La dure vie de l’homme au foyer

                                                                                                                                                                                                                                                         Je suis ce qu’il convient de nommer un homme au foyer.

Certes sans enfant mais au foyer tout de même.

Avec seulement un chat pour me divertir de ma condition d’homme reclus dans son appartement, affairé à écrire des chefs d’œuvres posthumes, à fournir en chroniques plus ou moins foireuses ce blog à la con, et surtout, mais surtout, à veiller au bon ordonnancement des affaires de la maison.

C’est là la tâche que la société m’a conférée, que ma compagne m’a dévolue, que mon entourage m’a forcé à remplir partant du principe absolument imparable que ne travaillant pas vraiment, étant au fond une sorte de parasite dont la terre entière envie le sort, passant le plus clair de mon temps affalé sur mon canapé à jouer au scrabble avec mon chat, je ne pouvais prétendre jouer un autre rôle que celui d’homme à tout faire.

Je ne m’en plains pas.

Pire, je suis une victime consentante.

J’admets volontiers que je mène une existence en tout point confortable, que je suis un privilégié, que j’ai accès à un mode de vie des plus plaisants où je n’ai pas à subir la présence de collègues à l’humour plus que douteux, pas plus qu’il me faut supporter la promiscuité dans les transports en commun, sans oublier le privilège de n’avoir à composer avec aucun chef aux idées courtes.

Pourtant, contrairement aux apparences, ma vie est un enfer domestique qui ne me laisse pas une seconde de répit.

Sitôt Madame partie, je me précipite dans la cuisine où je dois laver, rincer, récurer bols et pots de confiture, beurrier et tasses à café, cuillères et couteaux avant de les disposer dans l’égouttoir que j’aurai pris soin auparavant de débarrasser de la vaisselle de la veille.

Puis je file dans la chambre à coucher, ramasse fanfreluches et autres taffetas éparpillés sur la moquette, tire les rideaux, ouvre les volets, bat le matelas, secoue les oreillers, secoue la couette, secoue les draps, secoue le chat endormi dessus, ressuscite le lit, rectifie la position des lampes sur les tables à chevet, récupère une culotte accrochée au lustre, repère une chaussette sous le lit, cherche sa sœur, ne la trouve pas, redéfait la literie, la déniche planquée sous le traversin, lui passe un savon, file la déposer dans le sac à linge.

Lequel évidement déborde et me donne rendez-vous pour plus tard quand j’irai déposer son précieux contenu dans la machine à laver.

A ce moment précis, le chat déboule de nulle part, miaule à s’en fendre les moustaches, tu as faim, non, tu veux un câlin, non, tu veux jouer, non, tu veux te battre, non plus, quoi alors, il se roule par terre comme un épileptique en fin de vie, se mord la queue, s’éborgne avec sa patte, c’est bon j’ai compris, c’est l’heure de sa litière que je m’empresse de vider, d’aplanir, d’égaliser pendant que Sa Seigneurie me surveille du coin de l’œil, prêt à appeler la SPA si jamais je bâclais mon travail de ratissage.

Je suis en nage.

Retour à la cuisine.

Inspection des placards et du frigo, inventaire des produits manquants, rédaction de la liste de courses, lecture de l’ardoise où Madame a griffonné ses désidérata du jour, pommes golden, jus de mangue, fil dentaire (surligné trois fois), nouvelle apparition inopinée du chat, j’ai faim, déjà, oui, non c’est trop tôt, miaulement sauvage, raclement du parquet, griffonnage de la corbeille à fruits,  je cède, je remplis sa gamelle.

Je file sous la douche, m’habille, me rends au supermarché, m’aperçoit que j’ai oublié le linge, revient sur mes pas, m’en empare, repart, dépose le linge dans le tambour,  remplit mon caddie, paye sous le regard narquois de la caissière, reprend le chemin de la maison, merde le fil dentaire, j’ai oublié son putain de fil dentaire, retourne au supermarché, finit par le trouver planqué à côté des boîtes de céréales, paye sous le regard de plus en plus narquois de la caissière, repasse récupérer le linge, me vautre dans l’escalier sous le regard railleur de la voisine, franchit je-ne-sais-comment la porte de l’appartement, atterrit dans l’entrée sous le regard sournois de mon chat : cette fois, il ne veut rien sinon contempler le spectacle de son maître décomposé aussi pâle qu’un ours polaire sous le soleil d’Agadir.

Ranger les provisions, plier le linge, commencer à préparer les lasagnes du soir- holocauste de sauce tomate à la cuisine- coup d’œil à l’horloge, bientôt midi, je suis mort, vidé, éreinté, lessivé, texto de l’autre, n’oublie pas mon fil dentaire, c’est ultra important, je ne réponds pas, je ne réponds plus, j’ouvre le journal et je consulte les petites annonces.

                                                                                                                                                                                                                                                       Cherche livreur, cherche comptable, cherche concierge, cherche aide-soignant, cherche professeur de piano, cherche dresseur de puces, cherche jardinier, cherche peintre en bâtiment, cherche bel étalon pour me démonter préférence grand black bien musclé.

                                                                                                                                                                                                                                             Dommage.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

3 commentaires pour “La dure vie de l’homme au foyer”

  1. « Cherche homme au foyer » : il faudrait qu’une femme soit folle, ou fichtrement philanthrope, pour faire publier une petite annonce pareille. Un homme au foyer, ça ne se paie pas ! Enfin, si, ça se paie de mots. Remarquez – on le précise bien – ce n’est pas ce que l’écrivant, on pense. Mais on en connaît (pas des flopées, non plus, vu que le cercle de nos connaissances est volontairement limité) qui ne cracheraient pas sur « un homme à tout faire » qui s’appuierait toutes les tâches que vous écrivez vous appuyer.

    Pour votre stakhanovisme domestique, l’on est au regret de vous dire que notre défunte chatte, grande admiratrice des mouvements de l’aspirateur avalant ses poils nonchalamment tissés avec ceux de la moquette et du tapis, fait savoir, de l’au-delà félin qu’elle a gagné (le vit-elle ainsi ?) après vingt années souvent vautrée elle aussi sur son (1) canapé, fait part de ses très profonds doutes à l’audition (2) de : « […] une sorte de parasite dont la terre entière envie le sort, passant le plus clair de son temps affalé sur [son] canapé […] » Vous ne serez pas étonné qu’on la comprenne : comment être et « en nage » et « affalé sur [votre] canapé » ?

    Sauf à imaginer, ce qu’à Dieu (ou Yahweh) ne plaise ! des activités tout aussi domestiques, mais qui vraiment ne regardent ni vos lectrices ni vos lecteurs.

    ——-

    (1) Le nôtre, devenu le sien.

    (2) On lui lit vos blogs (ceux à chat seulement) par médium interposé.

  2. Le tout vêtu comme Freddie Mercury ?

  3. Et en plus, il trouve le temps d’insulter les élécteurs FN.Mais où trouve-t-il le temps de marcher au pas républicain?

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