Nul en orthographe et fier de l’aitre

                                                                                                                                                                                                                                                        De temps à autre, il arrive que certaines personnes plus ou moins bien intentionnées m’avertissent d’une faute d’orthographe ou de grammaire ou des deux réunies que j’ai pu commettre lors de la rédaction d’un post, et me somment de la corriger faute de quoi ils avertiront en référé la Garde des Sceaux.

Parfois, bonne poire, j’en tiens compte et je rectifie l’erreur et d’autres fois je laisse la faute vivre sa vie de passagère clandestine.(Comme dans le texte de présentation à votre droite)

L’expression de ma nature rebelle, que personne jusqu’ici n’a jamais réussi à dompter.

Mais aussi comme un rappel à l’ordre que je permets de t’adresser Ô intraitable lecteur.

C’est que vous ne pouvez exiger d’un malheureux gratte-papier travaillant tout seul dans son coin de livrer un papier vierge de toute incorrection.

Dois-je vous rappeler, messieurs les censeurs prompts à vilipender à la moindre occasion le bloggeur solitaire, que dans la presse dite traditionnelle, et la plupart du temps payante, il existe à cet effet toute une classe de gens dont l’unique et impérieuse mission consiste à traquer les inévitables fautes commises à longueur d’article par les journalistes maison ?

On les nomme secrétaires de rédaction, ce sont des diplômés de haut-rang et ils sont aussi essentiels à la bonne marche d’un journal que les vigies dans un trois-mâts. Ou qu’une correctrice dans une maison d’édition sans l’intervention de laquelle vous achèteriez des romans illisibles, un écrivain n’étant pas forcément un grammairien émérite.

Seulement ces gens là ne sévissent plus, et c’est bien dommage, sur les sites d’information.

Surtout sur ceux qui vous sont offerts sans que n’ayez bourse à délier, n’est-ce pas ?

Et même si une âme charitable s’esquinte les yeux à traquer mes fautes avant que je ne mette en ligne mon dernier article, il subsiste parfois des fautes.

Auxquels cas cette dernière passe un bien mauvais quart d’heure et ne peut sortir de sa chambre où je la tiens enfermée sans avoir révisée de fond en comble et son Bescherelle et son Littré et son Robert.

Quant à moi, je l’avoue, je suis irréductiblement sourd à l’orthographe, rétif à la grammaire, inapte au bon usage de la langue française que je martyrise avec la délicatesse d’un bûcheron polonais.

Je commets des fautes à la pelle.

Je ne m’accorde sur aucun accord.

Je laisse les accents graves, aigus, circonflexes se livrer à un total dérèglement des sens.

Je mélange les temps, je confonds les participes, je joue à la pelote basque avec les verbes irréguliers, je laisse prospérer des déclinaisons sauvagement erronées, j’entrelace des terminaisons contraires, j’autorise des mariages défiant les règles élémentaires de la grammaire traditionnelle, je martyrise des verbes irréguliers, je maltraite des adjectifs invariables, je cingle des adverbes utilisés à tort et à travers, je provoque des carambolages meurtriers entre des mots orphelins de leur trait d’union.

Je devrais en avoir honte d’autant plus que j’ai été le fils d’une professeure de lettres classiques mais je plaide non coupable.

Je suis atteint d’une étrange maladie : je ne retiens aucun des usages propres à la grammaire française.

Je n’y peux rien.

Elles ne se fixent pas dans mon cerveau.

Elles glissent sur moi comme une sardine sur le dos d’un dauphin.

Ma correctrice a beau me rappeler pour la centième fois les règles mises à l’œuvre dès lors que le complément d’objet direct précède un verbe intransitif surtout quand le sujet de la phrase se tient planqué derrière le pronom circonstanciel, ses mots visitent mon esprit à la vitesse d’un chat poursuivi par une escouade de ratons-laveur déchaînés.

Sitôt entrés sitôt sortis

Je ne parviens pas à les mémoriser.

Ils procèdent d’une logique qui m’échappe.

Et quand bien même j’accèderais à leur règlement interne, à leur parfaite synchronie, à leur sublime ordonnancement, il me faudrait encore m’accoquiner avec les exceptions qui sont légions.

Trop pour un seul homme.

                                                                                                                                                                                                                                                                Je ne sais s’il faut réformer l’orthographe ou commencer par me réformer moi.

                                                                                                                                                                                                                                                      Dans les deux cas, je souhaite seulement bien du courage à celui qui s’y risquerait.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

14 commentaires pour “Nul en orthographe et fier de l’aitre”

  1. Il a toujours été en vogue, surtout chez des enseignants et notamment les années 1968 et suivantes, de prétendre l’orthographe discriminatoire. À ce titre, tout code le serait. Pourquoi pas ? Apprendre à maîtriser l’orthographe n’a rien à voir avec quelque police politique déguisée. Si tel était le cas, l’orthopédie, les multiples ortho- seraient une atteinte à la liberté… naturelle (?).

    Certes, les règles de la langue sont conventions. S’entend-on sans conventions ? Vit-on en paix sans conventions ? L’objection est qu’elles et toutes les normes existantes peinent à maintenir, dans nos sociétés, le monde, un infime minimum de sociabilité. Sans elles, ce serait pire, et même invivable.

    Certes encore (le der, promis), vos lecteurs ne peuvent « exiger d’un malheureux gratte-papier travaillant tout seul dans son coin de livrer un papier vierge de toute incorrection ». Et pourquoi non ? La solitude du gratte-papier n’implique pas la privation de livres, grammaires, dictionnaires… À cet égard, “Le Navire Argo”, roman de Richard Jorif (1987, François Bourin éditeur, Folio, n° 2040) est passionnant. Voici sa dédicace :

    « Aux derniers amants de la langue française est dédié ce roman-ci ».

    L’auteur y tient parole, dont le héros se forme seul au « Littré », transmettant ainsi au lecteur ce secret, jadis de Polichinelle mais en passe d’être oublié, que mots, grammaire, accords, figures de style – enfin, tout ce fatras sur quoi aujourd’hui trop crachent – sont un merveilleux instrument de transmission, et d’invention.

    Post-scriptum.- À la différence de beaucoup (trop) de gens, vos quelques fautes, que je m’astreins à taire, n’ont quasiment jamais de conséquences dommageables sur votre pensée, toujours saisissable.

  2. Et le respect dû à vos lecteurs ?

  3. Ayant les mêmes maux, je me reconnais dans vos mots, ou l’inverse.
    Merci

  4. Tu souffres de phobie orthographique?

  5. Des fautes, tout le monde en commet, moi le premier… de là à les revendiquer, à en être fier…
    Mais taisez-vousi, taisez-vous !
    Cesse d’écrire, faites un autre métier…

  6. “Je laisse les accords graves, aigus, circonflexes se livrer à un total dérèglement des sens.”

    Accents, pas accords. D’où l’intérêt de se relire, à jouer les rebelles pré-pubescents qui se jouent de l’ordre établi, on en laisse passer des erreurs qui dépassent le cadre prévu. Encore heureux que votre public soit suffisamment lettré pour voir par delà ces bêtises, globalement.

  7. Vous cernez très bien le problème. Il faut bien des êtres qui ne sont pas doués pour l’athlétisme; pourtant qui va s’amuser à leur rabâcher qu’ils ne courent pas vite, qu’ils n’ont pas la bonne technique pour sauter, etc.? Il en faut bien aussi qui ne sont pas doués pour l’orthographe. Comme vous le dites, il y a des professionnels pour passer derrière eux. Enfin… dans un monde idéal il devrait y en avoir, afin de s’assurer que tout texte est intelligible. Sur les sites internet d’information gratuits, évidemment, il n’y a pas de correcteurs. Autant on peut être légitimement agacé quand on paie un roman 18 euros et on y trouve des fautes. Autant avec l’info gratuite, la qualité de l’expression et de la langue est à l’avenant. Normal.

  8. @Puycasquier – jusqu’ici je lisais ce blog pour ses articles, depuis quelques temps je me demande si ce n’est pas plutôt pour vos commentaires ;-)))

  9. “je confond les participes” !!! ConfondS pas confond!!! C’est ouuuf!!!!!!!!!

  10. Il en va là d’une compétence professionnelle intrinsèque à votre métier de rédacteur, blogueur ou journaliste.
    L’incompétence n’a rien de rebelle : écrire un texte avec des fautes quand on est rédacteur est une carence, tout simplement.
    Conscient de cela, vous devriez vous atteler à la corriger. Comme dit plus haut, il en va aussi du respect de votre lecteur, et j’ajoute, de la compréhension de votre texte.
    Vous cacher derrière une attitude pseudo rebelle démontre plutôt d’une paresse certaine à apprendre les règles du langage.
    Enfin, les métiers changent, certains apparaissent et d’autres disparaissent suivant les époques. Se retrancher derrière celle des secrétaires de rédaction est pour le moins puérile.

    Les néologismes, jeux de mots et autres détournements du langage apportent la créativité et la modernité nécessaires à une langue vivante, encore faut-il être suffisamment rebelle et compétent pour en avoir l’audace.

  11. Ok je viens de lire la bio, je suis tombée dans le panneau, bien joué 😉

  12. @ Celine : puérile, puéril, Célin ?

  13. Un écrivain n’est pas un grammairien émérite. Plus que sûr.
    S’il s’hasarde à l’être il sera indigest des deux cotés.

  14. Il semble que mon fils soit comme vous ! Quelque part ça me rassure de voir qu’il n’est pas le seul. merci 😉
    Une maman désespérée quand son fils écrit “mes ils ne se fir aucun mal”

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