La chanson de Roland

C’est officiel. Lorsque l’heure sera venue – et prions pour que cela soit le plus tard possible ou que le ciel ne le rappelle jamais à lui – Michel Drucker aura droit à des obsèques
nationales. Un deuil de trois semaines sera décrété. Des drapeaux noirs claqueront au fronton de toutes nos écoles. Les cloches de nos églises carillonneront durant deux jours sans interruption. Son cercueil effectuera un tour de France avant que le Panthéon n’accueille le tombeau du grand homme en présence des plus hauts dignitaires de l’état. Un abattage rituel sera organisé au Mont Valery afin que les Dieux recueillent avec toute la félicité requise l’âme de notre héros défunt. En express, des pièces de monnaie seront frappées à son effigie.

Thierry Roland lui n’a eu droit qu’à des miettes. A peine 20 mesquines minutes en ouverture des journaux télévisés, quelques maigrelets articles dans la presse spécialisée, un communiqué lapidaire de la présidence de la république, une misérable minute de silence lors de France-Suède.

La France est ingrate avec ses fils prodigues.

 

Pourtant Thierry Roland incarnait avec merveille le Génie National.  Il était La France. Dans la droite lignée de Voltaire et de Rousseau, de Victor Hugo et de Jean Jaurès, il était l’un de ces hommes qui ont contribué à écrire le grand roman national voire nationaliste de notre patrie à jamais rayonnante.

Proustien dans l’âme, il possédait le verbe enchanteur, le sens aigu de la métaphore, la faculté à transformer une banale rencontre sportive en une épopée épique où toujours dominait le souci d’œuvrer en toute impartialité et de chanter sans cesse les louanges de nos valeureux adversaires.

Universaliste dans l’âme, il professait l’amitié entre les peuples, l’amour du prochain, le respect de l’autre et ce quelle que puisse être la couleur de sa peau ou l’origine de ses origines.

Il était la France éternelle, cette France, fille aînée de l’église, qui jamais, même par vents contraires, ne renonce à son idéal de concorde et à sa volonté d’œuvrer à la paix dans le monde.

Il était notre Mandela.
Il était notre Martin Luther King.

Pour le remplacer et nous consoler de cette perte, il nous reste ce formidable trident qui œuvre au micro de notre chaine nationale, j’ai nommé, Christian Jeanpierre, Arsène Wenger, Bixente Lizarazu. Soit un coiffeur, un pasteur et un surfeur.

Christian a la faconde merveilleuse des gens du sud-ouest qui depuis toujours possèdent ce don de nous ensorceler grâce à cette faculté inouïe à travestir la réalité et à s’enflammer
là où d’autres ne verront qu’une action d’une banalité confondante.

Donquichottesque en diable, Christian perçoit des moulins aux quatre coins du terrain, imagine des dribbles rocambolesques à la place de passes en retrait, n’hésite pas à louer le génie d’un ramasseur de balle ou à vanter la nouvelle coupe de cheveux du cinquième arbitre.

Arsène Wenger lui, possède cette appétence jamais rassasiée pour la langue française. Cabotin  dans l’âme, du genre à glisser un coussin péteur sous le siège de ses collègues, chaleureux comme une grue déglinguée d’un chantier à l’abandon, bavard comme une pie camarguaise, drôle comme un garde suisse à l’heure des vêpres, il enflamme les rencontres par l’utilisation d’une langue colorée à souhait, ” le ballon a franchi le rond central, le coup franc peut être dangereux, le corner a été mal tiré, il pleut, on mange
quand ? ”

Reste Liza. La référence du football mondial. L’homme qui a tout vu, tout connu, tout entendu. L’homme qui sait. L’homme qui sent les matchs comme un chien renifleur détecte un rail de cocaïne planqué dans la poitrine siliconée d’un travesti brésilien. Tout à la fois basque bondissant et munichois rigoriste, ses avis tombent comme des diktats brejnéviens
acclamés par une Douma en délire. Frère de sang de Zinedine Zidane et de Christophe Duggary, il est pressenti pour animer une chaire au collège de France sous l’intitulé: “Football et Métaphysique à travers le prisme camusien”.

Cependant, qu’on ne s’y trompe pas,  le vrai successeur de Thierry Roland se nomme Franck Lebœuf. Pour l’instant il se tient en réserve de la république. Puisse cet instant durer une éternité.

 

31 commentaires pour “La chanson de Roland”

  1. “Il s’est éteint au pied de ses lunettes favorites”, “Il a mis le feu aux stades et aux tribunaux”, “Ses femmes et ses addictions ont fait bander plusieurs générations”, “Il a fait un peu de musique également”
    Je n’attend pas avec impatience le jour de la mort de Johnny, même si comme disent les Fatals Picards, on se sentira tous un petit peu belges, un petit peu tristes.

  2. Très bon !

    (oui je fais court)

  3. Il aurait vitupéré, le Roland, sur la prestation des Franchouilles-nouilles d’hier soir, j’imagine…
    (Bon, sinon vous êtes deux à porter le deuil, avec mon frangin, Laurent.)

  4. Merci Pierre. Merci Sophie! Sont tous morts les autres ???

  5. on ne dit pas du mal des morts mais de son vivant j’ai surtout entendu rapporter des commentaires racistes et misogynes, je confonds ou pas?
    sinon connais pas christian jeanpierre, arsène wenger et christophe dugarry. voilà mon avis. fallait pas demander :p

  6. Bienheureux les simples d’esprits:)

  7. Laurent : Oui, c’est bizarre. Je ne sais pas où ils sont passés, les autres. Aspirés par un vortex, un truc comme ça si ça se trouve… brrr.

    Hannah : Pas Christophe Dugary , mais Bixente Lizarazu (Liza est le seul gars au monde capable de me donner envie de regarder du foot.)

  8. je partage vos goûts Sophie 🙂 je l’avais remarqué celui là ailleurs que sur des terrains, parce que ce sport c’est aussi régulièrement leurs supporters-délinquants qui se balancent des projectiles entre eux ou en visant les joueurs,c ‘est ce qu’on appelle la foot-balistique

  9. 🙂 Voilà. Et tout ça après s’être peint le visage en bleu-blanc-rouge, et en arborant le toutim sous un bonnet en forme de crête de coq. Un truc de barbares, moi j’dis.

  10. Tout ce que je sais, c’est au football que je le dois.
    A.Camus

  11. si c’est en termes de “valeurs”, que vous voudriez mettre en avant par cette citation, le football de Camus je ne l’ai jamais ni soupçonné ni entrevu, mais je n’ai pas non plus fréquenté les terrains dans les campagnes de france ou d’ailleurs

  12. Laurent : C’est vrai qu’il en connaissait un rayon sur la barbarie.

  13. Barbares vous mêmes! Incultes! Tripoteuses de poupée! Allez jouer avec votre dinette!

  14. Mouhahahaha !

    Je plaisantais. J’voulais juste vous faire sortir de vos buts. Corner.

  15. Non il y avait hors-jeu!

  16. Teuh teuh teuh. Corner, j’ai dit. Et facile.

  17. N’empêche. Le seul match que j’ai vu de l’Euro, c’était hier. Pas d’bol, quand même.
    J’ai beaucoup admiré les buts suédois, hein, ceci dit.
    M’enfin bon, une torgnole pareille… Moi qui pensais qu’on avait de nouveau une vraie équipe qui ne reculait plus !
    Tintin.

  18. Maintenant Sophie, il va falloir libérer Bernard et Vinnie. J’ignore dans quel piege ils sont tombés mais si d’ici 12 heures je suis sans nouvelle, j’appele le RAID.

  19. (On devrait mettre des panneaux avec des flèches, et marqué d’ssus : “Le but adverse, c’est par là, les mecs, demi-tour”.)

  20. J’ai rien fait, juré, ptoui.
    (Et Vince et Burt.
    Où il est, Vince ? Et Burt ?
    Je suis sûre qu’Hannah les a enlevés.)

  21. Bizarre… Une malédiction. Faudrait peut-être lire le carnet du Figaro.

  22. Et Sandra ?
    Et Flo ?

    C’est pas normal, tout ça.

  23. J’entends la musique de la Cinquième Dimension…

  24. Bon, ben je suis là. N’est pas Thierry Roland qui veut..
    Et ce panégyrique à l’ envers m’ a bien plu, tiens.
    Car vous avez raison, Saga, la France a perdu un grand Humaniste. On retiendra certaines phrases caractéristiques d’ un style abouti, mais la meilleure était bien sur ” Franchement, Jean Michel, est-ce qu’il n’ y avait pas autre chose qu’un arbitre Tunisien pour diriger un match aussi important ?”
    Je suis étonné que personne n’ait relevé dans cette phrase, restée célèbre, que le pire était ” autre CHOSE”..
    Non ?

  25. Aaaah ! Chic, Vinnie est là, le Vortex ne l’a pas désintégré, c’est une excellente nouvelle.
    (Téléportation, Monsieur Spock. Nous devons retrouver les autres, vite !)

  26. Je pense que Bernard est détenu par son éditrice, Burt tourne un remake de “Behind the green door” dans une communauté écolo de l’ Ariège et Sandra est recluse dans un couvent sur une Ile grecque par peur que les tweets de VT ne reprennent de plus belle

  27. @ Saga : le jour ou je calanche, c’ est pas dans le Figaro qu’il faudra regarder, mais dans Girondins Mag

  28. @ Sophie, Je suis là chère Sophie, submergée par mon lourd devoir maternel (deux bacs, un brevet, une commission d’appel pour le redoublement de ma Vanessa, spectacle et kermesse…).
    Mais la lecture de votre blog (quel talent Sophie, dessins et écriture, avec une bonne dose de gentillesse et d’humour. Précieux) et de celui de Laurent reste au programme.

    @ Vinnie, Sachez que j’ai une “sainte” horreur des bonnes soeurs et ce depuis l’enfance. Et toutes ces femmes ensemble, beurk !
    De plus je n’aime que l’océan (Bixente est parfait Hannah et Sophie. Je vais bien rencontrer un de ses cousins, veuf et sans enfant, pendant mes séjours basques…).
    Quant à Valérie, cette vacharde revancharde et jalouse est enfin une publicité non mensongère pour la vie familiale des grandes tribus recomposées. Elle illumine le paysage politique morose et bien-pensant.

    @ Laurent, un grand merci pour Curb your enthusiasm.
    Ma voisine dans l’avion m’a prise pour une folle. Je visionnais l’épisode où Larry coupe les cheveux de la poupée dans la Saison 2 en riant. Cet homme est unique.

  29. @ Vinnie: et on dispersera vos cendres sur la pelouse du parc lescure ? C’est beau l’amour. J’ingorais que Bernard couchait avec son éditrice. Ou serait-ce le contraire ?
    @ Sandra: Courage avec vos moutards. Le plus dur est passé. Et avec Larry à vos côtés il ne peut plus rien vous arriver

  30. Pou-tou-gal ! Pou-tou-gal ! La Porte Maillot est envahie par les drapeaux rouges et jaunes, c’ est magnifique !!
    En plus j’ étais short des tchèques, donc bon pour mes finances…

  31. Ah, Sandra est revenue aussi ! Chic. Merci de votre passage et pour vos gentils compliments (ça me requinque).
    J’espère que vous ne repassez pas les jean de votre Vanessa, j’ai vu que ça pouvait provoquer des tsunamis, dans cette génération épatante, ce genre de choses (hahaha !)

    @ Vinnie : Des maillots porte Maillot, et un chèque grâce aux Tchèques, donc ?
    … Le foot est un sport de poètes, décidément. 🙂

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