Claire Chazal, mon amour secret


Lundi, à 16h23, la nouvelle est tombée, drue, nette, implacable, sur tous les téléscripteurs du monde entier : Claire Chazal ne présenterait plus le journal télévisé.

Depuis, comme tous les Français, je suis dévasté.

Décomposé.

Je n’ai plus goût à rien.

Il me suffit de songer à Claire, à ce qu’elle fut, à tous ces moments de bonheur que nous avons partagés ensemble, à nos merveilleux instants de complicité et à nos clins d’œil échangés qui étaient autant de minutes dérobées au temps, pour que monte en moi cette irrépressible envie d’en finir avec la vie puisque, sans elle, sans sa chaleureuse présence, mon existence n’a plus de sens.

Alors, pour me consoler, pour résister à l’appel du vide, comme le poète, je me souviens de ces jours anciens et je pleure.

Ces week-ends que nous passions ensemble, en toutes saisons, sous toutes les latitudes, quand le vendredi soir arrivé, elle venait me retrouver dans l’intimité de mon salon et chuchoter ces nouvelles que je n’écoutais même pas, seulement soucieux de suivre le mouvement de ses lèvres qui m’hypnotisaient comme des chants de sirène.

La blondeur cendrée de ses cheveux, la coquetterie de son regard, la malice de son sourire.

La grâce faite femme.

Elle apparaissait comme froide, hautaine, distante ; elle était seulement timide.

Le monde était trop vaste pour elle.

A force de décortiquer jour après jour la laideur de ce monde, elle en avait fini par concevoir une sorte de dégoût qui ne la quittait jamais.

Alors, parce qu’il faut bien vivre, elle s’étourdissait dans les bras des hommes, en quittait un pour se jeter dans les bras d’un autre, se persuadait d’être amoureuse ; ils finissaient par la quitter, effrayés par l’entièreté de sa passion avec laquelle elle ne transigeait jamais.

Les hommes sont lâches, c’est bien connu.

Moi je la savais.

Je connaissais le moindre de ses secrets.

A force de l’observer, je pouvais dire à la couleur de son chemisier les reflets  de son humeur.

Quand elle interrogeait nos présidents, je me tenais tout près d’elle afin de la rassurer, je pouvais sentir son cœur cogner ; elle, elle ne laissait rien paraître mais moi je savais l’inquiétude qui la ravageait, le tourment de ne point être à la hauteur, la peur de poser une question dont le sens échapperait à son éminent interlocuteur.

Je la couvais du regard, je l’encourageais, je la rassurais.

J’étais son refuge, elle était mon port.

Différente à chacune de ses apparitions, mariant cette élégance innée avec ce charme de l’insolence feutrée, elle n’en demeurait pas moins, malgré le succès, malgré la gloire, malgré l’argent, cette jeune cadette qui avait dû travailler fort pour imposer sa présence à la tête d’un journal télévisé qui jusqu’à alors était la chasse gardée d’ambitieux prêts à tous les renoncements pour asseoir leur autorité en ces lieux où défilent, semaine après semaine, les plus grands de ce monde, Line Renaud en tête.

Claire fut cette femme, la plus belle d’entre toutes, qui prouva que dans ce milieu de chacals, d’hypocrites et de ventriloques, on pouvait prétendre à l’excellence tout en incarnant la simplicité d’être.


Ah, la Claire est triste, hélas !

Et j’ai vu tous ces journaux.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                          Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

3 commentaires pour “Claire Chazal, mon amour secret”

  1. Heu !

  2. Grâces vous soient rendues, ô homme en peine ! En dépit de tous ces hommes « dans les bras » de qui, desquels, enfin quoi, vous me comprenez, ne m’obligez pas à nommer ces douloureux écarts qui eussent pu tiédir votre belle fidélité, mille grâces donc vous soient rendues de ne point fait allusion à la perverse « mulâtresse » dont Charles Baudelaire souffrit tant. Le spleen, la saudade du Verlaine de « Chanson d’automne », le profond et métaphysique ennui du Mallarmé qui « a lu tous les livres » et trouve que « la chair est triste, hélas ! » (« Brise marine ») suffisaient, en effet, à parrainer votre immense peine et le cruel désarroi que vous éprouvâtes le besoin de confier à vos lecteurs.

    Grâces encore vous soient rendues, ô homme en immense peine : vous évitâtes l’acerbe ironie et le noir humour qui parsèment souvent vos billets. Aussi mettra-t-on sur le compte de l’émotion (qui, elle, parcourt sans solution de continuité votre si touchante prose de ce 10 septembre 2015) l’apparition de Line Renaud « en tête », dites-vous, des « plus grands de ce monde » – et non sur celui d’une bouffonnerie qui détonnerait par trop avec l’idolâtrie, fil rouge de cet hommage à Claire Chazal.

    Rassurez-nous ! Nous n’avons pas la berlue, n’est-ce pas ? Une division de neurones ne viennent pas de fuir notre cervelle, n’est-ce pas ?

  3. C’est vrai qu’elle est plus inspirante que sa marionette….

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