Décidément les allemands ont une conception du pardon très particulière. Sûrement torturés par le remords, et minés par un insondable doute, les héritiers de BMW, las de s’endormir tous les soirs dans leurs draps en soie, en se demandant si par hasard, le créateur de la prestigieuse firme automobile, en la personne de leur grand-père, Günther Quandt, n’avait pas fricoté de trop près avec le régime nazi- cet aimable interlude dans l’histoire par ailleurs glorieuse et en tout point remarquable de la civilisation teutonne- ont donc demandé, afin de se réconcilier avec leur conscience tourmentée, à un historien indépendant, Joachim Scholtyseck, de faire la lumière sur toute cette fâcheuse histoire.
Le résultat, connu depuis hier, est sans appel : Grand Papa, contrairement à ce qu’il avait bien voulu faire croire, a collaboré de près, de très près avec le III Reich, en se servant à grande louche, dans la grande masse des déportés, pour faire tourner ses usines, tout en spoliant, sans scrupule, les entreprises appartenant à des industriels juifs.
Ce que, au demeurant, tout le monde savait depuis des lustres. Comme l’on savait que Papy Gunther avait toujours refusé d’aller jouer au golf avec Herr Göring et Herr Goebbels, parce que sa première femme, cette sotte de Magda, l’avait délaissé pour épouser cette face de rat de Joseph, le fidèle camarade de jeu du petit Adolf.
Sur ce, le petit fils du constructeur, Stefan Quandt, au lieu de se taire, comme la décence élémentaire l’eût imposée, a tenu à réagir, en ces termes, dans une entrevue exclusive, accordée à l’hebdomadaire Die Zeit : certes, il y exprime ses ” profonds regrets ” mais pour autant trouve que Günther ” était un entrepreneur responsable, éloigné de la politique, et qui n’avait pas pour but de tuer des gens “.
Autrement dit, un chic type en fait, un peu dépassé par la tournure prise par les événements, emporté par le mouvement capricieux et tumultueux de l’histoire, qui n’entendait rien, mais vraiment rien à la chose publique, se contentant d’être un entrepreneur consciencieux et travailleur, avant tout soucieux de ne pas faire péricliter ses usines afin de ne pas jeter à la rue des milliers de travailleurs innocents.
Attendrissant le petit-fils.
Etant bien entendu qu’on ne lui demandait surtout pas d’endosser la responsabilité des forfaits perpétrés par son grand-père, comme il est tout aussi évident que, né, bien après ces années troubles, il n’est en rien responsable de ce qui a pu se passer. Car comme le chantait si bien Jean-Jacques Goldman, dans l’une des chansons les plus aberrantes de stupidité de la chanson française, allez savoir ce qu’on serait devenu si on était né en 17 à Leidenstadt ? Hein ? Un travesti en culotte courte chantant Lilly Marlene dans un cabaret berlinois ? Un sous-fifre de comptable regardant passer les avions ? Un aiguilleur du ciel veillant à ce que les trains arrivent à l’heure ?
On eut aimé pourtant, à défaut de se taire, que le rejeton milliardaire, 72ème fortune mondiale tout de même, confie non seulement « son profond regret », mais qu’il condamne, sans la moindre ambigüité possible, les agissements de son aïeul, qu’il nous dise sa consternation, mais également sa révulsion, mais aussi son affliction, mais aussi et surtout son écœurement, de se savoir le petit-fils d’une ordure innommable.
En affirmant que son grand-père était juste « un entrepreneur responsable, éloigné de la politique », non seulement, il vient contredire, avec éclat, le rapport que lui-même a commandé, mais de surcroît, il s’inscrit dans un processus affirmé et éhonté de dédiabolisation de son grand-père incriminé. Dans une tentative à peine déguisée de réhabilitation, il tente d’asseoir la thèse que son grand-père n’a pas fauté, en tous cas pas plus qu’un autre, qu’il s’est juste contenté de faire continuer la machine sans trop se soucier de savoir de ce qui se passait dans l’usine d’à-côté.
On se retrouve là en plein cœur du problème et du malaise générationel du peuple allemand.
Une nouvelle fois, on ne demande pas aux nouvelles générations de s’excuser encore et toujours pour des crimes pour lesquels ils sont irrémédiablement étrangers. Non, on leur demande simplement de continuer à se penser comme des fils, nés de parents ou de grands-parents, qui ont collectivement, non seulement exterminé des millions de juifs, de tziganes, d’homosexuels, de gitans, au simple prétexte qu’ils étaient, mais qui ont assassiné le concept même d’humanité, ont jeté à terre des siècles de progrès où l’homme, tant bien que mal, a tenté de répondre à l’exigence suprême réclamée par Goethe, que « celui qui s’efforce de se surpasser, celui-là nous pouvons le sauver ».
De continuer à être hantés par le souvenir de ces paroles, terrifiantes et écrasantes de vérité, écrites par l’un des plus grands philosophes français contemporains, Wladimir Jankélévitch, dans L’imprescriptible, ce texte fondamental que chaque écolier allemand se devrait d’apprendre par cœur:
« En dehors de ces élites, un peuple entier a été, de près ou de loin, associé à l’entreprise de la gigantesque extermination ; un peuple unanimement groupé autour de son chef qu’il avait maintes fois plébiscité avec frénésie, à qui il confirma tant de fois son adhésion enthousiaste, en qui il se reconnaissait. Nous avons encore dans l’oreille les affreux hurlements des congrès de Nuremberg. Qu’un peuple aussi débonnaire ait pu devenir ce peuple de chiens enragés, voilà un sujet inépuisable de perplexité et de stupéfaction. On nous reprochera de comparer ces malfaiteurs à des chiens ? Je l’avoue en effet : la comparaison est injurieuse pour les chiens. Des chiens n’auraient pas inventé les fours crématoires, ni pensé à faire des piqûres de phénol dans le cœur des petits enfants… »
(Et maintenant, pour se détendre, un petit clip de Sarah Silverman, la plus corrosive et hillarante humoriste juive venue d’Amérique. Pour ceux qui ont séché les cours d’anglais, c’est par là)
L’Allemagne a été, est, et restera coupable. Coupable jusqu’à la nuit des temps. Les allemands, leurs enfants, leurs petits-enfants, leurs arrières petits-enfants, tant que le soleil continuera à respirer, resteront coupables de quelque chose qu’ils n’ont pas commis. C’est un sort bien cruel mais c’est le prix à payer pour s’amender et pour pourvoir prétendre à participer au concert des nations. Pour pouvoir se regarder en face. Pour pouvoir demander, sans rougir de honte, à la Grèce, cette terre qui nous a donné la démocratie et la philosophie, d’arrêter de se la couler douce et de régler ces dettes.
De ne jamais essayer de minimiser ce qui a constitué la plus formidable entreprise de déshumanisation de toute l’histoire de l’humanité. Ce crime perpétré contre l’idée même de l’homme. De ne jamais vouloir tenter de rabaisser la responsabilité du peuple allemand. De ne jamais venir nous dire, excusez-les, les gars, ils ne savaient pas, seuls les élites étaient au courants. De ne jamais, jamais, jamais tenter de s’exonérer d’un devoir de mémoire qui doit être, encore et toujours, la pierre angulaire de leurs fondements moraux, de leurs agissements vis à vis d’eux-mêmes et vis à vis d’autrui.
Les jeunes allemands ont les mains sales et ce n’est pas de leur faute.
On n’aimerait pas être un jeune allemand.
Surtout quand on s’appelle Stefan Quandt.
Rectification Magda était sa deuxieme femme la premiere etait morte en 1918 il avait eu avec elle 2 fils et 1 avec magda,Harald, elle épousa ensuite Goebbels et eu 5 enfants qu’elle suicida dans le bunker avant de se suicider
Cette Sarah, quelle talent quand même!
Dans l’excellent documentaire “Une fortune au-dessus de tout soupçon” (Allemagne, 2007, 60mn) réalisé par Eric Friedler sur la famille Quandt, on apprend en effet que Gunther Quandt l’a eu mauvaise de se faire piquer sa femme par Goebbels, mais qu’il avait quand même assez de respect pour la vie humaine, en tout cas la sienne, pour éviter de faire un scandale économiquement peu rentable.
Il a donc organiser chez lui les nouvelles épousailles de sa femme, en prenant soin de laisser sa chambre avec vue à Adolf, invité de marque de la garden party.
On en apprend aussi sur sa position “d’entrepreneur responsable” qui, n’en déplaise à son charmant petit-fils, employait des prisonniers de guerre (juifs ou pas car il n’était pas foncièrement antisémite) pour manipuler sans précautions les produits hautement toxiques nécessaire à la fabrication des batteries qu’il fournissait pour les U-boats de la Marine de guerre allemande.
Je ne laverai plus jamais ma BM comme avant…
“Pour maintenir le caractère inédit du crime nazi, à savoir “son caractère orienté, méthodique et sélectif”(p.41), Jankélévitch passe en revue toutes sortes d’atrocités, de bombardements massifs comme l’explosion nucléaire d’Hiroshima pour les en distinguer. Il court cependant le risque que le lecteur se demande si le soulignement de la gravité du crime nazi ne va pas sans une certaine légèreté dans la comparaison devant conclure à l’incomparabilité…, ce qui n’enlève rien au fond du propos du philosophe mais relève l’inconvénient de la passion, véhémence jusqu’au risque de l’excès, au cœur de sa rhétorique.”
“Je n’ai jamais pardonné la rafle du Vel d’hiv et ne la pardonnerais jamais.”
On ne se comprend pas Saga, je vous parle de la passion, et vous y voyez de la naïveté…
“Dans une étude purement philosophique sur le Pardon, que nous avons publiée ailleurs, la réponse à la question Faut-il pardonner? semble contredire celle qui est donnée ici. Il existe entre l’absolu de la loi et l’absolu de la liberté méchante une déchirure qui ne peut être entièrement décousue. Nous n’avons pas cherché à réconcilier l’irrationalité du mal avec la toute-puissance de l’amoure. Le pardon est fort comme le mal, mais le mal est fort comme le pardon.”
“je prends un grand plaisir à manier l’art du contre-pied, que je n’aurai cesse de vous provoquer et de vous titiller afin que vous vous sentiez offusqué au point d’aller pondre un commentaire rageur et furieux auquel je prendrais un malin plaisir à répondre. Toujours.”
Nicolas Pellerin
mais dites moi vous connaissez votre saga à la perfection?!!
merci pour le découverte de Sarah Silverman 🙂
Très bon texte.
à bientôt à Vancouver ou à Nantes
Mon dieu, un imbécile de nantais qui m’écrit! Je peux mourir tranquille! Vive les canaris, jean claude suaudeau et julien gracq ( enfin surtout suaudeau)
Il est bien votre blog Saga, vous m’énervez j’adore ça! Je trouve l’antisémitisme effroyable. L’humour n’y fait rien ça ne me fait pas rire du tout mais je me soigne. J’estime également que le devoir de mémoire passe avant tout. Fût un temps où j’ai eu une tendance à l’oubli, c’était une mauvaise idée. Merci pour le rappel.
J’aurai bien conseillé à Mike d’acheter une Ford mais je ne sais pas si c’est tellement drôle.
@nico. Je me soigne progressivement. Je roulais en VW jusqu’à présent. Mon psy pense que je pourrais passer à Renault dans 2 ans…
@mike. Malheureux! Ne sais-tu pas Louis Renault, durant la guerre, ne fut pas exempt de tout reproche…
et les autrichiens ?et les autres nazis ou collabos qui ont aidé a l extermination? comme vous le dites il ny a pas eu que des juifs assassinés ,les assassins ne furent pas que les allemands.ce serait trop facile de leur reprocher a tous quand certains ont payés de leur vie leur opposition et quand beaucoup de français (et aussi entre autres: hollandais ,belges, hongrois …) y ont participés passivement ou activement.
d ailleurs dans la veine de l industriel utilisant les evenement pour s’enrichir sur la vie des gens, on peut trouver des francais colons ,des americains imperialistes en amerique du sud…ce qui n absout personne.mais qui me gonfle a plein ,car ce sont presque souvent les vrais raisons pour les meurtres a grande echelle et genocides.(cf rwanda et kivu ,algerie ,irak…).
On n’a pas fini d etre enervés….
En faisant porter sur de nouvelles générations une faute qu’ils n’ont pas commises, en les maudissant jusqu’à la x ème génération ( car c’est bien cela que dit votre texte), vous perpétuez à votre façon cette entreprise de déshumanisation.
En cela cet événement historique unique qu’est la Shoa est bien une malédiction.
Merci, LS, je viens à l’instant d’annuler mon billet SNCF, 650 bornes à pied, j’aurai le temps de méditer aux choses importantes que vous soulevez. pardonnez-moi encore d’avoir insinué que vous viviez avec un Hockeyeur et que vous buviez comme un trou. Bises.
@maquis: ce n’est pas moi qui ai commencé. Il fallait y penser avant. Et oui la vie est tragique
@Bernard: vous devriez présenter plutot vos excuses au hockeyeur en suggerant qu’ils buvaient comme des trous. d’ailleurs un petit coup de rouge a la mi temps pour les girondins serait peut-être salutaire. Bon courage
@Pierre: la bete ne meurt jamais
@LS. Evidemment. Comme le Henry Ford de NicoPédia!
D’ailleurs quel grand de ce monde n’a pas endossé un antisémitisme de bon ton, ne serait-ce que pour faire rire ses collégues du KuKluxKlan?
C’était juste un essai de cynisme humoristique de ma part… Mais malheureusement tout le monde ne peut avoir votre talent dans l’art de la subtilité.
je n’avais jamais remarqué sarah silverman. ses fans devraient tenter d’améliorer sa fiche wiki. même si son “oeuvre” la met vraiment en valeur…(si si) http://www.koreus.com/video/sarah-silverman-se-tape-matt-damon.html
Avec tout ça j’ai complétement oublié de vous mettre un peu de musique.
Ce morceau a un double avantage. La musique y est électronique et les paroles sont en français.
http://www.youtube.com/watch?v=SHEwFoo_KA0
très bon choix, à tout point de vue
Bernard, vérifiez que vos chaussures soient éthiquement correctes quand même
@nico. Mince. Je n’avais rien compris à l’époque…
Vous rendez ses lettres de noblesses au “BJ”… Blog Jockey inflationniste.
🙂
Hannah, je me suis rendu compte que c’était des chaussures espagnoles peu avant la porte d’Orléans, et ça m’a mis mal à l’aise, des fois que la maison Camper soit bourrée d’anciens franquistes adeptes du garrot. Du coup, j’ai pris le train et j’ai été me cacher chez un pote au fin de la presqu’île du cap ferret. Nous avons fait sêcher nos serviettes de bain sur les restes ridicules d’un vieux Blockhaus…
Laurent : le coup de rouge à la mi temps n’aura pas suffit visiblement.
ou alors la potion magique avait cessé d’agir…
LS : vous avez “des cas” de ce genre au Canada ? Extrait de “20 Minutes”.
Société
Il se coupe les testicules et va faire un tour de scooter
Mis à jour le 02.10.11 à 17h48
Un homme de 46 ans a été secouru par les pompiers après une chute de scooter consécutive à un malaise, près d’Angers, raconte Ouest France. Mais ce qui aurait pû n’être qu’une intervention banale a tourné à l’incroyable quand les secours se sont mis en tête de trouver l’origine de l’importante hémorragie constatée sur la victime. Le bonhomme s’était en réalité coupé les testicules avant de prendre la route. Les pompiers se sont donc rendus à son domicile afin de récupérer les organes tranchés, avant de les faire rapporter, dans une glacière, à son propriétaire hospitalisé, pour une greffe qui demeure hypothétique.
Saga man oublie que les juifs croient au bon Dieu pour la raison qu’ils l’ont inventé et donc , d’eux-mêmes, tout seuls, vont peu à peu gommer le caractère infiniment criminel de la “solution finale” mise en actes par les Allemands pour se souvenir de Bach, de Goethe et de Curd Jurgens (ou de Willy Brandt) et à force de ne pas les mettre dans le même sac ne plus avoir aucun sac. La preuve : cinq siècles après avoir subi un sort similaire en Espagne on continue à s’appeler espagnols ( sefardim), on a conservé la langue -du moins jusqu’à la télé -, on a conservé la cuisine et la musique et on évoque un soi-disant âge d’or. Alors on va pardonner et idéaliser, comme sans doute nos ancêtres l’ont fait pour l’Egypte en inventant qu’ils ont traversé la Mer Rouge à pied sec alors qu’elle devait être rouge du sang des hébreux massacrés par les troupes du Pharaon…