En assistant aujourd’hui à une rencontre de football, à ce condensé d’émotions surannées qui exaltent bien souvent le pire de la condition humaine, la tricherie, l’égoïsme, l’individualisme forcené, l’appât du gain, la vulgarité, il est difficile d’imaginer qu’il fut une période où ce sport se contenta d’incarner le beau visage d’un simple jeu destiné à enjoliver le réel.
Oui, aussi incroyable que cela puisse nous paraître, il exista bel et bien un temps où les footballeurs ne contestaient jamais les décisions arbitrales, où quand l’homme en noir portait son sifflet à la bouche, personne, absolument personne n’accourait vers lui comme s’il venait de commettre un infanticide en l’accusant de tous les maux de la terre.
Oui, il fut une époque où jamais, après un contact plus ou moins vif avec un adversaire, les joueurs ne toupillaient sur eux-mêmes comme des blessés de la Grande Guerre fauchés au moment de partir à l’assaut d’une tranchée ennemie.
Où une partie pouvait se dérouler sans que jamais le soigneur de service ne foule la pelouse afin de venir soigner le chéri de ces dames, terrassé par des douleurs si violentes qu’on en vient à craindre pour sa vie avant de le surprendre quelques minutes plus tard à gambader comme un pur-sang afghan.
Où l’argent, le fric, le pognon n’étaient pas la motivation première des joueurs cavalant comme des morts de faim aux quatre coins du terrain.
Où le football n’était pas un spectacle mais un jeu, un simple jeu révélant à l’homme sa nature profonde, celle de ne jamais devoir renoncer au monde de son enfance afin de ne pas se décevoir de trop, et tenter de mener sa vie d’homme comme un funambule dansant sur le fil de ses rêves enchantés.
Où, au fond, les joueurs pensaient avant tout à jouer très exactement comme des gamins qui déposent leurs cartables au bord d’un pré pour se livrer à leur activité favorite sans autre préoccupation que celle d’épuiser leur passion.
L’enfance du football. Le football de l’enfance.
Regardez, mais regardez-les ces vidéos grâce auxquelles, merveille de la technologie, il nous est désormais possible de remonter le cours du temps et de s’oublier dans la retransmission d’une finale de Coupe d’Europe des clubs champions, millésime 1972 ou 1973.
C’est aussi émouvant que si soudain il nous était permis de voir Proust allongé sur son lit affairé à décrire sur son cahier d’écolier ses tourments après la disparition d’Albertine.
Tout un monde englouti renaît sous nos yeux, constituant une surprise totale et un ravissement inédit.
Il est là le vrai football.
D’une simplicité biblique.
Sans artifices, sans fioritures, sans tout ce grand barnum qui a aujourd’hui transformé ce joyau de sport en une fête foraine souvent grotesque et obscène, où des joueurs épris d’eux-mêmes se demandent à tout instant s’ils sont bien les plus beaux pour aller tirer un corner.
Là, tout est vie, mouvement, action.
Le temps ne s’arrête jamais et le cuir vit de la première à la dernière minute.
Quand une faute est commise, on se dépêche de se relever pour profiter au maximum des possibilités infinies qu’offre le jeu et on s’empresse de repartir à l’assaut.
Un but marqué est juste l’occasion de recevoir les modestes félicitations de ses partenaires avant de reprendre au plus vite le fil de la partie.
Même les passes en retrait au gardien, autorisées à l’époque, n’arrivent pas à ralentir la folle course du ballon.
Aussitôt capté, aussitôt relancé.
Pas de temps à perdre.
Le foot ne vaut rien mais rien ne vaut le foot, alors autant en profiter au maximum, telle semble être la devise de ces rencontres du temps jadis.
Soudain, en regardant ces matchs d’hier et d’avant-hier, je fus pris d’un sentiment de honte de voir ce que ce sport, mon sport, la passion de toute ma vie, était devenu.
Ce spectacle grossier où toute décision arbitrale devient une affaire d’état.
Où toute faute commise est prélude à une tragi-comédie qui s’éternise.
Où les joueurs ressemblent à des banquiers en short. Des banquiers capricieux et hautains.
Où tout sonne faux. Artificiel. Surjoué. Affecté.
Et pourtant malgré tout, malgré mes écœurements répétés, malgré ses à-côtés qui le rendent parfois insupportables, malgré ses travers qui ne sont que le reflet d’une époque où le paraître l’emporte sur toute autre considération, je continue et continuerai à le regarder ce football de malheur !
Pas le choix.
C’est dire la force d’attraction et la capacité de résilience de ce sport unique entre tous.
Le football a ses déraisons que la raison ne connaît pas.
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m’ouais, bof!
[REMARQUE LIMINAIRE.- Si le professionnalisme existait dans la Rome antique, les gladiateurs risquaient, dans l’arène, leur vie. Et les jeux étaient offerts au peuple par les patriciens et les politiques accédant au pouvoir.]
Anaphore sextuple : diable, que d’ « où » introduisant les figures du splendide football d’antan. Pareille nostalgie – partagée – nous mettrait presque les larmes aux yeux. Ce football qui n’est plus ce qu’il fut ; ces dieux du stade, alors enflammés par leurs jongleries avec le ballon cuir & coutures, sont désormais devenus Veaux d’or aspirant au maximum de flouze. Vous alignez assez de beaux souvenirs et de vilains méfaits aujourd’hui infligés au foot, pour qu’on n’en ajoute pas.
Mais notre monde n’a-t-il pas le football qu’il mérite ? « Fric » est l’homonyme de l’anglais « freak » – qui signifie monstre. Quand le pouvoir corrompt, pourquoi l’argent, pouvoir lui-même, ne corromprait-il pas ? Et pourquoi d’énormes salaires ne corrompraient-ils pas énormément ? Entendons-nous : gavés d’argent telles les oies de grain, certains joueurs, les « stars », ne sont pas malhonnêtes. Mais leurs gestes sont si démonstratifs, si empreints de grandiloquence gestuelle qu’hormis quelques purs mouvements de jeu, ils n’exhibent que des figures caricaturales de ce que, dans la vie, ils sont probablement. Le fric dégoulinant transforme le spectacle en bancal ballet de monstres blasés, à l’ego œdémateux.
Et pourquoi donc se tatouent-ils tant ?! Pour compenser le vide du dedans par un dehors surpeuplé ? L’on n’ose y croire. Le football actuel, bien plus que la nostalgie de sa pratique et de son imagerie passées, peut ennuyer au sens ancien de ce verbe : susciter une peine lourde, un pesant chagrin.
Chez les vieux, bien sûr…
PARIS QATAR BARCA
http://www.lejournaldepersonne.com/2015/04/paris-qatar-barca/
Chronique d’une élimination prévisible…
Vous permettez que j’utilise l’abréviation la plus répandue : P.Q (Paris-Qatar) pour vous dire que le pari est perdu contre le Barça !
Le jeu, la recette et le match. Trois missiles à domicile, il y a de quoi se sentir inutile… notre belle capitale s’en tire plus que mal. Comme quoi l’argent ne peut ni faire le bonheur, ni sauver l’honneur.
Je ne vous l’ai pas encore dit ?
Le football à un certain niveau, est une entreprise très aléatoire. Le hasard y règne en maître absolu.
Les mauvaises langues, je veux dire ceux qui ne maitrisent pas la langue, vous diront que ça se joue sur des détails.
Avez-vous bien vu hier la gueule des détails ?
Des amateurs aux prises avec des professionnels… de petits artisans qui se mesurent à de grands artistes… des joueurs ordinaires qui affrontent des joueurs extraordinaires… des étoiles qui nous dévoilent, l’espace d’un soir, que même le sport le plus ringard peut être assimilé à un art lorsqu’il est pratiqué par des dieux vivants qui font circuler l’univers comme un ballon… Neymar, Suarez, Messi…ils n’ont qu’une vocation : rendre sensible l’excellence même aux non-voyants.
Parce que ces gens-là, monsieur, jouent les yeux fermés avec l’instinct, avec l’instant… pour transformer chaque action en objet d’admiration.
Mira ! Ce que c’est beau de jouer à l’unisson… être UN, c’est loin d’être commun…
Je vais vous le traduire en langage moins nuancé :
Ce Barça là ne peut perdre que par malchance.
Ce Paris là ne peut gagner que par chance.
Parce qu’entre les deux, il y a une énorme différence de niveau, à tous les niveaux!
Paris n’a pas de véritable entraîneur mais un homme en costume qui part de plus en plus en sucette… c’est un bleu, notre Laurent Blanc.
Luis Enrique n’est pas une flèche non plus, sauf qu’il n’entraîne personne… il dispose de 11 entraîneurs sur le terrain pour créer le jeu et faire la décision.
On peut se consoler en se disant que le Qatar va probablement remettre la main à la poche pour nous acheter de plus grosses pointures… 11 Veratti par exemple…
Mais cela suffira-t-il pour faire de Paris, le plus grand club du monde ?
Je ne le crois pas. Et pour une raison toute simple, parce que ce ne sont pas les stars qui font les beaux jours du Barça mais le Barça qui fait les beaux jours des stars… ça ne s’improvise pas… l’AMOUR…l’AMOUR, c’est ce qu’on apprend dans ce club formateur qui dispose d’une réserve naturelle, grâce aux enfants du pays qui donneraient leurs vies pour servir la terre qui les a vu naître eux et leurs ancêtres… Iniesta, Xavi, lorsque l’un des deux se blesse, c’est l’autre qui retient le destin en laisse.
Il faudrait que le Qatar nous achète une âme, ce qui reste même pour lui, hors de prix…
Mouais
Que les choses soient claires dès le début, mes sentiments concernant le football contemporain sont similaires aux vôtres. Mais ce texte est un tantinet idéaliste, et se situe sur la ligne de crête, la frontière entre la nostalgie de la jeunesse du monde que tout un chacun peut ressentir passé la quarantaine, et le discours de vieux con réactionnaire, pour qui de son temps tout était bien mieux, alors que désormais tout va à vau-l’eau. Plusieurs remarques reflet de mon irritation : le football est un sport professionnel depuis 1880 en Angleterre, les années 1920, en Europe centale et du sud, et 1932 pour la France. Qui dit professionnalisme, dit argent, transfert, vedétariat, pub,, corruption, tricherie…Et le football à aucun moment de sa jeune vie, si on compare celle ci à l’histoire du monde n’a été exempt de tout ça. L’anti-jeu a toujours existé, les simulations aussi, et les bagarres sur le terrain étaient parfois apres et rudes surtout par temps de brouillard, et arbitre dépassé. La première affaire de corruption date de la première saison pro en France, les vedettes égocentriques ont toujours été dénoncées par le public et la presse, et les enjeux politico-financiers ont toujours été au coeur de ce jeux. Il suffit de se plonger dans les archives et la presse ancienne pour éviter d’avoir l’illusion que c’était mieux avant. Avant il n’y avait pas la télé puis quand il y a eu la télé, il y avait trois matchs par an diffusés et c’éait une fête, le reste se passait au stade entre passionnés… La seule différence est là. J’irais même plus loin, le football est le jeu qui a suivi pas à pas le développement du capitalisme industriel, et ce qui est dénoncé dans ce texte, est ni plus ni moins la décadence accélérée de cette “civilisation” mortifère fallacieusemnt liée à la démocratie et aux droits de l’homme, à laquelle plus personne ne croit, mais à laquelle nous sommes irrémédiablement attachés, car nous ne connaissons que cela. On nous a raconté toutes sortes de fables dans nos familles , à l’école, on a bien senti que tout cela cachait un immense cauchemar, et un vide spirituel vertigineux, et là on arrive au bout de l’illusion et on fait semblant de se passionner pour Zlatan, pour des championnats que rien ne différencie maintenant du cours de la bourse. On a nos attachements sentimentaux par rapport à des clubs, et on tue l’ennui le week-end devant Bein Sport, on spécule sur les équipes, leur degré de forme, leurs blessés, mais on y croit plus. Et on observe cet immense cirque, on collecte des stats, on disserte sur la toile pendant des jours sur les saillies d’un tel, ou d’un autre. Et on ne voit pas notre monde s’effondrer jour après jour, parce ce qu’on vit dans le foot, n’est que le reflet du monde réel, ou l’incertitude, le jeu et la poésie ont irrémédiablement disparu et laisser place à l’expertise et au risque zéro, et dans lequel des zombies interconnectés brassent de l’air au lieu de s’envoyer des canons au bistrot du coin. Un monde que l’on dit démocratique, mais dans lequel aucun débat politique digne de ce nom n’émerge… ou toute incertitude est traquée et anéantie. Ou plus rien ne doit dépasser, ou la com a remplacé le discours et le dialogue, et les enfants déviants de 8 ans passent la nuit en garde à vue.
Ce n’est pas le foot qui a changé, c’est le monde qui en 20-30 ans est devenu inhumain sans que nous nous en rendions compte, et ceci en Catalogne comme ailleurs.