Je suis climato-je-m’en-foutiste


Rien ne va plus.

La fin du monde approche.

Les océans gonflent, les cours d’eaux débordent, les villes disparaissent sous l’effet cumulé de la fonte des glaces et de la montée des mers, les cieux sont froncés de nuages gorgés de pluie glacée, les plaines s’assèchent, les campagnes se dessèchent, voici venu le temps de l’Apocalypse.

Et moi, couillon d’entre les couillons, ivre de ma propre insignifiance, je reste là les bras ballants, assistant au grandiose spectacle d’une humanité occupée à se suicider dans le vacarme d’une Nature suppliciée par la main même de l’homme.

Pitié !

N’en jetez plus.

Je n’en peux plus de de cette incantation de discours les plus alarmistes les uns que les autres, de ces flots d’études nous promettant le pire, de ces prophètes de malheur prédisant l’agonie du monde, de ce Cassandre d’opérette, hier guignol à la télévision ou vendeur de produits douche, qui se prend désormais pour la Conscience du genre humain et crachote à longueur de journée de bien funèbres sermons nous rappelant à nos responsabilités ; cette injonction à agir, là maintenant, tout de suite, dans la minute, faute de quoi nous deviendrons en conscience les assassins de nos propres enfants.

L’homme ne pense plus, il prédit.

Il regarde dans la boule de cristal de ses graphiques thermiques, il fouraille l’anus du monde, il scrute les vingt-mille lieux sous les mers, et ce qu’il voit, mon dieu, c’est horrible, c’est atroce, c’est une pierre tombale vaste comme la terre, c’est la Fin, la Fin de tout, de moi, de vous, du genre humain, de cette aventure commencée il y a des millions d’années et qui s’apprête à rentrer dans la Grande Nuit de son Inexorable Déclin.

Oui, le niveau des océans augmente, oui la planète se réchauffe, oui les glaciers fondent- oui, oui, et encore oui – oui, il serait plus avisé de prendre des mesures contraignantes pour tenter d’abaisser notre production de gaz carbonique, oui l’homme abîme la nature comme il l’abîme depuis le jour de sa naissance, oui il est grand temps de changer notre rapport à la Terre, cette mère qui nous nourrit et nous abrite et envers laquelle il nous arrive de nous montrer bien ingrat quand bien même nous n’avons jamais signé de bail avec elle.

Et il incombe au politique de donner le tempo.

Mais de grâce cessez donc avec ce catastrophisme niaiseux, acné d’une pensée réduite à sa plus simple expression !

Je n’ai guère de tendresse envers le genre humain en général mais s’il y a bien une chose dont il faut rendre crédit à l’homme, c’est son extraordinaire capacité à affronter les défis proposés par sa présence sur cette terre, c’est son génie à chaque génération recommencée de trouver des solutions à des problèmes qui hier encore semblaient insolubles, c’est son pouvoir de se réinventer et de créer par lui-même les conditions de sa survie.

Le génie humain est infini.

Il trouvera toujours des solutions idoines pour se sortir de situations inextricables, il cheminera à travers les âges grâce à la parfaite et merveilleuse orchestration de son cerveau, rien ne pourra l’arrêter dans son désir de se perpétuer jusqu’à la fin des temps.

Il a relevé d’autres défis dans le passé, il relèvera celui du dérèglement climatique et de ses conséquences.

L’essence même de l’homme n’est pas de se projeter dans un avenir où il ne sera pas physiquement présent ; lui demander de le faire, c’est aller contre lui, c’est exiger de lui des efforts qu’il ne peut ontologiquement produire, c’est nier son caractère fini quand bien même se plaît-il à penser qu’il continuera à vivre par le biais de sa descendance, laquelle ne peut s’envisager à l’aune des siècles ou des millénaires prochains.  

Je n’entends pas vivre pour l’avenir.

Je vis dans mon présent, dans ma propre temporalité, pas dans celui de mon futur que j’occuperai à tourner en rond dans ma tombe.

Je ne me sens aucune responsabilité vis-à-vis de l’homme de demain.

Peut-être parce que je n’ai pas d’enfants, que je n’ai pas voulu en avoir, ne voulant lui infliger le poids de vivre une existence placée à tout jamais sous le signe de l’arbitraire, de l’absurde, d’un chaos métaphysique bien trop lourd à supporter pour une chose aussi fragile qu’un simple être humain.

J’ai hérité d’un monde que je n’ai pas choisi.

Ce monde-là n’était pas bien beau.

Les hommes avaient failli comme jamais ils avaient failli dans l’Histoire, ils étaient tombés si bas dans le ravin de la barbarie, cette sorte de génie inversé, que bien souvent il m’a semblé que le genre humain s’était trop compromis pour lui accorder ma clémence.

Et, malgré tout, j’ai dû apprendre à vivre et à composer avec lui.

Encore aujourd’hui j’apprends.

Je fais ce que je peux.

Vivre n’a jamais été un conte de fées.

Pas plus hier qu’aujourd’hui.

Pas plus aujourd’hui que demain.

Quand l’heure sera venue, je m’en irai et je laisserai à d’autres le soin de mener à bien leur combat personnel, ce sera à eux de jouer.


Ils se débrouilleront, j’en suis certain.

Réchauffement climatique ou pas.


J’ai confiance.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                               Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

18 commentaires pour “Je suis climato-je-m’en-foutiste”

  1. Quand on en aura fini avec le réchauffement climatique ils nous expliqueront que quelque chose déconne avec l’axe de rotation de la Terre et que c’est encore de notre faute !

  2. Qui donc hérite d’un monde qu’il aurait choisi ? Choisit-on dans le néant d’avant la naissance ? Serait-ce pourtant une raison pour céder aujourd’hui – pas au dix-neuvième, ni au vingtième, mais au vingt et unième siècle ! – à la vieille antienne du scientisme, qui vous fait écrire que le génie de l’homme « à chaque génération recommencée » lui fait « trouver des solutions à des problèmes qui hier encore semblaient insolubles » ? En êtes-vous bien sûr ? N’est-ce pas refiler à l’humanité prochaine la patate chaude ?

    À votre crédit l’on mettra la longue cascade des huit « oui » par laquelle vous reconnaissez – d’abondance, donc – que les hommes (outre le constat de leur chute profonde « dans le ravin de la barbarie ») sont des salopiauds de première, grands saccageurs de leur planète. On vous passera donc votre sortie sur le « catastrophisme niaiseux » qui vous accable et le savon passé au « Cassandre d’opérette, hier […] vendeur de produits de douche » – quoique la bonne volonté ne lui manque pas.

    Quant à se prendre « pour la Conscience du genre humain », sans doute accorderez-vous que beaucoup adoptent assez souvent cette position de surplomb, pour ne pas dire de transcendance… Quoi qu’il en soit, qui ne saisit que, déléguant aux savants actuels et futurs la charge de trouver « les solutions idoines pour se sortir de situations inextricables », « vous avez votre conscience pour vous », comme dit l’abstentionniste. Faire confiance à la science et voir venir : une option parmi d’autres.

  3. bonjour,

    pas très logique votre billet:

    ” je n’ai pas d’enfants, que je n’ai pas voulu en avoir, ne voulant lui infliger le poids de vivre une existence placée à tout jamais sous le signe de l’arbitraire, de l’absurde, d’un chaos métaphysique bien trop lourd à supporter pour une chose aussi fragile qu’un simple être humain.” et vous finissez par: “j’ai confiance”

    celà dit je ne crois pas plus à la responsabilité de l’homme dans le réchauffement climatique qu’à sa non responsabilité! je suis comme vous, je m’en fous et je vis égoïstement ma vie en essayant de profiter du temps qui m’est donné et c’est déjà pas si facile!

  4. Moi non plus je n’ai pas d’enfants et moi aussi j’ai confiance. Heureusement que nous sommes mortels quand même…

  5. Le climat ambiant est pourtant clairement passé de conservateur à réactionnaire. Aucun doute possible.

  6. Quelle vision anthropocentrée ! affligeant !

  7. sont toujours aussi cons les vieux cons ?

  8. “Je ne me sens aucune responsabilité vis-à-vis de l’homme de demain.
    Peut-être parce que je n’ai pas d’enfants”

    non non non, rien à voir les enfants, l’on ressent ça quand on est un vieux con.

  9. le caca nerveux de d’homme-blanc-privilégié qui trouve que sa pauvre vie de riche n’est pas facile et qui aimerait bien que les pauvres ferment leurs gueules quand ils souffrent.

  10. N’est ce pas un peu paradoxal de consacrer un papier à un sujet dont on se contrefout? Vous en contrefoutez vous vraiment? J’en doute.

  11. Je lis souvent vos billets et j’ai pris note de ce que vous voulez provoquer en chacun.

    Cependant, j’aimerais faire remarquer qu’au delà de l’esprit du culpabilisation lié aux “changements (et non réchauffement) climatiques” contre lesquelles on peut mener bataille à juste titre car ce n’est pas tant de la responsabilité du lambda que des gouvernement, il y a d’autres questions de fond à évoquer quand on est journaliste et qu’on a la chance de pouvoir “informer” les gens.
    La destruction de la nature est en grande partie dû à un sytème et à un mode de vie et de pensée qu’il faut sans doute revoir. Le capitalisme. On se rend compte, grâce à la science et à ne nombreux problèmes que l’on voit émerger déjà aujourd’hui, que ce système ne fonctionne plus et qu’il ne sera pas durable dans le temps.
    D’ailleurs j’insiste, ce futur n’est pas si loin, des gens aujourd’hui meurent ou vive dans des conditions misérables à cause de l’urbanisation, de la pollution, de l’individualisme, du changement climatique, de l’inégalité des richesses….Je ne hiérarchise pas ici ce sont des conséquences multiples de ce système défaillant. Si vous vous en foutez de vivre dans ce monde, pas moi. Si vous croyez que l’Homme peut faire mieux que ça, moi aussi.
    Mais je me demande, en tant que journaliste, contre quoi vous insurgez vous alors ? Lancez vous dans l’écriture de votre journal intime, mais ne faites pas des articles qui peuvent être dangereux car vide d’informations mais fort d’émotions.

  12. Oui! L’homme est génial et trouve toujours une solution (hahaha quelle vanité). C’est bien ce qu’il essaie de faire et ce serait tellement plus facile sans ces abrutis “climatos-je-m’en-foutistes, nombrilistes”, égoïstes, égocentriques qui malheureusement n’ont aucune imagination et profite du génie des autres. C’est tellement plus facile de pomper tout ce qu’on peut tel un parasite. Une chose est sûre, la solution ne viendra pas de l’abruti qui a écrit ce billet.

  13. L’homme a atteint un niveau de connaissance incroyable qui lui permet d’anticiper une partie importante des événements à venir. Cette capacité à prédire critiquée dans l’article est maintenant une caractéristique de l’homme dont il serait dangereux et insensé de se séparer. Nos ancêtres n’avait pas conscience de ce que pouvait provoquer la consommation de tabac ou de viande rouge, que l’industrialisation et la pollution globalisée provoqueraient des dérèglements planétaires dangereux pour la survie de l’espèce : aujourd’hui nous le savons et nous devrions adapter notre mode de vie en conséquence. Ce pouvoir de connaître de plus en plus de conséquences de nos actions avant de les commettre nous donne plus de responsabilités, que nous ne devons pas renier comme vous le faite mais assumer.

  14. C’est bien joli mais le processus d’adaptation ne va pas se dérouler seul, par une volonté saint esprit extérieure à l’homme. Avoir confiance n’empêche en rien d’agir. Il y a un trou dans votre pensée : celui de la responsabilité.

  15. Je trouve (relativement) courageux de la part de Slate de publier cet article, qui représente beaucoup de gens. Ce point de vue sur le climat est malheureusement celui de beaucoup de personnes (pas moi…). Question à l’auteur concernant son ras-le-bol des “discours alarmistes” (!!!) : quand un de tes proches est admis à l’hôpital pour une maladie lourde, n’es-tu pas alarmé ? Vas-tu tout refouler en toi, pleurer en silence, et laisser la maladie l’emporter ? Si telle est ta posture, c’est dommage. La terre est belle et vaste, mais elle est malade, mon ami. Et non, tu n’es pas un simple individu. Tu appartiens à une lignée dont nous faisons tous partie, et qui a déréglé un équilibre. Tenir ce discours, c’est s’extraire de cette lignée et promouvoir un individualisme assumé symptomatique de notre temps. Si tu ne souhaites pas penser aux enfants que tu n’auras pas (choix totalement légitime), penses à ceux des autres. A bon entendeur

  16. Le cynisme, ça pue la merde, c’est fatiguant.

    Ce genre de discours, ça m’énerve, parce que se déresponsabiliser (on vous demande pas de trouver une solution, visiblement vous n’êtes pas qualifié pour), conduit les masses à attendre un homme providentiel, qui sauvera le monde de sa perte, et ça conduira plus tard à accepter les restrictions de libertés d’un régime totalitaire qui promettrait ce sauvetage. En gros avec des gens comme vous, la démocratie, ça vaut rien.

    Oubliez la société, si vous voulez pas vivre dedans, mais rappelez-vous que oui, vous êtes responsable, en allant acheter vos fringues chez Zara, faire vos courses chez Auchan, jeter toutes vos merdes dans la même poubelle en vous disant “Boarf, pour ce que ça change…”

    Vous êtes libre de penser et d’écrire ce que vous voulez, c’est ça qu’il y a de beau avec la liberté d’expression, mais ne vous croyez pas plus intelligent que la moyenne avec votre je-m’en-foutisme, vous valez pas mieux que ceux qui votent FN.

    Respectueusement.

  17. Écrire est utile quand c’est justifié. Je cites donc Gilles Lipovesky dans l’ère du vide :
    “Sous couvert de modernité, l’essentiel n’est-il pas en train de nous filer entre les doigts ? À vouloir rabattre, selon une sacro-sainte tradition marxiste, le narcissisme sur la “banqueroute” du système et l’interpréter sous le signe de la “démoralisation”, ne fait-on pas la part, encore trop belle, d’une part à la “prise de conscience”, d’autre part à la situation conjoncturelle ? En fait, le narcissisme contemporain se déploie dans une absence étonnante de nihilisme tragique; c’est dans une apathie frivole qu’il apparaît massivement, en dépit des réalités catastrophiques largement exhibées et commentées par les media. Qui, à l’exception des écologistes, a la conscience permanente de vivre un âge apocalyptique ? La “thanatocratie” se développe, les catastrophes écologiques se multiplient sans pour cela engendrer un sentiment tragique de “fin du monde”. On s’habitue au déchirement au “pire” que l’on consomme dans les media; on s’installe dans la crise qui, semble-t-il, ne modifie guère les désirs de bien-être et de loisirs. La menace économique et écologique n’a pas réussi à pénétrer en profondeur la conscience indifférente d’aujourd’hui; il faut s’y résoudre, le narcissisme n’est en rien l’ultime repli d’un Moi désenchanté par la “décadence” occidentale se jetant à corps perdu dans la jouissance égoïste.”

  18. Toutes les époques sont apocalyptiques. Toutes. Depuis le début de la création et jusqu’à sa fin. Le reste n’est qu’une façon de passer le temps.

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