Pour ceux qui pensent comme moi que Dieu a un frère et que ce frère se nomme Bob Dylan, la sortie ces jours-ci du dernier volume des Bootleg Series, The Cutting Edge, représente comme une offrande miraculeuse et inespérée dont l’écoute nous donne envie de retomber en Dylanie pour ne jamais se réveiller.
Consacré à la trilogie triomphante Bringing It All Back Home, Highway 61 Revisited, Blonde on Blonde, triptyque fabuleux s’étalant de janvier 1965 à fevrier 1966 où, en l’espace de quelques mois, Dylan se réinvente en fracassant tous les codes de la musique contemporaine, ce volume, le dernier de la série, nous ouvre les coulisses des enregistrements de ces trois albums fondateurs qui d’une certaine façon, à eux seuls, suffirent à changer la face du monde.
Il y aura un avant et un après cette trilogie insensée comme il y eut un avant et un après les Illuminations rimbaldiennes, un avant et après les dérèglements romanesques de Faulkner magnifiés par le Bruit et la Fureur ou Absalon, Absalon !, cette sorte de condensation artistique où soudain se cristallise l’essence même du génie qui, après avoir cherché sa voie, tâtonné, subi les influences de ses prédécesseurs, accède à sa propre lumière, conquiert sa propre vérité, crée son propre mythe.
Et quel bonheur de pénétrer ainsi par effraction dans les studios mêmes où Dylan, sans en avoir forcément conscience, joue à l’apprenti-sorcier et jette les bases d’une révolution musicale dont les secousses se font encore ressentir.
Dans un joyeux désordre s’enchevêtrent pêle-mêle morceaux inédits, chansons en train de s’écrire, versions différentes des classiques à venir, variations musicales explorant le champ des possibles, accouchement en direct de splendeurs à l’état brut, échantillons de dialogues entre musiciens ou producteurs, construction encore à l’état d’ébauche du Troisième Temple devant lequel bientôt viendront s’agenouiller des millions de fidèles, avènement messianique d’une nouvelle féerie musicale prête à réenchanter l’univers.
Tout est là.
Tout palpite du bouleversement qui s’annonce.
Tout laisse entendre les cymbales d’un monde nouveau, d’un monde neuf en train d’éclore, de la naissance d’un opéra fantastique confiné encore entre les quatre murs d’un studio d’enregistrement mais qui bientôt scandera les modes à venir, les nouvelles façons de penser, de dire, de chanter les mutations et les convulsions incandescentes d’une époque prise de fièvre et éprise de changement.
Même si, contrairement à ce que les livres d’histoire ont voulu nous faire croire, Dylan n’a jamais été que son propre prophète, jamais celui d’une génération, ce qui l’aura protégé des vicissitudes et des trahisons du temps.
Dans ces Bootleg Series, Volume 12, on le voit gravir son Sinaï à lui, façonner ses propres Tables de la Loi, bâtir les fondations d’un monde où commencent déjà à danser les visions de Johanna, les fantômes de Shakespeare en chaussures pointues, l’adieu à Angelina, les tambourins de la douce Marie, et toujours, immense, éternelle, intemporelle, cette roue de la désolation qui va illuminer la grande nuit dylanienne s’apprêtant à recouvrir la Highway 61 et ses trains fantômes.
Tout Dylan est là.
Les dés sont en train d’être jetés, les pierres roulent de la montagne où Moïse chausse ses lunettes noires avant de rapporter les dernières nouvelles de l’Éternel, le monde peut retenir son souffle, les Veaux d’Or ne valent plus rien, les fausses idoles vont être brûlées, Dieu a enfin désigné son Messie : Dylan est presque prêt.
Le Sauveur va descendre parmi nous.
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bonjour
J’ai toujours pensé qu’il y avait une analogie forte entre Moise et Dylan.
2 sauveurs proclamés par tous, sauf eux.
“Mi ANOKHI” demande Moise à D.ieu, quand celui-ci lui demande de sortir son Peuple d’exil:
– “Qui suis-je, moi?”
ou encore traduit par:
– “Qu’ai-je avoir avec eux?”
Dans ses 1res Chroniques, Dylan se pose exactement les mêmes questions.
Moise finira par accepter son destin
Dylan continue, comme s’il attendait d’accomplir enfin sa destinée, inlassablement tournées après tournées, albums après albums.
Aujourd’hui le monde a besoin d’être consolé, merci M.Dylan d’accepter votre rôle.
Il est encore temps