Quand je vois mon chat, je vois Dieu


Je ne suis pas croyant.

Enfin je crois que je ne le suis pas.

Si je le suis, c’est à mon corps défendant.

De toutes les façons, je ne suis pas doué pour la métaphysique.

Il me suffit de penser à l’infini pour avoir le tournis.

J’ai constamment à l’esprit cette phrase de Leibnitz, ” Pourquoi il y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ”

Et rien que d’écrire cette formulation, j’ai déjà la tremblote.

C’est terrible de penser trop.

On finit par devenir fou.

Surtout si on ne possède pas – et je suis hélas dans ce cas – une de ces intelligences froides et critiques capables de se lancer dans des raisonnements abstraits et compliqués sans risquer un infarctus du myocarde.

Si bien que concernant Dieu j’hésite encore.

Je n’ai pas tranché la question.

Je réserve ma réponse pour plus tard.

Pourtant s’il existe une chose, une seule, qui serait à même de m’amener à croire en la possibilité d’une puissance supérieure, c’est bien mon chat.

Oui, mon chat.

Je le dis sans détour, quand je vois mon chat, je vois Dieu.

Le contraire n’étant pas (encore) vrai : quand il m’arrive de songer à Dieu, lors d’une rage de dents ou d’un découvert bancaire par exemple, je ne le vois pas affublé de moustaches, occupé à cavaler dans le couloir de mon appartement derrière des souris qui n’existeraient que dans son imagination enflammée.

Non, c’est seulement quand je contemple à la dérobée mon chat que j’en arrive à la conclusion qu’une telle créature aussi mystérieuse que parfaite ne peut être l’accident du hasard.

Ou le fruit de la rencontre entre deux atomes qui s’emmerdaient tant dans l’immensité des espaces infinis qu’ils décidèrent un beau matin de se percuter l’un l’autre pour se changer les idées donnant ainsi naissance à l’univers.

Je le dis tout net : l’idée du Big Bang n’est pas conciliable avec l’existence de mon chat.

Je veux bien admettre, si on me pousse dans mes derniers retranchements, que le grand dadais que je suis puisse avoir comme ancêtre des particules de poussières microscopiques mais pareille hypothèse, aussi séduisante soit-elle, ne peut s’appliquer à mon chat.

En aucun cas.

chat

Il suffit de le regarder un instant pour s’en convaincre : comment peut-on s’accorder avec l’idée d’un accident cosmique débouchant des millions d’années plus tard sur la naissance de la vie et de ses avatars, quand on a devant soi une telle manifestation de la plus parfaite des perfections ?

Comment concevoir qu’une créature aussi aboutie que mon chat puisse être née du néant ou de l’accouplement fortuit entre deux morpions d’atomes?

Comment justifier cette incarnation de l’Absolu par mon chat autrement que par l’émanation d’un Être Supérieur ?

Car tout est perfection chez mon chat.

Même quand il se met à se pourlécher le souvenir de ses testicules, ou à astiquer le pourtour de ce qui lui sert d’appendice rectal, il y met une telle grâce, un tel détaché, une si grande délicatesse, que non seulement on en vient à le jalouser mais que naît en moi la certitude de son ascendance toute divine.

L’élégance qu’il déploie en toutes circonstances , quand il dort, quand il court, quand il grimpe aux rideaux, quand il pourchasse une mouche, quand il engloutit ses croquettes, quand il frise des moustaches, quand il s’alanguit sur un tapis, quand il regarde par la fenêtre, quand il joue avec un macaroni, quand il se suspend au lustre, tout atteste qu’il est un animal métaphysique dépêché sur terre pour nous convaincre qu’un Grand Manitou nous observe, nous note, nous juge et nous attend par-delà notre mort pour nous dire nos quatre vérités.

C’est pour cela que j’ai décidé d’être enterré avec mon chat.

Avec lui à mes côtés, je ne crains rien.

Au moment où Dieu ou l’un de ses troufions d’assistants viendra pousser sa soufflante et me présenter l’addition pour tous les forfaits que j’aurai commis pendant me vie terrestre, je prendrai le fantôme de mon chat et le brandirai haut devant Lui.


Sitôt après, mon chat rentrera au Paradis et, pour avoir composé cet éloge, il me pistonnera pour que je l’accompagne.


La boucle sera alors bouclée.


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3 commentaires pour “Quand je vois mon chat, je vois Dieu”

  1. Merci pour cette chronique ” féline ” !
    Je ressens exactement la même chose que vous , quand je regarde mon Django ,chat Sibérien ( ne voyez aucun snobisme dans le choix d’un chat de race comme on dit , mon fils est allergique aux poils de chat et c’est le seul chat non allergisant ).
    Par contre, je serai incapable d’exprimer ma fascination pour sa grâce en toutes circonstances avec une telle élégance.
    Merci encore.

  2. « Car tout est perfection sur mon chat », écrivez-vous. Sur tout chat, Monsieur ! [Sauf sur les pauvres chats que de furieux barbares /Estropient, éviscèrent, car ils n’ont pas de tares.] Pour le plaisir :

    LES CHATS

    Les amoureux fervents et les savants austères
    Aiment également, dans leur mûre saison,
    Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
    Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

    Amis de la science et de la volupté,
    Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ;
    L’Érèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
    S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

    Ils prennent en songeant les nobles attitudes
    Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
    Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;

    Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques
    Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
    Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

    Charles BAUDELAIRE

  3. “…j’aurai commis pendant me vie terrestre,…”
    Enfin, une faute. Après tant d’années, de recherches avortées, je puis vous dire, aujourd’hui, et cela en face virtuellement, cher grand-frère, que vous avez fait une faute. Mais, au fond de moi, je le sais, par votre chat, vous avez été pressé.

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