Viens danser la pop avec Belle and Sebastian

                                                                                                                                                                                                                                                           Pour l’effaré de service qui se demanderait mais qu’est-ce qui lui prend à l’autre atrabilaire à venir nous bassiner avec un billet sur une série de télé canine archi-datée, je lui demanderai bien gentiment de quitter ce blog et d’aller consulter son vétérinaire.

Les autres qui auront reconnu la voix de leur maître peuvent rester.

Merci.

Donc Belle and Sebastian.

Formation musicale née dans les faubourgs de Glasgow au milieu des années quatre-vingt dix.

Spécialisée dans la musique de chambre pour adolescents attardés qui passent leurs journées à contempler leur plafond en se disant que la vie est mal faite.

Auteurs de chansons donnant envie, c’est selon, de se pendre ou de se noyer (si possible par une matinée pluvieuse, un jour férié, à l’heure de la mousson) ou d’écrire de longues épîtres énamourées à des damoiselles qui vivent en secret, dans le repli de pages de romans mouillés de leurs larmes.

L’écoute prolongée de leurs disques peut aussi provoquer des envies de pratiquer la génuflexion à haute dose, de s’en aller brûler des cierges dans l’église désolée de la campagne d’à-côté, de se scarifier l’âme à coups de poèmes tranchants et de s’enivrer de nuages de thé venus de Chine.

Bref, et là aussi c’est selon, c’est le groupe le plus emmerdant de la terre depuis la  création de l’univers voire même avant, OU le plus grand groupe de la terre depuis l’extinction des Smiths.

La quintessence même de la musique pop, déclinant des chansons intemporelles, mélange parfait de délicatesse et de mélancolie, de désespoir joyeux et de légèreté crépusculaire, pleines d’une tendresse désespérée capable de vous consoler le cas échéant de l’ennui ineffable d’être en vie.

Enrobées de mélodies suaves, évanescentes et éthérées, donnant l’impression de flotter dans un univers tristement urbain, sauvé par l’apparition miraculeuse d’une fleur s’épanouissant à l’ombre d’une bibliothèque désolée située à la périphérie de la ville.

Entre la rue François Truffaut et le boulevard Jacques Demy.

A l’intersection de l’avenue Emily Dickinson et de l’impasse Sylvia Plath.

Du moins ça c’était vrai avant.

Avant la sortie de leur dernier album, Girls in Peacetime Want to Dance, dans lequel le groupe écossais, sponsorisé jusqu’à alors par des grandes marques d’antidépresseurs de dernière génération, semble dire au revoir aux jeunes filles en fleur qui se languissent d’ennui dans les couvents de leur cœur au profit de créatures électriques hantant les pistes de danse de leur amours électro-pop.

Autant l’avouer d’emblée depuis que je l’écoute en boucle, je ne suis plus le même.

Je me surprends à danser sur mon lit, à essayer de toucher le plafond avec le seul cheveu qui me reste, à taper dans mes mains comme un acrobate ahuri, à sautiller sous ma douche, à rouler un patin à ma concierge, à déchirer ma chemise pour mieux laisser mon corps s’exprimer, à m’essayer au grand écart tout en toupillant sur moi-même.

A ressortir ma panoplie des années quatre-vingt quand, au son de Dépêche Mode et de Human League, je terrorisais toutes les boites de nuit de la planète par mes gesticulations de clown autiste mimant l’allure frénétique d’un boxeur psychotique se livrant une bataille acharnée contre lui-même.

Voire à échanger ma cargaison de Valium contre une caisse de Red Bull que je m’enfilerai en intraveineuse.

Il y a des synthés qui jaillissent comme des fontaines de jouvence, des boites à rythme qui disjonctent au quart de tour, des batteries qui s’attrapent des crises de tachycardie, des orgues qui barbarisent des mélodies survitaminées, des guitares atteintes de torticolis, des odes  à la joie, des envolées lyriques capables d’enflammer les stades du monde entier.

C’est frais, c’est jeune, c’est rafraîchissant et euphorisant comme une pluie d’été après la canicule, c’est savamment orchestré, rondement produit et articulé, c’est une surprise totale et radicale, c’est une vraie renaissance, c’est une fête de la musique à jamais recommencée, ça vibre, ça pulse, ça gicle, ça dégoupille, le boy est passé à la trappe, moi et le major pouvons aller nous rhabiller : les chevaux cavalent désormais sur les rêves de Judy. (Si vous n’avez pas compris la dernière séquence, c’est normal)

Les Ailes du Désir en 3D, Verlaine sous les Spotligths et Rimbaud à la plage.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      C’est complètement inattendu et c’est parfaitement réussi.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    Roulez, roulez jeunesse, la vie n’a jamais était aussi Belle.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est  par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

8 commentaires pour “Viens danser la pop avec Belle and Sebastian”

  1. D’accord à 100% et un grand merci pour l’info de ce nouvel album. Cet extrait me donne envie d’en entendre plus.
    Joie!!

  2. Intéressante chronique musicale… pour moi Belle and Sebastian est un groupe majeur, mais qui s’arrête complètement après “Dear Catastrophe Waitress”. Les 3 premiers albums sont des monuments, mais après tout est fade, ennuyeux, répétitif. Cela ne m’a pas empêché d’aller les voir en concert en juillet dernier et passer un moment fantastique. Enfin, j’ai survolé le dernier album qui ne m’a pas plu, mais quand je lis les commentaires dithyrambiques de M. Sagalovitsch… je vais y retourner !

  3. Sombre journée : découvrir que vous avez pu apprécier Dépêche Mode ! Dites-nous carrément que vous préférez les chiens aux chats, que vous aimez les nombres pairs, le cassoulet et les voyages en club !
    Je comprends qu’on écoute ce genre de musique simplifiée, ça fonctionne effectivement… mais de là à en faire un concept : c’est du foutage de gueule !
    Vous savez ce que c’est la musique ?????
    Ça vous dit quelque chose Mozart ? Thelonious Monk ? Paco de Lucia ? ils ont fait tout ça pourquoi hein ? Pour que vous glissiez dans votre douche sur deux notes jouées au synthé ????
    Allez au boulot on se cultive !!! Il vous reste 40 ans, c’est jouable.

    (je décide dès à présent que je ne regarderai pas les réponses affligeantes qui me demanderont qui je suis pour…)

  4. PS : je viens d’écouter le morceau : beurk.

  5. À bilieux, bilieux et demi. Et non ! Parfois, même ceux qui ont la bile destructrice savourent quelque répit. Ils ont beau aimer les tangos de Carlos Gardel, les valses de Johann Strauss ou les chansons interprétées par Damia, ces atrabilaires-là éprouvent du plaisir à apprendre que de bien plus jeunes qu’eux – quoiqu’ils soient encore loin de menacer le record de longévité du vénérable Mathusalem – partagent des joies musicales différentes des leurs. Il faut de tout, trois points de suspension…

    Mais enfin, pour les fumeurs repentis, le refrain de « Du gris » chanté par Damia, ça fait quelque chose : « Du gris que l’on prend dans ses doigts/ Et qu’on roule/ C’est fort, c’est âcre comme du bois/ Ça vous saoule/ C’est bon et ça vous laisse un goût/ Presque louche/ De sang, d’amour et de dégoût/ Dans la bouche ». Les danseurs aux petons toujours frétillants, attaquent « Le beau Danube bleu ». Et les sénescents dingues de tango argentin, leur meilleure oreille tendue vers le gramophone, frôlent l’indigestion de « El día que me quieras ». Oui ! Vieilles et vieux – pardon : seniors – espèrent encore qu’une personne, un jour, finira par les aimer.

    Et vive la zizique popu !

  6. Il ne vous reste plus qu’à voir le film de Stuart Murdoch “God help the girl”

  7. A qui le dites vous : https://blog.slate.fr/sagalovitsch/2012/01/23/belle-and-sebastian-compte-sur-nous/

  8. Oups! Pardon!

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