J’ai parfois cette étrange et déconcertante impression de ne pas appartenir à mon temps.
D’être déclassé.
De vivre hors de mon époque.
D’avoir un comportement en tout point archaïque, de me montrer réfractaire à l’idée même de modernité, freinant des quatre fers pour ne pas être emporté dans ce maelström de nouvelles technologiques qui déboulant de toutes part, à une vitesse souvent sidérante, me bousculent de trop et me malmènent.
Je vois autour de moi des amis ouvrir des comptes instagram, d’autres se servir de snapchat, certains recourir au sexting, la plupart s’épancher sur leurs profils Facebook ou échanger leur réflexions à coups de tweets et, les regardant évoluer de la sorte, je me demande, non sans angoisse, si j’appartiens au même monde que le leur.
Parfois je culpabilise.
J’ai l’impression d’être encroûté dans le passé, ancré dans une indécrottable nostalgie, incapable de saisir les enjeux et les défis de mon temps, impuissant à participer à cette nouvelle révolution s’accomplissant sous mes yeux ébahis.
Peut-être est-ce un sentiment normal voire même sain de se sentir étranger à son temps, en total décalage avec les évolutions qui nous étranglent de leurs fausses péripéties, tout ce ballet de petites merveilles technologiques dont on peine à saisir l’intérêt si ce n’est celui d’engraisser les nouveaux veaux d’or de l’industrie marchande.
Vivre ne devrait jamais aller de soi.
C’est une constante remise en cause qui exige de nous des trésors de volonté et d’abnégation, le défi sans cesse renouvelé de ne pas trahir nos idéaux personnels, de rester fidèles à ses rêves d’enfants, de prendre soin des gens qui nous entourent, de savoir l’éphémère de l’existence et tenter par tous les moyens de l’enjoliver pour qu’elle ne sombre pas dans la laideur du désespoir.
Je ne veux pas m’encombrer d’objets dont je ne comprends ni l’utilité ni l’intérêt.
Je me trimballe avec un vieux téléphone dont je ne me sers jamais, je ne me prends jamais en photo, je me sers d’un antique téléviseur juste pour visionner des films, lorsqu’il m’arrive, une fois l’an, d’avoir une idée, je ne m’empresse pas d’aller la partager sur des réseaux sociaux, il m’arrive même de passer des heures à ne rien faire, à force j’ai l’impression de vivre au ralenti.
Je ne cultive pas cette différence.
Je subis la modernité.
Je ne fais pas exprès de rester à quai.
Je ne suis animé d’aucune idéologie qui par principe s’opposerait à tout ce qui posséderait l’apparat de la nouveauté.
Ainsi j’éprouve une immense fierté à être le bloggeur le plus doué de ma génération, territoires d’outre-mer compris.
Simplement, je ne veux pas être entraîné dans cette sarabande folle qui tend à faire passer le superflu pour l’essentiel, à confondre la belle idée de progrès avec celle de l’immédiateté, à nous contraindre à nous comporter uniquement comme des consommateurs avides de se procurer la dernière imbécilité en vogue sans jamais s’interroger sur leur réelle nécessité.
Je vois des gens attendre le prochain modèle d’un téléphone cellulaire avec la même impatience fébrile qu’autrefois on guettait la dernière publication d’un philosophe essentiel.
J’assiste à des conversations passionnées tournant autour d’une application révolutionnaire permettant de connaître la fréquence de nos clignements de paupières ou de calculer le nombre de calories brûlées pendant notre sommeil.
Là où dans des temps pas si reculés, on se demandait encore si l’essence précédait l’existence ou si la mort de Dieu signifiait la liberté suprême.
Il faut être absolument moderne clamait Rimbaud.
Ce qu’il fit en tournant résolument le dos à son époque pour s’en aller conquérir des ailleurs exotiques et s’essayer à posséder la vérité dans une âme et un corps.
Vaste programme mais qui reste toujours d’actualité.
Du moins je l’espère.
( Et pour prouver que je ne suis pas irrécupérable, vous pouvez suivre l’actualité de ce blog par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true )
Ce que vous ressentez, et d’autres avec vous, n’est il pas commun à chaque génération, une fois atteinte par la limite d’âge (limite à définir) ?
Le temps ne se chargera-t-il pas de faire le tri entre les vrais progrès, et les conneries ?
Une chose est sure, la culture de l’immédiateté et du matériel progresse, et ça ça ne va pas dans le bons sens.
c’est comme dans tout, il faut savoir faire le tri.et ne nous plaignons pas d’avoir autant de choix ça ne va peut etre pas durer.
sinon, n’oublions pas les fondamentaux:
si à la Saint Valentin elle te prend la main.
vivement la Sainte Marguerite!
Enfin ! Touché par la fuite en avant, une balle n’aurait fait mieux ! C’est bon signe … (50 ans, still active)
M.Sagalovitsch, une petite neknomination et vous serez à nouveau dans le coup !
C’est juste qu’on ne se pose plus les questions de la même façon http://sciencetonnante.wordpress.com/2012/03/05/le-libre-arbitre-existe-t-il/ Époque passionnante!
Très juste. Si être “dans son époque” signifie renoncer à ce qui nous rend vivant, c’est triste et effrayant. Et c’est ce vers quoi on s’engouffre lorsque notre quotidien est rythmé par des posts, tweets et autres alertes du genre. Pas facile de résister. Surtout quand une majorité écrasante entretient cette idée qu’être 100% connecté, c’est être dans le coup, au coeur du progrès et des enjeux futurs. Pas si sûr. L’âge expliquerait-t-il votre sentiment d’être “déclassé”? Je ne pense pas. A 25 ans, je suis pleinement de votre avis.
salut à toute personne de plus de 50 ans,
a toute époque le monde change, nous sommes dépassé par l’ampleur du modernisme, il faut le prendre avec philosophie et ne pas avoir peur de demander de l’aide aux plus jeunes à chacun son époque
PS : je suis une femme qui adore le futur je pense que tout est possible et que l’homme dans sa globalité à tant à faire, il n’y a pas de limite alors faites le avec intelligence et bonne St Valentin
est ce que les caribous sont sur twiter?
N’est-on pas toujours le « dépassé » de quelqu’un ? Aussi, votre « Parfois je culpabilise » est hors de propos. Le premier quatrain du sonnet baudelairien, « L’Homme et la Mer », doit effacer la mauvaise conscience du réfractaire à une… modernité bien souvent détestable : « Homme libre, toujours tu chériras la mer ! /La mer est ton miroir, tu contemples ton âme /Dans le déroulement infini de sa lame /Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer ».
Osons le calembour : « Homme libre, toujours tu chériras l’amer ! » La guimauve qui enrobe le « maelström de nouvelles technologies » est un trompe-l’œil : le délectable tourne au triste, au pire, souvent à l’abject. Regarder l’usage que les hommes en font, avec leurs menottes pas toujours immaculées, éclaire : la fission de l’atome déchiquetant des milliers de Japonais innocents en 1945, [pardonnez, mais j’abrège :] l’Agora électronique promise avec Internet tournant au déversoir, où les pires horreurs s’enlacent pour former souvent un repoussant cloaque… Stop ! L’amer en chacun peut, au fond, être germe de lucidité, et si la modernité, à tel point galvaudée que de petits futés inventèrent la « post-modernité » (« la mort de Dieu », etc.), vous révulse parfois, dites-vous sans scrupule ni vergogne que vous êtes – comme la vigie, juchée au sommet du grand mât, pointant l’index sur le relief émergeant là-bas – aux approches d’un îlot de sagesse.
Horrible réactionnaire, objectera-t-on, alors vous vous retranchez dans votre tour d’ivoire ?! Et vos prochains ? Honte à vous ! Mais la tour d’ivoire, si le regard et l’ouïe restent vifs, est bonne manière d’y voir, et d’entendre, ses contemporains. Le recul, le retrait – intermittents – ne nuisent point. Aimer la mer, ses bruits, et ses rumeurs, c’est aussi s’élever au-dessus du clapot, des déferlantes, surplomber tel l’oiseau qui plane la naissance profonde des lames. Car le permanent contact du sel érode, attaque, débilite. La distance d’avec l’écume des jours et des nouveautés, au contraire, aguerrit et, serait-ce dans l’amertume, ouvre à de rêches et aventureuses pensées.
C’est pourquoi « la lampe à huile et la marine à voile », qu’on gausse comme emblèmes de rêveries archaïques, ne manquent de nos jours, ni de sel, ni de modernité rimbaldienne.
@Puycasquier, excusez moi d’être aussi cavalier mais, vous êtes marié?
Ah votre billet m’a fait du bien, je me sens moins seule ! 🙂
C’est quoi qu’il disait déjà Chateaubriand? “”La rapidité des fortunes, la vulgarité des mœurs, la promptitude de l’élévation et de l’abaissement des personnages modernes, ôtera, je le crains, à notre temps, une partie de la noblesse de l’histoire.” L’histoire se répète! Je ne sais pas moi essayez de faire comme René, renoncez “à cette vie extraordinaire qui n’est pleine que de soucis : il n’y a de bonheur que dans les voies communes” Je vous laisse à vos bombes atomiques. Bon week end!
@rakam the red, excusez-moi d’être aussi abrupt, mais cela n’a aucune importance.
Bonne fin de semaine.
@Pedia : oui, l’histoire se répète, mais à force d’abaissement, on va finir où ?
je ne me sens pas plus en phase avec le monde dans lequel je vis mais je ne vois aucune raison commune avec celles de Laurent. même si le “bloggeur le plus doué de sa génération, territoires d’outre-mer compris” sera un jour lassé et archivé, longue vie à ses écrits, tchin!
Non mais franchement est-ce que j’ai une tête à être archivé ?!
Personne ne relève la phrase essentielle de ce billet? “Je vois autour de moi des amis” Des amis? 🙂
Je fais avec le motto suivant: n’avoir ou ne garder que des choses utiles et/ou belles.
@Coraline. Adorer le futur? Comment que cela se faisse? Adorer ce qu’on ne connait pas encore, quelque chose d’immatériel qui n’existe pas?
Et ce que dit Rakam.
Baby je vais vous répondre parce que c’est vous mais je vais faire court. “faire passer le superflu pour l’essentiel” c’est une façon de voir, une critique de la société de consommation, de l’immédiateté etc. Si tout n’est pas parfait les lamentations gerbifiantes m’ennuient, je rétorque que j’apprécie le confort, je ne m’ennuie plus en me cultivant à ma guise. Quand au “c’était mieux avant” c’est lamentable je ne m’attarde plus sur ces jérémiades, j’en ai soupé. “je ne fais pas exprès de rester à quai (…) je ne veux pas être entraîner” 🙂
Lâchez les amarres moussaillons, les utopistes se noient dans leur peur, les Romantiques se suicident et le monde vie, l’art est parfaitement inutile!
post de (vieux) faineant
la masturbation, la littérature, le cinéma moldave, le paté en croute, la jeunesse, la main de ma sœur, la chanson frrrançaiiiiiise,
“c’étémieuhavant, yavé des trucs à comprendre, c’étépluzumain, c’étéplussmieuculturel, jmessendékalé”
yaka fouiller vos vieux posts :vous l’avez déjà fait
allez, un effort que diable!
travaillez votre droite !
NB : le coup du “philosophe essentiel” LOL.
sans blague… c’est qui? kiki ?