Le monde me déborde


Parfois, et même de plus en plus souvent, ce monde me dépasse, me déborde, me dévaste.

Il est bien trop grand pour ma modeste personne.

Bien trop complexe au regard de mon intelligence limitée.

Et il va trop vite, beaucoup trop vite, s’éparpille dans toutes les directions, m’assaille de toutes parts, m’interroge, me questionne, finit par me donner le tournis.

La question des réfugiés, la montée des océans, la progression des populismes, les replis identitaires, la découverte de nouvelles planètes, la démographie galopante, la crise, partout la crise, toujours la crise, auxquels viennent se rajouter sa petite vie à mener, le combat quotidien pour se maintenir à flot, le chat qui vieillit, mon père qui ne rajeunit pas non plus, moi même qui ne suis plus de la toute première jeunesse.

Vertige.

Sans oublier les assauts de questionnements métaphysiques qui n’ont jamais cessé de me tarauder depuis l’adolescence, tout cela a-t-il donc un sens, tout cela a-t-il jamais eu un sens, quelles forces peuvent donc mouvoir ce sublime mécanisme terrestre, le monde d’après existe-t-il et pourrait-il être pire que celui-ci ? 

Ressac de questions infinies qui se superposent à celles bien plus prosaïques engendrées par ces flux d’actualités qui, déboulant de toutes parts désormais,  à chaque seconde de votre existence, vous obligent à vous confronter à des problèmes dont la complexité vous laisse désemparé, démuni, incapable que vous êtes de penser le monde dans sa globalité sans se rendre compte de l’impossibilité de la tâche.

Ce monde avec sa cohorte de drames, de guerres, de désastres, de famines, de sécheresses, de maladies qui vient frapper à votre porte, directement chez vous en temps réel et vous somme de prendre parti, d’être pour ou contre, de vous situer dans tel ou tel camp sans vous laisser l’occasion de reprendre votre respiration.

Ces millions de femmes et d’hommes plongés dans des situations impossibles qui d’un seul coup vous font prendre conscience de l’incroyable chance qui est la vôtre de vivre dans un pays riche et industrialisé, et en même temps ne manque pas de vous culpabiliser, tant le contraste entre votre vie douillette et les leurs vous apparaît comme insupportable.

Trop d’écart.

Votre impuissance à les aider autrement que par des actions symboliques qui, si elles soulagent votre conscience, demeurent sans effet sur les racines du mal tant elles plongent dans des terreaux multiples et imposent des solutions à grande échelle, étrangères à votre seule volonté.

L’incroyable complexité d’une époque qu’on devine en train de s’achever, cette période née au lendemain de la seconde guerre mondiale et qui aura permis à l’Occident de prospérer, de vivre grassement des décennies durant, sans se soucier un seul instant d’autres continents qui dans le même temps s’enfonçaient dans la misère la plus radicale.

L’impression de se retrouver soudain à un tournant, d’être propulsé dans le chaos de la grande Histoire, d’être rattrapée par elle, de pressentir d’une manière confuse et pourtant bien réelle que l’heure de vérité a sonné, que les grands équilibres sont en train de vaciller sur leurs socles, que les années à venir s’annoncent sombres et incertaines comme jamais.


En même temps, samedi soir, Saint-Étienne s’en est allé battre Montpellier.


Il y a toujours des raisons d’espérer.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

3 commentaires pour “Le monde me déborde”

  1. Ben non, justement, la Syrie (puisque les gens affluent en Europe surtout de Syrie) ne souffrait pas de “misère radicale” avant la guerre civile. Je suis prêt à parier que le niveau de vie y a davantage progressé entre 1945 et 2005 qu’en France.

    Ce que l’actualité nous rappelle, c’est que l’Histoire n’est ni monotone, ni continue. Ce qui explique l’incertitude.

  2. Quand l’immense complexité des soubresauts et basculements du monde nous dépassent, se rasséréner avec une victoire de son club préféré de Ligue 1, cela réconforte. Imaginons pourtant que vous pensiez utile (et juste !) de gratter la mauvaise conscience qui vous démange, car le petit plaisir sur quoi se ferme votre billet de haute volée et, dans sa substance, si dense, doit vous tarauder un tantinet. Imaginons que vous ayez retenu vos mains au-dessus du clavier ; songez que le déluge héraultais vous eût fourni un moyen sûr et opportun de mettre sous l’éteignoir la guillerette la victoire stéphanoise, non ? Car ces Verts, n’auraient-ils pas bénéficié d’un avantage météorologique et moral indubitable sur les Montpelliérains ? Saint-Étienne, elle, n’a pas essuyé les trombes d’eau et les dommages subséquents ! N’est-ce pas un signalé avantage ?

    Vous voyez, vous commencez à cogiter : les Verts n’auraient-ils pas extorqué la victoire à une équipe torturée par la peur des sinistres domestiques et urbains les guettant ? Cela ne rendrait pas un peu moche ce 1 à 2 ramené en fanfare dans cité de la célèbre Manufacture des armes et cycles ? Cela ne vaudrait-il pas que les Verts et donc, vous-même baissiez votre ton d’un ton, et le pavois, de quelques centimètres, non ? Vous voici soudain tout penaud ; vous commencez de regretter la chute triomphale de votre billet, n’est-ce pas ? Allez, lâchez-vous tout à fait, joignez quelques-unes de vos larmes aux flots boueux qui salirent la lumineuse ville de Montpellier et, peut-être, détériorèrent la pelouse du stade de La Mosson. Êtes-vous soulagé ? Pas assez ?

    Un chèque ou un virement au club de Montpellier, comme modeste participation aux soins du gazon endommagé, ce serait un geste apprécié. Vous y songiez ? À la bonne heure. Vous voyez, quand on veut.

  3. Merci.

    C’est exactement ce que je ressens. Le débordement.

    Presque l’envie physique de vomir, tellement tout est trop. La tristesse, le glauque, l’inhumanité, l’injustice, le manque de chaleur, le cafard, la culpabilité, l’avenir.
    Et pourtant je suis d’une nature ultra positive. Mais là, ça fait 2 mois que ça descend en flèche. Manquait plus que le dernier clip de Stromae – qu’on ne remercie pas – pour nous achever.

    En tous cas, merci, car votre texte m’a fait beaucoup de bien.
    Lucie

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