alors que d’autres avec des capes en or se masturbent sur des chapeaux pointus, le ridicule devrait tuer. À part ça je vois une net différence entre l’honnête d’un livre et la ligne éditorial d’un blog… Ni plus, ni moins. Alors je vais me procurer ces livres pour plus tard, peut être.
Nico: nette et éditoriale .
Crève charogne.
Hi ! Hi!
L’expérience est une fortune d’une personne. Quand l’écrivain a beaucoup expériencé,il peut jetter plusieurs lumières nouvelles sur une question. Chaque personne a son jugement sur un livre.D’après moi, une bonne livre se donne souvent des questions sur nous. J’aime lire les romans sur la vie d’ écrivain,parce que nous peuvons avoir notre nouvelle comprehension sur les qestions da la vie normal et da la société. À mon avis,plus de livres on lire,plus on connaître le monde.