Balasko plus fort que Ségo

 

J’avoue, hier encore à cette heure-ci, j’hésitais. Aubry ? Hollande ? Hollande ? Aubry ? Rester chez moi ? Une partie de pétanque avec mon chat ? Passer l’aspirateur à cloche-pied, en reculant, de gauche à droite, les yeux bandés ? Allumer un cierge face à l’océan ? Une séance de spiritisme pour demander à Steve Jobs son avis ? Bref, j’étais perdu dans le labyrinthe de mes pensées déboussolées. D’un côté, en regardant le visage émacié et chétif d’Hollande, ce visage autrefois bonhomme et désormais malingre, avec ces traits creusés et cette glotte froufroutante, je me disais, plein de bonté attendrie, va, vote pour lui ne serait-ce que par charité chrétienne, au moins à l’Elysée, on prendra soin de lui, il sera bien nourri, il mangera à sa faim, il retrouvera des couleurs, il n’aura plus ce visage qui ressemble de plus en plus à celui d’un rescapé de Treblinka ou de Koh-lanta, attendant dans un corridor gelé qu’on l’amène à la potence en réclamant qu’on lui apporte enfin son dernier repas.

Et de l’autre côté du miroir, il y avait Martine, remontée comme un coucou suisse carburant au Viagra et au Prozac, pugnace comme un Tyson de la grande époque, mordante comme un Pitt Bull shooté au Pastis, prête à en découdre avec le premier malotru qui oserait la contredire. Alors François, Martine, Martine, François, Maths sup, Maths spé, Ribery, Tiberi, Pantani, Panzani?

Et puis, comme un miracle céleste, hier sur le coup de 17H13, une dépêche estampillée urgentissime est tombée sur mon téléscripteur : Josiane Balasko déclarait qu’elle voterait pour François Hollande. Un cataclysme. Un coup de tonnerre dans un ciel serein. Un Big Bang intellectuel. Le genre de nouvelles qui vous prennent au dépourvu, vous renversent d’émotion et vous transpercent tout net le cervelet.

Au début, bien sûr, comme des millions de mes compatriotes, je ne voulais pas, je ne pouvais pas y croire. Trop beau, trop fort, trop énorme, trop intense. J’ai dû rafraîchir ma page une bonne douzaine de fois avant que l’information ne parvienne véritablement à s’incruster dans mon cerveau débile. Balasko avait enfin pris sa décision et, dans sa bonté infinie, avait consenti à nous la communiquer. J’en aurais chialé d’émotion non retenue.

Soudain, je compris ce qu’avait pu ressentir Moïse sur le mont Sinaï lorsque après sa sieste dominicale, L’Eternel avait daigné lui apparaître. Ce sentiment indescriptible de toucher soudain au sublime, au surnaturel, d’être confronté de plain-pied à quelque chose qui nous dépasse et nous terrifie dans le même mouvement. L’apparition ensorcelée de La Vérité qui vous éclabousse de sa lumière céleste et intemporelle et fait que, tout à coup, on pressent que la donne à changé, que le monde a basculé dans une autre dimension, qu’une nouvelle ère s’offre à nous. Vertigineux.

M’eût-on annoncé que David Beckham allait, in fine, signer à Saint-Etienne et non plus à Paris comme annoncé, que je n’aurais pas été plus remué.

Parce que attention Balasko, c’est du lourd, du très lourd. Ce n’est pas Emmanuelle Béart qui se prend pour la réincarnation de Georges Sand, de la Pompadour et de Madame de Lafayette. Intellectuellement, ça se pose là. Non seulement une grande actrice ayant contribué, d’une manière indubitable, à la renaissance du cinéma français, que dis-je, à la flamboyance de la Culture Française, que dis-je encore, au rayonnement de la Pensée Made In France, une icône indéboulonnable de la dernière vague, une estampe incontournable du classicisme français dans toute sa splendeur retrouvée, une statue du commandeur, mais aussi, mais surtout, une conscience, une vraie, une femme à mi-chemin entre Simone Signoret et Virginia Woolf, mâtinée d’une couche d’Hanna Arendt et de Gertrude Stein. Bien plus qu’une simple actrice mais l’incarnation même du génie français à travers les âges, décliné sous toutes les latitudes.

Depuis, c’est drôle, mais je me sens comme libéré. Je ne doute plus. Je ne me sens plus tiraillé entre François et Martine. Au fond, c’est ça le véritable rôle des intellectuels. Penser à notre place. Nous éclairer quand nous ne parvenons plus à trouver en nous les ressources suffisantes pour discerner le vrai du faux, à différencier l’avoir de l’être, l’essence de l’existence. Des phares qui, dans leur solitude recluse, pensent le monde, l’envisagent sous toutes les coutures, le décortiquent, arrivent à le conceptualiser, à le déchiffrer, puis, en l’espace d’une formule lapidaire, concise, parviennent à nous le résumer d’une telle manière que le temps d’un instant, à notre tour, nous avons l’impression de le saisir dans sa globalité et de l’appréhender d’une manière intelligible. La vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie. Je est un autre. E=MC2. Un coup de dés n’abolira jamais le hasard. Il faut imaginer Sysiphe heureux. L’enfer, c’est les autres. Je voterai François Hollande.

Voilà. Ma décision est donc prise. En conscience, je ne peux pas résister à l’appel de Josiane. Je ne peux pas. Ce serait une trahison des clercs. Une remise en cause de toutes les valeurs auxquelles je crois. Il faut parfois avoir l’humilité de s’effacer devant la puissance d’une pensée qui nous dépasse et à laquelle nous n’avons d’autre choix que d’adhérer les yeux fermés. J’ai confiance. J’attends juste de connaître l’avis d’Ophélie Winter pour trancher définitivement. Si d’ici dimanche, elle ne s’est pas manifestée, alors c’est sûr, je marcherai dans les pas de Josiane. La tête haute et le regard fier.

15 commentaires pour “Balasko plus fort que Ségo”

  1. Enfin un article qui me réconcilie avec la politique… dommage que l’œil bute douloureusement sur des coquilles comme “de plEin pied”…

  2. @zatapac. Désolé mais je maintiens de plain pied s’écrit bien avec un a et non avec un e!

  3. Je ne veux pas mettre le doute en toi, mais j’ai entendu, pas plus tard qu’hier, que l’autre intellectuel de la nouvelle vague, l’homme qui analyse autrement les situations qui semblaient pourtant simples comme le 11 septembre, le dénommé Jean-Marie Bigard, dire qu’il ne donnerait, cette année, aucune consigne de vote…. Je te laisse à tes réflexions.

  4. Faire rimer Treblinka avec Ko-Lantah, c’est brillant. Voir évident… mais je transpire tout d’un coup, j’espère que cela n’a pas été l’origine étymologique officieuse du jeu de TF1…
    Quant à Josy, je ne crois pas qu’elle mérite cette chasse aux sorcières… J’admet que se gausser des relations BHL et Aubry aurait été trop facile, mais Balasko n’est pas la plus encombrante du PAF…

  5. Si Josiane le dit…

  6. la photo avec Clavier, l’intellectuel de droite est-elle totalement innocente

  7. quel esprit retors! Moi qui pensais que vous alliez me villipender en me disant, comme par hasard, on s’attaque encore à une femme

  8. je sais… nous sommes tellement prévisibles;)
    mince moi qui pensais que vous faisiez subtilement allusion à son pendant de droite

  9. ca a tellement l’air de vous faire plaisir qu’on va dire oui mais juste pour vous faire plaisir hein.

  10. c’est gentil mais faut pas, vous allez vous en mordre la kippa (si je peux me permettre) évidemment comme Clavier est plus connu pour son soutien intellectuel que pour tout le reste de son oeuvre, j’ai vraiment pensé que c’était l’autre élément clé de l’article. désolée. je n’insiste pas.

  11. je vous en prie. C’est comme ca que vous parlez du comique préferé des francaises et des francaises! Ah ces intellos de gauche, quel mépris pour le peuple!

  12. comique préféré ? dans la catégorie humour mort alors
    ne reniez pas ce choix pertinent : deux piliers de la comédie à la française qui représentent le clivage droite/gauche

  13. J’ai trouvé la citation du siècle!

    “La beauté de la confiance est la symétrie.”
    Enthoven* (je cite qui je veux!)

    http://www.droitaulogement.org/dal-et-josiane-balasko-recus-chez-benoist-apparu.html
    J’espère que Balasko a placé sa confiance en la bonne personne…

    * : Pas antisémite

  14. Malgré tous les charmes dont peut faire preuve Ophélie je n’ai pas changé d’avis. Pourtant elle a insité mais bon y’a des choix dans la vie qui n’appartiennent qu’a soit.

    http://www.youtube.com/watch?v=vqXETTRZD-U

  15. CUPCAKES POUR CHIENS. MADE IN PET. C’est nul !

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