Vu que tu n’as pas d’Iphone, pas de compte Twitter, pas de Google Glass, pas de montre connectée à tes couilles pour connaître l’état de tes hémorroïdes en temps réel, pas d’Ipod, pas d’Ipad, pas d’Idées non plus, tu décides que pour une fois tu vas jouer le jeu de la modernité et par un beau matin tu t’en vas t’abonner à Netflix.
Vu les prix affichés, tu te dis que c’est presque dans tes moyens et qu’au pire, tu rogneras sur le budget des croquettes bio du chat pour honorer ton engagement qui désormais te lie avec l’une de ces grandes entreprises américaines qui incarnent paraît-il les plus grandes avancées du monde occidental depuis l’invention de la pizza surgelée.
Vu que tu n’as pas non plus de télé, tu te contenteras de voir les mille et une pépites offertes par ton nouvel ami sur l’écran de ton ordinateur qui s’avère être aussi grand, tu t’en apercevras par la suite, que la largeur du postérieur de ton chat qui, désireux de parfaire sa culture cinématographique, viendra désormais récupérer de sa dure journée en se servant de tes jambes comme un reposoir où asseoir son physique de sphinx.
Tu commences par visionner la dernière saison de House of Cards, celle qui se passe les trois quarts du temps dans l’avion présidentiel, à un tel point que tu passes ton temps à te demander quand donc l’hôtesse de l’air va passer t’offrir ton jus de tomates que tu prends toujours quand tu te retrouves à voyager dans les airs.
Tu regardes deux, trois films que tu avais manqués lors de leur sortie en salles il y a quinze ans, tu dégottes par hasard un documentaire sur Woody Allen amputé de sa seconde partie, tu découvres une série québecoise à laquelle tu ne comprends rien : tu es un homme heureux, tu es fier de toi, tu peux désormais marcher dans la rue la tête haute en éprouvant ce sentiment unique d’appartenir enfin au genre humain.
Au bout de deux semaines, tu as vu ce que tu voulais voir, et la personne en charge de veiller à ton bonheur sur Netflix te propose alors des listes et des listes de films établies en croisant les algorithmes présupposés de tes affinités cinéphiliques, elles-mêmes déduites de la sélection de films que tu as déjà eu l’occasion de visionner.
C’est ainsi qu’un jour tu te retrouves à regarder dans son intégralité un documentaire sur des fourmis monoparentales employées par l’armée américaine pendant la Guerre de Corée, chaudement recommandé par ton responsable de compte, au seul motif qu’un jour de déprime particulièrement prononcé tu t’es laissé aller à voir un film de zombies racontant l’histoire d’une petite ville succombant à une attaque de sauterelles sanguinaires venues de Mars pour coloniser Los Angeles.
D’ailleurs, des films de zombies tu en trouves une ribambelle, tout comme des films de séries Z, des films d’horreur, aussi des films qui ne sont pas des films d’horreur mais qui sont tout de même des horreurs à regarder, des films improbables, des films introuvables ailleurs, des films en pagaille dont tu ne connais ni les acteurs ni le réalisateur ni le maquilleur en chef ni le pays où il a été tourné ni la police de caractère de l’affiche.
Sans parler d’une orgie de séries dont tu n’as jamais entendu parler ni dans cette vie, ni dans ta vie précédente, ni dans ta vie future.
Des séries romantiques, des séries académiques, des séries comiques, des séries véridiques, des séries orthopédiques, des séries horrifiques, des séries honorifiques, des séries dramatiques, des séries historiques, des séries christiques, des séries hystériques, des séries nordiques, des séries politiques, des séries zoologiques, des séries humoristiques, des séries écologiques.
Si bien que désormais tu passes tes soirées toujours sur Netflix, non plus à regarder des films mais à chercher des films que tu pourrais éventuellement voir si jamais, par un extraordinaire concours de circonstances, tu parvenais à en trouver un à même de déclencher chez toi un début de soupçon de commencement d’envie de le voir.
Maintenant tu connais le catalogue presque par cœur.
La souris de ton ordinateur a tellement voyagé sur l’accoudoir de ton canapé qu’elle commence à souffrir de crampes abdominales, tandis que ton chat désespéré par l’inanité des films proposés essaye tous les soirs de se suicider en pratiquant l’auto-strangulation à l’aide de sa queue.
Toi tu ne vas pas très fort non plus, tu as la vue qui baisse, la tension qui monte, ta patience qui s’impatiente, tu t’enfiles des tablettes de chocolat pour tenir le coup, tu regardes d’un air coupable ta bibliothèque où t’attendent des livres qui se languissent d’ennui, tu ne sors plus, tu ne dors plus, tu ne vis plus ; toi et Netflix, c’est à la vie à la mort.
Il t’appelle par ton petit nom, tu lui donnes des doigts d’honneur sitôt que la face de son site apparaît.
Sadique, tu abonnes d’office un ami en profitant des largesses offertes par ta plate-forme préférée.
Il te remercie et te demande il y a quoi à voir ?
A l’heure qu’il est, tu ne lui as toujours pas répondu.
Il le découvrira assez vite.
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Netflix ou Net Flic ? Quoi, vous prouvez que le cogne Netflix peut être berné ? La belle affaire, comme disent (plus brutaux : vous savez, le genre : « C’est nul, ce que vous écrivez ! » Rassurez-vous : ils reviennent vous lire) certains lecteurs vous rudoyant « grave », mais vous aimez, n’est-ce pas ? « La personne en charge de veiller à [votre] bonheur sur Netflix [vous] propose alors des listes et des listes de films établies en croisant les algorithmes présupposés de [vos] affinités cinéphiliques, elles-mêmes déduites de la sélection de films que [vous avez] déjà eu l’occasion de visionner ». Natürlich ! Des espions n’exploitant pas les fruits de leur surveillance seraient remerciés fissa.
En fait, votre Mata Hari [pourquoi n’y aurait-il que des espions ? La parité, que diable !] vous a bien eu. À pseudo-bernée, berné dans les grandes largeurs ! La preuve ? « [Vous connaissez] le catalogue presque par cœur… [Vous avez] la vue qui baisse, la tension qui monte », enfin, la catastrophe. Et l’on vous évitera la cruauté de rappeler ce qui arrive à votre souris (innocente, précisons-le) et à votre chat – qui appelle dangereusement à l’aide (on se rate pas toujours) à coups d’autolyses successives.
En cas de déclin oculaire accéléré, sachez que la ministre de la Culture – toute contrite de ne pouvoir lire suffisamment – vient de passer un accord avec sa collègue de la Santé pour que la Sécurité sociale rembourse intégralement les débours en verres correcteurs des grands lecteurs… Une sacrée aubaine : rendez heureux sans hésiter le peuple de papier qui, sur votre bibliothèque, « se [languit] d’ennui ». Bonnes lectures, de la part de Fleur, de Marisol et moi-même.
Si j’ai bien compris, Netflix est à la vidéo ce que France Loisir est à la littérature ?
ceci n est pas du journalisme mais l avis d un utilisateur decus du produit et qui n a pas sue s en servir.
@ bleuten : vous êtes sur un blog non ?
@baby, des fois j’ai l’impression que les gens ne savent déjà plus ce que veut dire blog…..