Les Frères Karabazov

Minable. Tout est minable dans cette sombre histoire.

Minable d’abord cette possible escroquerie mal ficelée, cette apparente abracadabrantesque tentative de rouler dans la farine la Française des Jeux avec cette arnaque qui sentait le coup foireux à mille lieux. Ce match improbable disputé contre une équipe dont on peine à penser qu’elle existe pour de bon.

Cesson-Sévigné, une ville où il fait sûrement bon vivre mais qui respire une province toute flaubertienne où doivent s’enterrer les rêves de Madame Bovary à la dérive et les illusions perdues de Fréderic Moreau sur le départ.

Minable ensuite- si les faits reprochés ont bien eu lieu – ce simulacre de braquage à distance où l’on joue pour ne pas gagner, où pour des gains somme toute étriqués, on semble être prêt à basculer sans vergogne dans la petite et mesquine délinquance, où l’on n’hésite pas à vendre son honneur, sa réputation, sa fierté pour amasser davantage d’oseille afin de sentir un peu plus à l’aise dans ses largesses. En enrôlant sa petite amie pour jouer à l’entremetteuse. En refilant le tuyau au buraliste du coin de la rue.

Comme des grands nigauds d’une comédie à l’italienne. L’humour en moins. Le pathétique en plus.

A tout prendre, on préfère le sportif qui se dope pour briller dans sa discipline plutôt que cette entourloupe grossière où d’un coup d’un seul on se flingue sur la place publique, on se vautre dans la bassesse d’un comportement de petit bourgeois de province qui complote avec le notaire pour escroquer la vieille folle de l’avenue Jean Jaurès.

Mais minable aussi ces conférences de presse d’un tribun de procureur qui sous la lumière de projecteurs putassiers dit des vérités qui sonnent comme des verdicts. Tranche entre le bien et le mal. Accuse alors même que les prévenus ne sont pas encore passés à table.

Minable ces médias, alléchés par l’odeur de l’honneur perdu de handballeurs encore glorifiés par les mêmes quelques semaines auparavant. Cette mise en récit d’une chute où l’on se délecte à l’infini de détails sordides. Où, sans aucun souci de hiérarchiser les informations et leur importance, on nous sert pendant des jours et des jours cette soupe infâme de ragots rassis, d’anecdotes moisies, de déclarations tronquées.

Dans le seul but d’exciter la foule incrédule mais extatique et rassasier l’appétit d’un public ravi de découvrir que les stars peuvent être des crapules comme les autres.

Minable cette surmédiatisation à outrance pour une virgule de fait divers sordide qui aurait mérité tout juste une brève de quelques lignes. Pitoyable, cette attente devant le tribunal de police comme si on guettait la sortie de l’ennemi public numéro un ou d’un monstre d’assassin.

Minable enfin toute cette théâtralisation forcenée, ce grand barnum de l’information où l’honneur d’un homme, de sa famille, de ses amis est bafoué, jeté aux chiens, vendu aux enchères de la vulgarité crasse et ce, sans aucune mesure avec la gravité somme toute anecdotique des faits reprochés.

Et au final une histoire confondante de bêtise qui nous donne encore plus envie de larguer les amarres et de fuir ce monde gangréné par l’avidité, la cupidité et la publicité.

10 commentaires pour “Les Frères Karabazov”

  1. Alors là, bravo ! Ne serait-ce que le titre.
    Sinon, ” l’ honneur d’ un homme jeté aux chiens” ça serait pas un hommage discret à Tonton, ça, hmmm ?
    Bon je vous laisse , je vais écouter Onnesta de Billy Joël…

  2. Dans le genre magouille, moi je suis autant choquée par les 180 000 euros que Boutin va toucher pour son retrait des présidentielles après avoir passé un accord avec Sarko :
    http://www.lepoint.fr/politique/boutin-va-toucher-180-000-euros-de-l-ump-04-10-2012-1513193_20.php

  3. “Mille lieux” ça fait beaucoup quand même, il me semble qu’ils n’ont parié que dans une quinzaine de lieux de paris maximum…

  4. @Vinnie Onnesta : j’en rigole encore, je sens que ca va me rester longtemps dans la tete.

  5. @ Burt : j’ ai toujours su que vous étiez un connaisseur..:-)

    Bon, maintenant on attend le meeting de soutien des Femen aux compagnes ( j’ adore ce mot, tout le monde l’ utilise maintenant) des handballeurs mises en examen

  6. Cesson c’est peu ou prou le club de Rennes….

  7. Cesson-Sévigné est ni plus ni moins le club de Rennes (Métropole), un peu comme Vitrolles était le club de Marseille dans les années 90.
    Ce n’est pas Manhattan (ni le Texas…), mais ce n’est heureusement pas à déprimer la Bovary non plus.

    Je suis entièrement d’accord sur le fait que cette affaire est minable, mais vous auriez pu peut-être ajouter un “minable” de plus pour les élus locaux qui ont fait venir Karabatic d’Allemagne.
    Cette sordide histoire a en effet mis en lumière que le plus gros contrat et le plus gros salaire du handball français sont largement financés par l’argent public, en l’occurrence par les collectivités locales, dans un souci de “prestige”.
    (http://www.challenges.fr/sport/20121002.CHA1460/nikola-karabatic-une-icone-publicitaire-bientot-dechue.html)
    On peut s’interroger sur l’opportunité d’un tel effort financier et se demander si, dans le contexte actuel, de telles dépenses n’auraient pas été plus utiles ailleurs.
    Dilapider l’argent du contribuable dans des contrats sportifs n’est pas moins minable que le reste de cette histoire.

    Mais il n’empêche que je partage complètement votre conclusion, malheureusement…

  8. J’ai pas suivi, j’avoue (je fuis l’avidité/cupidité/publicité comme une dingue depuis quelques temps, dont les médias-tubes-de-gadoue).

  9. Bien vu, pas mieux. Existe-t-il un sujet, un seul, que les médias savent hiérarchiser et traiter correctement?

  10. ah ben là c’est vrai.
    je suis d’accord avec vous.
    Et puis c’est moins méchant que d’habitude…

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