Making a Murderer : un cauchemar américain, entre Twin Peaks et Fargo


C’était l’autre soir.

L’ambiance dans la maison était studieuse : madame travaillait, le chat pour la deux-cent-cinquantième fois de la journée procédait à sa minutieuse toilette, les voisins jouaient au scrabble, la lune lisait son horoscope et moi, trop fatigué pour lire, je bavardais avec le plafond.

Comme il était trop tôt pour aller se coucher, j’ai convoqué l’ordinateur, j’ai joué deux parties d’échecs (perdues), j’ai consulté la météo du lendemain (pluie), j’ai tapé sur un moteur de recherche ”combien de temps un chat passe à se nettoyer par jour” (beaucoup) ; à court d’idées, désœuvré comme une souris morte, j’ai fini par atterrir sur Netflix que d’ordinaire je ne regarde jamais.

Et là, allez savoir pourquoi, peut-être trônait-il en tête de gondole, peut-être avais-je lu un article à son sujet, peut-être la main de Dieu m’a guidé, mais j’ai cliqué sur Making a Murderer, ce documentaire qui divise l’Amérique, et je me suis retrouvé embarqué dans une histoire impossible, celle de Steven Avery qui, je vous mets en garde de suite, n’entretient aucune parenté avec Tex Avery.

Quoique.

making-murderer-netflix

Donc Steve Avery. 

Arrêté en 1985 pour viol. Passe dix-huit années en prison avant d’être innocenté par une analyse ADN. Sort de geôle. Revit. Se reconstruit. Intente un procès contre la police du comté. Le gagne. Va toucher le gros lot. Quand…

Avant de poursuivre, il me faut ajouter que cette histoire absolument authentique se déroule à Manitowoc, une petite ville de trente mille âmes, perdue au fin fond du Wisconsin, en bordure du Lac Michigan, dans le trou du cul d’une Amérique plus que profonde où l’on se doute que la lecture des œuvres complètes de Faulkner ou de Melville ne soit pas la première des priorités.

Et que dans cette charmante bourgade, les Avery, on ne les aime pas trop.

Ils traînent des gueules pas possibles, ils vivent entre eux comme des hors-la-loi dégénérés, ils s’occupent d’une casse de voitures qui s’étend sur des hectares, juste à la lisière de la ville, ils ont mauvaise réputation, ils dérangent dans le paysage : sont pas comme nous ces gens-là, m’étonnerait point qu’ils forniquent entre eux et sodomisent leurs chiens avec des manches à balai.

Les parents à la tête de la tribu affichent une trombine qui serait celle des Bidochon mais en pire.

2FE34F3500000578-0-image-a-38_1452182964047

C’est pour cela que le Steve Avery, on l’a coffré pour cette histoire de viol.

Parce qu’il avait la tête de l’emploi. Parce qu’un Avery derrière les barreaux, c’est toujours cela de pris. Parce que de toutes les façons, un jour ou l’autre, il aurait mal tourné.

Sauf que le bougre est vraiment innocent.

Et qu’on apprécie moyen que ce trouduc obtienne du tribunal des dommages et intérêts qui pourraient se monter à des millions de dollars.

Aussi, quand peu après une jeune journaliste répondant au nom de Teresa Halbach disparaît et qu’on s’aperçoit que la dernière personne l’ayant vue vivante, c’est, je vous le donne en mille, ce cher Steve, l’occasion est trop belle pour la laisser passer.

Et voilà qu’en trois coups de cuillères à pot, après une enquête rondement menée mais truffée d’approximations, de chausse-trappes, de coups tordus et d’incohérences, on reconduit Steve là d’où il n’aurait jamais dû sortir, à savoir la jolie prison du comté.

Commence alors une bataille judiciaire assez addictive à suivre pour vous donner envie de passer un coup de fil à votre patron afin de le prévenir de ne pas compter sur vous demain, vu que votre chat a attrapé le virus Zika.

Car dans cette affaire, rien n’est clair.

Article%20Lead%20-%20wide1004334565glydjzimage_related_articleLeadwide_729x410_glydid_png1451820093631_jpg-620x349

Comme je suis bonne pomme, je n’en dirai pas plus mais sachez tout de même qu’après avoir regardé l’intégralité du documentaire, à savoir une dizaine d’épisodes d’une heure qui tournent principalement autour du procès de Steve Avery, vous vous surprenez à vous réveiller au milieu de la nuit en vous triturant le cerveau quant à l’innocence ou la culpabilité de ce dernier.


Making a murderer est une virée dans une Amérique crépusculaire et arriérée, à mi-chemin entre Fargo et Twin Peaks, le récit d’une faillite d’un système judiciaire à bout de souffle, mais surtout une plongée radicale dans un monde interlope, peuplé d’individus tragiquement ordinaires, de personnages abominablement humains, capables du meilleur comme du pire, pris au piège de leurs propres contradictions, convoqués au chevet d’une tragédie où se joue le sort d’un homme à la destinée hors du commun.

                                                                                                                                                                                                                         Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

Un commentaire pour “Making a Murderer : un cauchemar américain, entre Twin Peaks et Fargo”

  1. “quant à l’innocence”
    Ça m’étonne de vous.
    En tout cas vous m’avez donné envie de voir la série.

Laissez un commentaire

« »